AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jean Hatzfeld (260)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Tu la retrouveras

Pendant de nombreuses pages on a l'impression de lire un conte animalier :

1944 Budapest : l'armée allemande est en déroute sous les coups de l'Armée rouge. Deux petites filles, Izeta la Tzigane d'origine moldave et Sheindel la Juive bosniaque se réfugient dans l'enceinte du zoo parmi les animaux. Elles se lient d'amitié et prennent soin des animaux qu'elles libéreront peu à peu. S'entraidant les uns les autres, ces animaux et ces enfants semblent avoir le seul comportement « civilisé » dans la fureur du monde orchestrée par les humains. La fin de la guerre les séparera. Izeta et Sheindel se retrouveront-elles ? Et ce d'autant plus que la folie humaine se déclenchera de nouveau dans les Balkans cinquante ans plus tard.

Le portrait de ces animaux si humains est particulièrement réussi ainsi que la description de leurs rapports avec les deux jeunes filles. On sent le respect et l'amour que l'auteur leur porte.

De même les lignes consacrées aux cultures tziganes et juives dans ces pays sont passionnantes.

Voilà un texte empreint d'une grande beauté et profondément humain.
Commenter  J’apprécie          160
Englebert des collines

Je poursuis ce récit Rwandais, cette fois ci en l'écoute d'Englebert Munyambowa, petit « prince » de Nyamata.

Il se dit descendant d'un Mwami, Yuhi Mazimpaha, roi tutsi aussi généreux que fou alcoolique, conteur émérite et donc aimé de ses sujets pour cela.

La causerie sur les différentes vies d'Englebert parcourt le fil tenu qui le fait avancer vers l'âge sage où il dit toujours s'étonner de la vie.

Sa jeunesse dans une famille de cultivateurs et d'éleveurs. Leurs vaches, leur parcelle.

, puis l'hébergement coutumier chez sa grand-mère.

Sa scolarité exemplaire, lui, ses frères et sa soeur mais les désillusions aux premiers pogroms. Des études de médecine avortées en raison de l'établissement de quotas ethniques. Son secondaire à Douala au Cameroun.

Vint le génocide, les courses folles dans les marigots, les caches et les choix individuels pris pour ne pas mourir. Survivre jour après jour, caché en journée, comptant les morts le soir avec les rescapés, jusqu'au lendemain.

La boisson l'accompagne depuis le génocide, quotidienne. Des tentatives pour travailler à Kigali mais un retour à la parcelle familiale où il continue de survivre, vingt ans après. Il se fait héberger chez Marie-louise qui s'occupe d'un orphelinat depuis les tueries.

Lettré, il s'improvise écrivain public, gagne par sympathie ou aumône de quoi épancher par la boisson ses reviviscences post-traumatiques. Déambulant sur les lieux où il a connu bonheurs et horreurs, ses proches disparus le rattrapent en rêves. Pas de colère pour cet homme mais des rencontres pour discuter de choses profondes ou futiles.

Récit entre passé, présent et incertitudes quant au futur. Fausse légèreté du survivant qui semble fuir perpétuellement le besoin d'être consistant.

Encore merci à Jean Hatzfeld qui au décours de ses nombreux récits donne corps et âmes à tous ces individus fauchés par une folle puissance collective.

Commenter  J’apprécie          167
Robert Mitchum ne revient pas

Je me suis profondément ennuyée pendant la lecture de ce livre à l'écriture très journalistique, réaliste à la limite du vulgaire ("elle se rendit à l'ancien terminus où l'on trouvait les meilleures pâtisseries orientales, dont Vahidin s'empiffrait au retour des compétitions.") et je me suis bien demandée ce que ce livre faisait dans la maison Gallimard. Mi roman, mi-roman d'action, mi-compte-rendu d'évènements passés, ce livre se lit heureusement assez vite, voire en diagonale, tellement les descriptions sont répétitives et donnent l'impression de tourner en rond. Cette histoire de deux jeunes athlètes amoureux issus de camps ennemis aurait pu avoir un petit côté "Roméo et Juliette" si le style avait été meilleur. J'avais beaucoup aimé "la stratégie des antilopes", du même auteur, mais là franchement je n'ai pas accroché. Même si l'atmosphère du pays en guerre est bien rendue, les dialogues impersonnels et d'une grande banalité finissent par décourager et les personnages deviennent fantomatiques à force d'être effleurés. Il n'y a ni suspens, ni rythme intensif qui maintienne l'attention et en fait de témoignage, cela reste assez basique. J'ai poussé un soupir de satisfaction à la fin de chaque chapitre et fut victime d'un vrai courant d'air à la fin du livre, en le refermant.

