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Citations de Jean Hatzfeld (261)


(...) Je me souviens toutefois de la première personne qui m'a regardé, au moment du coup sanglant. Ça c'était grand-chose. Les yeux de celui qu'on tue sont immortels, s'ils vous font face au moment fatal. Ils ont une couleur noire terrible. Ils font plus sensation que les dégoulinements de sang et les râles des victimes, même dans un grand brouhaha de mort. Les yeux du tué, pour le tueur, sont sa calamité s'il les regarde. Ils sont le blâme de celui qu'il tue.

[Génocide rwandais : témoignage d'un des tueurs]
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Son visage blémit à sa troisième tentative, il s'avance sur le plateau les yeux fermés, tête penchée vers le sol, les mains sur les épaules. de son entraineur qui lui ouvre le chemin vers la barre pour qu'elle lui soit dissimulée le plus longtemps. L'entraineur non plus ne regarde pas droit devant, il sait que son protégé panique lorsqu'il doute.
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Je savais que ce camp n'était pas un pays natal, je n'oubliais pas les collines, sans les regretter gravement. Si un enfant trouve un endroit pour manger et dormir en tranquillité, et jouer avec les camarades, son insouciance court plus vite que la nostalgie.
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Berthe : "Autrefois je savais que l'homme pouvait tuer un homme puisqu'il en tuait tout le temps. Maintenant, je sais que même la personne avec qui tu as trempé les mains dans le plat du manger, ou avec qui tu as dormi, il peut te tuer sans gêne. Le plus proche avoisinant peut se montrer le plus terrible. Une mauvaise personne peut te tuer de ses dents, voilà ce que j'ai appris depuis le génocide, et mes yeux ne se posent plus pareil sur la physionomie du monde."
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Lorsque le cortège des tueurs a atteint Rugunga, Isidore Mahandago est sorti de sa cour. Il habitait près de chez moi. En agrippant son bâton de vieux, il s’est avancé sur un groupe de jeunes gens attisés par les coupages, il s’est tenu droit : “Cessez de couper nos avoisinants Tutsis, renoncez à tout ce sang que vous vous apprêtez à verser, il vous reviendra en châtiment.” Ces mots les ont fâchés. Un nommé Samaritain a levé sa hache, il l’a abattu.
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Partir loin pour oublier tout ça ? Est-ce que j'y pense ? Non, si on naît dans un pays, il faut supporter son passé. Toutefois, ici, la solitude me piège. Etre cultivateur, ça pousse à l'éloignement, être fils de prisonnier, ça pousse encore à plus d'éloignement. Je m'ennuie, je peine. Je trébuche et vois mon existence un peu gâchée. Au fond, je ne me réveille pas tranquille.
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Quand un peuple s'est vu exterminé une fois, il ne se dit plus hors de danger. Des fauteurs ont rapporté de Rilima une méchanceté comparable à celles qu'ils emportaient à leur entrée. Vigilance, n'écoutons pas ceux qui prétendent la page tournée. On ne compte pas les anciens tueurs qui feintent. L'humain ne se débarrasse jamais d'une existence animale passée.
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"Je crois que le génocide ne s'est jamais éloigné de mes oreilles d'enfant. J'ai toujours vécu avec ce brouhaha. Dès l'âge de cinq ans, peut-être avant, je savais que des gens avaient été malmenés dans une terribles situation. Mais c'était des paroles qui volaient sans se poser. Si des connaissances de passage en causaient, si les parents l'évoquaient, je les voyait très bousculés. C'était tremblant, je m'éloignais. Ces paroles effrayaient trop pour que je tente de les imaginer. Elle me repoussaient. Je refusais d'écouter en cachette comme on aime écouter les intimités de ses parents."
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On n'était pas seulement devenus des criminels ; on était devenus une espèce féroce dans un monde barbare
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Il arrive qu 'on se demande pour la millième fois comment des tueries ont pu se poursuivre cinq semaines durant, dans un paysage aussi exposé, offert à la vue depuis toutes les collines et les montagnes environnantes, ou visibles du ciel par avion ou hélicoptère, sans qu'aucune armée onusienne, burundaise ou française ne tire un obus pour les interrompre.
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Au Liban, j'avais compris que de tueries en destructions la guerre échappait peu à peu à la logique politique et au bon sens populaire. Plus tard la folie rwandaise va illustrer plus spectaculairement cette constatation. Au-delà d'un degré de violence, la guerre vit dans une sorte d'autarcie mentale.
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Lorsqu'on a brûlé vifs des enfants, devant l'église de Nyamata, qu'on a organisé des chasses aux vieillards dans les bois et qu'on a étripé les bébés des filles enceintes dans les marais, on ne peut pas prétendre qu'on a oublié comment on a pu faire ça, ni qu'on a été obligé de le faire.

