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EAN : 9782070145331
112 pages
Gallimard (27/03/2014)
3.97/5   51 notes
Résumé :
"Un matin, j'étais avec Alexis. Nous avons dissimulé deux enfants sous les feuillages et nous avons cherché notre trou de vase. Les tueurs sont venus en chantant. Ils se sont approchés tout près, j'ai senti leur odeur. J'ai chuchoté à Alexis : "Cette fois, nous sommes bientôt morts." Il m'a répondu : "Ne bouge pas, je vais les feinter."
Il a hurlé le rire de la hyène. C'était très bien imité. Ils ont reculé de peur de la morsure. Mais en s'écartant de leur ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (19) Voir plus Ajouter une critique
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J'ai trouvé le nom de Jean Hatzfeld, que je ne connaissais pas, parmi les auteurs que propose le Challenge solidaire 2022. En passant, merci à Babelio pour sa générosité et à @Gwen21 qui gère ce défi et plusieurs autres ! Englebert des collines est porté par trois voix à la première personne : une mise en situation, 6 pages en italique en forme de prologue, où l'auteur explique comment il a rencontré Englebert et ce qui l'a intéressé dans ce personnage ; le récit d'Englebert qui occupe la plus grande partie de ce bref livre d'à peine plus de 100 pages, et où de temps en temps, apparaît une adresse à un « tu » ; enchâssé dans le récit d'Englebert, on trouve celui de Marie-Louise Kagoyire, sa logeuse et amie (5 pages en italique) où elle apporte sa vision du personnage. On découvre à la fin une photo d'Englebert, un bref glossaire et des repères chronologiques.
***
Englebert raconte donc à la première personne son histoire et celle des Rwandais qui ont subi les exactions que l'on sait. C'est un Tutsi qui a survécu aux massacres. Il explique la brutalité des attaques des « coupeurs », leur violence, la perte de repères, la peur, la faim, l'obligation de se cacher pour survivre, etc. Mais il parle aussi de la vie d'avant : toute la fratrie se distingue par sa vivacité et son intelligence. Les enfants feront des études supérieures et occuperont des postes importants, mais subiront des brimades régulières, même en temps de paix, parce qu'ils appartiennent à l'ethnie des Tustis. Et puis le massacre… La vie d'après, pour Englebert, elle est faite d'errances, de lectures, de conversations, d'amitiés éphémères et d'alcool, de beaucoup d'alcool. Englebert buvait avant, mais de manière festive, alors que, après le massacre de sa famille et les horreurs qu'il a vues, il cherche l'oubli et boit jusqu'à l'inconscience.
***
C'est en reprenant les particularités du français tel que le parle Englebert que Jean Hatzfeld relate la terrible vie de ce personnage érudit, bavard, s'appliquant à ne pas montrer ses traumatismes et cherchant le plus souvent à amuser la galerie. Un homme sympathique et touchant, mais j'avoue que j'ai eu du mal à m'immerger dans le récit, sans doute parce que, malgré sa brièveté, j'y ai trouvé des redites. C'est cependant un excellent aperçu, de l'intérieur, des événements qui se sont déroulés au Rwanda. Je le conseille sans hésiter à qui voudrait se renseigner sur le sujet et je recommande de lire les repères chronologiques avant le récit.

Challenge solidaire 2022
Challenge non-fiction Tout connaître 2022
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« Parfois en soirée, on se balade dans la grande rue à la découverte de ses antres urwagwa*. Quand on se sent un peu accablé par l'histoire des tueries qui hantent la région, Englebert est de ceux dont on apprécie l'humeur lunatique, les colères, la roublardise, les fulgurances joyeuses ou désespérées ».
*Bière de banane .

Jean Hatzfeld nous livre un témoignage de plus d'une victime du génocide tutsi au Rwanda en 1994. Témoignage nécessaire comme le sont ceux de ceux qui ont vécu l'impensable, l'horreur, la terreur due à l'homme. Plus jamais ça entend on régulièrement et puis à la messe du 20h entre les résultats du foot et les croisières de luxe, on nous met deux trois secondes de guerres et de massacres. On s'habitue, c'est banal, pire on s'en fout, dans un quart d'heure on sera absorbé par une débilité de plus sur TF1.