Commenter  J’apprécie          163
Dans le nu de la vie

C'est une lecture indispensable pour qui veut commencer à chercher à comprendre ce qu'il s'est passé au Rwanda en 1994. Je dis bien "commencer à chercher" car ce génocide semble échapper à tout raisonnement logique. Du jour au lendemain, les voisins avec qui vous buvez l'apéro ou discutez quotidiennement attrapent une machette et cherchent à vous "découper". J'ai été marquée par la beauté de la langue, la poésie et la grande sagesse qui émane de tous ces récits. Aucune colère ou rancune ne transparaît. Juste de la résignation. Par contre, même si c'est très intéressant, émouvant et beau, j'ai été obligée de faire des pauses et j'ai dû arrêter de le lire avant de m'endormir. Je suis vraiment très admirative de la démarche de Jean Hatzfeld et je suis pleine d'appréhension à l'idée de poursuivre avec "une saison de machettes" qui m'attend dans ma PAL.

Commenter  J’apprécie          153
Là où tout se tait

L’intérêt historique que porte l’auteur au génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda en 1994 est ici abordé par les témoignages poignants de Rwandais qui, au péril de leur vie ont sauvé des Tutsis dans des conditions particulièrement difficiles. La force évocatrice de ces récits tient surtout au fait qu’ils ont été transcrits tels qu’ils ont été racontés, avec les mots, les hésitations, les répétitions et souvent les points de vue des sauveurs et des sauvés. Cela rend parfois la lecture un peu difficile car le lecteur doit s’imprégner de vocabulaire et de tournures de phrases qui ne lui sont pas familiers, mais cela rend l’ensemble authentique et fort. Bel hommage à des justes qu’il fallu débusquer à force de patience et de persuasion, mais qui le méritaient bien.
Commenter  J’apprécie          150
Dans le nu de la vie

Dès l'introduction, vous comprenez que vous ne sortirez pas indemne de cette lecture.



Les Hutus n'avaient qu'un seul but : exterminer l'ensemble des Tutsis.

Ils y sont presque parvenus puisque plus de 5 Tutsis sur 6 ont été tués.

Jean Hatzfeld donne la parole à 14 Tutsis qui ont survécus au génocide rwandais.



Dans chaque témoignage, c'est la même incompréhension : pourquoi les Hutus ont-ils commis de telles atrocités ? Ils étaient voisins, ils travaillaient ensemble, n'étaient pas plus riches ou plus heureux mais pourtant le massacre s'est produit.



Les Hutus ont voulu décimer une population entière, ils ont voulu humilier les Tutsis, leur retirer tout ce qui comptait pour eux et surtout les faire souffrir. Ils ont tué toutes leurs vaches, animaux sacrés et représentant une grande fierté pour eux, ils ont pillé leurs maisons, ils ont violé les femmes et ont préféré les découper à la machette bout après bout pour les voir agoniser.



Tout cela dans l'indifférence la plus totale, personne n'est venu en aide à ce peuple, tout le monde a fermé les yeux sur ce massacre prémédité.



Mais comment se reconstruire avec toutes ces images inhumaines ancrées à jamais ?

Comment continuer à vivre après avoir perdu toute sa famille et en cohabitant avec les Hutus ?



Certains se sont réfugiés dans la religion pour affronter la vie, d'autres ne préfèrent pas en parler et recommencer tout à zéro. D'autres encore ressassent constamment leurs souvenirs, n'arrivent pas à avancer et n'ont plus aucun espoir.



Ces témoignages m'ont bouleversée, tant de vies brisées, d'avenirs volés, d'orphelins laissés et pourquoi ?

Commenter  J’apprécie          153
La stratégie des antilopes

« La stratégie des antilopes » est le troisième livre de Jean Hatzfeld consacré au génocide au Rwanda en 1994 et qui prend la suite des deux précédents, « Dans le nu de la vie » et « Une saison de machettes ». Si le premier était consacré au recueil des témoignages des rescapés et le second à ceux des tueurs hutus, ce dernier ouvrage revient, quelques années plus tard, vers tous les personnages des deux précédents tomes, hantés par le souvenir des fantômes qui les entourent désormais.



En janvier 2003, un communiqué officiel inattendu du président rwandais annonce à la radio la libération d'une première vague de 40 000 détenus, tous des grands tueurs condamnés pour génocide, dans six pénitenciers du pays. C'est suite à cette décision que le journaliste retrouve sur les collines entourant Nyamata la bande de Hutus qui a participé à « Une saison de machettes », au côté des rescapés tutsis qu'il avait interrogés dans son premier livre.

