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Critiques de Joris-Karl Huysmans (337)
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À rebours

Quel livre ! Que de richesses en ces lignes et quel courage. Sans doute en fallut-il beaucoup pour tout déconstruire. Pour aller contre son temps et à contre-courant des appartenances. Pour ne pas feindre mais bien pour se garder, en intégrité, d’aller par l’avant à l’encontre, mais vers soi-même. Ne faut-il pas désapprendre pour mieux créer ? S’immerger dans l’eau gelée d’un lac, en ressortir purifié, quand nous malmène un langage intérieur qui crie d’évidence, aux normes arrêtées, désolantes à l’instinct. Pour avoir tout tenté n’avoir rien fait, que contenir un entre-soi à son corps défendant. Tandis que s’en aller renaître ! Passer le gué, d’opprobre en probité. Alors, il faut de la force pour se dresser à tout rompre, du rituel à l’emprise, de l’amitié au désaveu. Et puisque le temps nous est compté, de braver les esprits pour revenir aux sources ou dépérir, à moins qu’un mode ancestral nous ait rivé, condamné moitié pensé déjà jusqu'à sa propre reddition.

Alors, c’est triste et gai à la fois puisque c’est drôle. Ce Des Esseintes qui nous attache, qui nous relie entre ses murs et dans sa tête, si bien pourvu d’élans épars, si cultivé, en peinture, en littérature, en musique… Il nous y perd et nous nous y prêtons tant l’écriture est belle. Il nous bouscule et nous nous échappons de rythmes linéaires au sortir du commun.

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À rebours

Un véritable monument de littérature et d'érudition.

Ce roman n'a pas d'intrigue. C'est le portrait de des Esseintes.

Portrait très complet, précis, raffiné d'un décadent de la fin du XIXème siècle.

Des Esseintes est le tableau vivant du mal-être, de l'ennui, de l'angoisse.

Après une vie sociale vouée à la recherche de son plaisir, sans aucune moralité, perverse, vouée à un ego surdimensionné, il se réfugie dans la solitude dans sa maison de Fontenay.

Sa recherche de sensations nouvelles et rares le mène à tous les extrêmes.

Avec un raffinement touchant à la perfection, il explore de nombreux domaines : l'aménagement intérieur, la décoration, la peinture, la lecture, la musique, la botanique…..

La description des tableaux de Gustave Moreau et d'Odilon Redon, par exemple, est éblouissante.

Mais la solitude le mènera à tous les cauchemars, à toutes les névroses, et le retour à la société, qu'il contemple avec cynisme, semble bien difficile à envisager.

Le langage employé par Huysmans est remarquable. Il manie la langue française avec excellence, les mots sont beaux, précis, rares (d'où le recours au dictionnaire fréquent). Je n'ai pas souvenir d'avoir lu de si belles lignes.

J'ai mis longtemps à lire ce livre, par petits morceaux quotidiennement savourés. le lire d'une traite aurait peut-être pu mener à l'indigestion par abus de richesse et de puissance.

Outre la culture littéraire, picturale, musicale…. il y a des moments délicieux qui donnent le sourire aux lèvres.

Un détail amusant : des Esseintes invente « l'orgue à bouche », qui n'est rien d'autre que « le pianocktail » de Boris Vian

J'ai passé grâce à Joris Karl Huysmans un grand moment littéraire que je ne suis pas prête d'oublier.

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La Bièvre

Cette monographie de 1890, au coeur de la belle époque, au plein de la période symboliste de Huysmans, nous parle d'une époque révolue : celle où la timide rivière de la Bièvre disputait aux flots truculents de la Seine les canaux de Paris.



J'ai découvert Huysmans grâce à Houellebecq, et pour l'anecdote, son père, hollandais, appela son fils « Charles Marie » et c'est Huysmans lui-même qui reprit le pseudonyme néerlandais de « Joris-Karl », ce qui est un beau pied de nez à certains éditorialistes qui dissertent au XXIe siècle sur les « prénoms français » comme préalable à un quelconque apport bénéfique au pays sur quelque plan que ce soit, sauf à considérer que « Joris Karl » a abimé la France de ce simple fait, je referme la parenthèse, je ne vais pas à mon tour me mettre à polluer la Bièvre…



Ce court texte réunit tous les ingrédients qui font le charme de la littérature du XIXe siècle. A commencer par les nombreuses figures de style qui personnifient la Bièvre et donnent de la beauté aux descriptions chirurgicales du Paris misérable qui vécut de son exploitation. Quant au vocabulaire, soutenu et désuet, il enchante la curiosité, abreuve la soif de connaissance et titille la gourmandise littéraire du lecteur.



Nous nous proposons dans cette critique de répondre à trois questions :



Où coulait la Bièvre ?



Depuis le Moyen Âge, le tracé de la Bièvre passait par les actuels treizième et cinquième arrondissements de Paris. Mais nous laissons à Huysmans, qui n'a pas oublié ses débuts à l'école de Zola, le soin de narrer la « montée à la capitale » de la Bièvre : « Comme bien des filles de la campagne, la Bièvre est, dès son arrivée à Paris, tombée dans l'affût industriel des racoleurs ; spoliée de ses vêtements d'herbes et de ses parures d'arbres, elle a dû aussitôt se mettre à l'ouvrage et s'épuiser aux horribles tâches qu'on exigeait d'elle. Cernée par d'âpres négociants qui se la repassent, mais, d'un commun accord, l'emprisonnent à tour de rôle, le long de ses rives, elle est devenue mégissière, et, jours et nuits, elle lave l'ordure des peaux écorchées, macère les toisons épargnées et les cuirs bruts, subit les pinces de l'alun, les morsures de la chaux et des caustiques. Que de soirs, derrière les Gobelins, dans un pestilentiel fumet de vase, on la voit, seule, piétinant dans sa boue, au clair de lune, pleurant, hébétée de fatigue, sous l'arche minuscule d'un petit pont ! »



Quel était son usage ?



La Bièvre a été détournée rapidement en canaux artificiels destinés à alimenter en eau les diverses industries. Notamment, à l'époque de Huysmans, les tanneries et autres travailleurs du cuir et les teinturiers de la manufacture des Gobelins s'installent – et y installent leurs ouvriers miséreux - sur les berges artificielles de la fine Bièvre. Les peaux sont lavées, les eaux polluées et souillées. Il faut nous imaginer les peaux séchant sur des lattes de bois recouvrant les bâtiments autour de ce maigre filet d'eau. Les résidences jouxtant le château de la Reine Blanche rue des Gobelins affichent encore, comme un clin d'oeil à l'Histoire, des lattes de bois sur leurs façades. Enfin, les braves blanchisseuses plongeaient les vêtements dans ses eaux insalubres, ce qui n'était pas sans causer des maladies de la peau. Huysmans dépeint cette rivière enlaidie, épuisée, maltraitée, exploitée jusqu'à plus souffle.



