AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jean-Jacques Rousseau (318)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Du contrat social

Avez-vous goûté la toute récente séquence de passe-passe gouvernementale avec l'art de ne rien changer en faisant croire que tout change, mais surtout en mettant aux manettes des gens que la population n'a jamais désignés ? C'est fantastique, non ? Et la réforme des retraites, adoptée magistralement, fourrée de force dans la bouche vociférante d'une majorité de la population, qui lui était hostile ? Et les gilets jaunes, arrêtés à coups de matraque, de gaz lacrymogènes et de LBD en pleine gueule ? Démocratie, cela s'appelle, mes chers enfants, n'en doutez point et n'en doutez jamais... à moins qu'il ne vous vienne malencontreusement à l'esprit de lire ce petit livre !



Waouh ! Fantastique Jean-Jacques Rousseau ! Écrire un tel livre en 1762, avant même tous les grands épisodes révolutionnaires, toutes les authentiques tentatives ultérieures d'instaurations démocratiques, franchement, chapeau, chapeau bas, très, très bas, mon cher Jean-Jacques. J'en reste estomaquée.



De quoi disposait-il pour faire son analyse philosophico-politique ? de quelques trucs antiques, de Sparte à Rome, des républiques de Venise ou de Genève, une fraîche tentative corse sous la houlette de Pascale Paoli, deux ou trois choses ici ou là en Europe et c'est à peu près tout. Et pourtant, et pourtant, il signe un texte lumineux, flamboyant, édifiant, revigorant et incroyablement inspirant pour quiconque s'intéresse aux questions politiques et aux aspirations démocratiques.



Il pose les questions essentielles : qu'est-ce qu'une société ? qu'est-ce que faire société ? quel type de relations doit unir chacun de ses membres ? etc. Ça paraît évident, or on y réfléchit peu, du moins trop peu, sans doute, de sorte que la paresse à nous emparer réellement de cette question nous rend passifs, tous collectivement, comme si, finalement, tout bien considéré, c'était comme ça, et qu'on n'y pouvait rien changer, jamais, que si l'on se hasardait à vouloir y changer quelque chose, ça serait pire.



On nous rebat les oreilles depuis l'enfance que notre république est vraiment ce qu'il y a de mieux sur Terre, que nous avons des tas et des tas de libertés, que tout ce qui se fait ailleurs est pire de chez pire, et que donc, nous devons nous satisfaire de ce que nous avons et de ne surtout pas le questionner ni chercher à l'amender, car déjà, il faut s'estimer heureux.



Et démocratie, cela s'appelle, un tel machin, un truc où l'on ne vous consulte jamais pour faire passer des lois, que même quand vous votez " non " à un référendum (octroyé par grandeur d'âme), on vous bidouille aussitôt après un " oui ", car vous êtes un peu cons, vous vous êtes trompés de case au moment de voter.



On vous dit que la cheffe de ce grand truc hyper méga démocratique et européen, c'est Madame van der Machin, une dame que vous n'avez jamais élue, mais qui est en poste quand même, et puis après on vous dit que ce n'est pas possible de faire des réformes à l'échelon national élu car les non-élus européens ont dit que ça n'était pas possible. Mais que les lobbys à Bruxelles, ça c'est autorisé, et c'est même souhaitable, car ils savent bien mieux que les citoyens administrés ce qui est bon pour lesdits citoyens. Vous voyez, ce genre de chose, ça vous dit quelque chose ?



Tous les 5 ans, on nous annonce joyeusement qu'on va avoir un très grand droit, un droit magique et rarissime, un droit dont il faut faire grand cas, le droit de choisir entre bonnet blanc et blanc bonnet, entre ENA n°1 et ENA n°2, tous issus de milieux hautement représentatifs de toutes les couches sociales, des gens qui vont décider à notre place, parce que nous on est tous trop cons alors que eux, non, vous pensez bien, ce sont des cracs en tous domaines, des éoliennes au commerce international en passant par les télécommunications, la fiscalité, les techniques de construction ou les biotechnologies, la santé, tout, tout, tout, absolument tout je vous dis, experts en tout ils sont nos députés et nos chers présidents.



Et nous, bien sagement, bien docilement, on demeure mineurs toute notre vie, car les majeurs, ceux qui décident, ce sont eux, et pas nous. Mais rassurons-nous, EUX, les majeurs, ils décident tout dans NOTRE intérêt, nous, les mineurs, soyons-en persuadés et à n'en pas douter. Et c'est comme ça, tous les 5 ans dans le meilleur des mondes possibles. Démocratie ça s'appelle. Dormez bien mes petits.



Bon, depuis vingt ans, c'est tellement démocratique qu'on n'a pas même jugé bon de proposer un référendum, car les gens, cette engeance bêlante et collante, les gens, donc, ont tendance à cocher les mauvaises cases quand on s'avise de les consulter. Et les jurys populaires ? Ah, ça non plus c'est pas bon, c'est bien trop coûteux, bien trop démocratique même, pas assez efficace en tout cas, selon les cabinets de conseil, il vaut mieux des magistrats professionnels, dont on est sûr de pouvoir mettre au-dessus d'eux un bon vieux ministre non élu très démocratique.



Face à tant et tellement de démocratie, je me demande même s'il était bien utile et nécessaire de revenir à Rousseau. C'est vrai quoi ? Est-il besoin de repréciser que la souveraineté doit appartenir aux citoyens ? Que ce sont eux et seulement eux qui doivent édicter les lois qui les concernent ? Que le parlement doit être AU-DESSUS de l'exécutif, lequel n'est là que pour faire exécuter les lois adoptées souverainement par proposition populaire et non à lui de proposer des lois ?



Est-il bon de rappeler que le pouvoir exécutif doit pouvoir être révoqué à tout moment par le peuple s'il est jugé défaillant à sa mission ? Est-il bon de préciser qu'à l'heure d'internet et de la connexion de tous avec tous il n'est nullement besoin d'élire 577 peigne-culs béni-oui-oui à l'Assemblée nationale ni de s'en référer à des sénateurs qu'on n'a même pas élus nous-mêmes, car nous sommes mineurs, je vous le rappelle, pour décider si nous, société, voulons ou non d'une loi qui nous concerne ? L'abstention ? L'absence de représentativité ? En quoi est-ce un problème démocratique ?



Rousseau a des phrases percutantes qui invitent à la réflexion sur tout ce qui relève de notre expérience politique. Je vous en livre quelques-unes ci-dessous : « le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit, et l'obéissance en devoir. de là le droit du plus fort ; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe. Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissance physique ; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c'est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ? »



« L'administration devient plus pénible dans les grandes distances, comme un poids devient plus lourd au bout d'un plus grand levier. Elle devient aussi plus onéreuse à mesure que les degrés se multiplient : car chaque ville a d'abord la sienne, que le peuple paye ; chaque district la sienne, encore payée par le peuple ; ensuite chaque province, puis les grands gouvernements, les satrapies, les vice-royautés, qu'il faut toujours payer plus cher à mesure qu'on monte, et toujours aux dépens du malheureux peuple ; enfin vient l'administration suprême, qui écrase tout. Tant de surcharges épuisent continuellement les sujets : loin d'être mieux gouvernés par tous ces différents ordres, ils le sont bien moins que s'il n'y en avait qu'un seul au-dessus d'eux. Cependant à peine reste-t-il des ressources pour les cas extraordinaires ; et quand il y faut recourir, l'État est toujours à la veille de sa ruine. »