Jean Hatzfeld ne fait pas une enquête, il ne juge pas, il ne cherche pas à comprendre, il donne la parole à Englebert, fils d'agri-éleveur et victime en 1994 de la « purification » ethnique :
« Surtout, il aimait beaucoup ces deux activités, l'agriculture et l'élevage. On l'a même honoré. C'est l'ingénieur agronome de la commune de Kanzenze, un dénommé Martin, le prisonnier que tu as rencontré l'autre jour au pénitencier de Rilima, qui lui a décerné un diplôme au nom du ministère de l'Agriculture. Oui, oui, un certificat d'agri-éleveur exemplaire. Ils l'ont récompensé avec une brouette, une pioche et un jerrican, je crois. Pour que les autres cultivateurs suivent l'exemple »

Avez-vous remarqué que souvent les Africains maltraitent beaucoup moins le français que nous ? Ils utilisent les mots qu'il faut sans artifices, ils en ressuscitent d'autres . Ils font vivre la langue, ils la font chanter, ils la respectent. C'est avec cette fraîcheur de l'Afrique francophone qu'Englebert raconte son parcours à Jean Hatzfeld.

De l'insouciance de l'enfance et de l'adolescence :
« Evidemment, pendant les vacances l'agriculture nous tendait les bras. On puisait l'eau, on gardait les vaches, on semait les graines. On secondait la maman pour ramasser les haricots. On jouait à se poursuivre jusqu'à Kanazi, on se faisait des intimités avec les filles dans les brousses, on revenait boueux à six heures et on était grondés. C'était comme partout ».

Et puis très vite, dès 1963, les premiers massacres de Tutsis, dix ans plus tard en 1973 nouveaux bains de sang. Englebert ne s'étend pas sur ces périodes. Il préfère se souvenir de ses études brillantes, de la fierté d'avoir un travail, de sa famille, de la vie.
Le génocide de 1994, il va en parler à Jean Hatzfeld. Il va en parler pudiquement, sans détails morbides, juste des faits à l'état brut sans pathos.
« Ma mémoire se maintient fidèle. Je n'oublie presque rien. Est-ce que je pourrais citer les noms de mes professeurs depuis le cycle primaire et oublier les cris des femmes qu'ils éventraient à la lame pour leur arracher les bébés ? Je ne sais pas si les années gomment les souvenirs de certains rescapés, mais moi, je peux te raconter les tueries à Nyiramatuntu, étape par étape. Est-ce que ma mémoire trie les souvenirs ? Comment trier ? Ma mémoire ne trie rien sans que je ne le lui demande et je ne lui demande rien. Ca ne signifie pas qu'elle me rappelle le génocide tout le temps. Je fais aussi d'autres rêves pendant la nuit ; dans la journée je me préoccupe d'autre chose. Mais je ne cède au temps aucun détail, en tout cas pas tellement ».


Les mots me manquent pour ce billet…
Hier, avant-hier, aujourd'hui… la haine est tenace chez l'Homme. La barbarie est sans limite.
A l'heure où certains s'offusquent qu'on puisse parler de « crime contre l'humanité » à propos de la colonisation, il serait bon de se rendre enfin compte que quelque soit la discrimination, elle engendre la haine et ses conséquences.
800000 morts en 1994 au Rwanda ou un seul lynché parce qu'il n'a pas la « bonne couleur » la « bonne opinion politique » la « bonne religion » la «bonne orientation sexuelle » la « bonne tant de choses », c'est la même chose, il n'y a pas de hiérarchie dans l'innommable.
Hier, avant-hier, aujourd'hui… demain ?
Ailleurs… ici ?
Plus jamais ça.
Rêveur.
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Englebert est un personnage marginal, drôle, fantasque, alcoolique, bavard, hélant les passants, érudit mais perdu, errant dans la ville de Nyamata, en haillons, à travers les bars.........
Ce survivant du génocide avait tout pour réussir, comme ses frères et soeurs.........
Ils eurent la malchance de naître Tutsis au Rwanda et "la fatalité" comme l'appelle Englebert les rattrape.
Les Hutus lui ont tout pris, ses amis, sa famille, les tôles de sa maison, ses vaches.........
Il a connu les trous de boue pendant quatre semaines, la vision et l'obsession des machettes, la crasse, les poux, le sang, les croûtes , la terreur, la faim, la proximité des cadavres pourrissants.......
Humilié, paniqué, fantôme boueux, "On ne pensait plus, on n'était même plus de bons sauvages", "C'était notre existence d'animaux pouilleux dans les marais."
Englebert dont on appréciera l'humeur lunatique, les colères, la roublardise, les fulgurances joyeuses ou Désespérées s'adonnait à la lecture de l'Iliade d'Homere son livre de chevet.
D'aucuns le compareront à un philosophe en déshérence, à un sage en état de choc, en proie aux cauchemars et aux tourments de la Mémoire.

