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Critiques de Karel Schoeman (69)
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Le jardin céleste

En 1937, les bombes pleuvent sur l’Espagne, la tension enfle en Allemagne, et l’Angleterre regarde d’un air concerné, l’innocence de l’été et sa langueur rattrapant bientôt l’inquiétude, au moins pour un temps. C’est cette ambivalence que relate Karel Schoeman, imprégnant ses pages d’une douceur anglaise sensorielle perçue par un étranger, comme voilée par la distance (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/08/02/le-jardin-celeste-karel-schoeman/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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En étrange pays

Éloge de la lenteur…



Mais il en faut du temps et des pages à Karel Schoeman – traduit par Jean Guiloineau - pour nous faire entrer En étrange pays et planter le décor de cette petite société de Bloemfontein, dans l’État libre d’Orange en Afrique-du-Sud.



Mal en point, à l’issue d’un voyage chaotique débuté en Hollande, Verluis y débarque pour y finir sa vie, secrètement ravagé par la tuberculose. N’aspirant qu’à la solitude, il va très vite se trouver confronté aux paradoxes locaux.



Paradoxe de la beauté des paysages du vled, espaces sauvages et sans fin d’herbes et d’arbustes, confrontés aux travers nauséabonds de cette petite société microcosmique de Bloemfontein.

Paradoxe de la relégation des autochtones noirs aux fonctions de larbins, face à leurs « maîtres » hollandais ou allemands tentant de recréer ailleurs depuis deux générations, le monde qu’ils ont naguère volontairement quitté.

Paradoxe de ces fêtes régulières qui rythment la vie bourgeoise locale, là où Verluis ne cherche que l’oubli et le repli, et une certaine forme de dépouillement dans le calme absolu.



Son salut viendra de ses rencontres avec un jeune pasteur, sa femme et sa sœur, remplies de bienveillances, de lectures, d’échanges philosophiques et religieux, d’humanité... Ne cessant de répéter qu’il n’est que de passage, Verluis finira par trouver ce qu’il était, sans le savoir, venu chercher : un lieu de transition, parenthèse entre la vie qui le fuit et la mort qui l’appelle.



Ai-je aimé En étrange pays ? C’est difficile à dire en ces termes. Mais l’écriture est belle, puissante, et l’atmosphère douce, lente et apaisée qui se dégage de ces pages font de cette lecture un moment fort et marquant.

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La saison des adieux

Karel Schoeman est un écrivain fidèle au vieux parler de source batave, l'afrikaans.Même si c'est un intellectuel polyglotte, il a traduit Schiller, Schnitzler et Tchekhov.



Les années 70, au Cap. Il pleut, il ne fait que pleuvoir, et la ville glisse lentement dans les ténèbres.. Ces ténèbres, on ne sait pas tellement bien ce que c'est , en fait, car les personnages du livre ne veulent surtout pas le voir. Ils appartiennent à la communauté blanche, recroquevillée sur elle-même, désarçonnée par les changements autour d'elle, et dont la plupart des membres n'a plus qu'une envie, partir.

Et dans cette communauté, un petit groupe d'intellectuels cherche encore à faire semblant , dans de tristes réunions mondaines où presque tous -même un journaliste...- vivent dans un déni complet de la tragédie de leur pays. Presque tous car un écrivain, poète, un des seuls à exercer sa lucidité, va apprendre le détachement , la solitude et le renoncement.



"Ceux qui avaient frappé autrui furent frappés à leur tour, ceux qui avaient fait tomber autrui trébuchaient et tombaient à leur tour; soudain nous comprîmes que ce sang sur nos mains était le nôtre et plus celui des autres. Les gens gisaient à terre dans la position qu'ils avaient en tombant et nous, qui errions parmi les cadavres en hésitant afin de ramasser les vêtements épars , nous rendions compte avec surprise que cette veste était la nôtre, que ces chaussures étaient à notre pointure: pour la première fois, ces visages que nous voyions, tombés face contre terre, le nez dans la poussière, nous étaient familiers; désormais, ces visages étaient les nôtres. De quel droit pensions-nous que nous serions les seuls à être épargnés?

Nous apprîmes l'humiliation et nous apprîmes aussi à être humbles, à courber l'échine, à chercher parmi les cadavres , à nous traîner au-delà des barbelés des postes de contrôle,à attendre dans des files interminables dans les halls de gare et sur les quais; enfin, du moins le croyons-nous. Laissez-nous espérer que nous avons appris à réfléchir, à comprendre, que nous avons appris la pitié et la compréhension, sans quoi nous n'aurions rien appris, et tout aurait été vain."



Ce n'est pas la violence de Coetzee,mais la puissance du texte est la même, c'est extrêmement mélancolique et triste, magnifiquement écrit ( avec là aussi une mention pour le traducteur!
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Cette vie

Une belle découverte d’une plume, d’un auteur et d’une histoire d’une tranche de vie sur une terre d’exile.



Je dois dire que je suis inculte, je ne connais rien de l’afrique du Sud hormis ce que les médias veulent bien nous en dire. Donc une lecture enrichissante, par la voix de cette vieille dame qui fouille dans sa mémoire et nous livre ses souvenirs de toute une vie bien morne à vrai dire.

Elle est effacée de sa famille, du village, de tout, elle est comme une ombre qui se faufile entre les fils de la vie. Elle se fait petite, silencieuse, soumise à sa mère, elle n’aura qu’un peu de liberté quand cette dernière disparaitra à jamais. Elle goûte cette nouvelle liberté, cela semble anodin mais pour elle qui a toujours dû rendre des comptes, ne pas pouvoir jouir simplement d’un instant même pour lire car trop futile et inutile aux yeux de sa mère.