« à l'égard de l'égalité, il ne faut pas entendre par ce mot que les degrés de puissance et de richesse soient absolument les mêmes ; mais que, quant à la puissance, elle soit au-dessus de toute violence, et ne s'exerce jamais qu'en vertu du rang et des lois ; et, quant à la richesse, que nul citoyen ne soit assez opulent pour en pouvoir acheter un autre, et nul assez pauvre pour être contraint de se vendre : ce qui suppose, du côté des grands, modération de biens et de crédit, et, du côté des petits, modération d'avarice et de convoitise. Cette égalité, disent-ils, est une chimère de spéculation qui ne peut exister dans la pratique. Mais si l'abus est inévitable, s'ensuit-il qu'il ne faille pas au moins le régler ? C'est précisément parce que la force des choses tend toujours à détruire l'égalité, que la force de la législation doit toujours tendre à la maintenir. »



« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires ; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle ; ce n'est point une loi. le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l'est que durant l'élection des membres du parlement : sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde. »



J'aurais pu recopier comme ça des dizaines et des dizaines d'autres passages, que je trouve édifiants. Mais, à ce stade, soit vous êtes déjà convaincus, soit vous ne le serez jamais. Aussi, j'aime autant m'arrêter là, ne sachant que trop vous conseiller cette lecture, si les questions de la représentation politique, de démocratie, d'équité, de faire société ensemble vous intéressent et vous interpellent, ou même seulement au simple titre de la culture générale. Pour le reste, gardez pleinement à l'esprit que cette appréciation n'est que mienne, une et idiosyncratique, et que, donc, en soi, d'un point de vue démocratique, elle ne signifie vraiment pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          14619
Rêveries du promeneur solitaire

Dans la littérature française du XVIIIe siècle, Jean-Jacques Rousseau est considéré comme un ré-novateur du sentiment de l'existence. Il croit en l'existence d'une certitude intérieure, d'une "activité mystique" qui prend sa source dans l'âme. Il pense que la peinture parfaite, la plus fidèle ne peut venir que de l'intérieur. En 1776 il décide "d'enregistrer", ces dernières "contemplations charmantes" susceptibles d'éclairer toute une existence. C'est ainsi que se constitue cette dernière œuvre inchevée de Rousseau. Une question demeure cependant ouverte : y a-t-il rêveries authentiques ou plutôt libres discours sur la volupté de rêver ? Pour moi, le sentiment d'une évidence : l'écriture de soi tend vers le bonheur durable, simple, plein ("suprême félicité" ) que seule la reconquête de soi peut assurer.

L'affirmation d'une réclusion à perpétuité dans une parfaite solitude du "je" se fait sans détours. Le rôle de l'écriture apparaît comme double: tout en participant au processus de "vitrification" la parole devient comme une sorte de seconde d'existence, enrichie, augmentée par le plaisir réel d'écrire, de s'écrire.

Le ton général est celui de l'introspection puisque Rousseau proclame son isolement, son exclusion totale de la société : "tout est fini pour moi sur la terre". La formule généralisante désigne à la fois l'ensemble des relations avec le monde sensible et un rapport privilégié avec la divinité. Par-delà l'humilité que suppose une précaire condition de simple créature humaine, "pauvre mortel infortuné", il importe d'atteindre une sorte de "nullité" qui permet d'être soi-même sans contrainte. "Je suis nul désormais parmi les hommes, et c'est tout ce que je puis être, n'ayant plus avec eux de relation réelle, de véritable société". La solitude devient ainsi "négation de la négation" selon l'expression de Jean Starobinski puisque la société est le refus collectif d'un état de nature. C'est donc précisément pour éviter toute aliénation par le corps social corrompu que Rousseau coupe tout lien matériel avec la société. Dans une sorte de litanie ("je n'ai plus en ce moment ni prochain, ni semblable, ni frère", "seul pour le reste de ma vie"), sur le ton de la complainte acceptée, Rousseau définit le véritable projet du livre : "[ne] m'occuper [plus] que de moi". Il s'agit donc "d'accomplir par la rêverie une transmutation des sentiments et des passions, pour atteindre la certitude primaire d'un être dépouillé, et qui, comme Dieu se dérobe au domine de la possession, de l'avoir, pour demeurer un être pur comblé naturel":

Dès qu'il s'agit de saisir la mouvance immobilisée du moi intérieur un problème se pose cependant, celui d'une extériorité paradoxale. L'analyse de soi se veut "examen sévère et sincère", rigoureuse observation ("les opérations que font les physiciens sur l'air pour en connaître l'état journalier", "le baromètre à mon âme"). Cependant le pouvoir ordonnateur de la réflexion méthodique et systématique semble ainsi rejeté. La métaphore météorologique suggère, en plus de la versatilité d'une âme encore active le mouvement alternatif du livre lui-même, "informe journal de ses rêveries". Au bout du compte, on décèle dans ce livre une finalité morale assez proche, ("le compte que je ne tarderai pas à rendre de moi", car le narrateur s'achemine vers le terme de sa vie et il lui appartient de s'étudier, s'examiner pour "corriger le mal qui peut y rester", ainsi que pour jouir, par la mémoire créatrice, d'un bonheur révolu. L'écriture devient donc un moyen de "fixer", de "faire renaître pour moi le temps passé". Si la rêverie pure est muette et intérieure, le verbe la transforme en rêverie seconde. La lecture ne sera qu'un plaisir accru, jouissance multipliée : "leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire […] doublera pour moi pour ainsi dire mon existence". Que de bonheur ! Écrire et se cacher, fuir les hommes seraient donc pour Rousseau indissociables.
Commenter  J’apprécie          1064
Discours sur l'origine et les fondements de..

Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les êtres humains ?



Ce sujet qu’aborde Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes m’intéresse beaucoup, je le trouve passionnant car le problème qu’il soulève est intemporel. Il prendra fin probablement avec l’espèce humaine qui ne cesse de se poser des questions sur les rapports d’égalité, d’inégalité, de différence, supériorité, infériorité…



« Penser fait la grandeur de l’homme » mais aussi parfois malheureusement sa bêtise et sa chute dans la barbarie (nazisme, théories raciales…)



Rousseau analyse très bien comment s’est construite au fil des siècles l’inégalité sociale. En revanche, sa croyance en un état antérieur de nature idyllique où ces inégalités sociales n’existaient pas ne m’a pas convaincue. Il rêve d’un paradis perdu où les êtres humains n’avaient pas créé des institutions utilisées pour asservir autrui, créer des rapports de maître-esclaves et fonder ainsi l’inégalité parmi les hommes. Je doute fort que cet état idyllique ait un jour existé.



Cela m’a poussée à m’interroger : il me semble que les travaux des paléontologues ou de certains spécialistes de l’histoire naturelle, comme Darwin sur l’origine des espèces, montrent une réalité plus cruelle, que ce dernier a appelée « la sélection naturelle », l’espèce la plus forte l’emporte sur l’espèce la plus faible.



Certains membres de l’espèce humaine se croient les plus forts, quitte à détruire la planète, une bactérie ou un virus peuvent tuer de nombreux êtres humains et l’espèce humaine ne peut continuer à vivre que sous certaines conditions (atmosphère, oxygène…). La nature peut être cruelle lorsqu’elle vous arrache un être cher.



La civilisation, quant à elle, n’est pas que malfaisante : elle permet de s’organiser pour affronter les drames, inventer des techniques pour soigner, protéger, éduquer, modérer les ardeurs de ceux qui se prennent pour les plus forts grâce à des règles de base qui prohibent le meurtre, le viol, l’inceste.



