AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Marie Le Gall (68)


Faut-il donc des êtres qui souffrent pour que les autres puissent goûter avec plus de délices leur misérable bonheur, savourer leurs joies dérisoires, s’empiffrer de leurs minuscules plaisirs d’un bout à l’autre de la vie ?
Commenter  J’apprécie          260
Le pâté de campagne était appelé ainsi pour marquer la différence avec le pâté Hénaff, une institution en conserve qui était de tous les repas, y compris et surtout du petit déjeuner, et que chaque bas Breton digne de ce nom avait eu "dans son biberon" avant d'apprendre à l'étaler sur son pain et de le tremper dans son bol. Le pain, c'était une miche appelée "miche de deux". On la coupais avec énergie après l'avoir bénie en traçant un signe de croix sur la croûte et on tartinait les tranches de beurre salé. La motte, d'un jaune soleil vif et luisant, trônait au centre de la table recouverte d'un toile cirée, dans les tons beiges le plus souvent, avec des motifs, un mélange de cerises et d'oiseaux d'un goût douteux. Mais c'était pratique et pas salissant. "Un coup d'éponge !... Impeccab' ! "
Commenter  J’apprécie          110
Depuis sa toute première rencontre, une histoire romanesque et chaste, depuis cette "première fois" avec un homme plus âgé, Léna recherchait l'amour absolu, d'une autre essence, qui dépasse la sensualité, le contact charnel et la recherche de la jouissance dans un désir si violent qu'il lui faisait peur.
Commenter  J’apprécie          100
Il était écolo quand on ne parlait pas encore d'écologie. D'une voix tranquille et déterminée, il dit un jour avoir voté René Dumon à la présidentille. Exceptionnellement il y avait du monde dans la cuisine, des voisins. On se tut. A l'écoute de ceux que l'on appelait pas encore les Verts et dans sa conscience de paysan, il pressentait les problèmes à venir, les désastres qui mettraient en péril l'équilibre du monde. Je levais la tête et je le regardais pour la première fois.
Pour la première fois aussi, je fus fière de lui.
Commenter  J’apprécie          90
Pour approcher ton mystère et te trouver, j'ai écarté les tentures d'un brouillard dense et froid .
Commenter  J’apprécie          70
C'était quand je ne l'entendait pas que je l'entendais le plus, et lui de même. C'est-à-dire tout le temps. Nous avancions dans un silence assourdissant.
Commenter  J’apprécie          70
Certaines maladies n'ont pas bonne réputation, désordres mentaux, affections plus que jamais taboues, comme si le cerveau n'était pas un organe comme un autre.
Commenter  J’apprécie          60
J'ai grandi dans ses bras, dans ses mains, sur ses genoux ou son coeur, sous son regard noir et pénétrant qui lançait des éclairs au moindre contact avec mon visage. Elle n'était plus seule, enfin. Elle n'avait pas de fiancé mais elle avait une soeur. La Soeur avait une soeur, si petite qu'on crut bien souvent qu'il s'agissait de son enfant.
Commenter  J’apprécie          60
A la TSF, le journaliste disait Sir Winston Chruchill en prononçant "sœur". Je savais bien dans quel cas on employait "sœur" : sœur Isabelle, sœur Philomène... Or je ne comprenais pas pourquoi on disait "sœur" pour un homme. En me forçant un peu, j'arrivais à faire du ministre une religieuse. Après tout, il vivait dans un autre pays, un pays où les hommes pouvaient peut-être devenir bonnes sœurs.
Commenter  J’apprécie          60
Sanglée dans la vie qu'on lui avait imposée, celle d'une aliénée comdamnée à se taire, à seulement obéir, elle remuait si fort que les pierres de sa muraille jaillissaient et cognaient mon visage trop jeune qui en garderait définitivement les traces.
Commenter  J’apprécie          50
Pourquoi s’en être pris à cette jeune fille si belle sur son lit, depuis le début, depuis sa naissance et plus encore maintenant ? Elle a vingt-six ans. Les jeunes filles de son âge sont déjà des femmes, des épouses, des mères. Elle, elle est seule. Elle a compris. « Si j’avais été comme les autres… », murmure-t-elle souvent d’une voix frêle. Elle vit au conditionnel. Elle ne vit plus. Il ne se passera plus jamais rien. Elle restera ici pour toujours, dans ce dortoir, dans ce lit la nuit auprès des femmes à la peau sèche et ridée, aux cheveux gris ou blancs, qui traînent leurs savates sur le sol, prennent appui sur des cannes pour les plus vieilles. Il y en a même qui meurent, tout près. Alors, elle hurle de peur devant la bouche et les yeux ouverts qui ne voient plus. Et celle-ci qu’elle aimait bien, qui souffrait tellement, gémissait la nuit et ne pouvait plus se lever… Elle est partie un matin, de bonne heure. Oui, « partie chez le bon Dieu, au ciel ! », lui a-t-on dit.