L’auteur nous brosse le portrait d’un personnage dévoué, et ne comprend rien aux choses de la vie, elle est là, comme un pion qui avance sur l’échiquier mais qui n’a pas de rôle nulle part sauf si ce n’est que d’accomplir les tâches ménagères. Pas d’amis, ni de mari, il y a bien eu des approches mais toujours avortées par l’exigence du clan familial qui encercle et enferme chaque membre dans un rôle déjà attribué par obligation ou convenance.

La vie est rude, modeste, misérable, un climat hostile, on découvre ce pays à travers les yeux de cette femme qui tente de recomposer un puzzle aux pièces manquantes. Car comme dans toute famille, il y a des silences, des secrets, avec le temps, la lumière se fait, avec l’âge, elle comprend du moins, semble réaliser les faits qu’elle a vécu sans les appréhender dans leur juste gravité. Ses deux frères, tellement opposés et cette femme entre les deux. Puis la disparition brutale pour l’un, mystérieuse pour les deux autres. La vérité percera ou pas, un jour ou l’autre, elle fait le chemin à l’envers, tente de remettre les choses et les mots à leur place pour en déduire un semblant de supposition.

Cette vie banale, dure, sans amour hormis son père qui lui donnait de l’affection, son frère et Pieter et Sofie qu’elle nommait « petite sœur », la quittait et se fondre dans le néant comme sa présence sur terre. Plus personne à ses côtés, alors oui, elle peut tirer sa révérence. Alors sa dernière pensée sera pour eux deux : "mon frère Pieter enjambant le rebord de la fenêtre et sautant dans ma chambre, fugitive apparition au clair de lune, et la chevelure de Sofie qui retombe sur son visage tandis qu'elle se penche pour souffler la bougie".



C’est un livre qui se lit doucement, malgré le manque d’intrigues, d’action, on se laisse porter par la belle plume de Karel Schoeman, on découvre cette vie austère dans le monde des Afrikaners du début du XIXe siècle.



Très belle découverte pour ma part.
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Des voix parmi les ombres

Des voix parmi les ombres évoque le dernier conflit du XIXe siècle et le premier du XXe : la guerre des Boers, qui opposa du 11 octobre 1899 au 31 mai 1902 les rebelles descendants de colons aux britanniques. Une part importante de l'histoire de l'Afrique du Sud qui constitue aussi comme les prémices de la politique de l'Apartheid. Le roman de Karel Schoeman commence à l'époque moderne par la recherche d'un explorateur et d'un photographe des traces d'une petite ville où un métis fut battu sauvagement puis fusillé. La quête est d'abord vaine avant que, surgies de nulle part, trois voix du passé ne viennent éclairer cet "incident" dramatique. On aimerait dire du bien du livre car Schoeman est manifestement un écrivain important, de la trempe des plus grands auteurs sud-africains. Mais il est terriblement ennuyeux tant il cultive le mystère et l'atermoiement avec ses personnages qui prétendent tous n'avoir rien vu et rien entendu tout en donnant des détails de plus en plus précis. Responsables mais pas coupables, les membres des deux communautés de Fouriesfontein. Et bien lâches finalement sous-entend le romancier. Très descriptif et redondant, le livre de Schoeman semble tourner autour de son sujet sans jamais l'aborder de front si ce n'est dans les dernières pages. Une drôle d'atmosphère y règne sans que l'on ne soit sûr de rien, à part le fait qu'un innocent est mort pour des raisons assez obscures. Le sujet était passionnant, son traitement, incertain et vague, est terriblement frustrant.
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Cette vie

Au XIXème siècle, une vieille femme se meurt dans une région désolée de l’Afrique du Sud. Seule dans la chambre qui fut celle de son enfance, elle se raccroche à ses souvenirs.



Karel Schoeman a la remarquable faculté de donner une incroyable intensité aux petits moments de la vie. Une vie qu’a priori on imagine vide, sans intérêt, morne, celle d’une vieille fille dans une région au rude climat d’Afrique du sud. Sauf que, de sa position en retrait, elle a porté une attention aiguë à tout ce qui l’entourait, hommes et nature. Cette femme témoin (dont la seule ambition de vie a été de voir et d’entendre, puis de se souvenir) a eu une existence "en creux", elle a servi de révélateur aux existences des autres qui, comme elle, sont nés et ont grandi mais ont aussi aimé, se sont mariés, ont souffert, sont morts. D’elle, le lecteur ne connaît même pas le nom et ignore tout de l’apparence… Avec un talent de peintre impressionniste, l’auteur fait en sorte que les souvenirs de la narratrice émergent par bribes, par fragments, les scènes fondamentales comme les ambiances, les sons, les couleurs, les sensations, les émotions enfouies. La narratrice a tout absorbé, comme une éponge. Pressée par sa mort imminente elle restitue tout ce qui fut sa " vie minuscule", à l’ombre d’une mère autoritaire et froide, et celle de sa famille, des Afrikaners blancs, possédants parvenus.



Le récit est d’une grande mélancolie, d’une profonde lucidité, d’une grande beauté. Schoeman fait le choix d’un récit linéaire (les souvenirs émergent dans l’ordre chronologique, pas de flash back obligeant le lecteur a une gymnastique intellectuelle), classique dans la forme, prenant cependant le risque de n’insérer aucun dialogue. Mais quelle vie néanmoins ! On croit entendre les personnages comme on croit les voir évoluer sous nos yeux, à travers ceux de la narratrice, au rythme des saisons. Cette vie est un très grand roman sur la nature humaine, la famille, les passions : l’amour, l’envie, la cupidité, la jalousie, avec en arrière-plan historique la ségrégation.