Il me semble que, de tout temps, les êtres humains se sont organisés en civilisations : les aztèques, les incas, les mayas, sans doute aussi des civilisations très anciennes, que je ne connais pas et que les archéologues, paléontologues et ethnologues étudient mais cela doit être difficile de reconstituer tout un mode de vie, à partir de simples fossiles.



Les philosophes contemporains de Rousseau pensaient qu’il existait des hommes primitifs. Rousseau valorise cet état où il n’y avait pas d’inégalités, d’après lui. Mais qu’est-ce qu’un « primitif » ? Au XVIIIe siècle, ce mot était souvent utilisé pour parler des peuples dont on méconnaissait l’histoire, l’organisation, la culture, les règles, les traditions, les croyances et qu’on appelait « sauvages ». Selon moi, ce bon ou mauvais « sauvage » n’a jamais existé. L’homme seul et isolé n’a probablement existé qu’au tout début du développement de l’espèce.



J’ai trouvé le cheminement de Rousseau intéressant, cependant il m’a laissée songeuse et perplexe. Quelle solution propose-t-il pour résorber l’inégalité parmi les hommes ? Anéantir la civilisation, l’espèce pour résoudre le problème de l’inégalité et retrouver l’état idyllique de nature dépourvu d’inégalités, loin de la civilisation corruptrice ? Je crois davantage au pouvoir de l’éducation positive : apprendre à chaque enfant à être respectueux d’autrui et que ma liberté individuelle s’arrête où commence celle de mon prochain.



Rousseau a cependant une manière moderne et visionnaire de penser le rapport entre l’homme et la nature car cet équilibre entre la vie de l’être humain et le respect de la nature, la préservation des écosystèmes, est devenu l’enjeu politique majeur de notre époque. Comment s’organiser pour respecter la nature, sans accroître ou créer de nouvelles inégalités entre les êtres humains ?



Sur le sujet de la liberté et des mécanismes d’asservissement à l’œuvre dans la société, j’ai trouvé aussi ce discours très intéressant et toujours d’actualité. D’après Rousseau, l’inégalité a progressé à cause de l’établissement de la loi et du droit de propriété qui a créé des puissants et des faibles, des dominants et des dominés. C’est une description assez juste de la société d’avant la Révolution française.



Cependant l’abolition des privilèges de la noblesse et du clergé en 1789 n’a pas mené à une société plus juste, ni non plus à un gouvernement tel que l’évoque Rousseau où « les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir ».



Pour Rousseau, ce type de gouvernement est le fondement du droit politique, toute autre forme de pouvoir est arbitraire et illégitime, une forme corrompue de gouvernement qui ramène à la loi du plus fort alors que le but du gouvernement est d’être une protection contre cette loi du plus fort.



La révolution russe a tenté d’abolir en 1917 le droit de propriété mais a échoué à résoudre le problème de l’inégalité, le régime a sombré dans le totalitarisme, la tyrannie et la barbarie avec le goulag, la police politique et les arrestations arbitraires.



Cela m’attriste de mesurer l’écart entre ce qui devrait être et ce qui est. Si ce discours a traversé les siècles, c’est que le problème qu’il soulève est toujours d’actualité. Il ne reste plus qu’à espérer que les prochaines utopies ne reproduiront pas les erreurs du passé et ne feront pas sombrer à nouveau l’humanité dans la barbarie. Rêver ne peut pas faire de mal…


Lien : https://laurebarachin.wixsit..
Commenter  J’apprécie          9840
Du contrat social

Rousseau pense la société non pas par rapport à la force du dominant mais par l'association des forces individuelles, qui vont concourir au maintien de la cohésion sociale. La force ne fait pas le droit...Les lois et principes doivent être acceptés par tous pour le bien de tous. Pour lui le corps politique est composé d'individus libres autonomes et égaux en droit, qui participent directement aux affaires de l'état et qui forment le peuple souverain. Il garde une certaine méfiance face à l'exécutif, il est plus tourné vers le fédéralisme, pour lui le bicamérisme ne doit pas être interdépendant. C'est la grande différence entre Montesquieu et lui l'un est pour la souveraineté nationale et l'autre populaire...
Commenter  J’apprécie          900
Rêveries du promeneur solitaire

De la nécessité de relire les textes « imposés » au collège…



Publié en 1782, « Les rêveries du promeneur solitaire » alors que Rousseau n’est plus… Une œuvre de la maturité ? de la résignation ? de la justification ?

Peut-être un peu tout ça … Qu’importe : une lecture de collégien et une relecture partielle pour « composer » cette modeste chronique…



Un souvenir : une lecture fastidieuse et ennuyeuse.

Un constat, actuel, à l’âge mûr : prose d’une grande beauté, introspective, élégante… Un vagabondage intellectuel et physique… Des questionnements que l’âge encourage… Un vague à l’âme, un vague à l’âge…

Commenter  J’apprécie          704
Les Confessions

Rousseau voulait être aimé et il voulait mériter de l’être. Sa grande connaissance des auteurs antiques l’a ainsi tout naturellement entraîné à devenir une personnalité sublime, toujours prêt à défendre les idées les plus contraires à son siècle et aux puissants qui en modelaient les opinions politiques et philosophiques.

Il vivra ainsi de nombreuses déceptions en amitié et en amour, il devra varier dans ses appartenances religieuses extérieures, il vivra aussi l’exil et à la longue, à forces d’être constamment blessé, il deviendra un vieil homme de plus en plus méfiant des autres, un interprète de plus en plus attentif aux moindres signes qui pourraient indiquer de mauvaises intentions envers sa personne dans son entourage, son pauvre cerveau frôlera le délire paranoïaque, mais sans rien perdre de sa géniale beauté. C’est dans cet état de trouble qu’il accomplira l’étrange projet suivant : « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateurs. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. » (t.1, 21)

Et il en raconte des choses sur sa personne. Il ne s’épargne rien. Il se montre sans pudeur dans toute sa fragilité et ses maladresses. Il fait de son auditoire une divinité analogue au Dieu chrétien, qui aurait besoin de se faire raconter ce qu’il savait déjà afin de lui accorder la reconnaissance de son bon cœur. Il est bien convaincu lui-même de son bon cœur : « Pour moi, je le déclare honnêtement et sans crainte : quiconque, même sans avoir lu mes écrits, examinera par ses propres yeux mon naturel, mon caractère, mes mœurs, mes penchants, mes plaisirs, mes habitudes, et pourra me croire malhonnête homme, est lui-même un homme à étouffer. »(t.2, 486) Mais il avait un cruel besoin d’être reconnu par un entourage qui le jugeait comme la règle juge toujours l’exception : comme une erreur, comme quelque chose de laid ou de mal.

Rousseau, on peut être en accord ou non avec ses idées, à mon avis, cela importe peu. Ce qu’il représente pour moi d’extraordinaire, c’est qu’il nous entraîne toujours à des considérations débordantes de bons sentiments, toujours belles et sincères et il me semble qu’on se doit de l’aimer. On le doit à ce que l’on a de meilleur en nous.

Avec moi, il gagne donc son pari haut la main. Je n’ai aucun doute qu’il ait été un honnête homme, c’est-à-dire une entité imparfaite, mais perfectible et remplie de la meilleure des volontés et des plus beaux sentiments.

Ceci dit, si je suis convaincu de cela, j’avoue que j’étais gagné d’avance par ses Discours, par son Émile, et surtout par son Héloïse!

