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Citations de Jacques Chessex (174)


Élégie dans l’hiver


Extrait 1

Dans le bois la dernière image
De l’hiver : ce puzzle violet et orange
Posé sur la montagne entre les portes des arbres
Feu figé, l’incendie le dérange
Celui qui dicte la terreur nue
La terreur vue
À l’unique, à la rouge source

Prudence, vieux morts !
L’orgueil va droit au vrai cœur
Quand la passante, couronne, gloire
Entres ses belles cuisses saigne comme ce soleil expirant
Et je n’ai plus le droit de taire
La chair multiple qui me convoque
Au dernier repas rayonnant
Printemps mythique, printemps de grâce
À vénérer dans sa candeur
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Je me suis réfugié dans Virginia. Dans ses plis chauds, dans sa douceur, sa voix humide. Un refuge ? Avouez plutôt que vous l'avez pervertie, voyous, toi et ton frère. Dites-nous que vous l'avez excitée, que vous l'avez gobée comme un oeuf frais, comme une huître toute ouverte à vos bouches goulues.
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Vous le paierez très cher, Franz Aschenbach. Je vous surveille. Je vous ai surpris par tous les temps, j'ai vu votre barbe tressauter à vos prières et vos filles s'agenouiller devant votre valet. L'estrade de votre grange sue les hosanna et le sperme, Aschenbach et toutes les larmes de vos coupables ne laveront pas ces planches souillées devant le regard de l'Eternel.
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J'aime l'orée. Une des explications de cet attachement très ancien est que l'orée à la fois cache et révèle quelque chose où je dois aller et ne pas aller, qui est le coeur de la forêt toujours immobile et fermé. Mais il n'y a pas que l'orée de la forêt.
Il y l' orée d'un lieu où qu'il soit, pourvu que j'ai à le découvrir sans jamais percer son mystère. Que le secret demeure. Et que de cette obscurité, reconnue même en pleine lumière, naisse une fascination où retrouver mon territoire.
Il y a l'orée du jour, l'orée de la nuit, l'orée d'une femme. Qu'est-ce que l'ombre, derrière la figure lisse ou la surface qui éclaire ? Il suffirait peut-être que j'aille voir, — mais vraiment voir — pour apprendre qu'il n'y a pas d'ombre. Ou pas cette ombre que j'imaginais. Or j'ai besoin de cette ombre-là, rêvée, cent fois caressée à distance, et qu'elle demeure invisible, qu'elle s'épaississe, ajoutant des nouvelles couches à ce que je crois d'elle à mesure que j'avance vers elle au-delà de l'orée qui brille.
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Faire-part

Je vous envoie mon faire-part
Sans cri sans regret ou larmes
Maintenant j'ai la paix pour penser
A mon peu de vertu ou d'armes

Maintenant je tiens peu de place
Juste un invisible espace
Entre mon ancienne vie et moi
Je n'habite même plus un corps
Où voulez-vous que ma voix parle
Si je n'ai plus de tête ou de langue
Et ma cendre est déjà poussière
Dans l'enclos où viendrait l'accord

Maintenant l'air se ferme
Ni aucune chair ni même
la lumière où j'attendais
Le sens d'avant et d'après
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Il n'y a pas d'unité

Il n'y a pas d'unité Dans les choses vues ce matin
La diversité est sable Pire farine au vent
Il n'y a pas de lien A la fin dans la structure
Jeu d'osselets dans mon crâne L'idée fuit la raison
Furet qui s'absente