Avec ce texte lent comme la mort, subtil, puissant et infiniment symbolique, Schoeman nous révèle son immense talent de conteur et de poète. Il donne envie de lire toute son œuvre…

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Cette vie

Cette fois je pars loin de Johannesburg, je pars dans le Roggeveld, dans le veld, une sorte de steppe desséchée l'été et glacée l'hiver. Nous sommes au XIXe siècle, une vieille femme nous raconte sa vie, je devrais dire nous égrène ses souvenirs. Cette vie dans la ferme familiale qu’elle n’a jamais vraiment quittée, ou dès l'enfance, elle fut qu’une ombre toujours présente et jamais remarquée. Elle a appris à écouter, à regarder autour d'elle vivre les autres, et c’est ses souvenirs qu’elle a gardés au fond d’elle, ses secrets, ses non-dits qu’elle nous offre, qu’elle ne fait souvent qu’effleurer mais cela suffit pour nous faire partager cette vie austère, rude et sombre des fermiers afrikaners.

Un très beau portrait de femme dont j’ai aimé écouter ses souvenirs.

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En étrange pays

Sur les conseils de son médecin, Versluis, un bourgeois hollandais vient soigner sa maladie des poumons aux confins de l'Afrique, à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Il est censé tirer profit de l'air sec du "veld". Il s'installe d'abord à l'hôtel avant de trouver refuge dans la pension de Mme Van der Vliet. Son univers se réduit à la communauté hollandaise et allemande de la petite ville. Il fréquente d'abord les Hirsch, une famille tonitruante, pour qui ce nouvel arrivant constitue un palliatif à leurs habitudes de colons. Mais Versluis ne tarde pas à se lasser de leurs conversations mondaines, le pays et l'approche de la mort réclament pour lui plus de calme et de paix. Ainsi, il se rapproche du pasteur Scheffler et sa famille qui lui apprennent peu à peu à apprivoiser le vide de cet étrange pays.



"Il aurait aimé trouver les mots afin d'évoquer pour eux l'éclat blanc de cette chaleur de l'après-midi. Il aurait aimé trouver des mots pour décrire l'aspect désolé du veld qui entourait la ville, et les sensations d'inquiétude et de joie qu'il éveillait en lui. Mais les mots existaient-ils ? Possédait-il le langage nécessaire à de tels récits ?" p. 78



Jour après jour, visite après visite, il tombe sous le charme du bonheur calme de cette famille et son univers s'éclaire en découvrant d'autres moeurs.



"C'était ainsi que vivaient les gens, se dit-il - ils s'asseyaient ensemble dans la clarté des lampes pour boire du café, ils jouaient de la musique ensemble, ils parlaient ensemble, et ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots parce qu'ils connaissaient les mêmes choses et qu'ils partageaient un vaste espace commun de référence. Plus tard, dans le ville obscure et moribonde où il souhaita bonne nuit à Mme Van der Vliet avant de se retirer dans sa chambre, dans la nuit profonde où les animaux nocturnes hurlaient et où les aboiements des chiens se répondaient, il se rappellerait que d'autres gens vivaient leur vie, regardaient la pendule, écoutaient un instant pour vérifier s'ils entendaient un bébé pleurer, avant de se retourner en souriant vers leurs compagnons." p. 226



Le pasteur et sa soeur ont vécu au coeur du pays, au plus près des locaux et leur regard sur la colonisation est très opposé à ceux des hollandais et allemands de la communauté :



"Parfois, je pense que nous avons échoué. (...) Nous avons apporté la civilisation ici ; nos maisons et nos églises ; nos meubles, nos livres et nos modes d'Europe : nous avons apporté ici sans qu'on nous le demande et nous l'avons entassé comme si l'Afrique était une sorte de tas d'ordures, et nous sommes venus vivre ici selon les modèles que nous ou nos parents avons apportés d'ailleurs. Nous vivons de souvenirs et nous nous entourons de fantômes, et quant à l'Afrique elle-même, nous ne la voyons que de loin, deriière les rideaux en dentelle que nous avons accrochés devant les fenêtres de nos salons. (...) Quant aux Noirs que ne leur avons-nous pas fait ? Nous leur avons fait des cadeaux douteux, les maisons et les églises européennes, l'argent, l'alcool et des maladies qui leur étaient totalement inconnues.D'un côté nous avons essayé de les élever, comme nous disons, sans qu'ils nous l'aient jamais demandé, et de l'autre nous les repoussons chaue fois qu'ils s'approchent trop et que nous nous sentons menacés. Qu'avons-nous fait de ce pays ? Et de quel droit ?" p. 248



Cette "histoire d'une âme en quête du dépouillement absolu" résonne dans nos âmes émues bien après la dernière page tournée... Elle nous parle philosophiquement de la mort non pas comme une fin, mais davantage comme une paix de l'âme et du corps. Les paysages désolés du veld s'accordent parfaitement avec l'esprit en délition de Versluis. L'étrange pays n'est-il pas l'aboutissement d'une vie que le vide envahit ?





"Ne plus faire qu'un avec cette terre, comme les dieux et les esprits dans d'autres pays, et dans le même temps lui permettre de ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier." p.254



Aux confins du monde et de sa vie, Versluis rencontrera peut-être enfin la plénitude de l'humanité...
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Des voix parmi les ombres





Cet écrivain est absolument majeur pour moi. Rarement un pays aura été analysé dans son histoire, ses soubresauts et ses rapports sociaux avec autant de coeur et de délicatesse. Des voix parmi les ombres est le cinquième roman de Karel Schoeman paru en France et je les ai tous lus, et tous chroniqués. L'Afrique du Sud est toute entière dans l'oeuvre de Schoeman, qui n'en finit pas de revisiter les vieux démons du siècle dernier. Schoemen fait partie de ces très grands, Paton, Gordimer,puis Brink, Coetzee qui ont contribué à changer le pays même si je crois que l'influence des intellectuels est à relativiser.