Commenter  J’apprécie          661
Rêveries du promeneur solitaire

Dans les Rêveries du promeneur solitaire, nous sommes confrontés à un Rousseau " seul et négligé", partagé entre son désir de solitude et celui d'aller à la rencontre de ses semblables, tentant de soulager les terribles doutes qui l'assaillent et le besoin irrépressible de répondre à ses persécuteurs.

Ce roman doit sa pérennité à la tension irrésistible créée par la la juxtaposition de la facette philosophique, sobre et méditative de Rousseau et de sa rage passionnée contre les fléaux de la société. Il souhaite se montrer en paix avec lui-même dans son dernier livre, complètement détaché de la société et heureux de l'être : pourtant sa fierté et son sens de l'injustice le trahissent sans arrêt.

Ce récit est donc un précurseur des grands romans écrits sur le thème de la solitude et du désespoir des écrivains.

Ma promenade préférée ? Peut-être la septième...
Commenter  J’apprécie          621
Du contrat social

Du contrat social est une oeuvre de philosophie politique qui établit la nécessité d'un pacte entre les citoyens pour que l'organisation sociale d'un état soit juste. Ainsi, chacun renonce à sa liberté naturelle pour obtenir une liberté civile. C'est la base de la souveraineté populaire. Ce contrat apparait comme le signe d'un état social, contre l'état de nature.



Qu'est ce que l'état de nature? On le retrouve parfois développé avec le mythe du bon sauvage. Nature et sauvage vont bien ensemble. L'état de nature est donc ce qu'est l'homme, auquel on soustrait ce que lui a apporté la société.



Pour Rousseau, le contrat social est à la base de la démocratie. Il n'y a plus d'intérêt particulier. Si quelqu'un veut prendre le dessus, il fait ressortir un intérêt particulier, c'en est alors fini du pacte.



Ce pacte est à l'origine de la naissance du corps politique, avec le peuple qui légifie. Comme l'intérêt général est pris en compte, c'est donc l'intérêt public qui gouverne.



Une fois posés ces principes, Jean-Jacques Rousseau s'intéresse aux différents types de gouvernements (démocratie, monarchie, aristocratie). Il pose leur origine, les caractéristiques, les points positifs ou négatifs, afin de voir si le pacte social peut s'appliquer à ces régimes.



Cette lecture m'a permis de replonger dans une lecture de lycée, que j'ai abordée avec plus de maturité qu'il y a 17 ans. Mais cette fois, la compréhension en était plus facile.
Commenter  J’apprécie          622
Les Confessions

« Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme ce sera moi. »

Quand j’ai lu cette phrase pour la première fois, j’avais une petite vingtaine d’années et j’ai été immédiatement conquise. J’étais jeune alors, ma culture littéraire était on ne peut plus limitée. Ce n’est pas qu’elle soit considérable aujourd’hui, mais disons qu’elle s’est un peu élargie. Entretemps, j’ai lu Les mémoires du duc de Saint-Simon et Les Essais de Montaigne entre autres. Et même si je reste séduite par Les Confessions et par la personnalité de son auteur, je ne peux me départir d’un léger et persistant agacement. Visiblement, pour Rousseau, ses prédécesseurs comptent pour rien. S’il reconnaît du bout des lèvres que Montaigne, avant lui, a bien écrit quelque chose qui pourrait vaguement s’apparenter au projet qu’il forme aujourd’hui, c’est pour le railler aussitôt :

« J’avais toujours ri de la fausse naïveté de Montaigne, qui, faisant semblant d’avouer ses défauts, a grand soin de ne s’en donner que d’aimables ». On pourrais aisément lui retourner le compliment, mais convenons avec Rousseau qu’étant « le meilleur des hommes » il dut avoir toutes les peines du monde à dénicher en lui de vrais et vilains défauts.



J’en reviens à Montaigne. L’ambition affichée par l’auteur des Essais paraît bien modeste en comparaison. Pour Rousseau, il s’agit, prenant Dieu à témoin, de s’adresser à « l’innombrable foule de ses semblables », ceci afin de tenter de rétablir une image terriblement dégradée : « mais puisqu’enfin mon nom doit vivre, je dois tâcher de transmettre avec lui le souvenir de l’homme infortuné qui le porta, tel qu’il fut réellement, et non tel que d’injustes ennemis travaillent sans relâche à le peindre. » C’est à une véritable entreprise de réhabilitation qu’il s’attèle.

Rien de tel chez Montaigne qui, se gardant bien de mêler Dieu à ses petites affaires, se contente de s’adresser à ses parents et amis, « à ce que m’ayant perdu (ce qu’ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver certains traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entière et plus vive la connaissance qu’ils ont eue de moi. »



Et pourtant, la démarche, dans les deux cas, est rigoureusement la même. Il semble bien que ce que Rousseau nous présente comme une « entreprise qui n’eut jamais d’exemple » ait été formée avant lui par Montaigne qui, dans son adresse au lecteur, prévient :

« Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c’est moi que je peins. (…) Que si j’eusse été entre ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre. »



Il serait assez tentant, à ce stade de mon raisonnement, d’accuser Rousseau de mauvaise foi. Je m’en garderai bien. Il me semble autrement plus fécond d’explorer une autre hypothèse, celle de sa parfaite bonne foi. Rousseau en effet est intimement persuadé d’être radicalement différent des autres hommes. « Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. » S’il a cru rencontrer l’âme soeur quelquefois, en la personne de Madame de Warens ou de Diderot, cela s’est avéré à chaque fois être un mirage, et la déception, le chagrin qui s’ensuivirent vinrent conforter un peu plus sa conviction d’être « une espèce d’être à part ». Quoiqu’il en soit, que Rousseau ait réussi ou échoué dans son entreprise de dévoilement, le résultat n’en est pas moins passionnant, servi par une langue sans fioritures, sobre et directe, ironique et savoureuse, un morceau de choix pour collectionneur, un matériau incomparable dans lequel des générations de psys ont puisé avec allégresse.



L’un d’eux, Jean Starobinski, historien des idées et docteur en psychiatrie, lui a consacré une somme : « La transparence et l’obstacle. » Honnêtement, je n’ai pas lu tout le livre, mais je crois en avoir saisi l’idée : Rousseau désire ardemment « la transparence des coeurs », c’est-à-dire une communication directe et immédiate, une sorte de télépathie en somme (là, c’est moi qui parle, pas Starobinski), mais comme il « est frustré dans son attente » (et pour cause!), « il suscite l’obstacle », c’est-à-dire qu’il se renferme en lui-même tout entier drapé dans sa dignité de vierge outragée (c’est à nouveau moi qui parle). Donc, il fait tout l’inverse de ce à quoi il aspire, il se ferme comme une huître (quand il ne tient pas des propos carrément offensants), diminuant d’autant ses chances d’être compris, et, pire encore, s’aliénant pour toujours les personnes douées des meilleures intentions à son encontre. Car pour le coup, à force de se croire le seul de son espèce, il a blessé un nombre de gens proprement stupéfiant, s’en faisant des ennemis irréductibles. Durant ma re-lecture, alors que je prenais connaissance de l’invraisemblable litanie de complots réels ou imaginaires ourdis contre l’infortuné Jean-Jacques, j’ai souvent pensé à cette phrase de Desproges : « L’ennemi est bête. Il croit que c’est nous, l’ennemi. Alors que c’est lui. » On touche là un point crucial. Comment un homme, se voyant des ennemis de toutes parts, se croyant attaqué, blessé par ceux-là même qui l’ont aimé, ne voyant jamais qu’il ait pu lui-même blesser et offenser, peut-il prétendre se bien connaître? Sans compter qu’il existe un biais dès l’origine de son projet. Sa motivation première n’est pas de fournir à ses futurs lecteurs « une pièce de comparaison pour l’étude du coeur humain » comme il l’affirme, mais de répondre à ses détracteurs et de défendre son honneur. Comment dès lors, ne pas douter de l’absolue sincérité de sa démarche?