Car après le sang et l'horreur, un nouveau voisinage hallucinant s'instaure, celui des bourreaux et des victimes. Tous doivent réapprendre à vivre ensemble au nom de la réconciliation nationale. Cette « réconciliation » est avant tout politique afin de reconstruire un pays qui, pour se relever de ses cendres, a besoin des Tutsis tout comme des Hutus, si ce n'est plus. Parcelles en friche, femmes hutus trop longtemps seules, manque de cultivateurs,… si le pays doit renaître, cela ne peut être qu'avec l'aide des anciens tueurs qui sont une main d'oeuvre et une force vive non négligeable.



Jean Hatzfeld découvre et nous décrit cette cohabitation forcée jamais vue auparavant. D'un ton toujours neutre, l'écrivain interroge, observe et laisse avant tout la parole à ses interlocuteurs. Si l'amour et le respect du journaliste pour ce pays transparaît à travers ses mots, il reste clairvoyant sur la situation présente, extrêmement éprouvante pour les rescapés.

Contraints les uns comme les autres à se croiser, voire à se reparler, Hutus et Tutsis réagissent différemment mais tous ont eu des consignes de la part des autorités. Tandis que les tueurs doivent se faire humbles et discrets, serviables et repentants ; les rescapés, eux, doivent se montrer conciliants et montrer bonne figure… au nom de l'avenir du Rwanda. C'est seulement dans l'intimité de leur foyer que les rescapés osent exprimer au journaliste leur colère et leur tristesse, ainsi que leur immense frustration de ne pouvoir dire clairement ce qu'ils ressentent. N'ayant pas le droit de parler directement à un Hutu des tueries, ils sont lésés de leurs paroles tout comme de leurs émotions.

Si les « gaçaça », anciens tribunaux populaires remis en vigueur dans les villages face à la pénurie de magistrats, permettent aux victimes d'obtenir des aveux de la part des tueurs, ils restent controversés et insuffisants. Mise en scène, mascarade, beaucoup n'y voient qu'un moyen pour les anciens génocidaires de livrer une partie de la vérité mais surtout d'obtenir un pardon politique bien facilement gagné.



Ce troisième ouvrage nous décrit donc le Rwanda post-génocidaire, un Rwanda qui peu à peu reprend vie, retrouve les couleurs de ses marchés, s'ouvre à la modernité mais qui reste peuplé d'une population traumatisée et scindée en deux. Si la cohabitation, fragile, est bien là et révèle parfois des histoires encourageantes, la confiance n'existe plus entre les Hutus et les Tutsis. Les préjugés sur chacun sont d'ailleurs peut-être plus virulents qu'auparavant…Et il faudra certainement plusieurs générations avant que la vraie réconciliation ait lieu…

Enfin, dans ce livre, Jean Hatzfeld pose une question essentielle : comment se reconstruire lorsque l'on doit vivre au côté de son bourreau ? Livre sur le souvenir et le pardon, il est celui qui pousse la plus loin la réflexion sur l'humain.



Commenter  J’apprécie          150
Robert Mitchum ne revient pas

Un livre qui parle de l'amour de la guerre de Yougoslavie , deux amants chacun dans son camp et puis la guerre avec ses horreurs . On aurait souhaité davantage d'émotion , moins de froideur mais peut être que cela correspond à une vision toujours un peu romantique , un peu latine aussi que nous avons d'une histoire pareille . Finalement la première victime de la guerre c'est toujours l'amour...
Commenter  J’apprécie          150
Robert Mitchum ne revient pas

Ce roman débute en même temps que le siège de Sarajevo (1992-1996). Le siège est évoqué au travers de deux destins, ceux de Marija et Vahidin, sportifs de haut niveau qui préparaient les JO de Barcelone avec une bonne chance de médaille.

Marija et Vahidin sont aussi un couple.

Mais en avril 92 débute le siège. Dès le début de l'attaque serbe ils sont séparés par les barrages, et doivent affronter la guerre chacun dans son camp : car Marija est serbe, Vahidin bosniaque.

Et leur spécialité sportive (si tant est qu'on puisse parler de sport) c'est le tir. En conséquence, chaque camp va chercher à les recruter... comme snipers.

C'est donc un roman historique, écrit 20 ans après les faits, qui s'appesantit davantage sur le drame des deux amoureux, que sur les causes et conséquences de la guerre de Bosnie.

Jean Hatzfeld ne prend pas partie, sinon contre tout nationalisme. Il nous dit qu'en temps de guerre, chacun est plus ou moins obligé de choisir son camp par une sorte de fatalité, de logique propre à la guerre qui détruit les relations humaines.

