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Critiques de Julie Ruocco (94)
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Furies

Je ressors bouleversé de la lecture de Furies, le roman de Julie Ruocco, une jeune autrice que je lis pour la première fois grâce au Prix des Lecteurs des 2 Rives 2022 pour lequel elle est en lice.

Furies, nom donné par les Romains aux Érinyes grecques, filiation d’Ouranos (Uranus à Rome) dont l’une d’elles est gravée sur une pierre découverte par Bérénice dans un chantier de fouilles, en Thessalonique. Cette Furie l’accompagne pendant tout le récit. Jeune archéologue, Bérénice a subtilisé cette œuvre d’art et la porte en pendentif. D’ailleurs, complètement traumatisée par la destruction des monuments de Palmyre par les djihadistes, elle a choisi de collaborer à un trafic d’œuvres d’art, ce qui la ramène au Moyen-Orient d’où son père l’avait fait venir en France.

Voilà Kilis, petite ville turque à la frontière de la Syrie où Bérénice doit récupérer un lot d’objets précieux, du trafic issu des fouilles archéologiques. Une terrible explosion bouleverse tout mais Bérénice en réchappe sans oublier de récupérer le sac et son précieux contenu.

C’est tout près de là, à Öncüpınar qu’elle prend avec elle une fillette qu’une femme lui confie pour la sauver du camp de réfugiés où elle se trouve.

Bérénice, la fillette. Il ne manque plus que le troisième personnage important de ce roman terriblement réaliste : Asim. Lui, il était pompier dans sa ville syrienne où l’on vivait heureux après la révolution, la libération voulue par le peuple. Ce peuple est maintenant massacré par les djihadistes utilisés par le régime de Bachar al-Assad pour mater toute tentative de transformation du pays, quel qu’en soit le prix.

Tout au long du livre, Julie Ruocco me captive aussi bien par ses descriptions, ses moments de vie au plus près des gens comme par ses réflexions sur ce qui se passe là-bas sans que les pays occidentaux n’interviennent.

Quand tout bascule, l’État syrien ayant relâché les djihadistes emprisonnés pour interner les manifestants et les révolutionnaires, Asim devient infirmier puis fossoyeur. Sa sœur aînée, Taym, s’est révélée parmi les leaders du mouvement. Elle ne cesse de réunir toutes les preuves des massacres, tortures, exécutions sommaires perpétrés par ces hommes entièrement vêtus de noir. Tout cela est enregistré sur une clé USB afin que rien ne soit oublié.

C’est finalement à Kilis que Bérénice et Asim se rencontrent, ce dernier a fui sa ville dévastée, a appris à établir de faux papiers. Avec la fillette recueillie par Bérénice, ils doivent fuir encore pour vivre un temps au Rojava, le Pays des Deux Rivières au Kurdistan. Là, les Peshmergas tentent d’établir une vie démocratique où les femmes sont les égales des hommes.

C’est là que Bérénice est choquée profondément lorsqu’une femme, entièrement vêtue de noir, derrière les barbelés d’un camp de prisonniers, l’apostrophe avec l’accent parisien : « Couvre-toi la tête, tu es indécente. »

Comme beaucoup d’autres, elle fait partie de ces Européens venus semer la mort dans ces pays qui aspiraient tellement à la liberté.

Entre les cauchemars de Bérénice et le dur contact avec son quotidien, Julie Ruocco réussit à me faire comprendre, toucher du doigt la réalité de cette ronde de Furies antiques, se répétant sans cesse au cours de l’histoire.

Furies est un terrible roman allant bien au-delà des faits racontés avec précision. Julie Ruocco, de son écriture parfaite, a su me prendre et captiver mon attention tout en poussant ma réflexion sur des drames se jouant à notre porte et que nous avons laissé faire, le payant aussi, chez nous, par la mort violente de beaucoup trop d’innocents. Nous avons laissé faire et nous l’avons payé cher.

Réfléchissons alors pour tenter de comprendre et, pourquoi pas, empêcher que cela recommence comme l’actualité se charge de nous le rappeler régulièrement.


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Furies

Dès les premières pages, le roman est placé sous le signe de la tragédie grecque, avec ses coïncidences qui font se rencontrer des personnages qui n'auraient jamais dû se croiser et les emportent dans des mouvements les dépassant, en l'occurence ceux impulsés dans le théâtre de la guerre en Syrie.



Bérénice est française, archéologue dévoyée en trafiquante d'antiquités, envoyée à Palmyre pour récupérer quelques oeuvres. Asim est syrien, pompier devenu fossoyeur puis faussaire en passeports en Turquie. Leurs parcours parallèles se déploient jusqu'à leur rencontre accélérée par les péripéties guerrières et de l'avancée de Daesh en Syrie.



Initialement, chacun incarne un stéréotype, occidental ou oriental, que Julie Ruocco va magnifiquement exploser jusqu'à les faire embrasser une même thématique universelle, très puissante, liée au deuil et à la résilience, à la mémoire et à la transmission.



« Un genou à terre, Bérénice gardait la petite dans ses bras. Elle savait à présent, elle savait qu'à l'autre bout de sa vie, son père avait pris cette même décision. Fini de tamiser les sables du temps, elle acceptait tout qui était perdu et ne serait jamais retrouvé, elle acceptait l'oubli et le deuil, le silence et la perte. Elle acceptait de laisser les objets et les corps reposer dans la terre pourvu que l'enfant qu'elle tenait ne s'évapore pas. »



Elle, au départ totalement désabusée, va s'ancrer dans sa propre humanité.