Bref, l’histoire de « Jean-Jacques l’incompris », pourrait bien être celle des « autres incompris de Jean-Jacques », et c’est une grande leçon pour nous tous. Car chacun d’entre nous est convaincu, à des degrés divers, d’être incompris. Et c’est largement vrai, bien sûr. Ce qui l’est moins, ce qui ne l’est pas du tout, c’est de croire être le seul dans ce cas.





Commenter  J’apprécie          6124
Rêveries du promeneur solitaire

Voilà un livre que j'ai choisi de relire dans le cadre de ma 3ème année de licence. Pour une fois qu'on nous donne le choix d'une lecture, je n'allais pas m'en priver !



Lu une première fois au collège, le livre m'avait marquée par son ton (je pensais que Rousseau était définitivement misanthrope ce qui convenait fort bien à mon état d'esprit à l'époque) et par la place que l'auteur accordait à la nature. Deux décennies plus tard, je retrouve avec plaisir les états d'âme de Rousseau.



Cette oeuvre inachevée est celle de la maturité, de l'acceptation du monde. Au fil de ses promenades, Rousseau se réconcilie avec l'idée qu'il se fait de lui-même. Mener une vie paisible et quelque peu isolée (son isolement fut subi au départ, et finalement recherché vers la fin de sa vie) herboriser, c'est un peu le secret du bonheur. Il ne cherche plus à se justifier (Rousseau écrit pour lui, non pour le lecteur) mais part du constat que puisque la société des hommes ne lui a apporté que des désagréments, il vaut encore mieux s'en passer.



Une certaine ambiguité plane sur ces réflexions : Rousseau s'éloigne de la société des hommes à force d'amères désillusions et de souffrances. Il trouve enfin la paix dans l'isolement et cependant il ne hait point ses semblables. Il écrit pour lui, pour parfaire sa connaissance de soi et cependant, un lecteur lui est nécessaire.



Le personnage lui-même était bourré de contradictions (mais qui ne l'est pas ?). Il abandonne ses enfants à l'assistance publique mais écrit un traité sur l'éducation, épouse une lingère dont la personnalité est à mille lieux de la sienne mais tombe régulièrement amoureux de belles dames, ce qui lui occasionne bien des brouilles avec ses amis, se fait de nombreux ennemis "littéraires" et se croit victime d'un complot (mais comment démêler le vrai du faux ?), mais sa nature soupçonneuse finit même par décourager ses véritables amis... bref, un homme qui était vraisemblablement destiné à vivre seul...



Enfin, il insiste pour ne pas confondre rêveries et méditations mais la frontière demeure parfois floue entre ces deux notions. Et ces rêveries sont nécessaires à l'homme.



Résigné peut-être, indifférent assurément, Jean-Jacques Rousseau nous offre ses plus belles pages sur la recherche du bonheur et l'introspection. S'il règne un parfum de mélancolie sur cette oeuvre, il ne s'en dégage pas moins une impression de paix et de sérénité, une harmonie découlant du contact répété avec la nature, qui constitue le réel point d'ancrage de la vie de Rousseau. Un très beau livre pour lequel j'ai toujours autant d'affection.



"La source du vrai bonheur est en nous".


Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
Commenter  J’apprécie          6113
Julie ou la nouvelle Héloïse

Rousseau était blasé de sa société, de ses contemporains et de leurs mœurs, ainsi il créa son monde idéal avec toutes ses idées qui ont inspiré les romantiques et enchanté plus d’un jusqu’à présent. Pour ce faire, il choisit la forme épistolaire, d’abord genre en vogue, ensuite il pouvait s’exprimer avec plus de liberté en se détachant de l’essai, ce qui a donné une œuvre à mi-chemin entre roman et essai. Ce roman était peut-être l’aire de repos où il pouvait reformuler ses idées qu’il développait dans ses ouvrages majeurs (Du contrat social, La lettre à D’Alembert et l’Emile) dans la même période.



En effet, Rousseau a fini par choisir le roman même s’il considérait la littérature comme source de corruption des moeurs. L’intérêt de cette œuvre ne réside bien entendu pas dans l’intrigue, simple et assez commune de l’amour entre deux jeunes personnes. Le véritable intérêt (selon moi) est ce choix de vivre selon sa propre pensée et humeur loin des conventions instaurées par la société. De choisir sa propre éthique et la suivre. De même la passion souvent décrite comme destructrice et source de dégradation, Rousseau l’élève et la rend salvatrice menant à la vertu. En plus de l’amour entre ces deux jeunes, l’amour de la nature est là, ainsi que celui de la vie champêtre (ce qu’on retrouve plus tard chez Bernardin de Saint-Pierre).



La lecture fut longue et lente, c’est du lourd, un roman complet où l’on trouve un peu de tout, comme si l’on lisait plusieurs. Il demande beaucoup de persévérance et d’attention, mais à sa fin on s’en sort satisfait (surtout si l’on est un peu rousseaulien). Le bon Jean-Jacques est un prosateur sublime.
Commenter  J’apprécie          600
Du contrat social

Oeuvre majeure !

Il s'agit d'un traité philosophico-politique que Jean-Jacques Rousseau a publié en 1762, juste après "L'Emile".

.

Après Platon et Thomas More, il jette les bases d'une sage gouvernance d'un Etat, par " la République", c'est-à-dire sous des conditions de liberté et d'égalité, valeurs essentielles qui seront reprises lors de la Révolution Française.

Par "liberté", il exclut l'esclavage, sous toutes ses formes.

Par "égalité", il entend qu'un pays ne doit comporter " ni riches, ni gueux", qui créent un déséquilibre.

L'Etat doit être souverain, c'est-à-dire légiféré par le peuple ou ses représentants. Les "lois", ce qu'on appelle actuellement "constitution", doivent être rédigées par un "législateur" qui soit au fait des us et coutumes du pays pour ne pas braquer la population, et votées par elle, ou ses représentants. L'objectif est la paix dans le pays et avec ses voisins : différents équilibres doivent être trouvés.

Ensuite, tout "malfaiteur" dérogeant aux lois sera considéré comme traître à l'Etat.

.

JJR a observé le gouvernement de Genève dans sa jeunesse, et la "République de Venise".

Il s'est inspiré des Grecs antiques, des propos sur Lycurgue, des Romains, de Calvin, de Grotius, de Montesquieu, entre autres. La gestation de ce petit traité a duré 10 ans. Son édition a valu à son auteur un bannissement et des jets de pierres.

.

Il m'a été difficile de "rentrer" dans l'ouvrage, le temps de me familiariser avec les termes employés, mais ensuite, je l'ai trouvé formidable, nettement meilleur ( à mon goût, car tout est subjectif ! ) que ses oeuvres ultérieures : "Les confessions" et "Les rêveries".