Un brin d'histoire peut s'avérer intéressant quand on lit Karel Schoeman. Assez touffue l'histoire en Afrique du Sud, Transvaal, Etat libre d'Orange, Colonie du Cap, deux guerres dites des Boers dont la seconde en 1901, entre les descendants des Hollandais et les colons britanniques. Cest sur ce dernier conflit que revient Karel Schoeman quand un commando de Boers investit la petite ville de Fouriesfontein, près de cape Town. L'auteur a bâti un roman exigeant tout autant que passionnant, en se plaçant sur deux axes de lecture à un siècle d'intervalle.



Dans la première partie un explorateur et son photographe mènent une enquête sur ces évènements de cent ans d'âge dont les traces curieusement sont assez peu visibles. Tout l'art de Schoeman est dans le quotidien de cette communauté, qui va vivre des évènements tragiques, que les deux enquêteurs peinent à reconstituer, allant presque jusqu'à se perdre, les plus belles pages peut-être de ce roman, quand ils ne sont plus sûrs du tout, au point de sentir leur raison vaciller. Pourtant ils sont bien sur les lieux de ces affrontements mais tout se passe comme si le pays était comme frappé d'amnésie. Des silhouettes, des ombres...



Trois voix, Des voix parmi les ombres en l'occurrence, s'élèvent alors dans la seconde partie,Alice, fille du magistrat anglais local, Kallie, jeune clerc de ce même homme de loi, et qui ambitionne d'écrire, et Miss Goby, vieille fille soeur du médecin britannique lui aussi. Ces trois témoins ne sont pas des grandiloquents, chacun est comme à sa petite fenêtre, entre les microévènements du journalier et les rares et relatives intensités, un bal, une chorale,un pique-nique. Pas de scènes de guerre, une occupation étrangère parmi les étrangers, un pays non miscible entre les Africains, les Métis, les Afrikaners, les Anglais. Présence de l'église ou plutôt des églises, pas très miscibles non plus, avec en commun un sérieux réformé qui fait que la future nation arc-en-ciel ne semble pas dotée d'un humourexceptionnel en ces années 1900. C'est donc par des scènes ordinaires, un repas, un achat, un jardin, que Karel Schoeman parvient à nous plonger au coeur battant de cet étonnant pays, tout de douleur et de rancoeur. Cet écrivain, parfois un tout petit peu ardu, dont je crois qu'on chuchote le nom du côté de Stockholm, est à découvrir d'urgence. J'ai chroniqué les quatre autres romans parus en France. Mon préféré est En étrange pays. A noter que ses livres sont écrits en afrikaans, contarirement à Gordimer et Coetzee.





Hasard de mes lectures, trois parmi les cinq ou six derniers livres ont une grande part d'ombre, Et toujours ces ombres sur le fleuve..., Des voix parmi les ombres, Une terre d'ombre (chroniqué prochainement). Un signe quelconque?

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Cette vie

Un livre dense et fort dans un style plein de poésie, qui ne peut laisser le lecteur indifférent. A travers les souvenirs de cette vieille femme sur son lit de mort qui se repasse le film de sa vie, c'est la vie solitaire et rude des colons sud-africains que l'on va découvrir. L'Afrique du Sud et le territoire âpre du Roggeveld servent de décor à cette existence ou plutôt à cette "non-existence". Une vie passée sous silence au rythme des saisons et des transhumances qui ponctuent cette histoire austère et forte. Tel un fantôme, dans la solitude la plus sombre et l'effacement le plus total, au milieu de ces paysages mornes battus par les vents et de la poussière, cette femme a vécu comme une ombre au sein de sa propre famille. Elle se souvient de ces hommes et de ces femmes qui ont traversé son existence sans jamais s'arrêter vraiment, elle se souvient de cette mère autoritaire et froide, de la bonté de son père, des domestiques auprès de qui elle passait ses soirées, de ses frères ardents et impétueux... Et les secrets remontent petit à petit à sa mémoire. A-t-elle rêvé ? A-t-elle bien compris les histoires de sa famille et les non-dits du passé, elle la fillette à qui personne ne parlait vraiment ? Elle ne sait plus très bien... mais elle raconte ; et le lecteur devine à travers ses récits les drames qui ont jalonné sa vie. A travers ses souvenirs, elle essaie de revivre le passé et de lui donner un sens dans le but de comprendre enfin les secrets qui ont entouré son enfance. Comment est mort Jakob, son frère aîné ? Qu'est devenue Sophie, la femme de ce frère disparu ? Ou est passé Pieter son autre frère durant toutes ces années ? Mais si les souvenirs remontent peu à peu à la surface, certains mystères demeurent, enfouis dans le silence et dans l'oubli. Un livre magnifique sur cette terre oubliée du Roggeveld, tout en nuances et en demi-teintes dans un vocabulaire d'une force incroyable, créant cette atmosphère si particulière qui sait nous bouleverser par sa poésie et la puissance de ses mots.



Jamais je n'ai lu une histoire aussi forte sur la solitude, le silence pesant, la nature comme un défi qui modèle le caractère des hommes. Cette Afrique du Sud oubliée et dure où le pardon n'existe pas et où la loi de la terre est plus forte que celle des hommes. Elle n'était rien, juste une ombre au milieu des ombres, témoin silencieux des luttes intestines, des querelles familiales, une petite fille sage et solitaire, qui ne disait rien et se contentait d'écouter, qui acceptait son sort sans un mot. A la fin de son existence, cette femme qui a fait du silence son maître, se met enfin à parler, sans doute pour la première et la dernière fois, et à raconter cette vie.
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Le jardin céleste

Ce roman débute par un rendez-vous entre deux personnes d’un certain âge qui se remémorent leur première rencontre. Ni la rencontre, ni le rendez-vous ne sont romantiques. Les deux personnages évoquent un passé enfui, une époque sur le point de basculer et un temps périmé. Pour un bref moment de connivence, le partage repose sur le souvenir d’un été, d’une maison ouverte sur un jardin, de la vie dans la campagne anglaise, chez de riches aristocrates.