Le genocide avait transformé sa psychologie de façon qu'il ne pouvait plus résister à la boisson.
Fils de cultivateurs éclairés qui lisait les pensées de Pascal, récitait Platon, Homere,Baudelaire
Et les théorèmes trigonométriques Englebert était promis à un avenir brillant........
Vingt ans aprés le génocide, Jean Hatzfeld dont il est devenu l'ami nous brosse sa biographie et la genèse du genocide de1959 à nos jours.
Un récit net, court , tranchant, atroce, brillant et magnifique jetant une lumière crue sur la Folie des Hommes .
Pas facile mais lu d'une traite !
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Ce livre est pour moi une très belle découverte dans le cadre du challenge Solidaire. Jean Hatzfeld nous dresse le remarquable portrait d'un rescapé du génocide rwandais. Englebert a mille vies, c'est un résilient, mais il n'a plus de futur ou tout au moins d'espoir, il vit dans le présent, se satisfait de peu, marche et boit beaucoup (il buvait déjà beaucoup avant) et parle, beaucoup.Il a l'allure d'un vagabond, cite l'Iliade, descend peut-être d'un ancien roi du Rwanda, il est ancien élève brillant (n'a pu faire les études qu'il voulait en raison de son ethnie), ancien fonctionnaire (licencié probablement à cause de l'alcool), ancien cultivateur-éleveur jusqu'en 94, un peu écrivain public pour l'heure, .... le récit d'Englebert est précédé d'une courte présentation par l'auteur, et entrecoupé du point de vue d'autres personnages de la petite bourgade de Nyamata. Englebert est un interlocuteur apprécié, agréable, plein de vie et de bagou malgré son passé. Par ce livre on n'apprend rien de plus sur le génocide lui-même, mais beaucoup sur ce que fait la folie des hommes. « le génocide m'a fait solitaire intérieurement, comme je l'ai dit. Voilà pourquoi dorénavant, j'évite les complications. Je vais, je laisse. Ceux qui m'aiment, ils sont le grand nombre, je les aime aussi. Ceux qui ne m'aiment pas, tant pis, je ne veux même pas les rencontrer. » Englebert, c'est ce que l'on appelle, hors littérature, un personnage ! Et Jean Hatzfeld a très bien réussi à nous faire partager son ressenti en se mettant en retrait et en trouvant le ton juste dans un récit à la fois atroce et superbe.
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Jean Hatzfeld est un journaliste connu pour ses reportages de guerre pleins de tension, qu'il s'agisse du Rwanda ou des Balkans.

Avec Englebert des collines, il revient sur les atrocités commises par les Hutus sur les Tutsis pendant le printemps 1994. Englebert est un survivant des collines de Nyamata où les bourreaux passaient leurs journées à pourchasser les fugitifs pour les massacrer à coups de machette. Pour s'en retourner le soir et célébrer un bon repas entre "collègues", comme après une bonne journée de travail.