Un Grand Bonhomme !
Commenter  J’apprécie          596
Les Confessions

Ce que j'aime chez Rousseau, et c'est inexplicable, c'est sa magie des mots. Il est capable d'écrire un paragraphe entier avec une seule phrase, sans jamais lasser, sans que cela paraisse long. C'est un peu comme du Mozart.

Rousseau, je ne le lis pas, je ne cherche même pas à comprendre ce qu'il veut dire, non, je l'écoute, j'écoute sa musique des mots. C'est reposant comme le Concerto pour clarinette de l'illustre Mozart. Cela ne s'arrête jamais, cela monte , cela descend, des thèmes reviennent, et c'est sans importance, cela relaxe le cerveau.

Rousseau n'écrit pas, il compose. Il était copiste en musique, cela se sent à chaque phrase. Il cherche des équilibres, des harmonies. Ses confessions....qu'il se confesse donc, c'est sans importance. Nous sommes tous des pêcheurs et des fauteurs ici bas. Alors se confesser ou pas, peu importe. Je crois en cette parole des Évangiles: " pardonne moi Seigneur car j'ai beaucoup fauté". Et comme pour être pardonné soit même, il faut d'abord pardonner aux autres, hé bien je te pardonne tout, illustre Jean Jacques, je te pardonne d'autant plus volontiers que tes mots sont une si douce musique.
Commenter  J’apprécie          556
Rêveries du promeneur solitaire

J'ai bien dû acheter le livre 4 ou 5 fois et à chaque fois m'en défaire. Pourquoi je n'arrive pas à lire ce fichu traité philosophique ? le style est simple, je partage bien souvent le point de vue de l'auteur sur la nature, la société, le monde, que sais-je encore... Mais je ne parviens pas à me laisser aller au grès de ces promenades réflexives dans la forêt de Montmorency (ou Ermenonville). Ça m'ennuie, je ne comprends pas toujours où Rousseau veut en venir et sa paranoïa m'agace profondément. Je n'arrive pas à en tirer un enseignement.

Peut-être une prochaine fois ?
Commenter  J’apprécie          455
Du contrat social

Stylistiquement assez pénible à lire...mais indéniablement indispensable à qui cherche à comprendre les fondements philosophiques de la république, telle qu'elle est pensée en France.



Liberté, Egalité, Fraternité...Des deux premiers termes il est beaucoup question dans le Contrat Social. Tout y est ou presque : la séparation des pouvoirs, l'importance du pouvoir législatif, la laïcité (plutôt pêchu). Rousseau anticipe même des maux très actuels comme le "populisme" (affirmant que le peuple a toujours raison MAIS qu'il peut être amené à voter de mauvaises lois s'il est mal informé) ou l'influence possiblement négative des lobbys.



La base de la réflexion de Rousseau est l'homme à l'état de nature, qu'il ne faut pas envisager en termes historiques, ni rapprocher du mythe du bon sauvage...C'est avant tout un modèle théorique : c'est l'homme tel qu'il serait s'il n'était pas un être social. Un être pas encore déformé par la société mais également dont le potentiel n'est pas développé.



Rousseau énonce ainsi sa question : "Trouver une forme d'association par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant". Il y répond par le contrat social qui, pour fonctionner, suppose l'aliénation de chacun, à la communauté, de ses "droits naturels" (le droit de subvenir à ses besoins par ses propres moyens) en échange de droits civils, garantis par les lois, que l'individu promulguera en tant que citoyen. Ainsi si l'homme y perd sa liberté naturelle, il y gagne la liberté social ET l'égalité (puisque l'égalité en droit doit permettre d'effacer les différences innées).



Un texte vraiment cohérent, toujours moderne ( si ce n'est quelques passages comme par exemple la corrélation entre le type de territoire et le type de gouvernement). Néanmoins, un texte qui évoque un modèle implicitement basé sur la participation active des citoyens (pas encore des citoyennes, faut pas déconner) au vote et la qualité des débats politiques (donc du personnel politique).



Mr Rousseau aurait-il laissé des notes quelque part abordant ce qu'il faut faire quand on a (de moins en moins) l'un et l'autre, ou faudra-t-il se résoudre à compter sur notre imagination ?



Commenter  J’apprécie          426
Profession de foi du vicaire savoyard

Livre fort, et même encore au XXIè siècle.

Le vicaire savoyard ( adjoint d'un curé ), désavoué par ses supérieurs a fui en Italie où, protégé, il a pu exercer ses offices. Il rencontre un jeune fugitif, et il décide de mettre de l'ordre dans son coeur perdu.



Il semble difficile de faire la critique de ce livre, car on dirait que les contradictions sont nombreuses.

Cependant, en prenant mon modèle personnel "Ventre-Cerveau-Coeur", je pense réussir à rentrer dans la peau de Jean-Jacques Rousseau, même si ses notions sont peu définies. Il explique, en gros, ceci au jeune fugitif, encore maléable :

1) nous nous laissons piéger par nos sens (Ventre) sous forme d'illusions, "d'apparences", de passions ( on rejoint les passions tristes de Baruch Spinoza ), et cela peut conduire vers le mal quand on abuse de la liberté ; le corps a des besoins et des instincts comme les bêtes ( le loup d'Elli Radinger est encore loin d'être considéré ! en effet, la bête du Gévaudan est chassée à la même époque ).

2) L'entendement, la raison ont leur siège dans le Cerveau.

3) et c'est là le plus intéressant, c'est là où Rousseau s'appesantit : le coeur ! c'est avec son coeur qu'on doit méditer à la recherche de la vérité, car elle seule, loin des opinions, compte pour trouver le bonheur. Les "outils" du coeur sont la conscience, l'âme, la volonté et le pouvoir ( on rejoint Nietzsche ) ; c'est la recherche de l'identité du moi ( on rejoint Sigmund Freud ). La nature a raison, elle guide le coeur.



Voilà, j'ai essayé de clarifier la position de Rousseau en 1762. A parti de là viennent quand même les contradictions que vous repérerez en le lisant.

.

Bien que déniant les philosophes imbus de leur jargon, il est proche de Voltaire pour deux choses :

A) Dieu existe, il est bon, c'est une sorte d'horloger ( Les cabales, 1772 ) ;

B) comme Voltaire, Rousseau hait l'intolérance ( traité sur l'intolérance, 1763 ).

Ce livre étant "doux" au début, je me suis demandé pourquoi il avait été mal reçu à sa publication. J'ai compris au milieu de l'essai quand Rousseau se met à fustiger les prêtres qui menacent d'enfer les non catholiques ; il ironise aussi sur les missionnaires jésuites qui s'immissent subrepticement dans les cultures étrangères ( refoulés, d'ailleurs, au Japon ! ) ; mais ce qui le choque le plus, c'est l'intolérance aux autres religions.

Au milieu du livre, Rousseau dit : quelle preuve avons-nous de l'existence de Jésus ? Cependant, plus loin, quand il affirme qu'il reprend ses offices avec coeur et douceur, le vicaire déclare au fugitif que rien n'est plus merveilleux que les Ecritures, et il compare la vie de Jésus à celle de Socrate ( on rejoint Frédéric Lenoir : Socrate, Jésus, Bouddha ).



Bref, c'est un pamphlet vigoureux contre l'intolérance religieuse, et même la liturgie. L'année 1762 de Rousseau est un bon cru : "L'Emile", dont fait partie "Profession de foi du vicaire savoyard", et "Du contrat social" :)
Commenter  J’apprécie          409
Émile ou de l'Éducation - Livres I et II

Bonne idée que cette édition des deux premiers livres seulement d’  « Émile ». Non seulement on évite bien des prescriptions largement dépassées (pour rester poli) telles que l’éducation de Sophie mais on reste au cœur du projet de Rousseau pour qui « le plus dangereux intervalle de la vie humaine » se situe entre 0 et 12 ans.