L'intrigue est, peut-être pas haletante, du moins bien menée ; un groupe de journalistes français vient combler - un peu superficiellement - les trous dans la narration. Et on en apprend beaucoup sur les compétitions de tir.

Mais on est davantage dans le journalisme que dans la littérature : les scènes qui auraient pu donner une vraie profondeur aux personnages sont trop survolées à mon goût, les dialogues sont plats. Bref, une lecture agréable mais dans laquelle il m'a manqué le "supplément d'âme" qui en aurait fait un grand roman.



Challenge Solidaire

LC thématique de juillet 2022 : "Les prénoms, saison 2"
Commenter  J’apprécie          142
Deux mètres dix

Je dois cette lecture à Gwen21 dont le billet m'a donné furieusement envie.

Et aussi le thème de départ qui allie plusieurs de mes passions, l'histoire, et particulièrement la période de la guerre froide, et le sport. Si je suis assez sportive (j'ai longtemps pratiqué la natation, je fais régulièrement de la gym suédoise depuis plus d'une décennie et je cours toutes les semaines), je suis surtout une sportive du dimanche, comme on dit, ne cherchant pas la performance, même si je l'admire, mais aimant plutôt l'effort qu'exige la pratique sportive. Et un de mes plaisirs, tous les quatre ans, ou plutôt tous les deux ans depuis l'alternance, est de regarder les jeux olympiques. Je peux passer des heures avec le téléviseur allumé, regardant des disciplines aussi diverses que le tir à l'arc, la gymnastique, le plongeon ou l'athlétisme.



Dans ce récit, il est question d'athlètes de très haut niveau, des athlètes olympiques, deux sauteuses en hauteur, deux haltérophiles, les quatre oeuvrant au début des années 80, l'une des sauteuse étant américaine, l'autre kirghize concourant pour l'URSS; l'un des haltérophiles étant lui aussi américain, l'autre kirghize. Mais que s'est-il passé au début des années 80 et qui a pu bouleverser ces athlètes ? Le boycott des Jeux de 1984 à Los Angeles du bloc de l'Est en réponse au boycott des Jeux de 1980 à Moscou des Américains. La carrière d'un sportif est relativement courte, quatre ans c'est très long.



Mêlant les petites histoires dans la grande, la grandeur d'un pays se mesurant également à la performance de ses athlètes, quel qu'en soit le prix, Jean Hatzfeld nous dépeint dans ce récit les vies tantôt réussies tantôt brisées de quatre sportifs dont on ne voulait voir que les performances et les sourires, sans penser qu'il y avait, derrières ces athlètes, des hommes et des femmes faits de fêlures, de chair et de sang. Du dopage d'État aux hauteurs du Kirghizstan, l'auteur explore les failles de ces hommes et de ces femmes au service d'une propagande plus ou moins affichée, qu'on n'hésite pas à lâ(yn)cher une fois qu'ils n'ont plus d'intérêt.



Le roman offre des moments de vie de ses héros, naviguant entre passé et présent de manière plutôt morcelée ce qui peut être assez déroutant puisque le sentiment d'unité qu'on attend généralement d'un roman peut sembler absent. Ce fut pourtant pour moi une très bonne lecture, la découverte d'une plume et d'un écrivain.



Lu en avril 2022
Commenter  J’apprécie          140
Une saison de machettes

Le 6 avril 1994, après la mort du Président Juvénile Habyarimana dont l'avion a été abattu, commence le génocide rwandais des populations Tutsis par leurs frères Hutus.

Sur 12 semaines plus de 800.000 d'entre eux seront assassinés, "coupés" à la machette selon les termes de leurs bourreaux.

Après avoir recueilli le témoignage des victimes survivantes dans un premier ouvrage, Jean Hatzfeld retranscrit dans "Une saison de machettes" le témoignage des assassins.

On y entendra la facilité avec laquelle tout débuta pour un groupe de villageois de la région de Bugeresa, emprisonnés depuis : l'esprit de groupe et la contrainte des encadreurs, les pillages, l'alcool, l'apparente impunité, l'absence de pitié et d'empathie, les viols, les massacres de ces populations d'hommes, de femmes, d'enfants Tutsis par des Hutus qu'ils côtoyaient tous les jours depuis des années (voisins, amis, connaissances...) et qui en l'espace d'un instant se sont transformés en bêtes sauvages, par cupidité, jalousie, racisme, peur ou même parfois plaisir.