Depuis la fin du génocide, Englebert erre dans les rues de Nyamata, vêtu de loques et s'adonnant dès que possible à la boisson. Une amitié se tisse peu à peu avec le journaliste français et il se met à raconter ces quelques semaines où chaque heure pouvait être la dernière. Il raconte les marais où il se cache et s'efforce de masquer au mieux la présence des enfants. Il raconte comment il mit en déroute des Hutus qui s'approchaient en imitant une hyène... Soulagement de les voir s'éloigner mais terrible épreuve de les voir pour le coup tomber sur un groupe de femmes et les tuer.
Derrière le personnage fantasque et souvent ivre, on découvre les cicatrices mentales qui ne peuvent définitivement se refermer. Trop d'horreur, trop de peur, trop de pertes. Pertes de membres de sa famille, de sa terre, de son troupeau, de tout.

Englebert des Collines est un ouvrage très dur à lire tant les souvenirs du survivant sont atroces. Il livre son témoignage du génocide et, comme pour la Shoah ou d'autres massacres, il est toujours difficile de comprendre pourquoi d'un jour à l'autre certains décident de tuer son voisin, parfois même sa femme en cas de mariage intertribal, parce qu'il est Tutsis, parce qu'il est juif, parce qu'il est considéré comme autre. Toujours le principe du nous contre eux. On pourrait espérer que l'humanité s'améliore et tire des leçons du passé. Force est de constater que non.
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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
04 juillet 2014
Jean Hatzfeld raconte le poignant récit d’Englebert, rescapé du génocide.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
25 avril 2014
Jean Hatzfeld est retourné au Rwanda. Il en a rapporté un bref chef-d'oeuvre: "Englebert des collines".
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je me suis rendu à des procès gaçaça* parce que la plupart des gens qu’on y amenait, je les connaissais. Il y avait ceux qui avaient pris la machette et qui avaient été relâchés, et ceux qui n’avaient pas été relâchés et ceux qui n’avaient pas été emprisonnés un seul jour bien qu’ils aient coupé à s’en casser les bras. Ceux qui avaient saisi la machette sans toutefois couper. Est-ce qu’on pouvait se tromper ? Je voulais entendre comment ils pouvaient se défendre.

*Gaçaça signifie « herbe douce », comme celle où s’assoient ces tribunaux populaires sous les arbres. Inspirés d’une tradition ancestrale, ils furent créés pour suppléer à un appareil judiciaire trop affaibli par le génocide pour pouvoir en assumer la criminalité.
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Arrivées dans les marécages, les mamans allaient cacher loin dans les papyrus les tout-petits. C'était à elle de les couvrir de feuilles et de boue et de leur distribuer des recommandations. Il leur fallait changer d'endroit chaque matin pour ruser, surtout si les pieds avaient laissé des empreintes dans la boue séchée. Nous, nous factions les enfants qui n'avaient plus de parents. Moi ,j'évitais de me cacher près d'eux. C'était trop risquant. Ils pouvaient pleurer à tout moment à cause de la vase. Je me tenais à l'écart, je cherchais des cachettes solitaires.
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16 avril. Début des chasses organisées dans les marais et les forêts, ou se sont réfugiés les Tutsis.
14 mai. Arrivée sur les collines du FPR qui va chercher les survivants dans les marais. Cinquante mille cadavres sur une population tutsie de cinquante-neuf mille jonchent les églises, les marais et les forêts.
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"Jamais on ne se querellait. ........On ne discutait de rien.Discuter de quoi?De haine des autres? On était trop bousculés pour s'y intéresser.De la mort?
On se préparait à être tués le lendemain.........On s'attendait tout le temps à mourir , on ne trouvait
Rien à ajouter. "
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Autrefois, je racontais des blagusdu matin au soir. Mais le temps passe, des choses se sont passées qui m'ont prélevé de la gaieté. Ce n'est plus aussi naturel qu'auparavant. Mais j'aime les gens qui me parlent bien. ils sourient, je souris. Ils me montrent qu'ils sont gentils ; dans mon for intérieur, ça me donne de la joie.
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Videos de Jean Hatzfeld (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Hatzfeld
Jean Hatzfeld vous présente son ouvrage "Tu la retrouveras" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire 2023
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2880501/jean-hatzfeld-tu-la-retrouveras Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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