Alors, coupons court aux objections habituelles. Rousseau serait disqualifié pour avoir abandonné ses enfants. Mais l’idée s’impose dès les premières pages: éduquer est une mission impossible. C’est une mission à plein temps (on n’éduque qu’un enfant dans sa vie), pour laquelle il est hors de question d’être rémunéré, et qui nécessite d’être à peine plus âgé que son élève. Rousseau tente d’ailleurs de faire d’Emile un orphelin (parfois il oublie et un père s’immisce sporadiquement), bref, ce n’est pas le problème. Émile et son précepteur sont des êtres chimiquement purs, hors de toute réalité. Et pourtant, ça fonctionne, et on se surprend à frénétiquement souligner des lignes à peu près à chaque page.

Rousseau a une vision très juste de l’enfance. S’il convient, avec Descartes, qu’elle est le sommeil de la raison, il est le premier à comprendre sa nécessité : pour être homme, il faut être enfant, aussi longtemps que nécessaire, aussi heureux et turbulent que possible. Seul le polisson saura devenir sage.

Les leçons de Rousseau tiennent finalement en peu de maximes.

Un enfant ne doit être ni l’esclave des adultes, soumis à des injonctions pour lui incompréhensibles, ni un tyran à qui on offrirait le monde sur un plateau. Certes l’enfant a besoin des plus grands et il en est dépendant. Mais la mission de l’éducateur est justement de circonscrire cette dépendance aux choses, car elle n’est pas une sujétion. Donc d’apprendre à l’enfant à n’avoir aucun désir qu’il ne puisse réaliser sans aide. Et inversement de ne jamais l’empêcher de réaliser ce qui lui tient à cœur. Veut-il patauger dans la neige? Il apprendra par lui-même que le plaisir peut se payer par 5 jours au lit. Préfère-t-il casser des carreaux? On lui donnera une chambre sans fenêtre.

Deuxième précepte : ne pas chercher à le rendre raisonnable, ne rien lui apprendre que ce qu’il désire savoir au moment où cela lui est nécessaire. Il faut avoir faim pour apprendre comment rentrer chez soi en s’orientant par rapport au soleil. Chaque enfant est un Robinson qui réapprend le monde pour subvenir à ses besoins en toute indépendance.

Rousseau lui-même a eu une enfance compliquée et rebelle et c’est sans doute d’avoir totalement occulté la part du hasard dans la formation de l’individu qui peut surprendre aujourd’hui. Comme si Rousseau reniait Jean-Jacques, comme s’il déniait à sa vie d’avoir été telle parce que sa mère était morte, que son chemin avait croisé telle ou telle personne à tel moment. Émile et son précepteur ont fait disparaître toute contingence et l’enfant grandit sous la seule autorité de la nature, premier homme d’une nouvelle humanité triomphale débarrassée des aspérités de l’Histoire.

Ah, c’est sûr que le gamin du XXI° siècle n’a pas du tout été élevé dans une perspective rousseauiste. Nul d’entre nous n’est capable d’atteindre l’absolu dévouement du précepteur idéal. Au moins nos enfants auront-ils échappé au poids de la perfection parentale, c’est déjà ca.
Commenter  J’apprécie          404
Julie ou la nouvelle Héloïse

Voilà un des livres que j’aime le plus à offrir à mes amies.

Je trouve que les romans par lettres constituent des phénomènes artistiques vraiment intéressants.

De prime abord, entrer dans une correspondance d’inconnus ne me semble pas très intéressant et mon indifférence est encore accentuée lorsque je sais que ces personnages sont fictifs. A priori, je n’aime donc pas trop et pourtant, sitôt que j’arrive à m’imposer l’effort de lire quelques dizaines des premiers épîtres, me voilà entraîné irrésistiblement jusqu’à la dernière missive. Cela s’explique, je crois, du fait que le lecteur d’un roman par lettre doit faire l’effort de reconstruire l’histoire et les personnages à partir des indices qu’on lui donne exclusivement dans les billets échangés par les personnages. Cela implique un effort et prend un certain temps d’adaptation, mais une fois que les fondations nécessaire à la reconstruction sont en place, le lecteur participe à l’écriture, se prend à rêver à ce qui se produit et aux personnages comme si tout cela existait réellement et c’est pourquoi ces romans si ardus à aborder laissent souvent, lorsqu’ils sont réussis, comme c’est le cas pour La nouvelle Héloïse, les souvenirs les plus indélébiles dans l’esprit de leurs lecteurs.

Dans le cas de ce roman par lettre en particulier, l’approche des personnages est légèrement facilité au lecteur puisque Rousseau y présente une Héloïse nouvelle, personnage idéalisé à partir de la maîtresse du grand Abélard dont la tragique histoire d’amour a été immortalisée dans un échange de lettre authentique du XIIe siècle. Si on fait abstraction de la médiocrité de Saint-Preux par rapport à Abélard, le portrait général de la situation dans le roman reproduit assez bien l’horizon historique où les destins d’Héloïse et d’Abélard se sont croisés, et cela permet à Rousseau de mettre génialement en contraste le progrès offert par ses idées morales par rapport à celles qui ont fait le malheur de la véritable Héloïse. En effet, l’Héloïse de Rousseau trouve une douce sérénité rendue possible par l’acceptation de son repentir et l’accomplissement de la vertu que l’ancienne, malgré tous les efforts d’Abélard, n’arrivera jamais à atteindre. Ce succès n’a évidemment rien d’une démonstration, mais il donne envie au lecteur de croire en sa possibilité.

La conclusion est en effet sublime, autant sur le plan artistique que moral. Rousseau, cet homme de cœur aux belles idées et à la sensibilité communicative, est ici au sommet de son art, accomplissant l’exploit trop rare d’une synthèse intellectuelle parfaite entre formes romanesque et philosophique.

Commenter  J’apprécie          400
Discours sur l'origine et les fondements de..

Positivement étonné par ce livre !

Il comporte 4 parties :

- Un hommage un peu lourd aux autorités genevoises ;

- une préface intéressante,

- puis le « Discours »proprement dit, en deux parties.

Dans la préface ( 1755 ), Rousseau pose le problème de « l’étude de l’homme ». Il entend, je pense, l’étude de son comportement. …

Individuel ? Ce serait une base jetée pour la psychologie.

En collectivité ? Ce serait une base pour la sociologie.

.

Le discours proprement dit se compose de deux parties.

.

La première est un éloge de l’homme sauvage, ni bon ni mauvais.

Il perçoit deux sortes d’inégalités parmi les hommes :

1 ) l’inégalité physique ;

2 ) l’inégalité morale ou politique qui existe chez l’homme civilisé.

.

Il compare l’homme sauvage, primitif à l’animal sauvage, qui a la santé, peu de maux, sinon les blessures et la « vieillesse », qui ne se préoccupe que d’attaquer, se défendre et dormir, qui a des sens développés (vue, ouïe, odorat ), et agit à l’instinct. Il a peu de besoins : la nourriture, une femelle et le repos.

.

L’homme civilisé, « domestique », comme l’animal domestique, est soumis à des chefs, a besoin d’un logement, d’un médecin, il pense ( Rousseau va jusqu’à dire que c’est mauvais ! ), et utilise sa raison.