"Au fond, pour cette première fois, j'ai été très surpris par la vitesse de la mort, et aussi par la mollesse du coup, si je puis dire. Je n'avais encore jamais donné la mort, je ne l'avais jamais envisagé, je ne l'avais jamais essayé sur un animal à sang. [...]

Par après on s'est familiarisé à tuer sans autant tergiverser".

A la fin de ce génocide et de la guerre qui s'en est suivie, peu d'entre eux semblent enclins à la contrition et s'ils conçoivent les faits, on ignore s'ils sont encore conscients de l'horreur de leur geste tellement le pardon leur semblerait naturel.



Pas d'effet littéraire dans cet essai de Jean Hatzfeld, mais plutôt une retranscription mot pour mot des paroles d'assassins (et dans un phrasé très africain). Sur chaque thème abordé on passe en revue le témoignage de chacun des protagonistes.

Rarement, le narrateur prend la parole pour resituer le contexte.

Il s'agit donc plus d'un documentaire journalistique que d'un roman, mais peu importe, car ce style permet aussi d'être au plus près de la réalité telle qu'elle a été vécue par ces hommes, qui sont devenus (ou qui étaient déjà) des animaux sauvages.

J'ai eu du mal à comprendre un tel manque d'empathie, un tel détachement, une telle cruauté froide. Comme si tout cela n'était finalement pas grand chose... et puis quoi ? Il faut bien continuer à vivre non ?

On se sent démuni à l'écoute de ces horreurs qui sont déroulées sans affect.

Néanmoins, on ne s'ennuie pas une seconde tellement cela reste instructif de la différence de point de vue sur la valeur de la vie pour ces africains, au regard de notre propre vision d'occidentaux.

"On n'était pas seulement devenus des criminels ; on était devenus une espèce féroce dans un monde barbare".

Nous qui sommes bien au chaud dans notre confort et notre bonne conscience, on n'imagine pas toujours qu'ailleurs, l'homme se bat comme un animal sauvage pour survivre et améliorer sa situation.

Il est bon de se le rappeler de temps en temps, et Jean Hatzfeld nous déballe cette vérité crue sans fioriture.

Pas vraiment un livre pour se détendre sur la plage... plutôt un témoignage, comme l'a fait Primo Levi avec son essai "Si c'est un homme", au plus près de la vérité et comme on nous ne le raconte que rarement.



D'autres avis sur d'autres lectures :
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
Commenter  J’apprécie          140
Englebert des collines

Vingt ans après le génocide Tutsi, Jean Hatzfeld rentre dans la peau de Englebert pour nous en faire sa biographie. Personnage marginal cultivé, alcoolique, drôle et très sociable, il déambule dans les rues de Nyamata ou tout le monde le connait et le respecte.

Le génocide va nous être conté de l'intérieur, de sa gestation jusqu'à nos jours ou les survivants sont encore en état de choc et doivent vivre avec ça au coté des Hutus.

La narration est celle de se personnage érudit mais marqué et perdu qui errre dans la ville à travers les bars, un survivant qui avait tout pour être heureux, une famille, des études en France, des amis. Il a tout perdu, ne lui restent que ses souvenirs qu'il aimerait oublier mais qui lui collent à la peau.

Récit magnifique, ton juste, expérience humaine et historique à découvrir absolument.
Commenter  J’apprécie          140
Là où tout se tait

IBUKA, souvient toi en Kinyarwanda.

Se rappelle à moi, chaque année, à cette période, le devoir de mémoire sur le dernier génocide du

XXe siècle.

Pour avoir déjà lu plusieurs ouvrages de Jean Hatzfeld sur ces événements tragiques, atroces, difficilement compréhensibles, je ne m’explique toujours pas cet intérêt pour ces récits de l’horreur. Mais j’y retourne sur ces milles collines, tel un besoin d’expiation, une nécessité de faire vivre ces centaines de milliers d’innocents que mon pays a abandonné par faute d’arrogance et volonté de préserver une aura désuète d’une diplomatie hors d’âge.

Jean Hatzfeld met en avant les histoires des « justes », reconnus ou non par les institutions rwandaises depuis le début du travail de réconciliation opéré dans les années 2000.

Ils ne sont pas pléthore, ceux comme Eustache ou Silas, ces Hutues qui ont défié la mort, la peur, le risque immense de préserver l’humain. D’autant qu’il ne reste plus beaucoup d’avoisinants pour innocenter ou nuancer la culpabilité.

Encore aujourd’hui, la méfiance et la médisance restent tapies et on ne fait pas étalage de son bon comportement pendant le génocide.

Le pardon est impossible. Les doutes sur la vérité prédominent.