Les descriptions paysagères riches en détails et en émotions contribuent non seulement au décor de la vie oisive de ces privilégiés, mais encore à l’annonce du déclin de cette joie insouciante, par les menaces que font peser Franco et la guerre d’Espagne en même temps que la montée du nazisme en Allemagne (1937).

Le jardin céleste est l’occasion pour l’auteur de dresser un portrait nostalgique de la gentry, couleur sépia, mais également d'un constat sur un moment charnière de l’histoire, vu par des intellectuels. Lire plus sur http://anne.vacquant.free.fr/av/index.php/2022/10/18/karel-schoeman-le-jardin-celeste/
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Des voix parmi les ombres

En 1901, un commando de Boers investit la petite ville de Fouriesfontein. Entre Hollandais, Anglais et métis, la tension devient de plus en plus palpable. Alice, la fille d'un magistrat anglais ; Kallie, le jeune clerc et mademoiselle Godby, la soeur du médecin, racontent ce qu'a été la guerre pour eux. Parallèlement, un écrivain retourne de nos jours à Fouriesfontein, pour mener l'enquête sur Adam Balie, un métis abattu par les Boers. Il se promène dans la ville, invisible de ses habitants et tente de reconstituer le passé...



Lorsque j'ai lu le résumé de Des voix parmi les ombres sur Babelio, dans le cadre de l'opération Masse Critique, j'ai tout de suite été séduite. Je n'avais jamais lu d'auteur sud-africain et je connais assez mal l'histoire de ce pays. Comme tout le monde, j'ai entendu parler de l'apartheid, ou des combats de Mandela. Mais l'origine de ces haines raciales m'échappait totalement. C'est pourquoi j'espérais corriger mon ignorance par cette découverte...



Malheureusement, comme souvent lorsque l'on a des attentes précises en lecture, on est souvent déçu. J'ai lutté pour maintenir mon attention durant les vingt premières pages. Puis j'ai été intriguée, durant une petite trentaine de pages, lorsque le personnage de l'écrivain découvre Fouriesfontein. Il y a dans ces passages une atmosphère étrange, aux confins du fantastique. En effet, l'homme se promène en frôlant des fantômes, observe la vie dans les maisons et les gens qui s'y trouvent...en 1901 ! Cette sorte de perméabilité entre réel et imaginaire, vision avérée ou fruit de son imagination est plutôt intéressante. Cette partie aurait certainement gagné à être développée... mais, au grand dam du lecteur, Karel Schoeman s'en détourne vite. Durant les deux cent pages suivantes, ce sont les voix de Kallie, Alice et Mademoiselle Godby qui interviennent. Mais ces dernières ne nous apprennent strictement rien. "J'avais pourtant dit que je ne savais rien de la guerre", voilà ce que souvent, ces trois voix ressassent, de manière différente et uniforme à la fois. Si elles n'ont rien à dire ces voix, pourquoi les faire sortir de l'ombre ? Pourquoi raconte-t-on des histoires ? Si ce n'est pas pour éclairer, pour apporter de la lumière, justement ?



Karel Schoeman est, parait-il, un grand auteur sud-africain, parmi les plus célèbres et les plus distingués. J'attendais qu'il me transporte, moi petite française ignare, dans cette Afrique du Sud inconnue. Mais j'ai refermé ce roman sans une once de connaissance supplémentaire. Sans compréhension non plus des évènements, qui me paraissent toujours aussi lointains et obscurs. J'ai déploré les nombreuses anecdotes sans intérêt qui s'enchaînent, s'entassent, jusqu'à l'écoeurement. "Ce sont des choses sans importance qui ne valent sûrement pas la peine d'être mentionnées" ; ce sont les personnages eux-mêmes qui le disent. On pourrait me rétorquer que l'auteur veut montrer à quel point la guerre, la haine raciale est insidieuse, banale, anecdotique. Qu'elle prend corps dans l'infime du quotidien, dans ce qui se voit à peine. Mais je répondrais alors que la force des grands livres est de contourner cette difficulté : faire de la banalité quelque chose d'exceptionnel. En l'absence de cette qualité première et en ce qui me concerne, cette lecture fut extrêmement longue et frustrante.



http://manoulivres.canalblog.com/archives/2014/10/28/30807563.html
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Le jardin céleste

Disparu en 2017, le grand écrivain sud-africain Karel Schoeman a publié une douzaine de biographies et autant de livres d’histoire, ainsi que vingt romans dont Die hemeltuin en 1979, traduit en Français chez Actes Sud, 43 ans plus tard, sous le titre de Le jardin céleste. Le narrateur du livre, prénommé Nikolaas, se remémore, bien des années après, l'été 1937, alors qu'il était étudiant en Angleterre et avait été invité à séjourner chez un camarade universitaire, dans sa famille, à la campagne. Au fil de sa mémoire apparait ainsi, de manière impressionniste, un paradis perdu, celui d'un jardin magnifique, transformé plus tard en parking, mais aussi un monde voué à être englouti, alors que l'Espagne saigne sous les coups du fascisme et que l'Allemagne se soumet à la loi d'un dictateur qui prépare déjà la guerre. Nikolaas va assister en spectateur ébahi et mal à l'aise, aux dernières représentations d'un microcosme aristocratique, conscient d'être un imposteur dans cet univers dont il ne comprend pas les règles et tout aussi peu capable de saisir la partie tragique qui se joue ailleurs, en Europe. Son personnage peut sembler apathique mais autour de lui gravitent d'autres protagonistes de cet été, au caractère entier, dont la jeune sœur de son condisciple et une Allemande de passage dont l'énergie, l'indépendance d'esprit et la volonté de résister à l'horreur des temps qui viennent, le feront peut-être sortir de sa carapace égocentrique. C'est un roman magnifique et subtil dans lequel, pourtant, rien de saillant ne se passe, entre parties de croquet, concerts, discussions à fleurets mouchetés et, bien entendu, thés dans l'après-midi. Avec les premières pages du roman, dont l'action se déroule 40 ans après, l'auteur instille d'emblée un ton nostalgique et mélancolique qui va baigner l'ensemble du livre. C'est beau, triste, et terriblement humain. Une véritable symphonie de Schoeman.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
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Cette vie

