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Citations de Juan Marsé (74)


Elle continuait à épousseter les chaises et à les ranger le long de la table. L'inspecteur ne disait rien, et elle le regarda du coin de l’œil. Elle remarqua son laisser-aller, l'usure de son col de chemise, sa veste râpée, aux poches déformées; surtout ses joues mal rasées et pleines de coupures. Elle pensa à son estomac délabré....
(Le ton est donné)
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— Et je te le répète : ne te cramponne pas aux fleurs, ou tu iras en enfer avec elles.
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Il croit que ce n'est que dans ce territoire ignoré et abrupt de l'écriture et de ses résonances qu'il trouvera le passage lumineux qui va des mots aux faits, endroit propice pour repousser l'environnement hostile et se réinventer soi-même.
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Il n'est plus un enfant, il sait que le temps des aventures n'a jamais été suspendu, n'a jamais arrêté la marche du monde, mis il a l'impression de vivre un intermède, une parenthèse entre l'atelier définitivement abandonné et le piano de ses désirs.
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Si tu deviens un autre sans cesser d'être toi-même, plus jamais tu ne te sentiras seul.
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Le garçon portait la veste d'un mort, trop grande pour lui, et dont les manches étaient maladroitement enfoncées dans les poches. Il frottait tendrement sa joue contre son épaule, et de la pointe de sa langue il faisait habilement passer son mégot éteint d'un côté à l'autre de sa bouche, comme un vieux. Quoi qu'il fît, constata Rosita une fois de plus, le fantôme de ses bras perdus errait sans cesse autour de ses manches vides et raides, collées contre ses flancs. Il lui même arrivé, parfois, de sentir sous ses jupes les mains froides et sans sépulture de l'enfant, ces mains qu'il ne pouvait bouger que dans ses rêves, ou dans les belles histoires qu'il se racontait.
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Lorsque, enfin, il se décida à pousser la grille du jardin, sa main, comme celle de certains alcooliques quand elle saisit leur second verre, cessa de trembler, son corps se redressa, ses yeux sourirent.
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c'était une de ces coiffures laborieuses où l'on peut deviner les éléments, reconnaissables entre tous, de la lutte quotidienne contre la misère et l'oubli, la coquetterie féroce des grands solitaires et des ambitieux supérieurs.
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Non, mon garçon, l’idée que tu te faisais de Teresa au lit n'était pas entièrement exacte : car on peut à coup sûr posséder une créature aussi adorable que celle-ci, aussi instruite et respectable (certes, ses défenses morales ne sont pas aussi solides que le proclame la respectabilité de sa classe) mais il n’est pas toujours possible de posséder le monde qui va avec. Sache-le, il suffit de caresser une seule fois cette belle chevelure d’or, ces genoux de soie pleins de soleil, il suffit d’abriter dans la paume de sa main ce double univers de fraise et de nacre pour comprendre qu’il est le luxueux enfant d’un effort social et qu’il faut le mériter par un effort semblable, qu’il ne suffit pas de tendre tes serres tremblantes et de t’en saisir.
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Avec le temps, il devait connaître tant de sourires aussi inaltérables et permanents que celui-ci qu’il en viendrait même à penser que, comme l’argent, l’intelligence et la couleur saine de leur peau, les riches héritent aussi de ce sourire perpétuel comme les pauvres héritent de dents rongées, de fronts aplatis et de jambes tordues.
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María Eulalia Beltrán était grande et mince, l’air somnolent, en décolleté, très élégante, couverte de toutes sortes de parures, fétiches et objets étranges ; plus que vêtue, elle était meublée.
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La foutue vérité t’apprendra à douter de tout.
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Il fallait tuer le dragon pour te mériter. Et je me demande si cette toile de fond, ce dragon qu'il fallait vaincre et ce château étaient un moyen ou une fin ; je me demande si tout cela ne m'attirait pas plus que toi.
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Par-dessus les grossiers cache-nez tricotés par leurs vaillantes mères, qui, bien qu’elles soient assujetties aux misères du monde, luttent admirablement contre l’adversité, on peut voir des prunelles innocentes, et pour certaines, assurément, d’une grande beauté, car dans la fange aussi naissent des fleurs…
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José finit de ramasser ses affaires et ne dit rien. La nuit est tombée. Soudain, les lanternes qui pendent sous le porche s'allument, éclairant la scène.