Pourquoi a-t-elle disparu ?



Les grands travaux, initiés par Haussmann sous le Second Empire, n'eurent de cesse de rendre la physionomie parisienne enfin salubre. En effet la ville était encore, à l'ère industrielle, pestilentielle. On note bien plusieurs tentatives de réglementation des industries autour de la Bièvre… Mais cette dernière continuant d'accueillir les eaux usées et malodorantes il fut décidé de recouvrir entièrement la partie parisienne du cours d'eau afin d'assainir les lieux. Désormais écrouée, la Bièvre coule en souterrain dans Paris et a parachevée sa lente et morbide destinée : elle est devenue l'égout de Paris (On peut encore voir couler la Bièvre à l'air libre en Île-de-France).



Ce bel exemple de littérature panoramique (en vogue à l'époque, à l'image de « Paris ou le Livre des Cent-et-un) » reste un témoignage précieux du Paris dont ne nous parlent pas les longues hagiographies des grands hommes. C'est le Paris d'avant les classes moyennes. Un Paris laborieux, populaire et sale, endeuillé par l'assassinat des idéaux de la Commune et c'est surtout le début d'une urbanisation bannissant les paysages naturels aux frontières de la ville.



Cependant à l'image des rivières, l'Histoire crue et décrue, et un jour, peut-être, reverront nous, dans Paris, couler la Bièvre.



Qu'en pensez-vous ?
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À rebours

J'ai longtemps hésité à rédiger une critique de ce livre qui a été une de mes lectures favorites pendant de longues années. Difficile d'écrire son ressenti lorsqu'il y a trop d'émotions ! Mais je vais essayer de dire en quoi ce livre me trouble ! Loin de m'identifier à Des Esseintes en tant qu'aristocrate dégénéré, c'est sa volonté de se retirer du monde qui me séduit et que j'envie. Cette possibilité de s'enfermer au milieu de ce qui lui est le plus cher, le plus précieux, artistiquement parlant, s'enivrant de la beauté de ses oeuvres d'art. Bien sûr, il est complètement névrosé, rejeton dégénéré d'une lignée familiale a bout de course et sa pathologie est à l'origine de son mode de vie. C'est d'ailleurs, en partie, ce que Huysmans dénonce. Mais qu'importe, il saisit la moindre subtilité d'une oeuvre, en apprécie ce qui en constitue l'originalité. Refusant la médiocrité du monde extérieur - à cet égard, son projet de voyage à Londres, s'achevant dans une taverne des environs de la gare Saint Lazare, est édifiant - il ne recherche que le beau, la perfection. Je sais que ce retrait volontaire le mène à une mort certaine, comme l'alertera son médecin, mais Des Esseintes est un esthète. On passera sur la perversité de sa relation passée avec ce jeune garçon dont il fera un voyou.

Concernant la forme, maintenant, Huysmans écrit un livre riche, d'un vocabulaire rare, précis, dont la description du monde de son personnage est d'une préciosité comme seuls, les auteurs du tournant du siècle savaient le faire. La description d'un monde décadent, finissant, témoin d'un changement d'époque où l'industrialisation règnera dorénavant en maître. Je pense entre autre à Jean Lorrain et à Rachilde. En peinture, à Klimt ou Moreau.

"A rebours" constituera toujours moi un refuge, une régression assumée , face à la vulgarité d'un monde qui est maintenant devenue la norme, acceptée par tous.
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Là-bas

Joris-Karl Huysmans fait typiquement partie des auteurs que je crains de lire et qui, une fois lus, me font amèrement regretter de ne pas les avoir découverts avant !



Je ne peux pas vraiment m'expliquer pourquoi je craignais de m'attaquer à son oeuvre, d'autant que cela fait longtemps que je vois "Là-bas" me faire de l’œil ; sans doute craignais-je un style trop académique et une narration trop philosophique ou engagée (comme semblait d'ailleurs le confirmer le premier chapitre qui n'est rien de moins qu'un pamphlet adressé à Zola et aux naturalistes) mais, en réalité, l'écriture est très accessible, très romanesque et j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture.



Attention, toutefois, âmes sensibles s'abstenir !



Bien que publié en 1891, "Là-bas" est un roman très moderne qui donne facilement la nausée et qui n'a pas à envier leurs descriptions à nos auteurs de thrillers contemporains. En même temps, avec pour sujet la biographie de Gilles de Rais, le Boucher du XVème siècle, il ne faut pas s'attendre à cueillir des pâquerettes et à danser des tarentelles...



La narration se développe en deux espaces concomitants : d'une part, Durtal, écrivain et biographe, cherche à comprendre les mécanismes du satanisme et du spiritisme qui auraient influencé son sujet, l'odieux Barbe-Bleue de Tiffauges - pourtant compagnon de Jeanne d'Arc et maréchal de France, l'un des plus puissants seigneurs de son temps -, et dans sa quête, découvre que les pratiques occultes sont loin d'avoir disparu du monde moderne ; d'autre part, le lecteur découvre la biographie de Gilles de Rais en cours de rédaction et suit, épouvanté, la lente descente aux Enfers de ce bourreau d'enfants qui aurait fait près d'un millier de victimes. Donc, vous voilà prévenus, mieux vaut avoir le cœur et les tripes bien accrochés.



Malgré la noirceur du roman, j'ai pleinement savouré la langue de Huysmans et les différentes atmosphères qu'il arrive à rendre très vivantes : du logis du sonneur de cloches de Saint-Sulpice aux caves de Champtocé, autre antre de la Bête du pays de Loire, ou encore du logement de célibataire de Durtal aux messes noires secrètes de la rue de Vaugirard.



Pour conclure, un roman qui ne peut laisser indifférent.





Challenge MULTI-DÉFIS 2018

Challenge XIXème siècle 2018

Challenge ABC 2017 - 2018
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Rêveries d'un croyant grincheux

Grâce à la dernière masse Critique, j’ai pu enfin m’initier à l’œuvre de Joris-Karl Huysmans. Un grand merci, je vais enfin me sentir un peu moins bête dans certains diners mondains, où les blinis sont tartinés de références à cet auteur pour épater la galerie depuis que Michel Houellebecq l’a désigné comme muse officielle. Comble du raffinement, je ne manquerai pas de préciser avec un air pincé faussement détaché que j’ai lu un texte inédit publié par les Cahiers de l’Herne…. Il faudra que je pense à porter une veste en velours, à me laisser pousser la barbe et à déclamer ma science en nettoyant mes lunettes avec une peau de chamois.

J’exagère un peu car j’ai quand même lu « En Ménage » il y a quelques années mais ma mémoire a dû faire la poussière car je n’en ai plus aucun souvenir.

