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Citations de José Saramago (916)


Ils traversent une place où des groupes d'aveugles s'amusaient à écouter les discours d'autres aveugles, à première vue aucun ne semblait aveugle, ceux qui parlaient tournaient la tête avec véhémence vers ceux qui écoutaient, ceux qui écoutaient tournaient la tête avec attention vers ceux qui parlaient. L'on proclamait les principes fondamentaux des grands systèmes organisés, la propriété privée, le libre-échange, le marché, la Bourse, la taxation fiscale, les intérêts, l'appropriation, la désappropriation, la production, la distribution, la consommation, l'approvisionnement et le désapprovisionnement, la richesse et la pauvreté, la communication, la répression et la délinquance, les loteries, les édifices carcéraux, le code pénal, le code civil, le code de la route, le dictionnaire, l'annuaire téléphonique, les réseaux de prostitution, les usines de matériel de guerre, les forces armées, les cimetières, la police, la contrebande, les drogues, les trafics illicites autorisés, la recherche pharmaceutique, le jeu, le prix des cures et des enterrements, la justice, l'emprunt, les partis politiques, les élections, les parlements, les gouvernements, la pensée convexe, la pensée concave, plane, verticale, inclinée, concentrée, dispersée, fuyante, l'ablation des cordes vocales, la mort de la parole. Ici on parle d'organisation, dit la femme du médecin à son mari, J'ai remarqué, répondit-il, et il se tut.
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Les sceptiques sur la nature humaine, qui sont nombreux et obstinés, soutiennent que, s'il est est vrai que l'occasion ne fait pas toujours le larron, il n'est pas moins vrai qu'elle l'aide beaucoup.
(Page 28-29)
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Au début, tout à fait au début, plusieurs organisations caritatives avaient offert des volontaires pour prendre soin des aveugles, faire leur lit, nettoyer leurs cabinets, laver le linge, préparer leurs repas, ces soins minimaux sans lesquels la vie devient vite insupportable, même pour ceux qui y voient. Les pauvres chéris devenaient aussitôt aveugles, mais au moins l'histoire immortaliserait la beauté du geste.
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Ce qui est difficile, ce n'est pas de vivre avec les gens, dit le médecin, c'est de les comprendre.
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[...], mais ce qu'il ne sait pas c'est qu'il devra encore parcourir un bon bout de chemin avant d'arriver à Bethléem, et quand il arrivera là-bas il se rendra compte que finalement les choses ne sont pas aussi simples qu'elles en avaient l'air, il serait évidemment très beau de pouvoir annoncer, Veni, vidi, vici, comme le proclama Jules César au temps de sa gloire, on a vu ensuite comment cela a fini, il est mort des mains de son propre fils, lequel n'avait d'autre excuse que d'être un enfant adoptif. Elle vient de loin et semble ne jamais devoir finir, la guerre entre les pères et les fils, l'héritage des fautes, le rejet du sang, le sacrifice de l'innocence.

p63
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Alors Abiatar, le plus âgé des trois anciens, prit la parole et dit, Nous ne te questionnerons pas davantage, le Seigneur te paiera sept fois pour la vérité que tu auras dite ou il te fera payer sept fois pour le mensonge avec lequel tu nous aura trompé. Il se tut et continua à se taire, puis, s'adressant à Zaquias et à Dotaim, il dit, Que ferons-nous de cette terre qui brille, la prudence conseille qu'elle ne reste pas ici car il se peut que ce soit un artifice du démon. Dotaim dit, Qu'elle retourne à la terre d'où elle est venue, qu'elle redevienne obscure comme elle le fut naguère. Zaquias dit, Nous ne savons pas qui est le mendiant ni pourquoi il a voulu être vu de Marie seulement ni ce que signifie le fait qu'une poignée de terre brille au fond d'une écuelle. Dotaim dit, emportons-la dans le désert et éparpillons-la là-bas, loin de la vue des hommes, pour que le vent la disperse dans l'immensité et que la pluie l'éteigne. Zaquias dit, Si cette terre est un bien, elle ne doit pas être emportée de là où elle est et si, au contraire, elle est un mal, qu'y soient assujettis seulement ceux qui furent choisis pour la recevoir. Abiatar demanda, Que proposes-tu, alors, et Zaquias répondit, Que l'on creuse un trou ici et que l'on y dépose l'écuelle au fond, recouverte, pour qu'elle ne se mêle pas à la terre naturelle, un bien, fût-il enterré, n'est pas perdu, et un mal aura moins de pouvoir loin de la vue.

