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Citations de Marina Tsvetaieva (457)


Si vous saviez, passants, attirés
Par d’autres regards charmants
Que le mien, que de feu j’ai brûlé,
Que de vie j’ai vécu pour rien,

Que d’ardeur, que de fougue donnée
Pour une ombre soudaine ou un bruit …
Et mon cœur vainement enflammé,
dépeuplé, retombant en cendres.

Ô les trains s’envolant dans la nuit
Qui emportent nos rêves de gare …
Sauriez-vous tout cela, même alors,
Je le sais, vous ne pourriez savoir

Pourquoi ma parole est si brusque
Dans l’éternelle fumée de cigarette
Et combien de tristesse noire
Gronde sous mes cheveux clairs.

(17 mai 1913)
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Postface

La mémoire a des effondrements,
Les yeux sont recouverts de sept taies…
Je ne te vois pas – séparément.
Un trou blanc – à la place des traits.

Sans indices. Trou, vaste pâleur
– Que toi, tout toi ! (L’âme n’est que plaies,
Pure plaie.) C’est l’œuvre des tailleurs
De marquer les détails à la craie.

Tout le ciel d’un seul tenant s’étale.
L’océan : des gouttes le remplissent ?
Sans indices. Tout entier – spécial –
Lui ! Complice est l’amour, non police.

Pelage alezan, de moreau ?
Que le voisin le dise : il voit bien.
La passion coupe-t-elle en morceaux ?
Et moi, suis-je horloger, chirurgien ?

Tu es un cercle entier – pleinement.
Tourbillon – pleinement, bloc entier.
Je ne te vois pas séparément
De l’amour. Signe d’égalité.

(Dans les touffes de duvet, la nuit,
– Collines d’écume par rafales –
La nouveauté étrange pour l’ouïe,
Au lieu de « je » : le « nous » impérial…)

Mais dans les jours étroits, indigents
– « La vie, telle qu’elle est » – en revanche,
Je ne te vois pas conjointement
Avec aucun.
– Mémoire se venge.
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La lettre

On ne guette pas les lettres
Ainsi – mais la lettre.
Un lambeau de chiffon
Autour d’un ruban
De colle. Dedans – un mot.
Et le bonheur. – C’est tout.

On ne guette pas le bonheur
Ainsi – mais la fin :
Un salut militaire
Et le plomb dans le sein –
Trois balles. Les yeux sont rouges.
Que cela. – C’est tout.

Pour le bonheur – je suis vieille !
Le vent a chassé les couleurs !
Plus que le carré de la cour
Et le noir des fusils…

Pour le sommeil de mort
Personne n’est trop vieux.
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À Akhmatova

O muse des pleurs, la plus belle des muses !
Complice égarée de la nuit blanche où tu nais !
Tu fais passer sur la Russie ta sombre tourmenteA._Gorenko
Et ta plainte aiguë nous perce comme un trait.

Nous nous écartons en gémissant et ce Ah!
Par mille bouches te prête serment, Anna
Akhmatova ! Ton nom qui n’est qu’un long soupir
Tombe en cet immense abîme que rien ne nomme.

A fouler la terre que tu foules, à marcher
sous le même ciel, nous portons une couronne !
Et celui que tu blesses à mort dans ta course
Se couche immortel sur son lit de mort.

Ma ville résonne, les coupoles scintillent,
Un aveugle errant passe en louant le Sauveur…
Et moi je t’offre ma ville où les cloches sonnent,
Akhmatova, et je te donne aussi mon coeur.

Moscou, 19 juin 1916
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Voici – de nouveau – une fenêtreCapture d’écran 2013-09-07 à 09.43.09
Où – de nouveau – on ne dort pas.
On y boit du vin – peut-être -,
On n’y fait rien – peut-être – ,
Ou alors, tout simplement,

Deux mains ne peuvent se séparer.
Il y a dans chaque maison,
Ami, une fenêtre pareille.

Le cri des séparations, des rencontres –
Toi, fenêtre dans la nuit !
Des centaines de bougies – peut-être – ,
Trois bougies – peut-être… –
Pas cela, et pas de repos
Pour mon esprit.
Et cela – cette chose même –
Dans ma maison.

Prie, mon ami, pour la maison sans sommeil,
Pour la fenêtre éclairée !

23 décembre 1916
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Ma journée est absurde non-sens
J’attends du pauvre une aumône,
Je donne au riche généreusement.

J’enfile dans l’aiguille un rayon,
Je confie ma clef au brigand
Et je farde mes joues de blanc.

Le pauvre ne me donne pas de pain,
Le riche ne prend pas mon argent,
Dans l’aiguille le rayon ne passe pas.

Il entre sans clef, le brigand,
Et la sotte pleure à seaux
Sur sa journée de non-sens.