Il ne manquera plus qu’une ou deux citations de Peguy à mon tableau de chasse pour devenir sortable dans les milieux autorisés.

Revenons à ses rêveries qui n’en sont pas puisqu’il s’agit plutôt d’une tribune virulente contre l’Eglise de France.

Cet écrit intervient donc postérieurement à la conversion d’Huysmans au catholicisme et à sa rupture avec le naturalisme de Zola (oui, j'ai siroté l'avant propos pour faire l'intéressant).

L’incipit est limpide sur les intentions de l’auteur et le ton impitoyable de l’ouvrage : « Quelle réponse faire à cette insoluble question : pourquoi un catholique pratiquant est-il plus bête qu’un homme qui ne pratique pas ? »

Il ne critique pas la religion mais ce qu’en fait l’église française qu’il compare « à des gens munis d’œillères comme des chevaux de manège… On fait de pieux mulets des croyants ».

Je dois avouer qu’au-delà du propos, j’ai vraiment apprécié cette écriture au scalpel qui ne tire pas à blanc sur le Saint-Siège, et étant moi-même un grincheux caustique, j’ai plutôt été sensible à ce texte qui soulignait l’incapacité de l’église à vivre avec son temps… il y a déjà plus d’un siècle.

Il reproche aux serviteurs de l’église de se servir, de privilégier le matériel au spirituel, de perdre le peuple dans des rites moutonniers dépourvus de transcendance, d’interdire de trouille l’éveil à l’art. Aux apôtres inspirants auraient succédé de pâles fonctionnaires obsédés par un combat perdu d’avance contre le pêché de chair.

Il illustre son propos de références de l’époque un peu trop pointues pour mes modestes connaissances (réaction à l’excommunication du théologien réformateur Alfred Loisy au début du 20 ème siècle par exemple), autour de débats théologiques et de positions papales. Casaques blanches qui restent trop dans leur bulle au goût de l’auteur.

A noter que le livre intègre une biographie d’une soixantaine de pages très éclairante de Joris-Karl Huysmans qui m’a permis de mieux comprendre le parcours de cet auteur singulier qui inspire certains de nos écrivains actuels, et pas uniquement les déprimés de la grisaille périphérique.

Des rêveries acerbes et érudites pour une prose qui manie le goupillon comme un sabre.

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Là-bas

Il y a fort longtemps, mon père, qui était féru d'Histoire, m'avait parlé de Gilles de Rais. N'en ayant qu'un souvenir très sommaire, j'ai eu envie d'approfondir ma connaissance de ce personnage sulfureux et c'est avec une grande curiosité que j'ai ouvert ce livre.

Curiosité qui a été rapidement douchée car, au fil des pages, s'est installé en moi une sorte d'angoisse ; un malaise qui, si je ne m'étais engagée à le lire dans le cadre d'une Masse Critique, m'aurait sans doute poussée à interrompre cette lecture tant cela m'était insupportable et dépassait dans l'horreur tout ce que j'aurais pu imaginer.



Ce type m'est apparu comme une immonde et lâche pourriture ; un taré de la plus basse espèce qui n'a pu se laisser aller à ses plus vils instincts que grâce à la complicité de ses sbires et, surtout, au pouvoir absolu que lui conféraient sa naissance et son rang.

Il aura fallu l'intervention d'un homme dont la probité ne pouvait être mise en doute, Jean de Malestroit, Evêque de Nantes, pour mettre un terme à tout cela ; prendre en chasse Gilles de Rais et le traîner en justice. Là encore, Rais, démuni de son pouvoir et de ses appuis, a confirmé l'infâme petite bouse qu'il était en se trainant à genoux, battant sa coulpe en sanglotant, implorant le pardon de ses victimes ainsi que la clémence de ses juges et du Ciel.

Et, c'est afin d'échapper à la torture, qu'il s'est engagé à avouer de lui-même, et par le menu, tous ses crimes sans en omettre aucun. Ces aveux consignés par écrit ont permis que l'histoire de Gilles de Rais traverse les siècles.



Cet excellent roman historique de Huysmans s'appuyant sur l'affaire Gilles de Rais s'étend sur un développement fort instructif relatif à l'occultisme, le spiritisme et le culte voué à Satan sévissant encore au XIXe siècle.

Et pourtant... bien qu'excellent, je n'ai jamais été aussi soulagée de terminer un livre car, durant toute sa lecture, il a généré en moi une anxiété d'avoir ouvert la porte sur un univers spirituel qui m'était étranger et d'avoir appris des choses que, finalement, je n'avais pas tant envie de savoir.



Avec tous mes remerciements aux Editions OKNO pour leur envoi gracieux.
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À rebours

C'est très bien écrit. Mais j'ai détesté. Voilà, c'est dit. le mec il s'ennuie, ben il m'a gravement ennuyée aussi... C'est de la masturbation intellectuelle du genre qui me GAVE GRAVE !



Une grosse déception.

Après un début assez sympa (le style est impeccable, c'est vrai), je ne m'attendais pas à avoir des avis (négatif, il n'apprécie que les écrits de ses amis ou presque, ahaha la bonne blague) sur l'ensemble des écrivains (dont je connais pas la moitié) précédant Huysmans pendant 3/4 du bouquin, entrecoupés de scènes barbantes sur la bouffe ou les délires (Le coup de la tortue, non mais...) de ce type que rien ne semble contenter jamais au bout du compte.



Je suis pas la dernière en cynisme, en général ça me parle, mais là, ben que dalle, ça m'a rien dit et amusée moins encore.

Sa sensibilité, je la cherche encore... de mon point de vue c'est juste un gros blasé antipathique et dédaigneux qui se croit supérieur à tout le monde et qui a la chance d'avoir du fric pour pouvoir se gargariser de sa soit-disant supériorité. Mais en quoi se goberger de considérations philosophiques et intellos qui tournent en rond (proche de la folie, en fait), le rend-il si supérieur ou si sensible ? Qu'il aille se battre pour bouffer, et on en reparle, de sa supériorité... Bref, ennui total = mauvaise note.



Edit : remarques en passant : une grande culture n'est pas synonyme de grande intelligence, mais de bonne mémoire, c'est tout. Et une grande intelligence ne nécessite pas forcément une grande culture. Pour moi, tourner en rond sur des considérations philosophiques parce qu'on ne trouve rien d'autre à faire de sa vie, c'est pas de l'intelligence, mais de la stupidité.
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À rebours

Aux soirées de Médan, Zola tique. Comment peut-on écrire un roman pareil quand on se dit naturaliste. Huysmans aurait-il trahi la cause? Réponse: oui et il assume. Car il étouffe dans la routine qui s'installe dans cette école littéraire: "situer des personnages réels dans des milieux exacts", "c'est une école condamnée à se rabâcher, en piétinant sur place".