p35
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Les mots sont ainsi, ils déguisent beaucoup, ils s'additionnent les uns aux autres, on dirait qu'ils ne savent pas où ils vont, et soudain à cause de deux ou trois, ou quatre qui brusquement jaillissent, simples en soi, un pronom personnel, un adverbe, un verbe, un adjectif, l'émotion monte irrésistiblement à la surface de la peau et des yeux, faisant craquer la digue des sentiments, parfois ce sont les nerfs qui n'en peuvent plus, ils ont trop supporté.
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Les affaires confidentielles ne se traitent pas par téléphone, vous feriez mieux de venir personnellement, Je ne peux pas sortir de chez moi, Vous êtes malade, Oui, je suis malade, dit l'aveugle après une hésitation, Dans ce cas, vous devriez appeler un médecin, un médecin authentique, rétorqua le fonctionnaire et, enchanté par son propre esprit, il raccrocha.
Cette insolence fit au médecin l'effet d'une gifle. Il lui fallut plusieurs minutes pour retrouver assez de sérénité pour faire part à sa femme de la grossièreté avec laquelle il avait été traité. Puis, comme s'il découvrait quelque chose qu'il aurait dû savoir depuis longtemps, il murmura avec tristesse, Nous sommes pétris de cette pâte-là, moitié indifférence, moitié malveillance.
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José Saramago
Le monde est une noria que tirent et font fonctionner les hommes en en foulant le sol.

LE DIEU MANCHOT.
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POÈME SEC

Je le veux vain et sec ce poème,
Brève rupture de tige remordue
Ou grincement de plancher où je ne danse.
Je veux passer outre les yeux baissés,
Pétris de chagrins et de silence,
Parce que tout est dit et me fatigue.


Poema seco

Quero escusado e seco este poema,
Breve estalar de caule remordido
Ou ranger de sobrado onde não danço.
Quero passar além com olhos baixos,
Amassados de mágoa e de silêncio,
Porque tudo está dito e já me canso.
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On donna aussi une pelle à Jésus et celui-ci travailla vaillamment à coté des hommes adultes, le destin, qui en toute chose est le plus sage, voulut même que son père fût enseveli dans le terrain par lui creusé, la prophétie s'accomplissant ainsi, Le fils de l'homme enterrera l'homme mais lui-même demeurera sans sépulture. Que ces paroles, à première vue énigmatiques, ne vous conduisent pas à des pensées élevées, elles relèvent de l'évidence, elles veulent simplement dire que le dernier homme, du fait même qu'il est le dernier, n'aura personne pour lui donner une sépulture. Or ce ne sera pas le cas de ce garçon qui vient d'enterrer son père, le monde ne va pas s'achever avec lui, il nous reste encore des milliers et des milliers d'années de naissances et de morts incessantes, et si l'homme avec une constance sans faille a été un loup et un bourreau pour l'homme, avec plus de raison encore il continuera d'en être le fossoyeur.

p148
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Une custode serait d'un bel effet, sire, j'ai observé que peut-être en raison de la vertu conjuguée de sa valeur matérielle et de sa signification spirituelle, une custode est toujours bien accueillie par la personne qui la reçoit,
p12
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Je ne crois pas qu'il existe au monde silence plus profond que celui de l'eau.
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Descendant la colline, trois hommes approchent. Ce sont les bergers. Ils pénètrent ensemble dans la grotte. Marie est couchée et a les yeux fermés. Joseph, assis sur une pierre, appuie le bras sur le rebord de la mangeoire et semble garder son fils. Le premier berger s'avança et dit, De ces mains j'ai trait mes brebis et j'ai recueilli leur lait. Marie, ouvrant les yeux, sourit. Le deuxième berger s'approcha et dit à son tour, De ces mains j'ai travaillé le lait et j'ai fabriqué le fromage. Marie fit un signe de tête et sourit de nouveau. Alors, le troisième berger fit un pas en avant, aussitôt il parut remplir la grotte de sa haute stature et il dit, mais il ne regardait ni le père ni la mère de l'enfant nouveau-né, De mes mains j'ai pétri ce pain que je t'apporte, je l'ai cuit avec le feu qui se trouve seulement à l'intérieur de la terre. Et Marie sut qui il était.

p71
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José Saramago
Chaque chose au monde porte en elle sa réponse, ce qui prend du temps ce sont les questions.