Rousseau discute la « perfectibilité » de l’homme sauvage qui devient domestique, par les apprentissages : maîtrise du feu, de l’agriculture, notion de vol et de propriété, maîtrise de la parole, ne serait-ce que pour l’enfant qui exprime ses besoins à la mère.

.

La deuxième partie tire les leçons politiques de la socialisation-civilisation de l’homme, et Rousseau montre que les inégalités s’accroissent au fur et à mesure du « progrès humain » et de la richesse des puissants :

.

« Je prouverais que si l'on voit une poignée de puissants et de riches au faîte des grandeurs et de la fortune, tandis que la foule rampe dans l'obscurité et dans la misère, c'est que les premiers n'estiment les choses dont ils jouissent qu'autant que les autres en sont privés, et que, sans changer d'état, ils cesseraient d'être heureux si le peuple cessait d'être misérable. »

.

L’argent entraîne la corruption et le paraître des riches, qui ne sont plus que des coquilles vides, « de l’honneur sans vertu, de la raison sans sagesse, et du plaisir sans bonheur », tandis que le peuple crève de faim, à l’image de ce qu’écrit Montaigne dans « Des Cannibales », et la pitié des Caraïbes envers ses frères disparaît quand l’homme devient riche et méprise le pauvre.

JJR propose une gradation de l’inégalité : Nature, droit naturel > démocratie, dans laquelle le magistrat arbitre le contrat social entre le peuple et le chef > despotisme, où le tyran supprime les lois et l’arbitrage du magistrat.

.

Il y aurait plein de choses à dire, vous les lirez par vous-mêmes, c’est riche et intéressant. S’appuyant sur Tacite, Locke et Pufendorf, contrant souvent Hobbes, Jean-Jacques Rousseau qui, contrairement à Voltaire ou Diderot, s’intéresse peu à la religion, à mon avis, signe ici une œuvre politique majeure qui prépare « Le Contrat Social », et qui a peut-être intéressé Proudhon, Marx ou Henry David Thoreau.

.

Jean-Jacques Rousseau me faisait « peur » : ayant essayé de lire « La nouvelle Héloïse », abandonnant au bout de vingt pages, dégoûté par son style ampoulé. On retrouve un peu ce style dans l’hommage qu’il fait aux dirigeants de Genève, mais après, on devine le « chercheur », le passionné, et le style est nettement plus épuré, même si JJR prend des précautions par rapport aux autres écrivains du siècle.

En défenseur du bon sauvage, JJR rejoint Denis Diderot quand il écrit « Supplément au voyage de Bougainville », et Georges Hébert ( et là, je suis dans mon secteur ), défenseur de la méthode naturelle dans plusieurs ouvrages comme :

• « L’Éducation physique ou l'entraînement complet par la méthode naturelle, 1912 ».

Commenter  J’apprécie          394
Discours sur l'origine et les fondements de..

J ai lu très jeune le Discours sur l origine et les fondements de l inégalité parmi les hommes, en même temps que le Banquet de Platon. Finalement le hasard -?- comme souvent fait bien les choses. D abord parce que la prose particulièrement passionnée de JJ Rousseau dans ce court ouvrage a tout pour plaire aux jeunes esprits, ensuite parce que sa réflexion puise ses racines directement aux sources antiques.

Petite pensée pour tous les lycéens qui viennent de plancher sur l épreuve de philo, et n ont peut-être pas eu comme moi la chance d apprécier la lecture de ces textes de leur plein gré, le soir après une longue et belle journée de vendange...



Refusant de répondre à la question posée en titre dans une perspective juridique et historique, Rousseau nous invite à nous projeter dans un état de nature ideal, invitant chaque lecteur à redécouvrir -imaginer ?- cet état fondamental au fond de son cœur.

Dans cet état de nature, l homme est un animal comme les autres, tout au plus capable d une ingénierie technique plus perfectionnée. C est là ce que Voltaire dénigra avec férocité... et pourtant, depuis anthropologues , archéologues et autres scientifiques n ont jamais pu démontrer d autres fondements objectifs que l enterrement des morts et le perfectionnement de l outil...

Cet homme de nature , ni bon ni mauvais, mais ayant conservé des tendances naturelles que l homme moderne oublie -telles que l empathie- s est trouvé créer l inégalité en même temps que la propriété : avec la société, l homme se trouve enfermé dans un rôle, une fonction, notamment de production par le travail, et l appropriation des biens en vient rapidement à aliéner. C est ce qui sera repris bien plus tard par Marx.

Jugé souvent pessimiste, Rousseau fait le constat historique que si la propriété et la société en soi ne sont pas une mauvaise chose -par l échange et la spécialisation le loisir et les arts se sont développés , comme le justifient les penseurs libéraux anglais du même siècle - , pour autant l intelligence humaine se trouve alors mise au service d un égoïsme qui tend à assujettir l autre et accroître toujours plus les inégalités.



Dans le second discours, sur les sciences et les arts, C est la notion de Progrès que Rousseau met en cause avant l heure , et non l intérêt des sciences arts et techniques par eux-mêmes. Ne doutant pas de la pureté des intentions de l artiste et de l inventeur, du créateur en général, il constate pourtant que l utilisation, la vulgarisation -la standardisation dirait-on aujourd’hui - dévoie ces avancées au profit du luxe et de l oisiveté, par manque de vertu de l’homme civilisé, gagné par la mesquinerie et le paraître. Revenant aux anciens grecs et même à une certaine morale chretienne, il conclut que le salut , outre un possible retour à l état de nature, serait un gouvernement d élite , où les plus vertueux orientent au mieux l usage des sciences et techniques, au profit de tous, tout en maintenant une exigence morale forte, évitant l amollissement des corps et des esprits.



Je finirai sur un commentaire plus personnel : ces deux discours de JJ Rousseau figurent probablement parmi les fondamentaux de la pensée philosophique de notre temps, ayant exploré des thèmes maintes fois repris depuis. Outre la contribution à la notion de droit naturel, développée par la suite dans le contrat social, et qui irrigue encore aujourd’hui les principes constitutionnels et le droit international en termes de libertés fondamentales et de droits de l homme, la pensée philosophique de Rousseau peut être aussi bien prolongée dans les domaine des droits de l environnement, des animaux, des inégalités hommes-femmes, dans la reflexion contemporaine sur l éthique scientifique et technique, face à l hyper merchandising allienant l individu.

Mais ce qui fait aussi tout le charme de la lecture de Jean Jacques Rousseau, c est l extrême sensibilité qu il y met, dans cette langue ineffable du XVIIIeme siècle. Loin d affaiblir la démonstration, cette émotivité donne force de conviction et persuade. Il faut tout le cynisme d un Voltaire pour y résister, et c est heureux... bien que proteiforme, et pas toujours assumée en actes par son auteur même, cette pensée agite l esprit, et offre une base à maintes réflexions contemporaines. L une des plus fondamentales et novatrices n est-elle pas justement cette mise en cause relative de la raison et la réhabilitation de l intelligence émotionnelle et d un ressenti conscient, plutôt que de faux principes de rationalité, masquant la forêt de préjugés inconscients ?

Il faut décidément lire et relire ces Discours. 5 étoiles à mon goût.
Commenter  J’apprécie          398




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jean-Jacques Rousseau Voir plus

Quiz Voir plus

tintin au tibet / Noémie

Qui Tintin cherche-t-il dans l' histoire ?

MILOU
tchang
son amie
le yéti

11 questions
12 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}