« Une espèce de folie fermentait dans ses veines, se nourrissait de son malaise. Elle commençait la curée par les parties aveugles de son esprit. Ses angoisses, sa peur de l'effacement. Assis dos au mur, Asim essayait de passer en revue tous ceux qu'ils avaient connus et qui n'étaient plus là. Les visages et les souvenirs défilaient . Aussi lumineux et fugaces que les ombres derrière les fenêtres d'un train de nuit ou des vignettes blanches sur les pellicules de cinéma. »



Lui, la candeur même bousculée par le chaos de l'histoire, va s'extraire de la folie née de la perte des siens et de la découverte d'une charnier de Daesh.

Les morts sont intensément présents autour de Bérénice et Asim. Ce dernier a perdu sa soeur, Taym, une ardente activiste qui avait recensé sur une clé USB les atrocités commises par les djihadistes et les suppliciés du régime de Bachar al-Assad. Quel peut être la suite donnée à cette cartographie de l'horreur ?



Ces héros contemporains dépassent les canons antiques. Julie Ruocco utilise très habilement la mythologie comme fil conducteur de son roman, proposant une réécriture très maitrisée de l'Orestie d'Eschyle, avec comme figure titulaire les Furies ou Érinyes, filles de Gaïa et Ouranos, celles qui n'oublient jamais les fautes et qui pourchassent ceux qui enfreignent les lois. Des figures de vengeance.



Sans justice et sans mémoire, nous nous condamnons éternellement. Tout le cheminement romanesque de ces personnages claudiquants, décillés par la guerre, les guide dans un récit initiatique qui les voit évoluer au regard l'un de l'autre. Ou quand les Érinyes abandonnent la vengeance pour devenir les Bienveillantes, gardiennes de la cité d'Athènes. C'est très beau et très fort. Si l'écriture très travaillée de l'auteure peut parfois mettre à distance l'émotion ressentie par le lecteur, elle a la puissance de l'évidence dans des scènes superbes comme celle de la découverte du charnier par Asim ou d'un voile brûlée comme acte libérateur.



Un premier roman vraiment impressionnant de maitrise et de force.



Lu dans le cadre du collectif 68 Premières fois 2022 #1
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Furies

Découvert dans le cadre du Prix des lecteurs des 2 rives organisé par ma médiathèque favorite, Furies de Julie Ruocco, a été pour moi une révélation !

Au départ, j'ai cru avoir à faire à une histoire de trafiquants avec cette jeune femme française nommée Bérénice, archéologue dévoyée, vivant maintenant de trafics d'oeuvres d'art historiques. Mais, tout bascule, quand, en mission à la frontière turque, chargée de récupérer et rapporter des parures exhumées des ruines antiques de Palmyre, en Syrie, a lieu sous ses yeux le meurtre de l'intermédiaire chargé de lui remettre les bijoux, avec l'explosion d'une voiture.

Ayant pu contacter sa galeriste polonaise, celle-ci lui dit de rentrer au plus vite, en allant trouver un de ses contacts, une humanitaire suisse qui travaille dans le camp de réfugiés d'Öncüpinar et qui l'aidera pour le retour.

Bérénice reviendra de son voyage aux frontières du camp avec son sac de bijoux sous un bras et une petite réfugiée sans nom dans l'autre, prête à tout donner aux douaniers pour pouvoir rentrer avec l'enfant.

Ensuite, nous faisons connaissance avec Asim, jeune syrien, qui ne sait plus très bien comment, de pompier, il est devenu fossoyeur. « Sa seule certitude était que le sol déborderait bientôt et que si ça continuait, ils marcheraient sur un fumier de corps où plus personne ne pourrait distinguer le bourreau de la victime, le lâche du courageux ».

Poussé par l'avènement de l'État islamique, profondément meurtri - le sang s‘était retiré de ses veines lorsqu'il avait découvert dans un charnier, le corps de sa soeur Taym décapité, cette soeur qui s'était tant investie pour que la vérité éclate - il s'exile en Turquie. Il trouve un petit espoir en fabricant des faux passeports et en donnant aux survivants, les noms des morts enterrés dans son pays, tentant ainsi de leur donner une nouvelle vie. La grandeur de sa tâche est à la mesure de sa folie, celle de maintenir une mémoire vive, au moment même de son effondrement.

Avant de poursuivre, il m'est impossible de ne pas évoquer ce passage ô combien terrible et bouleversant, où la tante d'Asim prépare les corps de son fils et de la soeur d'Asim avant qu'ils ne soient enterrés. Ne voulant pas que sa nièce soit inhumée sans tête, elle va, avec délicatesse et maintes précautions, se servir d'une pierre ronde pour reconstruire son visage, puis le remodeler dans les plis du tissu…

Quant à Bérénice, elle doit se dépêcher de trouver un bon faussaire pour les papiers de la petite, bien résolue à ne pas partir sans elle. Elle est alors mise sur la piste du « pompier syrien ». Sa recherche la mène « en périphérie de la ville frontalière, dans les quartiers de la « petite Syrie ». C'est là que les familles qui fuyaient la guerre civile puis l'État islamique avaient trouvé refuge. En quelques années, Kilis avait ainsi vu sa population doubler.

À travers ces deux trajectoires qui vont se croiser et s'unir, c'est l'histoire tout entière de ce conflit syrien que couvre ce roman, un témoignage absolument ahurissant d'une période qui couvre dix ans, s'ouvrant en 2011, par le tellement prometteur printemps arabe.

L'élan de ce peuple qui se lève, qui a cru dans sa révolution, puis, les événements s'emballent… La répression par le régime de Bachar el-Assad, la guerre civile, l'émergence de l'Islamisme radical, des exactions innommables, l'indifférence puis l'ingérence internationale, l'afflux des djihadistes venus d'Europe, dont de nombreux français. C'est l'horreur absolue avec ces violences, ces exécutions, ces tortures, ces disparitions entraînant l'exil, les camps de réfugiés, les brigades féminines de la résistance kurde assoiffées de liberté et de démocratie.

Furies est comme un combat que Julie Ruocco, au travers de ses héros, mène contre l'oubli.

