Jian Ma

Les lumières se sont de nouveau éteintes, et la pièce est plongée dans l’obscurité totale. Pendant un instant, l’écrivain professionnel a l’impression d’être un sac en plastique soulevé par le vent. Il lui vient à l’esprit que bien que le sac en plastique soit sans valeur, il est capable de s’élever au-dessus de la réalité matérielle et de changer de direction. Quand le vent souffle contre lui, il s’emplit d’air et plane dans l’espace – choses que ceux qui sont retenus au sol ne pourront jamais faire.

Il jurait intérieurement : « Horrible vieille chauve-souris. Ton visage est aussi plein de sillons que les champs de Dazhai. »

Cette façon que l’homme a de se tenir debout est dégoûtante. Vos dirigeants s’adressent à la foule avec leurs poitrines et leurs organes génitaux bien en évidence.

Même le visage le plus frais ressemblera un jour à une tranche de jambon fumé.

Il n’y a rien de plus ridicule que de croire que l’amour peut être éternel, ajoute l’écrivain. L’éternité est une statue en bronze couverte de vert-de-gris. L’éternité est la mort.

Quand elle laissa l’homme suivant lâcher sa cochonnerie gluante et blanche sur ses cuisses, elle se sentit salie et flouée. Elle prit conscience qu’elle n’était plus une enfant, et qu’afin de paraître semblable aux autres femmes, il lui faudrait marcher dans la rue avec un sourire aux lèvres même si elle avait la sensation d’avoir été essuyée par une serpillière huileuse.

Les femmes d’aujourd’hui sont corrompues. Comment s’attendre à ce qu’une fille qui a été élevée à la lecture des Ecrits de Mao Zedong soit cultivée, élégante ou raffinée ?

Quand j'étais enfant, je passais des heures à regarder broder ma mère. Au milieu du tambour, un couple de canards mandarins au plumage chatoyant ou parfois des cocoteraies et des jonques à voile dansaient au rythme de la machine à coudre.

Elle voudrait arriver à démanteler la Meili que les hommes et l’État ont endommagée afin de la reconstruire, tel un ordinateur qui ne sera sans doute pas aussi performant que le tout dernier modèle , mais tout de même en mesure de fonctionner.

Lorsqu'elle l'a rencontré, âgée de dix-sept ans, elle croyait qu'on se mariait pour la vie et que le gouvernement protégeait le peuple, comme les hommes protégeaient leurs épouses. Mais sitôt le mariage consommé, ces naïves croyances ont volé en éclats . Elle a découvert que les femmes ne sont pas maîtresses de leur propre corps, dont leurs maris et l’État se disputent la possession : les maris pour satisfaire leurs besoins sexuels et engendrer des héritiers mâles (exigence confucianiste : NDR) et l’État pour affermir son pouvoir et faire régner la terreur, en les contrôlant sans arrêt.

Mourir, au fond, c'est juste éteindre la lumière.

Il marche d'un air déterminé. Maintenant qu'il a pris des fesses avec les années, il se sent plus stable sur ses pieds.

Qu'avons-nous à gagner dans cette affaire ? Au mieux, des postes minables d'ouvriers sur la zone industrielle. Mais pense à ce que nous avons à perdre : le vieux temple bouddhiste, le temple ancestral historique du clan Liu, les maisons de brique noire uniques avec leur cour centrale, l'acacia millénaire. Nos ancêtres Liu ont choisi cet endroit pour bâtir le village en raison de son emplacement propice, avec la chaîne de montagnes au nord tel un dragon protecteur et la rivière de vie au sud.

La piété filiale constitue la base de la culture chinoise. Plus une personne est âgée, plus on doit la vénérer.

« – Quel est votre avis sur l’amour que porte Bao Yu à Lin Daiyu dans Un rêve dans le pavillon rouge ? » La femme qui pose cette question est assise sur la droite, devant moi. Elle a une petite bouche et d’épaisses lunettes blanches.

Je passe les portes de la prison avec un gout de sang dans la bouche.

Je me demande combien de gens ont été exécutés ici, au cours de la campagne contre la Pollution spirituelle.

Je n’ai découvert qu’ils avaient été amants qu’après avoir trouvé, cachée au fond du tiroir de Guoping, l’affiche annonçant son exécution.

Une fois, un jeune homme appelé Lu Zhongjian est sorti menotté d’un camion de l’armée. Deux soldats l’escortaient. Quand il a commencé à pousser des cris perçants, ils lui ont passé un fil de fer autour de la bouche et l’ont tiré vers l’arrière, lui déchirant le visage. Puis ils l’ont jeté au sol, avant de le rouer de coups de pied et de lui coller trois balles dans la tête. Ses jambes se sont soulevées, ses chaussures ont volé. Un an plus tard, je me mariais avec sa petite amie.

Les exécutions publiques ont lieu, dans toute la Chine, à l’approche de la fête nationale. J’ai grandi en lisant ces affiches et j’ai assisté à plusieurs exécutions.