"Cette vie" est l'histoire assez sombre d'un désespoir non formulé parce qu'on ne dit pas ces choses-là, parce qu'on ne dit rien d'ailleurs. Rien de ce que l'on éprouve, rien de ses joies ni de ses peines. Et non seulement on ne dit rien, mais en plus on ne montre rien.

La sécheresse du climat semble aller avec la sécheresse de coeur. L'ambition, la colère et les rancoeurs prennent le pas sur beaucoup de choses, sauf peut-être la solidarité, parce que ça, c'est une question de survie dans ce monde isolé et désolé. On ne peut pas faire autrement.

Une vieille femme se souvient et raconte, ou plutôt se raconte à elle-même, puisque de toute façon personne n'est là pour l'écouter, son histoire et celle de sa famille, les secrets bien sûr. Elle se souvient d'elle-même, petite fille éffacée et timide que personne ne semble remarquer et qui entend, écoute, souvent sans comprendre les événements qui sont rattachés à ces bribes de conversations surprises entre deux portes. Elle reconstruit pour elle-même tous ces événements et reconstruit le puzzle pour en avoir une vue d'ensemble qu'elle a toujours refusé de voir.

Un livre plein de finesse et d'orages, d'explosions et de rage où les sentiments qui emportent tout sur leur passage sont refoulés au plus profond...

Superbe.
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En étrange pays

Mourir à la Fontaine aux Fleurs (Bloemfontein)





Le Sud-africain Karel Schoeman m'enchante toujours depuis que je l'ai découvert avec "Retour au pays bien-aimé" et "La saison des adieux".



Versluis,Hollandais grave, solitaire et malade vient d'arriver à Bloemfontein, modeste cité d'Afrique du sud au bien joli nom. En fait il cherche une ultime étape pour son départ. Accueilli dans les communautés hollandaises et germaniques, soigné ainsi loin de sa rare famille car Versluis est un homme sans postérité dont on ignorera toujours le prénom comme si Schoeman souhaitait une intimité protégée doublée d'une certaine austérité dans nos rapports avec son personnage, cet homme va devenir en quelque sorte le témoin de cette vie du bout du monde en un pays neuf. Pays neuf mais où les scléroses d'une micro-société éloignée sont déjà bien présentes. Ceci nous vaut des pages que je trouve d'une totale noirceur, tellement bien évoquées par Karel Schoeman que l'émotion nous gagne alors que tout nous éloigne de ces austères presbytériens et de ces fonctionnaires compassés et dévots.



Versluis à Bloemfontein ne débarque ni au Cap ni à Johannesburg, déjà métropoles en devenir en cette fin de XIXème Siècle. Petite ville administrative Bloemfontein regroupe à quelques encablures du veld, cette âpre lande d'extrême sud, de poussière ou de boue selon la saison, quelques mariages, quelques bals, quelques pique-niques entre gens du même monde. Mais ces gens là ne s'ouvrent pas vraiment, important en Afrique leur rigueur batave. Ainsi Versluis trouvera plus malade que lui, enfin plus avancé sur le chemin bien que plus jeune, Gelmers, un compatriote pour qui il se prend d'inimitié,réciproque. A l'aube de la mort Versluis, commis pas hasard ultime infirmier, saura-t-il tirer profit de la douleur de l'autre, pour entrer en paix dans le royaume d'après?



Un pasteur allemand dévoué mais sceptique, une logeuse accaparante, une jeune femme infirme mais au cœur libre, et quelques pas dans le veld, à ce moment de la vie où tout est, de toute façon, à nouveau autorisé, accompagneront Versluis, venu là pour soigner ses poumons, et qui aura peut-être trouvé, rien n'est moins sûr, la paix de l'âme, in extremis, au bout du monde. Ce monde si fragile qu'il faille passer ainsi d'une vie à l'autre pour en éprouver les fragrances crépusculaires. Versluis l'étranger au pays est enfin arrivé et marche un peu parmi les chétives herbes pierreuses. Karel Schoeman ne nous laisse pas indemne mais toute littérature digne de ce nom n'est-elle pas dans ce cas? On dort un peu moins bien, probablement, après avoir lu "En étrange pays". Mais la nuit doit être plus palpable.

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Cette vie

"D'où venaient cette animosité, cette discorde, cette jalousie ? Nous vivions dans la même maison, partagions la même cour, travaillions la même terre, connaissions la même misère, et faisions face aux mêmes dangers et aux mêmes menaces, condamnés à nous entraider sur ces hauteurs hostiles, inextricablement liés les uns aux autres dans notre isolement, et pourtant irrémédiablement divisés, sans espoir de trouver un jour un remède à nos dissensions. "



Le Roggeveld (le champ de seigle, étymologiquement), deuxième moitié du XXe siècle, terre aride, froide et désolée, inhospitalière mais pourtant âprement belle. La narratrice, une vieille femme abandonnée ou presque, est au soir de sa vie, et elle se souvient. Sa mémoire s'embrouille, souvent, mais il lui fat, envers et contre tout, reconstituer ce fil de la vie. En apparence, il ne se passe rien, et pourtant, quelle force se dégage de ce roman ! Avec son écriture limpide et comme évidente, délicate et précise, bref, avec sa présence et l'originalité de sa voix, Schoeman déploie une réflexion d'une richesse inouïe sous une forme apparemment simple.