Puis je me souviens de l’Être Qui demeure dans la place
Parole par feu et glace Si le temps retrouve son flux
L'étonnement sa nécessité La mort a perdu ses dés
Dans l'argument superflu
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Devant la salle d'arrêt maintenant étroitement gardée, la même foule qui assistait goguenarde aux recherches, basses allusions et histoires, insulte à cette heure les prévenus et crie à la plus haute peine.
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Dans le gris de l'aube, ce matin de novembre où je me suis mis au travail comme à l'ordinaire, je regarde la nuit céder sous la barre de feu rose qui sort des montagnes et vient éclairer l'herbe jusqu'à la maison et les arbres.
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La littérature, c'est la guerre. Mon armée, ce sont mes livres.
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"Mon Dieu qu'ai-je fait pour que tu me retires tout ? Je suis enfermé en moi-même, séparé des autres, privé, coupable à cause de Ta Loi que je subis comme un enfant humilié. Est-ce que la barrière tombera ? Est-ce que la douceur me sera donnée, me sera rendue, avant la chute définitive dans l'obscur ?"
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Qui décide pour nous ? Qui triomphe dans la beauté du monde ? Quelle angoisse à boire comme un poison dans la lumière de ce soir ?
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J'aime le simple aéré et qui aère, le simple puits des profondeurs, le simple sous lequel bougent toutes les complexités, le secret le plus opaque, tous les possibles, la fureur, le vertigineux scandale de l'existence et du rien.
J'aime cette phrase de Heidegger : "Le simple préserve l'énigme".
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Est-ce le fait anecdotique de me lever de plus en plus tôt, de détester porter le moindre bagage afin d'avoir le corps libre, est-ce une combinaison de gènes ou l'effet de ma volonté bien alliée, à mon insu et à mon su, à ma paix avec la mort ? "C'est dans la tête", disent les paysans de Ropraz, je sais aussi que c'est dans le corps dont le trop de poids, l'excès de lest, empêchaient le bon mouvement. Impedimentum en latin, le gros bagage qui alourdit la marche de l'armée. Je me dis que je me suis débarrassé de mes impedimenta pour guerroyer et attendre. Pour aller et venir dans mes terres, rôder dans des lieux plus nocturnes, travailler sans hâte, aimer des secrets, me lier plus à peu d'êtres.
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- C'est beau, dit encore le chat. Emplis tes yeux, emplis ta fibre, gave ton âme, Jean Calmet. Un beau matin tu ne seras plus là pour nourrir tes extases de vivant. Tu vois ce bateau, devant Evian ? Regarde ce blanc, ce bâton de nougat sur le vert et le rouge. Et la Savoie, tu la vois ? Bleue et violette, toute la montagne résonne de cascades et de chutes de pierres dans les gouffres. Et ces brumes, du côté du Rhône ? Tu te rappelles les étangs pleins d'œufs, les couleuvres qui zigzaguaient sur les eaux plates où se reflétaient les rayons rouges ? Tu te souviens des milans sur l'embouchure ? Et des alevins dans les bulles ?
- Et toi, chat, dit Jean Calmet, tu te rappelles la figure de ton père ?
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Ô Dieu inique, Dieu absent. Dieu qui nous quitte, nous abandonne selon Son voeu à notre jeu. Dieu capricieux qui nous fabrique et nous rejette à notre destin de poupées vouées à pourrir dans la tombe.
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C'est la chance de la folie d'errer entre sépulcre et ciel, rien n'est impossible à celui qui croit, surtout s'il remet sa folie en Dieu.
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Les saints ne savent pas qu'ils sont saints et ils marchent vers leur apothéose, quoi qu'il advienne ou soit enlevé, dans l'absolue stupeur du Tout.
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Tu dors tête claire,
Ton rêve est la fraîche rivière entre les feuilles,
Ô miroir matinal, buée verte,
Tu viens sous le lierre et le vent
Comme une maison douce pour vivre ...

Le matin penche comme une fougère ,
J'écoute au loin les cascades tomber.
Ton souvenir est une voix légère ,
L'air se partage avec l'éternité. (...)
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C'en était trop. Jean Calmet, furieux, froissa la double feuille craquante, en fit une boule et la jeta vivement dans un coin de la véranda, derrière une colonie de plantes vertes.
- Qu'est-ce qui te prend? dit timidement Mme Calmet. Il y a quelque chose qui t'a blessé?
A quoi bon répondre? Il était humilié de son geste. Il regardait la vieille femme courbée avec colère, il souffrait qu'elle fût sa mère, qu'elle dût mourir, qu'elle fût réduite en cendres elle aussi avant qu'il pût lui dire au moins une partie de ce qui l'écrasait depuis des années. S'était-elle doutée de quelque chose? Avait-elle deviné, dans le fond de son coeur, l'angoisse de son benjamin, ses terreurs, son besoin de tendresse, cette faim qui lui martyrisait l'âme et la fibre? Alors Jean Calmet fit un geste qu'il n'avait jamais accompli, qu'il n'avait même jamais imaginé qu'il ferait : il se leva, il marcha vers sa mère, il la souleva de son fauteuil et il l'étreignit, la pressa contre lui, fluette, osseuse, il serra dans ses bras ce petit être dérisoire qui ne se débattait pas, qui ne réagissait pas, simplement elle se laissait enlacer jusqu'à l'oppression, elle soufflait plus fort, Jean Calmet pensa au halètement de Thérèse sous le couvre-lit d'or. Toi aussi tu a été Ophélie, songeait-il en enlaçant le corps décharné, toi aussi tu as enchanté, bercé, choyé, tu étais Circé, Mélusine, tu étais Morgane, tu étais toutes les fées des contes et maintenant tes os saillent et les rides lacèrent ton visage!
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Un après-midi de fin avril, par temps doux, Jean Calmet suivit un chat sur le sentier du bord du lac. Ce chat lui parla de beaucoup de choses :
- Tu n'as rien compris, dit le chat. Tu es un con, Jean Calmet, un pauvre type qui erre de mal en pis. Je t'aime bien, Jean Calmet, tu es bourré de qualités, mais pourquoi ne cesses-tu pas de faire l'imbécile de jour en jour?
Jean Calmet, à cette heure-là, marchait tranquillement derrière l'oracle, il l'écoutait avec une attention claire.
- Regarde-moi, dit le chat. Est-ce que je me fais du souci? Est-ce que je macère dans le remords ou la tristesse?
- Tu n'as pas de père, dit Jean Calmet, qui chouta un caillou blanc sur le sentier.
- Bernique, dit le chat. Et il dressa sa queue vers le ciel sans nuage, on voyait son anus rose dans ses fesses noires.
Jean Calmet se sentait bien. Tout au long du petit chemin il y avait des haies et des murs tièdes, à droite, et à main gauche le lac qui commençait à rougir sous le crépuscule.
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