29 juillet 1918 (traduction Véronique Lossky. Inédit)
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Les yeux

Deux lueurs rouges — non, des miroirs !
Non, deux ennemis !
Deux cratères séraphins.
Deux cercles noirs

Carbonisés — fumant dans les miroirs
Glacés, sur les trottoirs,
Dans les salles infinies —
Deux cercles polaires.

Terrifiants ! Flammes et ténèbres !
Deux trous noirs.
C’est ainsi que les gamins insomniaques
Crient dans les hôpitaux : — Maman !

Peur et reproche, soupir et amen…
Le geste grandiose…
Sur les draps pétrifiés —
Deux gloires noires.

Alors sachez que les fleuves reviennent,
Que les pierres se souviennent !
Qu’encore encore ils se lèvent
Dans les rayons immenses —

Deux soleils, deux cratères,
— Non, deux diamants !
Les miroirs du gouffre souterrain :
Deux yeux de mort.

30 juin 1921.
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A Byron

Je pense au matin de votre gloire,
Au matin de votre vie,
Quand démon vous vous êtes éveilléljv5-8
Et Dieu pour les hommes.

Je pense à vos sourcils
Qui cerclent la flamme de vos yeux,
À la lave du sang ancien
Qui coule dans vos veines.

Je pense à vos doigts — si longs —
Dans vos cheveux bouclés
Et aux regards qui vous dévorent
Dans les salons et les allées.

Je pense à ces cœurs que, trop jeune,
Vous n’eûtes le temps de lire,
Tandis que des lunes jaillissaient
Et s’éteignaient pour votre gloire.

Je pense à ce salon obscur,
Au velours penché sur la dentelle,
À vous qui m’auriez dit vos vers
Et moi — les miens — pour vous.

Je pense encore à la poussière
Qui reste de vos lèvres et de vos yeux —
À tous ces yeux qui reposent morts…
À eux, à nous…

24 septembre 1913.
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Du monde des visions nocturnes
Nous – les enfants – sommes rois.
Les ombres longues descendent,
Les lanternes brillent derrière les fenêtres,
Le haut salon s’obscurcit,
Les miroirs aspirent leur tain…
Pas une minute à perdre !
Quelqu’un sort du coin.
Au-dessus du piano noir, tous deux
Nous nous penchons et la peur approche,
Enveloppés dans le châle de maman
Nous pâlissons sans oser un soupir.
Allons voir ce qui se passe
Sous le rideau des ténèbres ennemies.
Leurs visages sont devenus noirs, –
De nouveau nous sommes vainqueurs !
Nous sommes les maillons d’une chaîne magique
Et dans la bataille ne perdons jamais courage.
Le dernier combat est proche,
Et périra le royaume des ténèbres.
Nous méprisons les adultes
Pour leurs journées mornes et simples…
Nous savons, nous savons beaucoup
De ce qu’ils ne savent pas.
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"Où que tu sois, partout je t'atteindrai,
À tant souffrir je te ramènerai.
[...]
À travers ton souffle à l'instant des râles,
Fendant les haies du tribunal céleste,
Je meurtrirai mes lèvres à leurs ronces
Et t'arracherai à ton lit de mort.
[...]
Par ton souffle... (la poitrine haletante,
Les yeux aveugles et les lèvres froides...)
Je serai la prophétesse évoquant
Samuel et je reviendrai seule.

Car une autre est là, le jour du Jugement
Nul ne plaide...
Je me tords et m'étire,
Je suis et je serai et j'atteindrai
Ton âme comme la mort prendra ta bouche
Pour te donner sa paix."
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"Et je ne prononcerai pas ton nom,
Ni ne veux tendre les mains vers toi.
Je ne saluerai que de loin
Ta sainte face de cire.

Et sous la neige lente
Je me jetterai à genoux,
Pour toi
J'embrasserai la neige du soir -