Témoignage de Innocent Rwililiza, 38 ans, enseignant
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Aller sur le chemin de l'école, ce pouvait être inquiétant.
C'était honteux de se montrer un peu près pour un petit enfant de prisonnier (...)
On esquivait des cailloux en même temps que des insultes.
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La danse me régale plus que tout.
J'adore danser au milieu d'amis.
Je m'oublie jusqu'au rire.
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Mais je n'ai jamais passé mes vacances chez les parents de mes parents. Ils ont été coupés à la machette, tous, ils me manquent considérablement. C'est souvent que je pleure leur disparition car ils ne sont pas là pour m'épauler. Je sais mon enfance un peu gâchée par leur absence. Oui, ça me bouscule bien que je ne les aie pas connus.
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Alphonse : Des fauteurs racontent que nous étions transformés en bêtes sauvages. Qu'on était aveuglés par la férocité. Qu'on avait enfoui notre civilisation sous des branchages ; raison pour laquelle il nous est impossible de trouver des mots concordants pour en parle convenablement.
Voilà une blague pour égarer la vérité. Je peux dire ceci : en dehors des marais, notre vie se présentait très ordinaire. On chantonnait sur le sentier, on buvait des Primus ou de l'urwagwa, c'était au choix de l'abondance. On conversait de notre bonne fortune, on savonnait nos salissures de sang dans la cuvette, on se réjouissait les narines devant les marmites. On se réjouissait de la nouvelle vie qui allait commencer en mâchonnant des cuisseaux de vache. On se chauffait la nuit sur nos épouses et on sermonnait les enfants turbulents. Même si on ne contentait pas d'attendrissements comme auparavant, on était friands de bons sentiments.
C'étaient des jours très ressemblants comme je vous l'ai dit. On endossait les vêtements des champs. On s'échangeait des racontars au cabaret, on pariait sur nos tués, on s'envoyait des blagues sur des filles coupées, on se chamaillait devant des bagatelles de grains. On aiguisait les outils sur les pierres ponceuses. On s'échangeait des tricheries, on rigolait des "merci" des chassés ; on dénombrait et on abritait nos biens.
On multipliait toutes sortes d'occupations humaines sans anicroches, à condition de s'adonner aux tueries dans la journée, évidemment.
A la fin de cette saison des marais, on était trop déçus d'avoir raté. On était découragés de ce qu'on allait perdre, on était très apeurés de la mauvaise fortune et la vengeance qui nous tendaient les bras. Mais au fond, on n'était fatigués de rien.
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Arrivées dans les marécages, les mamans allaient cacher loin dans les papyrus les tout-petits. C'était à elle de les couvrir de feuilles et de boue et de leur distribuer des recommandations. Il leur fallait changer d'endroit chaque matin pour ruser, surtout si les pieds avaient laissé des empreintes dans la boue séchée. Nous, nous factions les enfants qui n'avaient plus de parents. Moi ,j'évitais de me cacher près d'eux. C'était trop risquant. Ils pouvaient pleurer à tout moment à cause de la vase. Je me tenais à l'écart, je cherchais des cachettes solitaires.
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Je ne sais combien de générations s'useront avant que des jeunes tutsis et hutus puissent rire en amitié sincère. Je veux dire, sans crainte d'une gêne soudaine.
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Si, en ce fatal mois d'avril, les avoisinants avaient pensé avec sincérité que l'homme est à l'image de Dieu, ils n'auraient pas brandi les machettes. Aujourd'hui, on n'aspire pas à l'oubli. J'ignore à quoi on peut aspirer. L'influence du passé ne va pas s'user. Couper des avoisinants comme des animaux, c'est grand-chose. Pendant des générations on va le raconter et le détailler, parce ce que c'est une histoire surnaturelle.
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Au fond, pour cette première fois, j'ai été très surpris par la vitesse de la mort, et aussi par la mollesse du coup, si je puis dire. Je n'avais encore jamais donné la mort, je ne l'avais jamais envisagé, je ne l'avais jamais essayé sur un animal à sang. [...]
Par après on s'est familiarisé à tuer sans autant tergiverser
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