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Critiques de Mathias Enard (1115)
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Rue des voleurs

Le récit débute en février 2011 à Tanger, quand Lakhtar décide de s’enfuir et de couper définitivement les ponts avec ses parents dont il ne supporte plus les rigueurs éducatives, dans un pays où l’Islam et la pression sociale codifient les relations entre les hommes et les femmes depuis la nuit des temps. Au cours de ses pérégrinations, le jeune marocain, courageux mais un peu naïf, rencontrera beaucoup d’obstacles sur son chemin. Il mènera l’existence misérable et aventureuse d’un migrant, exploité dans son travail et à la recherche d’un Eldorado inaccessible. Pris dans la tourmente de la révolution du Printemps arabe, du terrorisme islamiste, de la crise économique en Espagne, il conservera cependant son amitié inaltérable avec Bassam, son ami d’enfance, et vivra une passion amoureuse auprès de Judit. Cette jeune étudiante espagnole lui transmettra le réconfort et la force morale qui lui sont vitales pour l’aider à surmonter la précarité de sa situation sociale. Par ailleurs, elle lui fera découvrir et apprécier la littérature arabe, notamment au travers des mémoires d’Ibn Battûta, cet explorateur et grand voyageur d’origine berbère et des œuvres de Nizar Kabbani, l'un des plus grands poètes contemporains de langue arabe.





Grand connaisseur du monde arabe et hispanisant, Mathias Enard soulève les problèmes liés à l’immigration clandestine et aux difficultés d’intégration des jeunes arabes qui fuient leurs pays, en quête d’une vie meilleure vers des contrées occidentales. Malheureusement, leurs rêves se transforment très vite en cauchemars et les désirs utopiques de ces malheureux migrants en une triste réalité…

Dans l’ouvrage, la doctrine de l’Islam est également abondamment relatée, dans toute sa splendeur mais aussi dans toute son horreur, lorsque la religion est détournée de ses fondements par des intégristes musulmans qui l’utilisent à des fins terroristes.

A la faveur d’une belle écriture et d’un récit richement documenté, de par son expérience de terrain, le romancier s’est appuyé sur les évènements du Printemps arabe pour brosser un tableau complet et réaliste de cette problématique, hélas toujours d’actualité et d’une extrême gravité. Il réussit toutefois à adoucir cette dure réalité en offrant aux lecteurs une belle romance basée sur la pureté des sentiments que partagent Lakhtar et Judit, les deux protagonistes du roman.

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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Intéressant, intense, bourré de références historiques et artistiques et pourtant simple et agréable à lire. C'est un court roman plein d'exotisme oriental et de sensualité. Michel-Ange nous est donné à voir et à vivre de façon très humaine. Une lecture plaisante et emprunte de beaux instants et de poésie.
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Rue des voleurs

Excellent roman de l’excellent Mathias Enard.

Une écriture limpide, chaque phrase, chaque mot, chaque tournure est à sa place juste.

Les personnages sont peu nombreux et attachants ; Enard prend le temps de les analyser, de nous offrir une vision des troubles politiques du moment.

Bravo, génial !



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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Que dire si ce n’est qu’il s’agit de l’un des livres que j’ai le plus aimé! Une telle poésie s’en dégage, il est si bien écrit. Chaque court chapitre est un délice à lire et relire. Je plonge du coup dans Rue des voleurs du même Mathias Enard qui est une vraie révélation pour moi.



Quel talent !
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

"Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants", c'est avant-tout un voyage. Michel-Ange qui, délaissé par le pape et lassé par les rivalités, accepte de se rendre à Constantinople pour y dessiner les plans d'un pont.



Ce roman est un voyage au cœur d'un autre imaginaire, lui-même tissé dans la perception qu'a Michel-Ange de ce qui l'entoure pendant ce séjour à Constantinople.

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Déserter

La violence de guerre, le mal au service de la guerre, c'est ce qui hantent de la première à la dernière page ce roman qu'il est difficile de refermer parce qu'il semble déborder de ses limites fictives pour s'insinuer comme dans une réalité augmentée dans notre présent. En effet, ces deux récits résonnent de manière troublante avec la guerre en Ukraine et le conflit israélo-palestinien. 



Deux récits pour un seul thème : la guerre. D'un coté,  un homme qui a déserté les rangs, portant le fardeau des ses actes de violence : meurtres, tortures, viols. Fuyant cet enfer, il se réfugie dans la cabane de son enfance avec l'intention de franchir la frontière pour échapper à son passé.  C'est là qu'il rencontre une jeune femme mutique, en fuite avec son âne. Au premier instant, l'instinct du soldat déshumanisé le pousse à vouloir la tuer. Mais progressivement, une transformation s'amorce en lui,  il retrouve peu à peu son statut d'être humain capable de compassion pour la jeune femme qu'il va aider. Elle, son angoisse, sa peur sont palpables. Elle est hantée par les viols qu'elle a subis. Un fragment de son histoire émerge, résonnant avec le récit de beaucoup de femme pendant la guerre. Capturée par les hommes de son village, elle a été tondue avec trois autres femmes, puis violées. "Châtiment soi-disant mérité pour les punir de leur méfait". 