Il y a d'abord ce travail sur la mémoire. La morne lande, l'entrelacement des souvenirs et des générations : voilà qui rappelle Les Hauts de Hurlevent (ce qui, comme chacun sait, n'est pas pour me déplaire). Schoeman tisse brin à brin sa narration, reflétant les caprices de la mémoire, les incertitudes des souvenirs, la relecture et la réinterprétation. Vraiment, c'est brillant.



Puis ce cheminement sur les âges de la vie, auquel réponde une réflexion métaphysique profonde sur la solitude et la finitude. A l'enfance revisitée sous un jour idyllique ("Comme c'est étrange de songer aujourd'hui qu'à une époque, je pouvais me réveiller en pleine nuit sans me poser de questions, sans réfléchir ni me souvenir, et me rendormir sans problème, blottie dans l'immense obscurité, protégée par la maison et rassurée par la présence des gens qui m'entouraient et dormaient dans les pièces voisines") succèdent les troubles adolescents et les déceptions d'un âge adulte qui laisse encore plus la narratrice sur le bord du chemin, comme à l'écart de sa propre existence. Une vie en marge, une vie d'occasions manquées, où grandir, c'est clairement perdre. Un effacement recherché et subi à la fois, qui donne à la narratrice une posture d'observatrice distanciée.



"Je me souviens encore du sentiment d'abandon qui s'empara de moi, assise avec l'enfant sur le banc devant la maison, contemplant le veld qui s'estompait peu à peu dans le soleil du soir, immense et infini, jusqu'à l'horizon : le banc, l'enfant près de moi, l'enfant sur mes genoux - que faisais-je donc ? - et, devant moi, le vide dans la lumière du soir. C'est alors que je compris à quel point j'étais seule."



Mais Cette vie s'inscrit dans une trame historique, et en ce sens a une portée à la fois sociale et politique (Schoeman est un remuant personnage connu pour son engagement). L'existence dans le Roggeveld est difficile, ennuyeuse, enfermée dans des cycles répétitifs abrutissants (la répétition constante de la transhumance bisannuelle entre le plateau et la plaine). A la dureté des rapports familiaux (père-enfants mari-épouse) répond la dureté des rapports sociaux (dominant-dominé), sclérosés par des conventions rigides et des rapports de force silencieux mais brutaux, hiérarchisant jusqu'à la caricature (le Blanc propriétaire, les métis, les domestiques qui dorment au pied du lit des maîtres, les domestiques qui dorment près de la cheminée, les bergers qui construisent leur propre abri, les Boers errants en dessous de tout qui survivent en mendiant aux propriétaires des pâturages pour leurs quelques moutons galeux).



Un roman sublime et bouleversant, et la découverte d'une voix étonnante. Une invitation à connaître d'autres œuvres.



"Les pierres entassées là il y a longtemps se désagrègent, s'effondrent, et plus rien ne permet de les distinguer au milieu des corniches, des affleurements et des crêtes dans le paysage de pierre plat et gris."
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Retour au pays bien-aimé

Catégorie : Roman absolument magnifique.







Né en Afrique du sud, George a quitté le pays à l'âge de cinq ans. Son père était diplomate, sa mère vient de mourir, les yeux tournés vers ce pays jamais oublié et Georges quitte la Suisse pour une semaine durant laquelle il espère régler quelques affaires et retrouver Rietvlei, la ferme de ses grands parents Neethling. Hélas seuls l'attendront quelques souvenirs affleurant à la surface, des ruines et des rosiers sauvages presque défleuris.







Des voisins fermiers, les Hattingh, l'accueillent simplement et insistent pour qu'il rencontre les fermiers du voisinage. Anciens citadins ayant connu des jours meilleurs ou fermiers autrefois riches devant vivre frugalement, ceux-ci évoquent un passé regretté et des événements terribles les obligeant à vivre sans guère d'espoir d'une vie meilleure et dans une peur diffuse.







George, perdu dans ses souvenirs, ne comprend pas ou ne veut pas comprendre ce qui l'entoure; après des années d'exil, il se sent chez lui dans ce pays dont il parle la langue, mais en même temps tout lui échappe. Tâtonnant sans trop de conviction, il parvient à saisir quelques fils, mais ne peut s'engager et repart : "le lendemain, il serait chez lui".



Repliés sur eux-mêmes, vivant dans le passé ou cherchant la lutte, les membres de cette communauté rurale ne dévoileront pas tous leurs secrets.







Quels événements ont poussé à l'exil tant d'habitants il y a une génération? Pourquoi la violence? Les luttes? Les interventions policières? Aucune explication dans ce roman. Rien dans l'histoire de l'Afrique du sud n'est éclairant (le roman est paru en 1972, en plein apartheid) Que ce roman demeure hors du temps, voire hors d'un lieu précis, quelle importance? Il n'en est que plus fort.





Douleur de l'exil, incompréhension de George, méfiance des autres, attentes déçues, tout cela baigne dans une ambiance souvent pesante, sous la menace d'un danger imprécis. Ce roman magnifique, superbement écrit, se lit d'une traite.