Comment se fait-il que l'homme n'ait pas appris et n'ait pas tiré de leçons des horreurs du passé ?

En oubliant les crimes, on oublie les victimes et cette question centrale du roman sera l'obsession de nos protagonistes et la direction de leurs engagements.

En intitulant son roman Furies, du nom de ces divinités romaines correspondant aux Érinyes grecques, déesses de la vengeance, parcourant la surface de la terre en pourchassant sans relâche les criminels, considérées également comme protectrices des droits des membres de la famille, Julie Ruocco rend un superbe et puissant hommage à ces femmes qui ont fait les révolutions arabes et à leur quête de justice. L'auteure exprime également l'aspiration à une justice qui se servirait de la mémoire comme d'une sorte de remède pour éviter justement ces vengeances stériles uniquement pourvoyeuses de barbaries.

Furies de Julie Ruocco est un premier roman poignant, fort et sensible, sur le devoir de mémoire, dont je suis sortie abasourdie et impressionnée.


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Furies

Archéologue devenue trafiquante d'antiquités, la Française Bérénice ne connaît du désastre syrien que les trésors volés qu'elle récupère à la frontière. Le Syrien Assim, lui, voit avec désespoir la guerre réduire ses fonctions de pompier à celles de fossoyeur. La folie furieuse qui s'est emparé de son pays va pourtant finir par faire se croiser leurs chemins, dans une tourmente infernale dont nul se sortira indemne.





Barbarie, horreur. Après cette lecture, les mots semblent dérisoires pour évoquer le calvaire de la population syrienne cette dernière décennie. Ceux de Julie Ruocco ont la puissance et la fulgurance de traits d'arbalète, lorsqu'elle égrène ses implacables observations et réflexions, au fil de scènes d'une acuité impressionnante. D'images marquantes en commentaires percutants, l'intelligence mordante de ses pages bouscule, bouleverse, et tout autant d'effroi pour les réalités racontées que d'admiration pour la somptuosité de l'écriture, vous laisse coi longtemps après le point final.





Pourtant, dans ce chaos à faire désespérer de l'humanité, brillent sans discontinuer quelques modestes mais obstinées lueurs d'espoir. Ce sont les femmes qui, dans cette histoire, comme les Furies de la mythologie pourchassant sans relâche les criminels, les portent du bout de leur courage et de leur détermination, dans leur ultime refus de céder leur liberté contre l'obscurité du fanatisme et de l'oppression. Et même si leur vaillance obscure et anonyme les mène au sacrifice, c'est elle qui permet de croire, pour de futures générations, en la possibilité d'un jour meilleur.





Nul doute que ce premier roman étourdissant de puissance et de maestria nous révèle un auteur et une écriture promis à la plus brillante des trajectoires. Coup de coeur.


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Furies



Ce qui m'a frappée à la lecture , c'est surtout la maîtrise avec laquelle J.Ruocco mène son roman.Pour un premier c'est un coup de maître; je suis persuadée qu'il a un bel avenir. En filigrane, l'Orestie transformée par des héros modernes.

Le sujet est brûlant :la guerre ,et la planète n'en manque pas.

C'est en Syrie en particulier que se situe l'action, et les Furies (déesses de la vengeance dans la mythologie grecque) deviennent ici, d'une part la furie des hommes dans la guerre, d'autre part, des femmes combattantes de la révolution kurde.

Bérénice, archéologue est devenue trafiquante d'antiquités, elle est attirée par l'ancienne Palmyre, elle rencontre beaucoup de réfugiés et Asim qui, de pompier devient fossoyeur et qui veut redonner un nom à chacun de ces morts. Elle déterre, lui enterre.

Un fantôme plane sur cette histoire, c'est Taym, soeur d'Asim ; cette "Electre" moderne a confié à son frère une arme qui pourra éclairer le monde sur les massacres du peuple soigneusement tus: une clé USB.

J.Ruocco a travaillé à partir d'archives dit-elle sans connaître le terrain, et pourtant quel texte! le combat pour la liberté de toutes ces femmes en particulier dans la province de Rojava est remarquable et poignant, sans occulter une trame romanesque.

Un roman précieux, et une autrice promise à un bel avenir, il faut le lui souhaiter.

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Furies

De la Terre pousse les fruits que nous mangeons ou encore les arbres qui nous permettent de respirer... Pourtant cette même terre peut reprendre ce qu'elle nous a donné...



Alors que Bérénice, jeune archéologue française de formation est venue en Syrie déterrer de vieux trésors dans le but de les revendre au marché noir, sa rencontre avec une fillette réfugiée va changer sa vie. En recueillant l'enfant et en voulant la ramener en France, Bérénice va croiser le chemin d'Asim, ancien pompier syrien qui s'est confié pour mission de creuser la dernière demeure des personnes emportées par la guerre...



Alors que tous les opposent, cette rencontre va prendre beaucoup de sens...



En traitant le sujet de la guerre en Syrie et de sa révolution, Julie Ruocco nous offre ici un magnifique premier roman que je trouve très abouti. Je suis impressionnée par la maturité de la plume de cette jeune auteure qui nous propose un roman mettant en lumière aux femmes et aux hommes œuvrant pour la liberté de leur état quitte à en payer de leur vie...



Un très beau roman à découvrir et qui ne vous laissera pas indifférent...
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Furies

Avec une rare finesse, la plume poétique de Julie Ruocco raconte la Syrie d'hier, à l'aube de sa nuit... En mêlant deux destins, celui d'une Française et celui d'un jeune homme de là-bas, brisé par la guerre qui ravage la Rose sanglante du désert, l'auteure parvient à rappeler que tout est lié, à ourler d'un espoir doré une obscurité impénétrable (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2021/08/27/furies-julie-ruocco/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Furies

Quand Bérénice exhume des objets, inertes témoins d’un passé révolu, Asim inhume ses compagnons d’infortune, victimes d’une guerre qui les dépasse et qui frappe aveuglément des vies qui semblent n’avoir d’autre valeur que celle de pouvoir trahir d’autres vies à faucher. Le pompier est devenu fossoyeur par nécessité dans cette Syrie en ruines.