Dans le salon, Olga a encore la main sur l'interrupteur de la lumière qu'elle vient d'allumer. Elle regarde les deux hommes de l'autre côté de la baie vitrée. De l'autre main, elle tient contre sa poitrine une nappe rouge, non dépliée. Immobile, elle regarde le père et le fils sous le porche avec un certain trouble, dans l'expectative, tandis que, de l'autre côté de la vitre, la voix de Raul, quia perdu toute acrimonie, parvient à ses oreilles (...)

Olga ferme un instant les yeux, perdue dans ses pensées. Puis elle se tourne vers la table, sa nappe dans les mains et, , en la tenant par les deux bouts, d'un geste énergique et précis elle la déplie et la lance sur la table. Un nuage rouge couvre fugitivement la baie vitrée.
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Face à un simulacre de suicide (une femme s’est allongée sur les rails du tramway, qui ne circule plus depuis longtemps)

« (…) c’est peut-être la première fois que ce garçon pressent, ne serait-ce que de façon imprécise et fugace, que ce qui est inventé peut avoir plus de poids et de crédit que la réalité, plus de vie propre et plus de sens, et par conséquent plus de possibilité de survie face à l’oubli. »


Des réflexions de son père sur le réel et l’imaginaire, suite à un incident sur une scène de spectacle :

« Où a-t-on vu chose pareille ? Imagine un peu, le public voyait clairement que c’étaient des rats, ils étaient là, enragés et velus, et tout le monde s’obstinait à croire que c’était un tour de l’illusionniste ! Aujourd’hui, plus personne n’ose voir les choses comme elles sont ! »


« Parfaitement symétriques, larges d’un peu plus de quinze centimètres et assez usées par les pluies et les pieds folâtres de la petite bande, les trois marches surgissent à l’improviste du néant et grimpent sur la colline, vers nulle part et pour rien. »

« Où qu’il aille dans le futur, depuis ce matin où, seul, mais parfois flanqué de Mowgli puis de Winnetou, il se met en chemin en portant à son bras le panier du déjeuner de son grand-père, qui l’attend en sulfatant la vigne, où que demain la vie le mène, ses pieds fouleront ce chemin et soulèveront de nouveau jusqu’à son nez une poussière aux parfums de sparte, de fumier et de raisin pressé, et quelque chose de cette poussière germinale l’accompagnera toujours. Il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’autre chemin comme celui-ci au monde, pense-t-il encore aujourd’hui, aucun chemin qu’il ait pris autant de fois dans sa mémoire.»

Son père et ses amis brûlent des livres interdits :

« Ranimé par les rafales, le feu soulève des feuilles qui se sont détachées de certains volumes et les maintient un instant sur la crête des flammes, voletant comme de grand papillons noirs au milieu d’une constellation de flammèches ».

« La réponse (à une question posée par un personnage) est le crépitement à peine audible des pages, la rumeur des mots convertis en cendres, un chuintement incessant dans les oreilles de l’enfant. Combien de fois l’entendra-t-il à nouveau, jusqu’à ce qu’il devienne un vrai sifflement. »


« Ses yeux errent de la rue à l’écriture. Sa main bandée tient encore le crayon, avec effort, et l’autre s’obstine à cacher, avec pudeur, la première annotation, quand, attentif à d’autres échos et à d’autres rythmes, il décide de corriger et de préciser davantage.
Sur son versant sud, creusé dans un rocher, il y a trois marches d’un escalier qui n’a jamais été terminé, et dont personne ne sait où il voulait monter.
Il croit que c’est dans ce territoire ignoré abrupt de l’écriture et de ses résonnances qu’il trouvera le passage lumineux qui va des mots aux faits, endroit propice pour repousser l’environnement hostile et se réinventer soi-même ».