Il y a toujours la pudeur des mots, la simplicité à raconter le déferlement de violence, l’avant, les « événements » et l’après.

Depuis 2006, les tueurs sont revenus sur les collines, ont participer à la récupération des restes de leurs anciens voisins enterrés dans les fosses communes les jours d’Umuganda, dernier samedi du mois ou traditionnellement, on offre son service à la communauté.

Jean Hatzfeld est un exceptionnel passeur de mémoire. Il touche au cœur et fait en sorte que la vie jaillisse malgré l’effroi.

Merci à lui et à ces quelques Abarinzi w’igihango pour leurs mots.

Commenter  J’apprécie          130
Deux mètres dix

Je découvre avec plaisir l'écriture de Jean Hatzfeld grâce à un roman que j'ai apprécié mais que j'ai du mal à chroniquer parce que je trouve qu'il porte mal son titre. J'ai plutôt envie de l'appeler Qu'avons-nous fait de nos championnes et champions Olympiques ? parce que "Deux mètres dix" fait référence uniquement au saut en hauteur ce qui donne un certain déséquilibre car ce n'est pas la seule discipline évoquée. S'il s'agit bien du portrait de deux grandes sportives de saut en hauteur il y a aussi en échos celui de deux haltérophiles.

Le jeu de miroir met face à face une américaine et une soviétique qui se croisent sur les podiums et idem du côté masculin alors que ce qui rapproche les compatriotes soviétiques c'est leur origine du Kirghizstan, en Asie centrale. Parce qu'au-delà l'intérêt sportif dont l'auteur connaît parfaitement les coulisses, il y a celui du contexte géopolitique puisque cela se passe en temps de Guerre Froide qui se joue aussi sur les podiums.

On comprend que le dopage est pratiqué des deux côtés et que les intérêts du pays, à l'Est comme à l'Ouest, passent avant l'humain. Mais si la situation en URSS est détaillée avec l'envoi au Goulag de l'haltérophile accusé d'être un réfractaire politique pour avoir tenu un drapeau Kirghize sur la plus haute marche du podium, ce n'est pas le cas pour les États-Unis. On ne sait pas ce qui s'est passé pour que la championne américaine se retrouve dans le caniveau, SDF et alcoolique. Certes, on peut l'imaginer mais cela déséquilibre un peu le texte.

J'ai été particulièrement séduite par les descriptions des performances sportives et même époustouflée. Vous savez, c'est comme quand on assiste à une épreuve olympique on reste souvent scotché la bouche ouverte (enfin moi).





Challenge Solidaire 2022

Challenge ABC 2022-2023

Commenter  J’apprécie          130
Dans le nu de la vie

Comment expliquer l'inexplicable? Jean Hatzfeld nous retranscrit des témoignages de rescapés du génocide rwandais dans la petite région de Nyamata. Sur 59 000 tutsis, 50 000 seront tués à coups de machette, à main nue du matin jusqu'à 16h tous les jours pendant un mois. Un massacre de façon méthodique, d'abord dans des églises puis en piégeant les fuyards dans les marécages, des colonnes d'hutus partant le matin comme on part au boulot pour aller mutiler, couper les membres à coups de machette tout tutsi se terrant dans l'eau croupie.



Des témoignages violents dans la froideur de ces massacres, qui dépassent l'entendement. Une lecture qui peut être dérangeante pour les âmes sensibles, mais une lecture utile pour se souvenir et si seulement pour plus jamais ça.
Commenter  J’apprécie          132
Deux mètres dix

«  Chère Susan,

Je m’appelle Tatyana Alymkul, mais tu m’as connue sous mon nom russe, Tatyana Izvitkaya. Peut-être te souviens-tu, nous nous sommes rencontrées à Helsinki en 1982. »

Quand Sue reçoit cette lettre, cela fait 30 ans qu’elle n’est plus la star américaine du saut en hauteur qui pulvérisait le record mondial avec 2m09 .... Cette lettre va remuer des souvenirs et changer son quotidien.



Dans son roman, Jean Hatzfeld met en scène quatre athlètes de très haut niveau: deux haltérophiles et deux sauteuses en hauteur, qui se sont mutuellement affrontés au nom de leur pays respectifs : les États- Unis pour Randy et Sue, l’URSS pour Chabdan et Tatyana.

Nous sommes en pleine guerre froide et, au même titre que la course à l’espace, les compétitions sportives et les JO en particulier sont un terrain de prédilection pour mettre en avant la puissance des deux États concurrents. Pas question de se faire battre par « les Rouges », hors de question que « l’impérialisme américain » l’emporte . Les entraîneurs sont là pour pousser les athlètes à se dépasser, quitte à avaler quelques petites pilules miracles ...