"Non, ça ne fait rien, méprise-nous tant que tu veux. Mais tu sais, quand on arrête de considérer quelqu'un comme un être humain, quand on ne le traite plus comme tel, il oublie peu à peu qu'il en est un. Il perd sa fierté, sa dignité; alors la seule chose qui compte est de rester en vie, on rampe, on se tortille, on s'humilie sur commande, j'ai vu cela chez mes propres parents, et j'ai peur, j'ai peur de cette déchéance, beaucoup plus que de la vieillesse, de la maladie ou de la pauvreté. C'est ce qu'ils pouvaient nous faire de pire. Passe encore qu'ils nous aient chassés, cela n'a plus d'importance; ce qui me fait vraiment peur, c'est l'idée de ne plus être un être humain, de ne plus rien pouvoir faire, de ne plus rien signifier."
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En étrange pays

Comme ma marraine qui m'a offert ce livre il m'a au premier abord laissé plutôt perplexe. Et comme elle, j'y repense souvent depuis.



"En étrange pays" est un livre étrange. Il nous décrit 500 pages durant un homme froid qui débarque mourant dans un pays qui est encore à définir, une Afrique d'où les noirs sont absents, une terre qu'il souhaite neutre.

Non seulement le pays ne l'est pas. Verluis se sent étrangement porté par l'immensité nue du veld. Mais la communauté, plutôt vaine et superficielle, qu'il va découvrir là-bas va, curieusement, lui apporter les touches de chaleur qui lui avait manqué jusqu'alors.



On assiste a une naissance d'humanité, subtile, lente, sans passion, sans action ou si peu. Un pique-nique, une sortie en calèche, un mariage mondain, et une balade sous la pluie, voilà plus ou moins les seuls moments d'"action" du roman. Et bizarrement ça nous tient accroché.



Verluis n'est pas vraiment touchant, sa vie pas vraiment passionnante et pourtant son récit initiatique ne nous laisse pas indifférent.

On regarde passer les saisons avec lui, on se laisse subjuguer par la lumière du veld comme lui, et on l'accompagne, naturellement.



La charge émotionnelle de ce livre est très contrôlée, il semble peuplé de vide et dit comme ça, je vois bien que ça ne vous emballe pas des masses.

Et pourtant c'est ce vide qui permet d'être vraiment touchée par les quelques vrais échanges humains. Ce silence qui permet d'entendre les vraies conversations de Verluis.



Il y a dans ce livre quelque chose de très fort à découvrir entre les lignes.


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L'heure de l'ange

Nico Breedt un producteur de télévision à la dérive revient dans la ville de son enfance à la recherche de matériaux pour un documentaire. Dans ce coin perdu du veld au début du XIXème siècle un berger s’est fait poète après qu’un ange lui fut apparu.

Nico va partir sur les traces de Daniel Steenkamp et dans le même temps tenter de trouver un sens à son existence encombrée de futilité, pleine de vanité et lourde de déceptions.

Ce qu’il cherche en réalité, dans ce veld déserté où ne survivent que quelques vieux Afrikaans, se révèle au fur et à mesure que son enquête s’enlise : une confrontation avec son passé et le pays, qui lui échappent inexorablement.

En faisant des recherches il va trouver quelques traces : des notes et un livre écrits l’un par un instituteur, Jodocus de Lange, plein de rancoeur et d’amertume et l’autre par un pasteur, le Révérend Heynes, qui a laissé s’éteindre sa foi.

Ce sont les voix de ces fantômes que Karel Schoeman nous fait entendre. Les voix d'un berger, un pasteur, un instituteur et quelques femmes tout aussi fantomatiques.



Les voix vont se mêler, se répondre, se heurter, nous laisser découvrir un monde mystérieux, hanté non par des dieux mais plutôt par l’envie, le désir des honneurs, la haine, l’intolérance, la superstition et le poids des traditions.« Des questions, des rêveries, des souvenirs inutiles et douloureux »

Un retour vers soi-même à travers ce « voyage improvisé dans le passé » en compagnie d’un berger méprisé par son entourage, d’un homme dont le mariage est une mascarade.

Il faut accepter de se laisser porter par le récit, de suivre ses voix multiples qui petit à petit dessine le pays et le destin des hommes.



L’écriture de Karel Schoeman est un peu hypnotique, il aime les humbles, les laissés pour compte, ceux qui franchissent la ligne.

J’ai aimé la langue frémissante et profonde de Karel Schoeman, le rythme de son récit est lent avec des sauts dans le temps qui loin de nuire au récit, lui donne toute sa force.

Les images du veld sont splendides, je les avais déjà appréciées dans Cette vie

Que monsieur Pierre Marie Finkelstein soit ici remercié pour nous donner accès à cette langue, sa traduction est vraiment totalement en phase avec le récit, les sentiments des personnages, les paysages évoqués. Une magnifique traduction.




Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Retour au pays bien-aimé

Georges Neethling, afrikaner, a quitté l’Afrique du sud il y a fort longtemps. Il revient, alors que sa mère vient de décéder en Europe, sur les terres de sa famille. Il y trouve des hommes et des femmes plus ou moins liés à sa famille qui lui offre l’hospitalité.

Georges découvre sur un laps de temps assez resserré, une famille recluse, exilée en son propre pays ; une famille de paysans loin des clichés montrant la communauté blanche comme étant forcément riche et dominante.

Cet homme qui rentre chez lui a réussi ; Il est le fils de diplomates aisés et " hors sol" semble comme perdu dans ce pays qui est à la fois le sien, et plus tout à fait le sien.

Il règne une atmosphère étouffante dans ce roman écrit en plein apartheid, mais dont les protagonistes ne sont que des blancs déclassés, perdus, reclus et résignés devant tant d’oubli. Rien n’indique les raison de cela. Karel Schoeman reste assez énigmatique ; il est hors du temps

J’ai apprécié cet ouvrage autant pour les qualités littéraires de son auteur, que parce qu’il parle d'une Afrique du sud différente, celle des Afrikaners lambda qui ont plus subi les évènements qu'ils ne les ont provoqués. Il est radicalement différent de ce que j’ai pu trouver jusqu’à maintenant dans la riche littérature de ce pays qui n’a pas fini de me surprendre, et d’aiguiser ma curiosité.




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