Et en effet, "A rebours"est un anti-roman. Il destabilise avec un lexique incroyable, un choix de mots étonnants pour toutes les fulgurances et les maux qui transitent dans un héros névrosé aux contours assez flous.



On l'aime parfois pour sa provocation dans ses goûts littéraires (on jette Hugo, on prend Verlaine), son érudition, son esthétisme- une prose de haut vol- et la lente descente de son héros dans la maladie mentale. Mais on le conchie souvent car c'est aussi un roman bavard, sans dialogue et sans relief narratif. Sans doute parce que Huysmans veut susciter des réactions.



Et il y a ce nom: Floressas des Esseintes. Floressas, un nom floral qui indique la principale source d'inspiration de l'auteur: "Les Fleurs du mal" de Charles Baudelaire. Horticulture, peinture, littérature et débauche. Tout est dit pour cet auteur finalement pas si catholique.

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Trois nouvelles naturalistes : Zola, Huysma..

Paru dans un recueil, Une Farce ou Bohèmes en villégiature, est un petit texte mettant en scène le petit monde intellectuel de l'époque se retrouvant à la campagne : trois peintres dénommés Planchet, Charlot et Bernicard, un sculpteur, Chamborel et sa maîtresse Marguerite, un rédacteur, Morand, accompagné par Louise et un poète,Laquerrière. Tout ceci se déroule à une cinquantaine de kilomètres de Paris, sur les bords de Seine. Tout ce petit monde a décidé d'évincer Planchet qui semble les ennuyer. Louise a une idée : elle fera semblant d'être amoureuse de lui, ils s'enfuiront en train mais, au dernier moment, elle en sautera, le laissant filer seul vers sa destination.



Bien entendu, rien ne va se passer comme prévu. Décidément, Zola multiplie les tableaux, les genres. On trouve ici du Maupassant et si l'on m'avait caché le nom de l'auteur, je n'aurais jamais deviné qu'il puisse s'agir de l'auteur des Rougon-Macquart. Cette petite farce très plaisante pourrait faire l'objet d'une morale... Mais je vous laisse la lire afin de deviner...
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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En rade

Deux ans après « A rebours », en 1886, Joris Karl Huysmans – de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans – publie en feuilleton « En rade ». Depuis 1876, l’année de son premier roman, il est l’ami d’Emile Zola qu’il considère comme son maître à penser en littérature ; et qui l’invite fréquemment à Médan, avec d’autres écrivains comme Guy de Maupassant...



Amateurs de Zola, rien que ce petit rappel chronologique impose la lecture de Huysmans ; même si « A rebours » constituait en quelque sorte une rupture avec le courant « naturaliste » cher à Zola… Une rupture assumée avec « En rade »…



Jacques Marles, un riche parisien s’est réfugié au château de Lourps avec sa femme, Louise, ruiné à cause de la « faillite d’un trop ingénieux banquier ». Un retour à la terre, en quelque sorte. Sauf que la campagne quand on est citadin comporte énormément d’inconvénients… Quant aux hôtes du couple, ils s’avéreront de fieffés coquins…



On ne rompt pas aussi facilement avec le naturalisme : j’en veux pour preuve quelques scènes de la vie quotidienne au château que Zola n’aurait pas reniées. Mais l’interêt de « En rade » réside surtout en une ouverture sur le rêve et son analyse, bien avant les théories de Freud : on passe du naturalisme au « surnaturalisme » …

Trois rêves ponctuent le récit, le rêve d’Assuérus au chapitre III, le rêve de la Lune au chapitre V et celui des tours de Saint-Sulpice au chapitre X ; des rêves comme des résurgences de l’inconscient dans la vie réelle. Précurseur, Huysmans ? Peut-être… inconsciemment…



Il n’en reste pas moins que Huysmans est un écrivain majeur du XIXème siècle, contemporain de Zola, et pratiquement oublié de nos jours. Dommage.



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À rebours



"À Rebours" : encore une preuve, s'il en fallait, que pour ce qui est du destin d'un livre, mieux vaut celui de «long-seller» se bonifiant avec le temps que celui de «best-seller» d'un jour..!!

Huysmans, d'ailleurs, avait lui-même eu le sentiment, au moment où il l'écrivait, que le sien «ferait un four» et ne serait apprécié que par «une dizaine de lecteurs». (Un peu plus, tout de même, mais en rien comparable, en effet, à l'immense succès d'une littérature réaliste et naturaliste occupant largement le devant de la scène éditoriale en 1884, année de sa publication.)



Il est vrai que totalement à contre-pied du roman alors en vogue, en rupture de ban avec les canons littéraires et les valeurs progressistes et scientistes prédominantes en ce dernier quart du XIXe, à rebours aussi des attentes de ses meilleurs comparses, tel son grand ami Zola par exemple, ainsi que de ses propres lecteurs, habitués jusque-là à être abreuvés par l'écrivain à la source d'un réalisme consensuel, Huysmans lançait avec ce livre volontairement provoquant, transgressif et saugrenu, un véritable pavé dans la mare, un «aérolithe tombé du ciel» selon ses mots ! Un «OVNI littéraire», dirions-nous aujourd'hui.

S'il fut malgré tout accueilli par ses contemporains comme un authentique «hapax», admiré par ses compères, majoritairement salué par la critique pour l'audace et l'originalité du propos, sans pour autant bénéficier, donc, d'un franc succès auprès du public, avec le temps, l'ouvrage gagnerait de plus en plus de lecteurs, finissant par accéder au statut d'un des évangiles sacrés du «dandysme esthétique » et de l'esprit de «décadence», considérés comme une posture, un art de vivre et un style à part entière.



Témoin de la première heure également du culte qui serait voué au cours du XXe siècle à la «singularité» idiosyncratique, y compris sur le plan de la création artistique, «À Rebours» ne cessera en effet, en dehors des circuits de la production culturelle mainstream, par une sorte de capillarité discrète, de s'infiltrer, de séduire et d'influencer de plus en plus de lecteurs et d'artistes, depuis Oscar Wilde, qui s'en était inspiré ouvertement pour son célèbre «Portrait de Dorian Gray», jusqu'à Serge Gainsbourg, dont, semble-t-il, c'était le livre de chevet, en passant par le mouvement « décadentiste » de la fin du siècle dont il fut également l'un des principaux instigateurs.

Redécouvert par le grand public notamment à partir de années 1960/70, Huysmans aurait été étonné de constater que ses toutes premières estimations en termes de lectorat potentiel se seraient vu ainsi exponentiellement accroître, et que son livre, un siècle plus tard, tel un inoxydable Dorian Gray, n'aurait pas pris la moindre ride!!