La politique l’emporte aussi parfois : les Américains boycottent les JO de Moscou en 1980 (à cause de l’invasion de l’Afghanistan) et les Russes, en réponse, ceux de Los Angeles en 1984. Deux occasions ratées pour nos 4 athlètes de se rencontrer. Hatzfeld était encore journaliste sportif à l’époque et a couvert pour Libération les JO de Moscou sous haute tension. Le récit de la cérémonie d’ouverture est en fait son propre article de l’époque.



Le roman rappelle aussi que sous l’unité de façade, l’URSS comptait des républiques soumises et brimées comme celle des Kirghizes à laquelle appartiennent nos 2 sportifs « russes ».



A côté de ce contexte politique, l’intérêt du roman réside dans le regard à la fois très précis et très poétique que porte l’auteur sur ses athlètes . On sent qu’il connaît et admire l’univers de ces sportifs de haut niveau, le travail répété encore et encore, la gestuelle, les sensations , la puissance et la force physique de l’haltérophile, la grâce et la légèreté aérienne de la sauteuse. Dieux du stade à une époque, stars déchues, usées et souvent malades de trop d’efforts et trop de produits dopants..



Enfin le roman est une belle célébration de l’amitié , dans la nature sauvage du Kirghizistan, auprès des chevaux et des moutons.



On s’attache à ces personnages plus vrais que nature et j’ai pris beaucoup de plaisir à ma lecture. Qui aurait cru que l’haltérophilie me semblerait presque poétique !

Merci à Gwen21 d’avoir attirer notre attention sur ce roman dans le cadre du Challenge solidaire !





Commenter  J’apprécie          130
Dans le nu de la vie

Durant le mois d'avril 1994, près de 50 000 Tutsis ont été massacrés à la machette par leurs anciens amis, voisins, collègues Hutus dans la commune de Nyamata. de cet impensable génocide rwandais, Jean Hatzfeld a rapporté en 2000, ces Récits des marais rwandais peuplés d'épouvantables souvenirs. Ils s'appellent Cassius, Jeannette, Francine, Janvier, Jean-Baptiste, Angélique, Innocent, Marie-Louise, Christine, Odette, Édith, Berthe, Claudine, Sylvie. Pendant les événements, la peur au ventre, ils ont dû se cacher dans la boue et les papyrus des marais pour échapper à leurs assassins. Ils ont flirté avec la malaria, ils ont souffert de dysenterie et de soif, ils ont été infestés par les poux. Mais surtout, ayant côtoyé l'horreur et la mort de trop près, ils ont à la fois perdu un peu de leur âme et beaucoup d'êtres chers dans cette inimaginable boucherie... Lorsque le massacre a pris fin, abasourdis, ils se sont retrouvés abandonnés "Dans le nu de la vie". Mais comment se reconstruire après une telle épreuve? Comment continuer à avancer dans le souvenir de cette tragédie ? Comment continuer à porter l'espoir aux jeunes générations ? Comment encore honorer le lourd devoir de mémoire d'un tel drame ? A travers les poignants témoignages collectés par Jean Hatzfeld, on découvre avec tristesse et admiration, l'incroyable résilience dont les survivants ont su faire preuve. Si certains ne peuvent s'empêcher de retourner sur les lieux des massacres pour se rappeler au souvenir de leurs morts, d'autres ont préféré s'occuper des orphelins ou tout simplement prendre soin des vivants. Mais quels que soient les chemins qu'ils ont choisi pour surmonter cette épreuve, les témoins interrogés par le journaliste ont exprimé ce besoin de parler, de se rejouer les scènes de crimes pour réussir à faire leur deuil. Aussi, lire Dans le nu de la vie et se pencher sur ce sombre épisode de l'histoire rwandaise (lire aussi à ce sujet, Petit pays de Gaël Faye) est pour moi, une façon de se souvenir et de rendre hommage à ces femmes et ces hommes que la vie n'a pas épargné... Alors, si vous en avez l'occasion, je vous recommande vivement cette lecture certes difficile mais éclairante...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
Commenter  J’apprécie          136
Où en est la nuit