Et pourtant le peuple lutte envers et contre tout avec une sorte de fatalisme obligé.



La découverte de sa sœur au sein d’un charnier amène le jeune homme aux portes de la folie mais son combat se poursuit.



C’est le hasard qui conduit Bérénice vers Asim alors qu’elle tente de secourir une enfant muette et terrorisée et met tout en œuvre pour la faire sortir de ce pays agonisant.



La romance au cœur du récit est un support pour de nombreuses réflexions sur la guerre et son absurdité mais aussi son caractère inéluctable.



L’écriture est dense et riche, conférant au roman une érudition qui met un peu à distance le sujet.



C’est cependant un premier roman dont le style affirmé présuppose un talent que des écrits ultérieurs confirmeront sûrement.
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Furies

Après avoir lu, puis avec le recul proposé ma vision de ce roman "Furies", j'ai eu la conviction, que l'ouvrage de Julie Ruocco s'imposait comme l'un des livres majeurs écrits sur la Syrie.

Le drame est restitué avec une retenue étonnante, et la violence des crimes apparaît aussi dans toute son ignoble cruauté.



Si Julie Ruocco est peu connue, je suis sur que son premier roman, est l'annonce d'une grande écrivaine.



"Furies", met en scène 6 personnages, Bérénice, Asim et Taym sa soeur, une petite fille, Bahia, et deux pays, la Syrie et le Kurdistan (non reconnu).



la puissance qui se dégage du livre vient sans doute de cette vibrante et patiente montée en puissance du drame. Dans les premières pages le décor s'installe."

Des métaphores soutiennent l'écriture de Juie Ruocco, quand parfois elle souligne, "son cerveau n'était pas équipé pour ça".



Il y a aussi les bruits, et les odeurs et la poussière qui recouvre tout, après chaque bombardement ou les gaz qui laissent des vides immenses, effaçant chaque bruit et installant la nuit.



Le bruit de la terre que l'on jette sur les corps, "Encore une pelletée". Les images de la vie d'avant, lui revenaient par touches, Asim "entendait la pluie d'été sur les sacs en plastique quand sa mère rentrait des courses" (p 35).



Asim pompier syrien est omni présent sur les terres contrôlées par Assad. La découverte de cette fosse, où suivant les besoins, des corps, où des gravats sont enfouis fait basculer sa vie. Tout a disparu aux yeux de la police de Bachar, comme aux yeux de sa population devenue martyre. Mais d'autres syriens surveillent, découvrent, enterrent les morts. Des femmes et notamment la soeur d'Asim, Taym, note, relève, et alimentera l'histoire.



C'est en effet un livre sur les femmes. Mais le lien est si ténu entre les espoirs des hommes et les aspirations des femmes, que Julie Ruocco ne cesse de rappeler leurs communes révoltes : page 66, "Taym s'était emportée , si les Syriens ont des raisons de se révolter contre la dictature, sois certain que les Syriennes en ont dix fois plus ! Nous marcherons dans la rue avec ou sans vous. Et elles avaient marché."



L'entrée en scène de la petite fille, marque un nouvel éclairage sur les douleurs vécues au quotidien par les familles syriennes. Au fil des pages cette enfant va s'ouvrir, pas à pas, dans les bras d'Asim et de Bérénice. Toute la délicatesse de Ruocco, va permettre au lecteur de prendre la mesure des détresses éprouvées. Asim a perdu sa propre soeur égorgée par des fous de dieu, les hommes en noir ; Il n'y aurait "que les femmes voilées qui ont le droit de survivre".



Asim et Bérénice vont partager la mission la plus nécessaire, la seule vitale, l'inventaire des faits criminels minutieusement rassemblés par Taym tout au long de sa si courte vie. Une documentation détaillée par thème, les interrogatoires, les arrestations, les exécutions, qui ? Où ? Comment ?

Plus les éléments seront nourris de références, plus les chances d'identifier, les crimes et les coupables, seront fortes, plus les chances de condamnation seront préservés.



Bérénice ancienne étudiante, cherchant l'exotisme à travers les fouilles archéologiques, bascule au contact d'Asim. Elle poursuivra inlassablement la recherche de témoignages.



Mais une nouvelle fois pour sauver, la petite fille et le trésor de Taym, il faut fuir.

Cette fois ce sont les femmes peshmergas, qui sont au coeur des combats. La commandante Bahia, initiera Bérénice, à cette déterminante réalité, la plus symbolique facette de ce drame , le front en avant des Furies peshmergas

.

Julie Ruocco trouve les mots pour décrire le monde féminin, engagé dans ce conflit pour leur Liberté.



La minorité Yézidie vit un véritable calvaire. Les jeunes filles sont vendues par Daech au marché aux esclaves.

Où l'horreur cessera t-il enfin ? Interroge Bahia,



la fillette à sa façon lui répond !



"La petite avait crayonné des étoiles en plein jour, comme un fond de nuit autour du soleil jaune. La jeune femme sourit brièvement à la fantaisie. Les yeux de Bérénice s'attardèrent sur quelques tâches rouges à côté de silhouettes noires. Des corps allongés. Au-dessus d'eux, il y avait des têtes sans visage avec dans les mains des objets lourds. Un massacre peint par une main d'enfant." page 258.





Je reviens bouleversé et en même temps j'ai ressenti chez ces femmes une espérance insubmersible.



Je suis loin de mon texte de 2017, les giboulées d'avril et ces vers de désespoir :

Dans l'horreur du sarin, des bébés sont bercés

Au vent d'avril s'égouttent les pleurs d'enfants fanés,

On n'entend plus la clameur des enfants qui se meurent.