Oeuvre d'esthète et de brillant critique d'art, à la fois synthèse de mouvements et d'auteurs plus ou moins en marge de la culture officielle, surgis durant la deuxième moitié du XIXe, avant-gardistes au moment de sa parution ou réservés toujours à un public d'initiés, ou bien entourés d'une réputation sulfureuse, tel Baudelaire (dont l'imaginaire, l'esprit et les motifs – visiblement sources principales d'inspiration, et pour l'auteur et pour son personnage- y seront omniprésents), représentés entre autres par Stéphane Mallarmé ou Tristan Corbière, Gustave Moreau ou Odilon Redon, Aloysius Bertrand ou Paul Verlaine, le roman développera, parallèlement, une thèse insolite et parfaitement anachronique accordant une place privilégiée à la notion de «décadence» dans le renouveau de la langue littéraire et de la création en général.

«À Rebours» se révèlera d'autre part être une fiction inventive, pittoresque et souvent comique, autour d'un personnage devenu emblématique, Des Esseintes , futur archétype moderne du dandy esthète et névropathe, égoïste et amoral, élitiste, misanthrope et intraitable.



Les aventures de Des Esseintes en quête de cette thébaïde où, en fin de compte, tout un chacun, n'est-ce pas, aura probablement songé au moins une fois dans sa vie à trouver refuge contre «l'incessant déluge de la sottise humaine», auront en revanche pour décor des contrées essentiellement intérieures, se déroulant la plupart du temps dans le quiétisme et la dans la plus grande immobilité, située à quelques encablures de Paris, à Fontenay plus précisément, où cet ermite d'une nouvelle catégorie déciderait de se retirer du monde au tout début du roman.



Dépourvu d'une vraie intrigue, rédigé avec une liberté de ton bluffante, ayant pour seul et unique credo l'envie d'aller à contresens de ce qui est communément admis, « À Rebours » est à classer sans aucun doute parmi les précurseurs de «l'anti-roman» du XXe siècle, genre qui atteindrait son apogée avec la notion contemporaine de «déconstruction» véhiculée par les courants postmodernistes.



Roman à (anti)thèse aussi, l'ouvrage semble se soustraire en même temps à toute tentative simple de réduction. Conservateur, anti-progressiste, mais aussi subversif et avant-gardiste, exalté et baroque, quoique sous certains aspects incisif et lucide, à la fois drolatique et profond, Huysmans s'avère seul maître à bord et, feinte sur feinte, mène la barque de son récit là où il veut bien la conduire. Et le lecteur par le bout du nez !! Toujours à contre-pied, par rapport aussi aux attentes et aux impressions que ce dernier essaie tant bien que mal d'assembler, la richesse et la qualité de la plume éblouiront et parfois assommeront par une érudition exigeante et superfétatoire; les excès, le «mysticisme dépravé et artistement pervers» vers lequel le personnage se sent irrésistiblement attiré, ou encore les penchants trop prononcés de celui-ci vis-à-vis «des idées au goût blet et les styles faisandés», amuseront et agaceront à tour de rôle son lecteur. Huysmans réussit diablement, par ailleurs, aussi bien à le mettre à grande distance de son anti-héros, qu'à lui faire à d'autres moments adhérer pleinement à son discours ! Et enfin, en mêlant les pistes à l'aide notamment d'un style indirect libre qu'il maniera avec beaucoup de dextérité, à se cacher à ses yeux ou, au contraire, à lui donner l'impression que l'auteur se faufile en douce derrière son improbable créature.



Chacun de ses seize chapitres de l'ouvrage est travaillé comme une pièce à part du décor en miniature du grand théâtre baroque du monde que Des Esseintes essaie de mettre en oeuvre, à sa seule fin et jouissance, dans l'espace aménagé rigoureusement selon ses plans de la maison de Fontenay.

De l'horticulture à la parfumerie, de «l'orgue à bouche» lui permettant de composer des symphonies gustatives, jusqu'aux caprices décoratifs qui lui feront glacer d'or et incruster de pierreries la cuirasse de sa tortue, il ne s'agira tant pour lui d'y jouer un rôle de spectateur privilégié du spectacle du monde, mais bien plus d'usurper celui du grand Architecte, et de recréer une scène artificielle construite exclusivement selon ses désirs et caprices, gardée sous son stricte contrôle, faite à son image et ressemblance.



Ne serait-ce pas là, d'ailleurs, que résiderait une des clés permettant d'accéder au sens caché derrière les foucades en apparence farfelues et arbitraires de son dandysme ?



S'il est vrai, comme le résumait bien cette formule succincte (énoncée par qui déjà..?), qu'au XVIIIe l'on avait réussi à supprimer les prérogatives du Roi, qu'au XIXe le même destin serait réservé à Dieu, avant qu'au XXe siècle l'on s'attaque en définitive à l'Homme lui-même, ne pourrait-on dès alors envisager ce «dandysme esthétisant» comme préfigurant en quelque sorte l'une de ces tentatives désespérées de lutter contre le sentiment d'absurde de l'existence qui verraient le jour et occuperaient progressivement l'esprit du XXe siècle, constituant l'un de ses défis majeurs ?



Malade, certes, mais aussi «acteur» dans le sens camusien du terme, hésitant entre l'imitation de Schopenhauer, son maitre absolu à penser, et celle du Christ, nourrie insidieusement par le paradis perdu de sa foi et par une solide éducation religieuse, ainsi que, d'autre part, par une forte angoisse de mort à l'origine de ses symptômes névrotiques, c'est par ses vains efforts de pouvoir vivre en autarcie, par son besoin de «franchir les limites de la pensée», par ses pathétiques élucubrations baudelairiennes autour d'une «extase par le bas» comme forme plutôt d'émancipation spirituelle que de débauche purement sensuelle, c'est en tant que démiurge pleutre, maladroit et risible, que Des Esseintes finit par toucher, voire susciter de l'empathie chez le lecteur.



«À Rebours» annoncerait-il ainsi, à un autre niveau et à grands renforts de métaphores, l'une des principales chimères des temps modernes : l'obsession à se singulariser face à la standardisation et à la mécanisation, à l'importance croissante accordée aux progrès techniques - au détriment des savoirs et croyances transmis de génération en génération-, face à la massification érigée au rang d'idéal «égalitaire» promu par nos démocraties modernes, devant ce que son personnage, reprenant encore une fois à son compte Baudelaire, dénonçait comme un nivellement par le bas - «médiocratie» des temps nouveaux.



"C'était aussi" - vitupérait-il déjà en 1884!- «le grand bagne de l'Amérique transporté sur notre continent, l'immense, la profonde, l'incommensurable goujaterie du financier et du parvenu, rayonnant, tel qu'un abject soleil, sur la ville idolâtre qui éjaculait, à plat ventre, d'impurs cantiques devant le tabernacle impie des banques».