« Refuser son véritable nom avait toujours été un peu plus qu’un jeu ou une idée amusante. Si elle n’était pas si bizarre, et si elle n’avait pas presque deux ans de plus que lui, il le lui expliquerait avec plaisir. Mon nom est Domingo, poupée, mais quand j’étais petit on m’a enlevé le do, la première note de la gamme, et ça a donné Mingo, qui ne me plait par du tout. Un prénom mutilé, comme mon doigt. On m’a enlevé la note de musique, mais moi j’ai changé une lettre, une seule, et depuis ce jour-là il faut me chercher dans la prairie de l’Arizona, loin de ce sale quartier… »
(le héros se fait appeler Ringo).

« Ce ne sera pas pour longtemps, lui a dit sa mère, aucun mal n’est éternel. Pas pour longtemps, oui, combien de fois a-t-il entendu ces mots bien intentionnés, à la maison, au bistrot ou dans tant d’autres lieux, mais en fait tout dure finalement jusqu’à ce que vous soyez au bout du rouleau ; plus que tout autre chose, plus que la charge quotidienne de désirs et de manques, plus, même, que la peur ou l’incertitude du lendemain, c’est ce vague malaise de ne pas avoir fait ce qu’on devait faire, ce qui était le plus juste et le mieux, même en sachant que le mieux et le plus juste n’auraient servi à rien non plus. »

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— Pour l’amour de Dieu, mon lieutenant, restons-en là, a dit le sergent. Vous allez finir par vous faire du mal.
Toujours gisant, le lieutenant l’a interrompu par une bordée de jurons :
— Par le trou de balle de ma mère, sergent, ne vous ai-je pas dit de ne pas bouger ?! Je chie dans le ciboire et sur la putain qui a pondu Abd el-Krim le cul dans les ronces !

[in Les Aventures d'un lieutenant têtu]
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— Je te félicite. Tu es un petit monsieur en celluloïd, un avaleur de zooms et de travellings en conserve. Mais si tu pouvais imaginer tout ce que tu as perdu en snobant le public des poulaillers !
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— Dans cette loge fantastique qui sentait la pisse et la sciure, a poursuivi l’écrivassier dans se troubler, j’ai vu ce qu’on fait de mieux comme navets, et même qu’on se flanquait des touches pendant la projection. Un soir, Juanito Marés, qui assistait toujours au spectacle enfoncé dans son imperméable garni d’un capuchon, tu vois qui je veux dire, eh bien figure-toi qu’il se la secouait chaque fois que l’écran montrait Ella Raines, une actrice aux yeux verts vénériens qui faisait de ces mauvais films que tu n’aimes pas et dont je raffole.
Impatient, le metteur en scène a fait oui de la tête.
— O.K., on se remet au boulot ?
— La Dame Inconnue. Quand Elle, l’Exquise, croisait ses genoux gainés de bas couleur de fumée, on voyait la main vert foncé de Juanito se glisser sous l’imperméable comme une serpent.
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— Et à partir de cette scène, dit l’écrivain, à l’instant précis où le nain à la grosse tête, habillé en boy-scout, cligne nerveusement des yeux et commence son escalade politico-folklorique vers les cimes patriotiques du Montserrat, le sac à dos rempli de provisions, acclamé par la foule qui lui jette des fleurs et de la monnaie, c’est alors qu’apparaît la jambe nue et lumineuse de Ivy/Miriam Hopkins qui se balance au bord du lit en surimpression soutenue, tout au long de la séquence et de tous les plans suivants, la cuisse immortelle d’Ivy la putain oscillant sur l’écran comme une douce menace vénérienne ou comme un cauchemar romantique de bonheur éperdu, avec sa jarretière noire et ses chancres purulents, perturbant ainsi l’ascension tapageuse, florale et patriotarde du nain clignotant, jusqu’à l’apparition du mot FIN.
— Tu es fou, a dit le metteur en scène. Oublie ça, je n’ai pas l’intention de porter à l’écran tes fièvres infantiles.
— Comment ça, des fièvres ? Je parle de l’histoire contemporaine de ce pays.
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