Là où ton pas superbe
A tracé dans un silence de mort,
Douce lumière, gloire sacrée,
Dieu puissant de mon âme."
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Quand on sait que jamais on n'ira nulle part, on commence à vivre là où l'on est. Comme ça. On se fait sa cellule. Ce qui, à l'entrée, paraît insensé et arbitraire devient, par la suite, normal. Devant cette docilité, le géôlier se radoucit, cède un peu, et alors s'établit cette alliance monstrueuse, mais réelle du prisonnier avec son géôlier, de la non-aimante avec le non-aimé, la prisonnière se façonne à son image et à sa ressemblance.
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Oui mon diable a éclaté et il n'est resté de lui ni flacon, ni alcool.
(...)
C'était toi qui brisais chacun de mes bonheurs d'amour, le corrodant de ton appréciation et l'achevant avec ton orgueil, puisque tu avais décidé que je serai poète et non une femme aimée.
(...)
C'est toi qui m'a protégée de toute vie en commun - au point de refuser la collaboration des journaux, en m'accrochant dans le dos comme le méchant gardien à David Copperfield, un écriteau : "Attention ! il mord !"
N'est-ce pas toi qui, par mon amour féroce pour toi, m'a insufflé l'amour pour tous les vaincus, pour toutes les causes perdues - les dernières monarchies, les derniers fiacres, les derniers poètes lyriques ?
(...)
Je te vois en dogue, mon doux ami, c'est-à-dire en dieu des chiens.
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- Madame, les prêtres sont là. Faut-il les faire entrer ?
Et aussitôt - remue-ménage de deniers d'argent dans la paume, transfert de deniers de la main à la main, de la main au papier : tant pour le prêtre, tant pour le diacre, tant pour le chantre, tant pour la femme qui a fait le pain béni... Il aurait fallu l'éviter devant les enfants, ou alors il n'aurait pas fallu nous raconter, à nous les enfants d'un Age d'Argent, l'histoire des trente deniers. Le tintement des pièces se confondait avec celui de l'encensoir, leur froid avec celui du brocart et du crucifix, le nuage d'encens avec celui d'un malaise intérieur, et tout cela voguait lourdement vers le plafond de la salle blanche avec des papiers peints givrés, au son d'exclamations impératives, in compréhensibles et effrayantes :
- Bénis, Maître !
- ê ê ê...
Tout était plein de ce ê-ê-ê - la salle, le plafond, l'encens, l'encensoir. Et lorsque les prêtres s'en allaient, il ne restait rien d'eux que ce dernier -ê- de l'encens dans les philodendrons.
Ces offices du dimanche étaient pour moi - à hurler. J'entendais la phrase "Les prêtres sont là" comme "les morts sont là".
-Madame ! Les "morts sont là", faut-il les laisser entrer ?
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Je ne crains qu'une seule chose au monde – ces moments où en moi la vie se fige.
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Marina Tsvetaieva
Ton destin terrestre me concerne plus intimement *encore* que tes autres trajets, car je sais combien c'est difficile – tout.
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Il en tomba combien dans cet abîme
Béant dans le lointain !
Et je disparaîtrai un jour sans rimes
Du globe, c’est certain.

Se figera tout ce qui fut, - qui chante
et lutte et brille et veut :
Et le vert de mes yeux et ma voix tendre
Et l’or de mes cheveux.

Et la vie sera là, son pain, son sel
Et l’oubli des journées.
Et tout sera comme si sous le ciel
Je n’avais pas été !

Moi qui changeais, comme un enfant, sa mine
- Méchante qu’un moment, –
Qui aimais l’heure où les bûches s’animent
Quand la cendre les prend,

Et le violoncelle et les cavalcades
Et le clocher sonnant…
– Moi, tellement vivante et véritable
Sur le sol caressant.

A tous – qu’importe. En rien je ne mesure,
Vous : miens et étrangers ?! –
Je vous demande une confiance sûre,
Je vous prie de m’aimer.

Et jour et nuit, voie orale ou écrite :
Pour mes « oui », « non » cinglants,
Du fait que si souvent – je suis trop triste,
Que je n’ai que vingt ans,

Du fait de mon pardon inévitable
Des offenses passées,
Pour toute ma tendresse incontenable
Et mon trop fier aspect,

Et la vitesse folle des temps forts,
Pour mon jeu, pour mon vrai…
– Ecoutez-moi ! – Il faut m’aimer encore
Du fait que je mourrai.

8 décembre 1913
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Neige neige
Plus blanche que linge,
Femme – lige
Du sort, blanche neige.
Sortilège !
Que suis-je et où vais-je ?
Sortirai-je
Vif de cette terre
Neuve – neige ?
Plus blanche que page
Neuve – neige,
Plus blanche que rage
Slave…
Rafale, rafale
Aux mille pétales,
Aux mille coupoles,
Rafale la Folle!
Toi – une, toi – foule,
Toi – mille, toi – râle,
Rafale-la-Soûle,
Rafale-la-Pâle.
Débride, détèle,
Désole, étale,
A grands coups de pelle!
A grands coups de balle!
Cavale de flamme,
Fatale Mongole,
Rafale – la Femme,
Rafale! (raffole…
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Nul besoin, en effet, de quoi que ce soit d’extraordinaire autour de nous , si à l’intérieur - c’est extraordinaire.
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Préface du livre par T. Todorov
A quoi se reconnaît le très grand écrivain ? À ce qu’il parvient à trouver les mots pour exprimer ce qui avant lui restait indicible. C’est un maître du verbes , certes , mais qui ne se contente pas de jouer avec le langage. Son objectif est bien plus ambitieux : la rigueur des mots n’est pour lui qu’un moyen pour accéder à la vérité des choses.
Tel est le défi que contient la vocation du poète et que Tsvetaeva a su relever.
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