Tout un programme!



À l'image de ces bonbons violets inventés par le célèbre confiseur parisien «Siraudin» que Des Esseintes affectionnait particulièrement, «À Rebours» serait en définitive une lecture au goût subtilement trouble et évocateur, entre le sucré et le givré, le praliné et le vinaigré.

Une friandise exquise à déguster avant tout par les amateurs de parfums composés, au bouquet inhabituel et équivoque, et en même temps curieusement familier - mais aussi, pourquoi pas, qui pourrait plaire tout autant à ceux en manque d'une certaine richesse de saveurs de la langue à déguster, aujourd'hui malheureusement en déperdition, et que celle de Huysman, absolument magnifique, saurait à mon avis parfaitement combler !





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La cathédrale



De ce livre foisonnant, érudit, citant entre autres (entre milliers d’autres)Isidore de Séville et Saint Augustin, racontant notre Moyen Age avec ardeur et passion, nous régalant de l’explication du Couronnement de la Vierge de Fran Angelico au Louvre, et, surtout, écrit de façon éperdument enthousiaste, sublimement lyrique, épanouie, de ce livre, donc, je vais essayer, en me sentant toute petite, de communiquer ma lecture.

Dans la Cathédrale, le héros de Huysmans se demande : suis-je plus heureux qu’avant ma conversion ? et la réponse est donnée par le foisonnement des symboles présentés dans les cathédrales, et en particulier dans Notre-Dame de Chartres, cette « blonde aux yeux bleus. ».Selon Durtal, critique d’art comme son auteur Joris-Karl Huysmans, descendant de peintres hollandais et lui- même critique d’art, Chartres est la seule cathédrale à avoir gardé une âme, la cathédrale de Paris étant, après tous ses remaniements, devenue froide. (Elle a eu un coup de chaud par la suite, mais c’était imprévisible).

Chartres a été romane, art venant d’Asie, comme l’attestent ses vierges noires et sa crypte perse. Durtal se demande pourquoi les hommes ont voulu par l’arc ogival construire toujours plus haut ? Il prend exemple de la forêt de Jumièges, et l’hypothèse est que l’art gothique est une manière de copier les cimes des arbres qui se rejoignent. Cependant en voyant les plans de la cathédrale il pense au corps du Christ, et aussi à un vaisseau. Les symboles se multiplient pour expliquer un art aussi complexe que le gothique.

Que sont les symboles ? ils concernent les chiffres, les couleurs, les pierres, et chacun au Moyen Age tant décrié et que Huysmans veut réhabiliter ( avec la foi qu’il vient de découvrir) en comprenait le sens . « Ce que les illettrés ne peuvent saisir par l’écriture doit leur être enseigné par les peintures ».

1. les nombres : il y a généralement trois portails, en l’honneur de la Sainte trinité, sauf, exception sans explication, la cathédrale de Bourges, avec 5 portails et 5 nefs (la main ?) et la cathédrale d’Anvers, avec 7 nefs ( 7 dons du Paraclet ?) Chaque chiffre est porteur, depuis le 1 , Dieu unique, le 2 les deux natures du fils, les deux testaments, et selon Saint Grégoire le Grand, les double enseignement de l’amour de Dieu et du prochain, le 3, somme des hypostases et des vertus théologales …..jusqu’au 10 , 11, 12, chaque chiffre trouvant son explication symbolique .

2. les couleurs, en premier le bleu, d’abord évoqué per celui du Couronnement de la Vierge De Fra Angelico, du Louvre, tableau étudié par Durtal, ce bleu mâtiné de blanc et qui s’élève, qui s’échelonne à travers l’escalier jusqu’au drapé du ciel bleu de cobalt, certains rouges, dont la robe de Marie Madeleine.



Huysmans note alors les allégories exprimées par les couleurs :

- Le blanc : la pureté la virginité, la sagesse.

- Le bleu : chasteté, innocence, candeur. »Les bleus de Fra Angelico sont d « une sérénité extraordinaire, d’une candeur inouïe. » Les bleus dits « de Chartre » des vitraux sont eux aussi inoubliables, « d’un bleu splendide de saphir rutilant, extra-lucide », couleur si belle que toutes les autres se mettent en quatre pour la faire valoir.

- Le rouge : couleur de la robe de Saint Jean, et de celle de Marie, dans les peintures des Primitifs. : Passion, souffrance et amour.

- Le rose : l’amour de la sagesse, et douleur.

- Le vert : espoir de la nature régénérée.

- Le noir : teinte de l’erreur et du néant

- Le brun : synonyme d’agitation, avidité, sécheresse : un peu satanique.

- Le gris : couleur de la pénitence, de la cendre.

- Le jaune : Souvent assigné, au Moyen Age, à Judas, indice de la paresse, de l’horreur, de la trahison et de l’envie. (Cette haine du jaune nous parle bien évidemment)

Ces qualifications donnent cependant lieu à tergiversations, chaque couleur pouvant être interprétée en plusieurs sens différents.



3. Les pierres, enchâssées dans les parures des vierges, ont chacune une signification, connue du monde moyenâgeux, le diamant (Marilyn) le rubis (Kessel) , les émeraudes, chacune avec un pouvoir spécial de guérison.

Au delà des symboles expliqués longuement, des retours sur l’architecture gothique, de l’affirmation que les peintres primitifs venaient en premier du Nord, de la Hollande, d’Allemagne, puis d’Italie mais pas de France, qui en revanche a été la première et la meilleure à construire les cathédrales, Huysmans catalogue la Renaissance comme le sacre de la « syphilis de la décence » bien que Durtal ait choisi un peintre à la limite extrême du Moyen âge.

Assez moderne, ce livre, si beau dans son lyrisme emporté ( si on évacue le point de vue mystique /ecclésiastique) avec l’étude des couleurs dignes d’un Pastoureau, la numérologie, et la gemmothérapie, sans oublier sa conclusion : Etant donné que la médecine est devenue plus que jamais un leurre, et même un danger, pourquoi ne pas revenir aux panacées mystiques d’antan ?

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Là-bas

C'est par Houellebecq qui l'évoque dans son dernier roman Soumission que je suis arrivée à Huysmans : merci Michel, je suis encore toute ébaudie d'avoir découvert cet auteur de haut vol.

La connexion entre ces deux auteurs est d'ailleurs la première chose qui m'ait sauté au yeux en ouvrant ce roman : même procédé narratif dans lequel l'auteur se cache (à peine) derrière un personnage fictif et s'appuie sur des éléments historiques factuels pour transmettre ses idées; même regard désabusé sur l'époque moderne, même mépris de la tristesse des idéaux bourgeois. Ce roman repeint du coup d'une nouvelle couleur les écrits de Houellebecq auxquels je découvre de profondes racines.