Moi j'ai adoré. Parce que l'auteur a énormément de talent, une écriture simple, fluide, limpide. Parce que c'est un livre sur l'amour du sport et l'amour de la course, sur ce dépassement entre tous qu'est le marathon, sur l'effort et ses limites ou plutôt ses non-limites. Parce qu'on retrouve au fil des pages ces immenses champions, Gebreselassié, Derartu Tulu, Bikila, d'autres encore. Parce que l'auteur, avec un peu de facilité certes, mais qui va s'en plaindre ? nous entraîne dans un périple marqué par l'Histoire, les guerres, les révolutions. Et parce que son héros est terriblement attachant alors même qu'il ne fait que subir, la gloire, la déchéance, l'éloignement. La guerre, les blessures, avec une sorte de résignation, mais n'est-ce que cela ou plutôt une capacité de détachement qui nous dépasse. A chaque page on attend le coup de tonnerre, le rebondissement qui ne viendra pas, et d'ailleurs on comprend très vite que l'auteur n'a aucune intention de le mettre en scène, ce rebondissement, car il ne correspond pas à son héros, et plus qu'un coup de tonnerre c'est une belle leçon que le lecteur subit.
Commenter  J’apprécie          130
Tu la retrouveras

Hiver 1944-1945 .L’Armée rouge assiège dans Budapest des divisions allemandes aux abois . Dans un maelström de violence ,quand les cadavres des combats jonchent les rues et que se poursuit l’extermination des communautés juive et tzigane , dans le zoo de la ville deux fillettes Sheindel la juive et Izeta la tzigane ,seules survivantes de leurs familles, tentent de survivre grâce à leur amitié , à Dimitriu un jeune vétérinaire de l’Armée Rouge et à la communauté avec les animaux exotiques abandonnés qu’elles aident et qui les protègent . Cette première partie aux allures de conte de fée (mais qui ne laisse rien ignorer de la cruauté des temps) est magique ; dans la seconde partie de l’ouvrage , on retrouve Sheindel , qui dans la Yougoslavie en guerre tente de retrouver la trace d’Izeta . Ce roman m’a émerveillé , Jean Hatzfeld puise dans son expérience de reporter de guerre et de son travail sur la mémoire du génocide rwandais pour donner vie et crédibilité à sa fiction. Il réussit à partir de l’horreur à créer beauté et tendresse : quand la folie des hommes atteint son paroxysme seul le regard des enfants et des bêtes offre une perspective . Un grand livre .
Commenter  J’apprécie          120
Robert Mitchum ne revient pas

1992, c'était il y a 30 ans. Déjà.

Jean Hatzfeld nous ramène donc trente ans en arrière, à Sarajevo. La guerre s'abat sur Vahidin et Marija, deux champions de tir tranquillement occupés à préparer les Jeux Olympiques et à s'aimer...



Ce jour-là, au retour de leur footing, Vahidin est informé que sa sœur le cherche. Il rentre chez lui, et accepte de conduire sa mère et ses sœurs immédiatement à Sarajevo : un croissant vert a été taggé sur leur balcon. La peur des exactions les pousse à fuir. Vahidin, musulman, emmène donc sa famille à Sarajevo, mais, malheur : quand il veut retourner auprès de Marija, la ville est coupée, personne ne le laisse passer.

Et la guerre s’installe, nos deux amoureux se retrouvent dans des camps différents, peut-être même ont-ils essayé de se tirer dessus sans le savoir, et hormis quelques lettres remises à des journalistes, aucun moyen de communiquer…

Robert Mitchum ne revient pas, c’est d’abord cette histoire d’amour sur fond de guerre. Et contre toute attente, une histoire qui finit bien, mais chut ! Après tout, tout est relatif comme disait Albert, et le temps perdu ne se rattrape jamais, disait ma grand-mère !

Et Robert Mitchum dans tout ça ? C’est le nom du chien de Vahidin. Qui restera auprès de Marija, lui !

Robert Mitchum ne revient pas, c’est aussi une plongée dans la guerre, avec le quotidien, les repères qui s’effondrent. Jean Hatzfeld ne parle ici ni des causes, ni des conséquences, il décrit « juste » les événements : bombardements, assassinats, enrôlements, et puis le retour de la paix. Il décrit « juste », « seulement » donc, à savoir il ne fait pas de géopolitique, ni d’analyse quelconque des raisons de la guerre, mais il décrit « juste », avec beaucoup de justesse sans aucun pathos, ces heures sombres où les destins de ces gens ont basculé.

J’ai beaucoup aimé ce voyage dans le temps !

Commenter  J’apprécie          120




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean Hatzfeld (1303)Voir plus

Quiz Voir plus

Un couple : un chef d'oeuvre et son musée (n°2/2)

"Impression, soleil levant" de Monet

Musée d'Orsay à Paris
Musée Marmottan-Monet à Paris

10 questions
74 lecteurs ont répondu
Thèmes : peinture , art , culture généraleCréer un quiz sur cet auteur

{* *}