( les fissures de l'aube p 80)



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Furies

« Nous nous battons pour en finir, nous nous battons pour arracher la part de la violence dans le cœur des hommes. »

Le combat est au cœur de ce livre. Celui de Taym, Rokan, Bahia, femmes au cœur de la guerre, investies, militantes, sacrifiées, prêtes à lutter avec toutes les armes dont elles disposent (parole, fusil, net…) pour un monde meilleur. Elles sont les guerrières sans nom d’une guerre sans merci, au cœur d’une Syrie dévastée, aux prises avec un état fanatique et l’état islamique. Des femmes fortes dont les chemins vont croiser ceux de Bérénice, archéologue dévoyée, trafiquante, et d’Asim, pompier syrien devenu fossoyeur, 2 solitudes alliées pour survivre dans une Syrie en feu, décidées à recueillir et porter la parole des victimes. Et de sauver une âme pure. 2 héros en proie aux doutes et à la mélancolie de ceux qui ont trop vu.

La plume est tout à la fois exigeante, lyrique, poétique. Elle est tout simplement parfaite pour narrer l’horreur, le chaos, les camps, la barbarie, la vie.

Un premier roman impressionnant
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Furies

Derrière ce titre, Furies, il y a les femmes qui ont fait les révolutions arabes, celles qui les ont organisé dans l’ombre pour dessiner un autre avenir, celles qui ont continué à se battre même sans perspectives de réussite, celles qui ont été les premières victimes de l’Etat islamique – et de tous les autres régimes basés sur le fondamentalisme religieux, comme nous le rappelle douloureusement l’actualité en Afghanistan. Les histoires mêlées de Bérénice, archéologue receleuse d’antiquités obnubilée par le passé, et d’Asim, pompier syrien devenu malgré lui fossoyeur, puis faussaire, nous projettent dans une guerre sans fin dont l’Occident se garde bien de se mêler, depuis déjà plusieurs années.



Dans ce récit, plus que la guerre, image évanescente en toile de fond, c’est le devoir de mémoire et de justice que met en avant l’auteure, notamment à travers le personnage très fort de Taym, soeur d’Asim et tête de pont de l’élan révolutionnaire. « Nommer l’horreur, chiffrer un massacre, c’était déjà lutter contre l’écrasement de pensée, surmonter le fantasme et, peut-être, s’y préparer. » La nécessité de transmettre les noms et les histoires des hommes, des femmes et des enfants massacrés, torturés ou suppliciés par le gouvernement syrien puis l’Etat islamique offre à nos deux personnages, chacun égaré à sa manière, une cause à défendre, un élan à vivre. Au milieu des décombres d’une guerre qui n’en finit pas, chacun se bat pour sauver ce qu’il peut, quel qu’en soit le prix.



Julie Ruocco m’a estomaquée avec son style d’écriture haletant et acéré, lequel nous maintient tout au long du récit dans un sentiment d’urgence, dans une anxiété profonde que chaque instant soit le dernier. De la pointe de sa plume, elle gratte sous la surface des hommes pour en exhiber les tréfonds les plus obscurs et les plus inavouables, pour étaler les faiblesses qu’ils préféreraient oublier. Elle nous empoigne les tripes en nous révélant l’étendue du désastre psychologique qu’une telle guerre peut avoir sur un homme comme Asim et l’incroyable résilience qu’elle peut créer chez des guerrières comme Rokan. Elle a réussi à me toucher au coeur, et à me retourner l’estomac, tout en me charmant de ses mots bien choisis et de ses idées bien tranchées – sacré performance pour un premier roman.
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Furies

Tous les deux creusent la terre. Lui, Asim, le fossoyeur, pour ensevelir. Elle, Bérénice, l’archéologue, pour révéler.



Leurs destins sont liés par la guerre. Celle de l’état islamique.



Bérénice, jeune archéologue française en mission à la frontière turque, est devenue trafiquante d’art syrien.



Asim, pompier syrien, après avoir retrouvé le corps de sa sœur dans une fosse, mutilée par Daesh alors qu’elle était encore en robe de mariée, devient fossoyeur et faussaire. Il tente de redonner vie à tous ceux qui l’ont perdue.



Une coïncidence les met sur le chemin l’un de l’autre. Une enfant sauvée par Bérénice. L’espoir dans ce monde de poussière, de bombes et de terreur.



Bérénice et Asim sont passeurs d’histoires et de mémoires.



Julie Ruocco signe un prix roman remarquable. J’ai été impressionnée par la maîtrise du verbe, émerveillée par les descriptions terrifiantes de la guerre et émue jusqu’aux larmes par les dernières pages déchirantes. L’autrice arrive à nous immerger dans cette ville de sable, aux côtés de ses habitants terrifiés et de ses femmes que l’on veut enchaîner sous des voiles.



Mais ces femmes, elles sont fortes et salutaires, elles s’organisent pour résister et ne pas tomber aux mains de barbares. Il n’y aura pas de furie avec ces elles!



Wahou ! Quel premier roman! C’est beau, très très beau! Poétique, éclatant, brillant, ne passez pas à côté !
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Furies

Un coup de coeur pour ce livre à l'écriture limpide et à la construction simple.

Deux personnes décédées hantent les personnages principaux: le père de Bérénice, exilé qui a toujours caché son origine et Taym, la soeur d'Asim: une activiste idéaliste qui déplore l'aveuglement de son frère: il veut qu'elle quitte le pays pour échapper à la mort; il organise un faux mariage pour passer la frontière mais trouvera la jeune mariée dans la fosse des cadavres, décapitée.

Deux histoires se passent de nos jours en Syrie, en Turquie et au Rojava. Asim n'a plus de sa soeur qu'une clé USB où elle avait enregistré toutes les horreurs que vivaient les syriens.