Autre dimension qui m'a fortement interpellée dans ce roman puissant : L'évocation de Gilles de Rais et à travers elle la dimension spirituelle d'un Moyen-Age à l'âme plus haute qu'aujourd'hui (nous dit l'auteur) me fait également reconsidérer, de manière dérangeante comme à la lecture de Houellebecq, cette aspiration récente que beaucoup partagent aujourd'hui : celle d'un ré-enchantement du monde ; car s'il est vrai que du mysticisme au satanisme il n'y a qu'un pas, vouloir réintégrer de la fantaisie, des elfes et des rêves dans notre univers matérialisé à outrance suppose d'accepter dans le même temps les diables, les messes noires et les cauchemars et cela, je ne suis pas sûre que nous y soyons prêts.



Une lecture très forte, un style puissamment évocateur que je vais sans nul doute chercher à retrouver bientôt à travers d'autres oeuvres de Huysmans.
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Là-bas

Durtal regarde Là-bas, du côté du satanisme, des messes noires, des succubes et des incubes, comme s’il regardait Là-haut, avec le besoin de faire cheminer son âme n’importe où, tant qu’elle ne reste pas sur le plancher des vaches.





Quatre ans après l’écriture de ce roman, Huysmans se convertit au catholicisme. La conversion murissait sans doute depuis quelques années, mais on ne s’en doute qu’à moitié lorsqu’on lit Là-bas. En effet, on ne peut pas dire que ce soit le roman de la foi absolue, sûre d’elle et bien déterminée. Bien sûr, Durtal, excédé par des conversations qui ne résolvent rien, exalté par des monomaniaques d’une pensée, avec qui il fait toutefois bonne ripaille, rendu presque fou par cette Hyacinthe qui le confronte de force à son instinct charnel, allant jusqu’à se sentir des pulsions meurtrières qu’inspire peut-être son sujet d’étude Gilles de Rais, Durtal finit par gueuler, en guise de conclusion : « Puisque tout est soutenable et que rien n’est certain, va pour le succubat ! ». Mais Durtal aurait très bien pu autant s’en remettre à l’esprit scientifique, et se déclarer Charcot ou Curie. Voilà ce qui arrive à ceux qui se palpent trop de la cervelle, à comparer toutes les formes de vie, à emmagasiner les connaissances, voilà ce qui arrive à ceux qui ont trop de vie en eux, trop de curiosité et une tendance passionnelle indomptable : ils finissent par dire oui à tout et lorsque ce n’est plus possible, ils se positionnent sur un coup de tête, à la suite d’une conjonction d’événements favorables : un entourage du même bord, des repas échauffants, un sujet d’étude stimulant.





Durtal et ses copains font un peu penser à Bouvard et Pécuchet en version sombre, attirés seulement par le côté ésotérique des connaissances. Et ce qui est excitant là-dedans, c’est de sentir qu’on franchit des limites qui ne sont pas ouvertes à tout le monde. Il y a beaucoup d’élitisme dans cette attitude, même si les instincts les plus classiques du monde interviennent en silence. Pas la peine de se vanter en invoquant une tendance à la haute spiritualité, Huysmans se montre ici beaucoup plus enjoué que dans A rebours. On sent que ça fait du bien à tout le monde de sortir de chez soi, quitte à fréquenter les messes noires : au moins, il s’y passe quelque chose, et de l’ennui passif, on passe à l’ennui actif. Peu à peu, Durtal arrive à se convaincre de la réalité de phénomènes sur lesquels il se montrait sceptique à l’abord, comme tous ses confrères occultistes, comme tous ses adversaires scientifiques, la ridicule opposition existant entre les tenants de ces deux partis faisant aussi partie du jeu de la croyance. Oui, oui, tout le monde s’amuse, de tous temps et en tous lieux, et comme qui dirait : « Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères […] ; ils s’empliront les tripes et ils se vidangeront l’âme par le bas-ventre ! », ce n’est pas prêt de s’arrêter. Avec Là-bas, Huysmans raconte un peu le côté joyeux et bouffon de la conversion, pas la peine de s’en faire un fromage, mieux vaut encore le dévorer tout entier tant qu’il est encore frais.
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Croquis de Paris et d'ailleurs

Dans cette édition il y a d'abord des croquis de Paris, des poèmes en prose, publiés dans des revues, sur des "types", dans un Paris populaire, une marchande de petit noir, le "cafetiau des pauvres", qui "gît affaissée au tournant d'un pont" où elle dresse un petit tréteau, un magnétiseur, une fille de mauvaise vie, sur des lieux aussi, le parc Monceau, le boulevard Montparnasse, le jardin du Luxembourg. Le style est foisonnant, excessif aussi. Huysmans semble peindre avec toutes les ressources de son art une société dominée par le vice et la bêtise. Cette édition présente également de courts récits de voyage, à Hambourg, à Bruxelles, des écrits sur l'art, des lettres, des entretiens, dans lesquels Huysmans évoque sa conversion au catholicisme, ses amis, Maupassant, Villiers de l'Isle-Adam, sa passion pour les chats, etc. Cela donne un ensemble assez éclectique, à l'image de son auteur, qui m'a beaucoup plu.
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Les églises de Paris

Les monographies consacrées à Saint-Julien-le-Pauvre et à Saint-Séverin ont été publiées en 1898 dans "La Bièvre et Saint-Séverin", celles sur Notre-Dame de Paris, Saint-Merry et Saint-Germain-l'Auxerrois en 1908 dans "Trois églises et trois primitifs". Huysmans est alors un écrivain qui a retrouvé la foi. Ces églises sont souvent pour lui des lieux de recueillement. Mais il reste un esthète et un érudit, plongeant dans l'histoire de ces monuments, maintes fois détruits et remaniés, retrouvant, comme à Notre-Dame, le langage symbolique des astronomes et des alchimistes. Le style est plein de virtuosité mais non sans une certaine gouaille. Huysmans connaît son métier et d'une certaine manière il ressemble à l'un de ces artisans du moyen âge qui ont bâti ou orné ces églises parisiennes.
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Le roman de Durtal

Zola, chef et fondateur de l'école naturaliste, occulte un peu ses collègues et disciples auprès des lecteurs. On ne jure que par ce romancier facile, répétitif et bien-pensant, moins pour son art du roman, qui reste assez grossier, que pour ses homélies à grandes idées généreuses. Pourtant le groupe naturaliste comprenait aussi Joris-Karl Huysmans, romancier pratiquant l'écriture artiste, disciple un temps de Zola, exclu par lui pour divergences idéologiques plus que par esthétique. Il y a deux Huysmans : le premier, dont les romans initiaux et les nouvelles sont publiés en un volume de la collection "Bouquins" (Robert Laffont), et l'autre, le naturaliste converti au christianisme, dont les quatre romans consacrés à la foi sont publiés par Bartillat : c'est le présent volume.