Commenter  J’apprécie          50
La photographie est toute puissante, elle nous rend prisonniers. La photographie ne reproduit pas l'instant, elle le vole. On ne lui échappe pas, elle prend la vie. Elle est la vérité de ce qui a été, et qui est encore sous nos yeux, comme si nous faisions partie intégrante de cet espace clos, comme si nous étions là, nous aussi, fixés sur le papier glacé, immobiles, en compagnie muette de celui, de celle que nous regardons dans le calme le plus absolu.
Commenter  J’apprécie          50
Je jouais au jeu du secret. J'étais tantôt le menuisier, tantôt tonton Pierre. Je baragouinais un breton approximatif à voix très basse, inventant des souvenirs auxquels je n'avait pas accès. Il était toujours question de cimetière, de sépultures, de fantômes et d'âmes errantes qui hantaient les endroits anciens, les fermes en ruine environnantes...
Commenter  J’apprécie          50
Aujourd'hui les drogue toujours plus puissantes maintiennent les êtres en vie longtemps tandis que la maladie perdure. Les fous marchent sur la crête de la vie, un souffle les renverse.
Commenter  J’apprécie          40
(...) la vie a tout prix parce qu'il est interdit de mourir quand on a mal et que l'on a compris que ce mal allait durer et se répandre, traverser les personnes que l'on aime, les empoisonner lentement et tout aussi surement que son propre corps et son cerveau fêlé, sa raison en éclats, pulvérisée.Faut-il donc des êtres qui souffrent pour que les autres puissent goûter avec plus de délices leur misérable bonheur, savourer leurs joies dérisoires,(...).
Commenter  J’apprécie          40
Elle m'embrassait à m'étouffer. Je porte à jamais la trace de ses bras, et depuis sa mort, la douleur inscrite dans la poitrine et le dos, enclume sur le plexus solaire, étau qui se resserre au moindre trouble, à la moindre inquiétude, au moindre effort et même au moment d'une joie soudaine. Le souffle me manque, un long couteau me traverse. Assise ou allongée, j'attends, coeur et corps brisés, éprouvant cette fêlure incurable qu'elle m'a laissée en quittant la vie.
Commenter  J’apprécie          41
Nous nous sommes tout de suite reconnues et il était écrit que j’allais obéir à tes ordres muets. Entraînée dans ta folie, je ne connaîtrai de la vie que ce que tu m’en diras, frontière entre le monde et moi.
Il suffisait d’un geste, d’un mouvement si singulier de ton corps, d’une inclination de ta tête et alors tout ce qui t’entourait cessait d’exister pour l’enfant que j’étais et qui avait capté le moindre dérangement de ta personne. Fascinée par ce que j’ignorais être ton drame, j’ai tout appris de ta vie, dans ton regard et dans celui des êtres qui te considéraient avec une pitié teintée de répulsion, une fausse compassion ou une réelle empathie parfois, avec surtout la curiosité des gens que l’on dit normaux et leur prétendue supériorité.
Dix-neuf ans, oui. Tu avais dix-neuf ans de plus que moi. Sans doute m’avais-tu tellement appelée dans ton exil sur la Terre, dans tes rêves ou tes prières ! J’ai fini par t’entendre. J’ai fini par naître. Ce fut comme si j’étais sortie de toi et non de notre mère. Jouets d’un destin absurde, deux sœurs unies dans un seul être, bancal, errant, perdu.
Commenter  J’apprécie          40
J'entendais parfois les mots syndicats ou "FO". Je les associais sans chercher à en savoir davantage. Je ne sais pas si le Menuisier faisait la grève pour gagner plus de sous. Ce terme n'avait pour moi plus qu'une seule signification. C'était le souvenir de la chaleur douce de la crique de Rostiviec cachée sous les branches des chênes, la brulure du sable gris, les coquillages écrasés et l'odeur de la vase brune à marée basse. "Bourgeois", "patronat" et "prolétariat" n'appartenaient pas à notre vocabulaire. Il y avait seulement les "gros" et les "petits". Je les retrouverais beaucoup plus tard en lisant Zola et son monde de "gras" et de "maigres". L'idée d'inégalité existait et je la comprenais, mais l'abominable notion d'envie n'avait jamais effleuré ces esprits.
Commenter  J’apprécie          40
Il y avait une lassitude, une tristesse vague et douce dans cette chevelure qui se laissait faire, fatiguée d'avoir été chaque jour d'une existence entière prisonnière d'une coiffe, sagement lissée et maintenue. C'était la même lassitude qu'exprimaient ses yeux délavés , ses yeux de pluie qui s'éclairaient et devenaient tendres quand ils me dévisageaient, ses yeux si clairs à la pupille noire comme une petite pierre au fond d'un ruisseau.
Commenter  J’apprécie          40
Selon le vent, la mer peut être verte et sa surface rebroussée comme le dos d'un chat en colère. Le soir, elle devient d'un bleu-noir d'hirondelle et semble durcir comme un métal froid quand elle avance par glissements progressifs de l'ombre et que le bruit assourdissant du vent se mêle à celui de la houle.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Marie Le Gall (190)Voir plus


{* *}