Il était pompier pour sauver des vies, il devient fossoyeur pour tous ceux qui ont été exterminés; il finira faussaire créant papiers et passeport pour aider à fuir ceux qui'espèrent encore.

Bérénice, archéologue française, détourne des objets antiques pour une galerie parisienne.

"Il enterre, elle déterre.

Depuis un camp, une femme donne une petite fille à Bérénice qui décide de la sauver.

Asim repense à la joie qui avait éclaté lors de la révolution. Son peuple s'était levé mais le monde est resté assis (cette amertume revient souvent: l'Occident n'a pas bougé). Ceux et celles qui avaient milité pour des actions pacifiques ont été les premiers exécutés. C'est l'état et Bachar al-Assad et ses mafieux qui répandent la violence. La révolution est renversée par la folie "La violence s'était insinuée partout comme l'infection dans une plaie"

Bientôt les crimes de l'état ont été aggravés par l'arrivée des hommes en noir: les djihadistes . Le rôle des femmes avait été important; parmi les militants pour une transition démocratique, certains voulaient que les femmes ne participent pas, par sécurité mais Taym avait explosé: Si les syriens ont des raisons de se révolter contre la dictature, les syriennes en ont dix fois plus. nous marcherons dans la rue, avec ou sans vous.

Et ce sont elles les premières victimes des djihadistes: elles n'ont plus aucun droit! Pour sauver une petite fille des mains d'un homme en noir, Asim feint de l'insulter et de la battre puis la ramène à ses parents.

Contre vents et marée Bérénice veut rentrer en Europe avec l'enfant. Sa logeuse turque lui indique un faussaire pour le passeport nécessaire. ce sera "le pompier syrien." Asim est parvenu en Turquie comme Bérénice: les deux histoires se rejoignent. La petite fille n'a pas encore reçu de nom; c'est Asim qui donne les noms de suppliciés aux demandeurs de papier (c'est à la dernière phrase du roman qu'on apprendra le prénom qu'il a choisi) Asim demande à Bérénice de traduire le contenu de la clé USB; après l'avoir fait, elle demande à recueillir les témoignages des exilés.

Le passeport est bientôt prêt et Bérénice suggère à Asim de s'en faire un pour lui.

Bérénice est grillée, on sait qu'elle a volé: elle ne peut plus quitter la Turquie. Paradoxalement, on lui propose de regagner la Syrie mais au Rojava où les peshmergas luttent contre l'état islamique: territoire autonome et démocratique. Ce sont des combattantes qu'elle rencontre, elles luttent pour Femme, vie, liberté. Mais les turcs passent la frontière. C'est toujours la guerre.

Bérénice et l'enfant parviennent en Allemagne...la vérité des horreurs ne peut plus être estompée.

Un texte très émouvant qui devrait culpabiliser l'Occident, reconnaître le pouvoir des femmes dans leur lutte pour la paix et se demander pourquoi des jeunes rejoignent les hommes en noirs...

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Furies

Je ne ferai pas un long commentaire car tout a été dit déjà .



Un livre puissant , fort, pointu , poignant , émouvant , pétri d’émotions multiples.

Il m’a littéralement bouleversée, questionnée, fait réfléchir ..souffrir …



«  Les combattants de la révolution ne meurent jamais » …



«  La violence s’était insinuée partout comme l’infection dans une plaie . Y compris chez ceux qui la combattaient » .



«  Il est traître celui qui tue son peuple » .

«  Les femmes ;: menacées si elles sortaient , insultées si elles osaient seulement se montrer depuis leur balcon » …

.Elles devaient se soustraire au monde ,et à elles - mêmes , les autres étaient emmurées vivantes » .

Quelques citations extraites de ce roman, histoire contemporaine , où le lecteur plonge dans les méandres et la violence , la peur , l’obscurité , la solitude , les ressorts de la lutte , le mécanisme des massacres , l’hommage puissant aux femmes qui ont fait les révolutions arabes , à travers la soeur d’Assim , pompier syrien devenu fossoyeur , poussé par l’avènement de l’Etat islamique, exilé en Turquie , où il fabrique de faux passeports et le destin de Bérénice , en mission à la frontière turque, archéologue française dévoyée en receleuse d’antiquités , qui se heurte , elle aussi , à l’expérience de la guerre …



Dans la convulsion des événements Bérénice recueille la fille d’une réfugiée et fait la rencontre d’Asim…..

Entre ce qu’elle déterre et ce qu’il ensevelit , tous deux ont creusé la terre et se retrouvent maintenant face à face , comme si les siècles s’étaient contractés et les avaient réunis dans les replis du temps .



L’archéologue et le fossoyeur pouvaient se regarder et se confronter ….

Il y a entre eux l’histoire d’un peuple qui se lève , qui a cru dans sa révolution .car «  Les combattants de la révolution ne meurent jamais » même si ,pour ces femmes qui avaient décidé de se battre , «  il leur fallait faire le travail des justes avec des précautions de criminels » .



Il leur fallait la clarté brute des faits , chiffrer pour lutter contre le silence et l’oubli , l’auteure rend un vibrant hommage , constant, tout au long de l’ouvrage , à ces furies , déesses et combattantes , réfugiées ou révolutionnaires Kurdes .

C’était contre tout cela que Taym , la sœur d’Asim avait décidé de se battre.

L’écriture est magnifique , ciselée , poétique , lyrique .

Ce roman rend hommage , puissamment aux femmes et à deux destins unis contre le crépuscule des libertés en Syrie , un premier roman fulgurant de beauté sur les traces des guerriers peshmergas et leur ardent combat pour la liberté …

Je ne suis pas prête d’oublier cet ouvrage travaillé au plus près , sensible, profond , brut, intense , et lumineux à la fois entre horreurs et résurrection , ,mémoire de la peur , endormissement des consciences et clarté violente des faits , qui montre , que , au moment où les événements s’emballent et qu’ils contractent les existences , seules les coïncidences peuvent retisser ce qui a été défait par la guerre .