Ces quatre romans, fortement autobiographiques, racontent la transformation d'un personnage nommé Durtal, double assez transparent de l'auteur. D'abord préoccupé de spiritualité, commençant par le satanisme, il revient peu à peu à l'église catholique, approche les sacrements et devient à la fin oblat bénédictin, non sans hésitations, combats intérieurs et débats avec lui-même. Ces quatre romans sont donc l'histoire d'une âme, et ne se distinguent pas de la manière naturaliste. Le corps, la présence au monde physique, l'esthétique, la vie concrète et l'évolution du héros ne diffèrent des oeuvres de Zola que sur un seul point : on n'y retrouve pas le prêche laïcard, la sotte foi dans la science et le progressisme socialiste, qui font de Zola, aujourd'hui encore, un romancier lu dans les écoles.



Un dernier point rend la tétralogie de Durtal absolument remarquable. Huysmans raconte la conversion d'un intellectuel, d'un esthète, d'un écrivain, à savoir d'un être compliqué, orgueilleux, extrêmement exigeant en matière d'art et impitoyable avec la bêtise et le mauvais goût. Or en cette fin de XIX°s, la bêtise et le mauvais goût sont équitablement répartis dans le camp des progressistes et dans celui des catholiques. Les quatre romans nous racontent le compromis difficile que doit faire Durtal entre l'appel divin et la décevante réalité de l'église, ignorante, sulpicienne, empâtée dans le "bégueulisme" et l'eau bénite. Ces romans placent sur la route de Durtal quelques prêtres intelligents (dont le fameux abbé Mugnier fut le modèle), et sont contemporains du renouveau esthétique chrétien de Solesmes. l

Le chant grégorien, le goût pour les images et les usages médiévaux renaissent, une exigence de beauté s'impose dans les milieux monastiques. C'est l'occasion pour Huysmans de réfléchir à la possibilité d'un nouvel art chrétien, d'une littérature, d'une statuaire, d'une peinture qui soient à la fois modernes, belles, et témoins de la foi. L'époque où il écrit est celle de l'Age d'Argent en Russie, où l'on redécouvre les icônes auxquelles même les peintres occidentaux s'intéressent. Les pages de ces romans contiennent des manifestes fascinants pour une réconciliation de l'intelligence, de la beauté et de la foi. C'est profondément intéressant, et aussi, profondément tragique : on sait ce que 1917 a fait de l'art russe chrétien, et ce que Vatican II a fait de la beauté en terres catholiques.



Essai sur des renaissances qui auraient pu avoir lieu : c'est l'une des grandes qualités de cette tétralogie.
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En Route

Plusieurs critiques ont déjà dit que ce second roman de Huysmans dont Durtal est le héros, raconte la conversion de ce dernier, à savoir son retour à la foi et à la pratique catholiques de son enfance. La "route" est ici la distance que parcourt cet homme solitaire et voluptueux, cet esthète raffiné et amoureux de ses habitudes et de son confort ; ce jouisseur finit par aller passer quelques jours dans un monastère, une Trappe, et en revenir transformé et régénéré. Par quelles étapes passe-t-il ? "Là-bas", le roman précédent, nous le montrait soulevé de dégoût devant son époque, prêt à tout, même au satanisme, pour déterrer un peu d'esprit dans des épaisseurs de matière et d'intérêts égoïstes. Le satanisme de "Là-bas" est une illusion, et "En route" nous montre un Durtal non moins écoeuré par son époque et cherchant dans l'art sacré, l'art chrétien, la nourriture dont il a besoin dans ce temps de famine spirituelle. Mais l'esthétisme est aussi une voie sans issue, une jouissance égoïste de plus. Il faut aller plus loin si l'on veut être vivant et ne pas étouffer. D'où les pages extraordinaires de la retraite à la Trappe, de la confession et de la communion. Peu de romanciers avant Bernanos ont su écrire pareilles pages sur la vie religieuse, les prêtres, les moines. Cette fin de roman est tendre et foudroyante, après les longues pages naturalistes, énumératives, sur les églises parisiennes, leur manière de chanter le grégorien, bref les manoeuvres dilatoires d'un homme qui n'ose pas se confronter à lui-même. C'est de la critique picturale et musicale. Les chapitres de la Trappe, dans leur simplicité divino-humaine, sauvent tout le roman de ses lourdeurs.



J'apprends qu' En route" a joué un grand rôle dans le retour du catholicisme dans la culture française. Comme Huysmans se convertissait, l'état adoptait ses mesures de persécution anticléricales, et d'autres artistes, tel le jeune Claudel, étouffant comme Durtal dans cette France positiviste, maçonnique et affairiste de 1890, retrouvaient l'esprit et la foi. Ces romans de la fin de carrière de Huysmans rendent possibles les grands poèmes et les grands textes théâtraux des années 30.
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L'Oblat

Un oblat est un laïc qui "se donne" (selon le latin) à un monastère sans pour autant prononcer les voeux monastiques. Il reste laïc, demeure aux alentours du couvent, mais n'intègre jamais entièrement la communauté. Cette très ancienne pratique a été illustrée par Huysmans lui-même, Claudel et d'autres artistes ou personnalités célèbres, qui voulurent mener une vie chrétienne plus exigeante que dans une paroisse de ville.



Le roman de Huysmans portant ce titre est le quatrième et dernier de la tétralogie dont Durtal est le héros. Après s'être converti, avoir vécu avec son père spirituel à Chartres, le voilà en train de se préparer à l'oblature dans le voisinage d'une abbaye bénédictine de Bourgogne. Il fait sa profession peu de temps avant la série de lois anticléricales qui, en 1901, expulsèrent les moines hors de leurs couvents et hors de France.



Cet ultime roman est moins chargé de digressions que La Cathédrale. Il y en a certes encore beaucoup, surtout sur la liturgie monastique, mais le nombre de personnages augmente, les dialogues renaissent, et le principal défaut de la Cathédrale, le pseudo monologue intérieur exposant tous les détails d'un vitrail ou d'une chapelle, ce défaut est moins flagrant. Du reste, les pages sur Sluter et les sculptures des tombeaux des ducs de Bourgogne sont admirables.



Donc, si Huysmans ne renonce pas à son ambition encyclopédique héritée du Naturalisme, il compose ici un roman plus vivant et plus varié, plus riche en personnages attachants. C'est aussi un beau recueil de réflexions sur le Moyen-Age, l'art chrétien et les conditions de sa renaissance. Le roman pur cède souvent la place à l'essai sur l'art, l'histoire ou l'avenir de la culture, mais reste un roman.



Ce chef-d'oeuvre d'intelligence et de lucidité mérite d'être relu.
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