LE DIEU MANCHOT.
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Le lendemain, personne ne mourut. Ce fait, totalement contraire aux règles de la vie, causa dans les esprits un trouble considérable, à tous égards justifié, il suffira de rappeler que dans les quarante volumes de l'histoire universelle il n'est fait mention nulle part d'un pareil phénomène, pas même d'un cas unique à titre d'échantillon, qu'un jour entier se passe, avec chacune de ses généreuses vingt-quatre heures, diurnes et nocturnes, matinales et vespérales, sans que ne se produise un décès dû à une maladie , à une chute mortelle, à un suicide mené à bonne fin, rien de rien, ce qui s'appelle rien.
(Incipit)
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Il se traîna hors du trou froid comme un tombeau et, enroulé dans la couverture, il regarda devant lui la ville de Jérusalem, les maisons basses en pierre, effleurées par la lumière rose. Alors, avec une solennité plus grande encore pour être prononcées par la bouche de l'enfant qu'il est encore, il dit les paroles de la bénédiction, Je te rends grâce, Seigneur, notre Dieu, roi de l'univers, qui par le pouvoir de ta miséricorde m'as restitué ainsi, vivante et constante, mon âme. Il est certains moments de la vie qui devraient demeurer fixés, rester à l'abri du temps, et ne pas être consignés seulement dans cet évangile, par exemple, ou sur une peinture, ou de façon moderne par la photo, le cinéma et la vidéo, il faudrait que la personne qui les a vécus, ou qui en est à l'origine, reste à tout jamais exposée à la vue des générations futures, ainsi, aujourd'hui, irions-nous à Jérusalem voir de nos propres yeux ce jeune Jésus, fils de Joseph, enroulé dans sa couverture étriquée de pauvre, regardant les maisons de la ville et remerciant le Seigneur de ne pas encore avoir perdu son âme cette fois-ci. Sa vie étant encore à son commencement , il n'a que treize ans, il est à prévoir que l'avenir lui a réservé des heures plus gaies ou plus tristes que celle-ci, plus heureuses ou plus malheureuses, plus plaisantes ou plus tragiques, mais c'est l'instant que nous choisirions pour notre part, la ville endormie, le soleil immobile, la lumière impalpable, un jeune garçon regardant les maisons, enveloppé dans une couverture, une besace à ses pieds et le monde entier, proche et lointain, en suspens, dans l'attente. C'est impossible, le jeune garçon a bougé, l'instant est venu et il est reparti, le temps nous emporte jusqu'au lieu où la mémoire s'invente, cela s'est passé ainsi, cela ne s'est pas passé ainsi, les choses sont ce que nous disons qu'elles ont été.

p173
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Mais il est vrai que Joseph a de sérieuses raisons de se préoccuper, comment la famille va-t-elle vivre jusqu'à ce qu'ils puissent retourner à Nazareth, car Marie est sortie affaiblie de son accouchement et ne serait pas en état de faire le long voyage, sans compter qu'elle doit encore attendre que s'achève le temps de son impureté, trente-trois sont les jours pendant lesquels elle devra rester dans le sang de sa purification, comptés à partir du jour où nous sommes, celui de la circoncision.

p77
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Le mal dont souffrait la jeune fille aux lunettes teintées n'était pas grave, elle avait juste une conjonctivite des plus simples que le topique en doses légères prescrit par le médecin guérirait en quelques jours. Et vous le savez sûrement déjà, pendant ce temps-là, n'ôtez vos lunettes que pour dormir, lui avait-il dit. La plaisanterie était loin d'être nouvelle, on peut même supposer que les ophtalmologues se la transmettaient de génération en génération, mais l'effet se répétait à chaque fois, le médecin souriait en la disant, le patient souriait en l'entendant, et en l'occurrence cela valait la peine car la jeune fille avait de jolies dents et savait les montrer. Par misanthropie naturelle ou pour avoir connu trop de déceptions dans la vie, un sceptique ordinaire qui eût connu les détails de la vie de cette femme eût insinué que la beauté du sourire n'était que rouerie professionnelle. […] En simplifiant donc, l'on pourrait inclure cette femme dans la catégorie des prostituées, mais la complexité de la trame des relations sociales, tant diurnes que nocturnes, tant verticales qu'horizontales, de l'époque ici décrite invite à mettre un frein à la tendance aux jugements péremptoires et définitifs, défaut dont nous ne parviendrons peut-être jamais à nous débarrasser en raison de notre suffisance excessive. […] Sans doute cette femme va-t-elle au lit contre de l'argent, ce qui permettrait vraisemblablement de la classer sans autre considération dans la catégorie des prostituées de fait, mais comme il est avéré qu'elle ne le fait que quand elle le veut et avec qui elle le veut, il est probable que cette différence de droit doive déterminer à titre de précaution son exclusion de la corporation. […] Si l'on ne veut pas la réduire à une définition primaire, ce qu'il faudra finalement dire d'elle, sur le plan général, c'est qu'elle vit comme bon lui semble et qu'en plus elle en tire tout le plaisir qu'elle peut.
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Je suis aveugle.
On ne le dirait pas. À première vue, à un simple coup d'œil, seule possibilité pour l'instant, les yeux de l'homme paraissent sains, l'iris a un aspect net, lumineux, la sclérotique est blanche, compacte comme de la porcelaine. Les paupières largement ouvertes, la peau crispée du visage, les sourcils soudain froncés, tout cela, chacun peut l'observer, est l'effet destructeur de l'angoisse.
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