«  Taym avait décidé de se battre non pour la vengeance , seulement pour la justice et la mémoire » …

«  Ma terre est la plus belle du monde mais elle est avide . Elle est avide de notre sang et ne supporterait pas qu’on le verse ailleurs , même par accident » .

Un livre passionnant , premier roman sublime , abouti ,éclairant , beau, fort , très exigeant , pas du tout pour les vacances.
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Furies

COUP DE CŒUR



PREMIER ROMAN



" Sans justice et sans mémoire, nous nous condamnons éternellement à être tour à tour victime puis bourreau. Pour briser ce cycle infernal, il ne nous faudra pas seulement triompher des combats mais aussi de notre propre vengeance."



Bérénice, une jeune archéologue devenue trafiquante d’antiquités est envoyée "en mission" à la frontière entre la Syrie et la Turquie. Son père est mort le jour où Palmyre est tombé, ce père qu'elle connaissait si peu était devenu passionné d'art et d'histoire, il avait en lui "un pays comme une blessure", était-il kurde, turc ou syrien ? Bérénice ne l'a jamais su. " En tant que déracinée, elle nourrissait une étrange rancune à l'égard de la terre. L'ouvrir pour lui arracher ses mystères, avoir accès à un passé qu'on lui avait refusé." Elle veut rassembler les restes de Palmyre pour combler le vide que lui a laissé son manque d'origines.



Sur place elle va faire une rencontre déterminante. Assim est un pompier syrien que la guerre a transformé en fossoyeur " Tous deux avaient creusé la terre, l'un pour ensevelir, l'autre pour révéler" Taym, la sœur d'Assim, est une activiste qui défie la violence et les ignorants, une femme engagée et pacifiste. Elle s'est fixé pour objectif de garder la mémoire de chaque victime, de chaque bourreau et a fourni un énorme travail de documentation qui n'appelle jamais à la vengeance mais à la mémoire et à la justice des hommes.



Au contact d'Assim, Bérénice va rencontrer des réfugiés, recueillir leurs paroles avec la même délicatesse qu'il lui fallait pour exhumer des objets précieux. Après avoir déplacé des objets d'un pays à un autre, elle va emporter la mémoire vivante des survivants.



" On s'épuise toute une vie et notre savoir reste vain parce qu'il n'y a personne pour nous écouter ou nous croire. Nos mères et les mères de nos mères ont parlé et leur voix s'est perdue dans le désert. Peut-être que si quelqu'un avait recueilli leurs paroles, le monde aurait été différent."



Voilà un premier roman impressionnant par son sujet et par la maîtrise de l'auteure. A partir de la rencontre entre Bérénice qui déterre des objets et Assim qui enterre des morts, Julie Ruocco nous raconte l'histoire d'un peuple qui s'est levé et qui a cru dans sa révolution. Ce roman est un hommage aux femmes qui se sont engagées dans la révolution arabe, il fait écho au destin de Razan Zaitouneh, une avocate syrienne disparue en 2013 qui a documenté les horreurs qui ont eu lieu pendant la révolution. J'ai découvert le combat de cette femme grâce au magnifique texte de Justine Augier, " De l'ardeur ", le combat de Taym pour la mémoire et pour la justice renvoie fortement au combat de Razan à qui Julie Ruocco rend ainsi un magnifique hommage.



Ce roman est riche en portraits de femmes très forts. Bérénice découvre la folie collective que peut être une guerre où la torture est une entreprise d'avilissement et de destruction; de voleuse elle devient "un maillon d'une chaîne d'échos qui enjambent l'obscurité". Taym a choisi la voie du pacifisme et a transmis à son frère l'arme de la mémoire. La tante d'Assim est émouvante par sa force et sa sagesse. Dans ce roman riche en personnages féminins, la figure d'Assim est particulièrement bouleversante, on le voit, dans une folle obsession, retenir en lui le nom des morts qu'il a ensevelis puis, aux portes de la folie, reprendre vie en reprenant l'héritage de sa sœur.



Le quotidien des syriens est restitué avec réalisme sans jamais tomber dans la complaisance, même quand l'horreur de certaines situations est insoutenable, les mots que Julie Ruocco pose pour les raconter renvoient une impression de sobriété et de puissance. Elle nous offre des scènes d'une grande force comme celles qui se déroulent autour de la fosse entre montagne et désert ou la scène des femmes qui brûlent leur voile... La dernière partie du roman se déroule au Rojava, au nord-est de la Syrie dans une enclave autonome dont la devise est "femme, vie, liberté", j'ai découvert l’existence de ce territoire reconquis qui regroupe plusieurs peuples de religion et langue différentes qui tentent de mettre en place une gouvernance démocratique. "Le ressort de notre lutte n'est pas l'annihilation de l'adversaire, mais la revendication forcenée de rester des humains, avec notre nom et notre histoire".



Ce roman est fort par son fond, c'est un roman engagé qui ne manque pas de dénoncer l'indifférence de la communauté internationale. Mais ce roman est remarquable également par sa forme qui fait écho à la mythologie grecque avec les Furies antiques en fil conducteur, déesses de la vengeance qui ont rendu la justice jusqu'à ce que les hommes traitent eux-mêmes les affaires des hommes.



Le message des principaux protagonistes, "Ne pas succomber à la tentation de la vengeance, rester humains", apporte une lumière dans le chaos de cette guerre sans fin. Avec une écriture d'une infinie beauté, une narration fluide malgré certains passages assez exigeants, une construction parfaite, ce roman voit incontestablement la naissance d'une écrivaine dont on va entendre parler.



Ce roman est sélectionné pour le Prix Stanislas, le prix Envoyé par la poste, le prix Littéraire du Monde et pour les talents Cultura.


Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Furies

La plume magnifique de Julie Ruocco et le tragique écho de cette histoire avec l'actualité, font de "Furies" un des plus beaux romans de cette rentrée.

La rencontre imprévisible et pourtant décisive entre Bérénice, anciennement archéologue, maintenant voleuse d'antiquités et d'Asim, pompier devenu fossoyeur, puis faussaire, apporte une lueur d'espoir inestimable durant ces temps tragique de guerre. Les furies, divinités persécutrices dans la mythologie romaine, ont une importance capitale dans ce roman coup de poing. Une belle leçon d'humanité, partagée avec beauté par les mots de l'autrice.
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Furies

Les Furies, déesses de la vengeance dans la mythologie grecque, sont chargées de poursuivre et harceler les criminels. Quand Béatrice, jeune archéologue, vole sur un chantier de fouilles, un médaillon à l'effigie de Furie, elle ne sait pas que le hasard la conduira à suivre la trace des nouveaux criminels de guerre .

Receleuse d'antiquités pour son oncle , son correspondant à la frontière turque est tué et elle-même poursuivie pour trafic. Dans sa fuite, elle recueille une enfant de réfugiée.

Par ailleurs, en Syrie, Asim n'a pas compris tout de suite les exactions de l'état islamique alors que sa soeur Taym récoltait sur une clé USB images et témoignages pour les dénoncer. Quand il découvre son cadavre décapité dans une fosse commune, fou de douleur, il rejoint en Turquie un vieux parent auprès duquel il apprend à faire de faux papiers : il a enterré les morts mais redonne leur nom à des vivants qui tentent une vie nouvelle ailleurs. Béatrice et la fillette auront recours à ses services et un lien affectif puissant s'établira entre eux. C'est à elle qu'il confie la fameuse clé.

Ensemble ils rejoignent Rojava où les femmes kurdes se battent encore pour leur liberté. Combien de temps tiendront-elles devant l'avancée des islamistes ? Et qu'attend l'Occident pour reprendre ses ressortissants prisonniers ?

Roman dense, sans concession, une écriture flamboyante parfois , un recours aux mythes et des références littéraires qui éclairent les évènements présents et résonnent étrangement aujourd'hui.

Pour un premier roman, bravo à l'autrice !

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Furies

Furies est un extraordinaire premier roman, d'autant plus extraordinaire que son autrice âgée de 28 ans  témoigne d'une compréhension de l'humanité malmenée par la guerre que j'ai trouvée remarquable. C'est un roman qui vous broie le cœur avec ses personnages et ce qu'ils vivent, ou ont vécu.

C'est un roman puissant écrit d'une plume magnifique qui arrive à instiller de la poésie jusqu'au fond de l'enfer. C'est un roman qui fait réfléchir à  ces conflits au Moyen Orient où tout un peuple s'est fait massacrer dans un silence assourdissant. C'est un roman enfin qui rend hommage aux femmes  arabes qui n'ont pas abdiqué et qui ont continué à se battre pour exister et porter une révolution qui sera étouffée dans le sang.



Bérénice, archéologue devenue trafiquante d'antiquités, va se retrouver dans une toute petite ville de Turquie aux confins de la Syrie  et y croiser la route d'Asim, pompier devenu fossoyeur en Syrie puis trafiquant de passeports en Turquie. Si j'ai aimé instantanément Asim, jeune homme plein de candeur et d'innocence, il m'a fallu plus de temps pour aimer Bérénice. Mais peu à peu je me suis laissée apprivoiser par cette jeune femme blessée, pleine de doutes et de failles qui va révéler son humanité au travers de ce qu'elle va vivre là-bas et se racheter en quelque sorte. Tout au long du roman elle porte en pendentif une pierre volée à l'effigie d'une Furie ( Les Furies  sont pour les romains les Erinyes grecques, les déesses protectrices de l'ordre établi,  les déesses de la vengeance) dont elle pourra se délester à la fin de l'histoire. La dernière phrase du roman révèle le nom de l'enfant qu'elle a ramenée avec elle, confiée par sa mère pour la sauver des camps de réfugiés...



Lisez ce roman somptueux !

(Lu dans le cadre des 68 premières fois, merci pour ces découvertes fabuleuses !)
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Furies

Encore une très belle surprise que ce roman lu dans le cadre du prix Libraires en Seine 2021 dont toute la sélection est au top cette année.



J'ai failli renoncer au premier chapitre qui m'a franchement déplu, un chapitre parisien dans lequel on la rencontre elle, Bérénice, dont le profil de jeune voleuse d'antiquités maquillée en archéologue ne m'a d'abord ni convaincue, ni intéressée.

Et puis apparait lui, Asim, le pompier syrien dont les bombes vont abattre la stature de colosse et emporter la raison.

Alors l'entrée dans le roman est fulgurante, violente, l'histoire de l'un répond à celle de l'autre, la guerre en Syrie éclairée par leur parcours prend un sens que les images et les articles de journaux ne m'avaient pas fournies, sa barbarie vécue à travers la souffrance irrémissible d'Asim vous déchire le coeur, mais la lumière brille encore dans les yeux d'une enfant recueillie comme dans le courage des peshmergas combattant pour que l'humain survive au chaos.



Je recommande chaudement ce roman tout à la fois éclairant et bouleversant dont la vive intelligence tire son lecteur vers le haut.

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Furies



C'est une très belle écriture qui réussit à décrire le conflit syrien de l'espoir à l'horreur.



Des crimes du régime Assad, des islamistes..

Et de la merveilleuse utopie de Rojava hélas abandonnée à la violence de la Turquie.



Deux personnages : une archéologue et un fossoyeur.

L'une deterre pour se souvenir. L'autre enterre pour se souvenir.



Une belle longue réflexion sur la guerre le pourquoi de la tyrannie du questionnement sur l'indifférence du monde sur les crimes de guerre.
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