(...) qu'on les purgeait du mal qu'elles avaient en elles pour ensuite remplir avec du bon sperme leurs matrices de bestioles vagissantes, on avait trouvé foule de volontaires pour sauver la Patrie et la Race, et on les avait balancées sur la paille du corral (...) extrait p. 179.



Un autre récit entremêle celui-ci sans jamais le rencontrer, mais ils ont un écho commun, celui de la violence de guerre. 



Cette  seconde histoire commence le 10 septembre 2001 sur une péniche prés de Potsdam sur la Havel, Là, un groupe de personnes s'apprête à rendre hommage à un homme remarquable : le mathématicien allemand Paul Eudeber. L'organisatrice de ce colloque, c'est sa fille Irina en souvenir de son défunt père. On découvre ainsi, sous la forme de souvenirs de chacun des invités, de lettres, de poèmes de Paul, et de faits historiques, l'existence de cet homme qui entretenait deux passions profondes dans sa vie : les mathématiques et son épouse Maja, ainsi qu'une conviction inébranlable pour le communisme. Cette histoire raconte une nouvelle fois la guerre et ses conséquences. Paul Eudeber sera arrêté et interné au camp de concentration de Buchenwald. Puis il choisira de vive en RDA par conviction politique malgré toute la violence de ce régime soviétique.



Paul Eudeber fait partie de ces êtres exceptionnels dont la passion transcende la réalité. Malgré les conditions inhumaines du camp de concentration, Paul Eudeber continuera à faire des mathématiques.



"Paul Eudeber a toujours soutenu que la forme "des Conjectures de Buchenwald" (ces vers libres, ces phrases hachées, à la syntaxe très personnelle) étaient due à la taille des bandes de papier sur lesquelles il les notait - forme que Paul a conservée au moment de les transcrire à partir de 1945. Il n'a pas voulu réécrire les conjectures, il a souhaité conserver ce dont elles témoignaient, c'est à dire l'expérience concentrationnaire. (Extrait p. 111)



En lisant cette histoire j'ai pensé à des écrivains et poètes tels qu'Ahmet Altan et Nazim Hikmet, tous deux emprisonnés, ont exprimé dans leurs écrits l'impossibilité d'entraver l'imagination et la création. C'est vraiment ce qui se passe pour Paul Eudeber qui dit (...)"Pour poursuivre mes explorations mathématiques, tout ce dont j'avais besoin, c'était un morceau de crayon de bois et un peu d'espérance"(...) (Extrait page 111)



Ce deuxième récit est riche de rappel à des faits historiques. Des histoires de basculement du monde comme le 11 septembre 2001 et  la guerre de 39-45. Mais heureusement Mathias Enard nous propose une promenade dans l'univers des mathématiques avec son personnage Paul Eudeber, et nous fait prendre des chemins de traverse dans les pas de poètes et de romanciers comme Goethe et Shiller... Ainsi, il nous rappelle que si le mal est bien de notre monde,  la beauté de la création nous fait toucher les étoiles.



Et l'âne dans tout ça : c'est le symbole de l'humilité de la patience et du dévouement à sa maitresse. Il  nous remonte le moral !
Lien : http://ecriberte.over-blog.c..
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Déserter

Pourquoi croiser ? Par amour du symbole, Mathias Enard double son maigre récit de deux histoires parfaitement distinctes dont le lien paraît symbolique. Parait car finalement rien n’est moins sûr. On remarque vite que l’auteur adopte deux styles différents pour compter deux histoires différentes. Du côté de la désertion, un vocabulaire élargit, une écriture enlevée qui se dépouille de la ponctuation pour aller au vif de l’action. En clair, c’est bien de style qu’il s’agit. Couvrant plusieurs époques, l’autre partie, d’une tendre mélancolie, nous rappelle combien une histoire familiale peut se confondre avec l’Histoire. En outre, il est clair que si on ne connecte pas les histoires, on se raccroche beaucoup plus à la langue employée. Du côté du déserteur, on notera donc que l’on verse beaucoup vers l’exercice de style, comme si l’auteur avait voulu rendre compte d’un travail dûment effectué lors d’un atelier d’écriture. Pourtant, on tenait une épopée originale du côté du congrès. Une apathie générale devant les événements du 11 septembre 2001 caractérisait bien le pouvoir restreint du savoir face aux actes. Les esprits enfermés par leur propre inaction. Dommage d’avoir divisé par deux le texte dans un esprit un peu vaniteux.
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Déserter

Une première de couverture magnifique, forte de singularité. Un titre simple, beau de concision.

Voici deux accroches efficaces pour se démarquer de la multitude de romans et m'attirer.

Deux, c'est aussi le choix narratif de l'auteur qui entrelace dans ce roman deux histoires autour du mot déserter.



*

« Déserter », c'est l'histoire d'un homme qui fuit la guerre et se réfugie dans les montagnes de son enfance. Là, à l'abri des regards et des hommes, se trouve la cabane où il a vécu enfant. Il espère pouvoir se reposer et panser ses blessures psychiques avant de poursuivre sa route vers la frontière.

Il y a une forme de dualité chez lui : je l'ai senti vulnérable, méfiant, apeuré, mais aussi capable d'une grande violence.



Au travers de cette narration, on imagine sans peine le paysage montagneux dévoilé dans sa beauté et sa grandeur écrasante. Elle s'exprime de la manière la plus douce pour se dérober l'instant d'après et devenir sauvage et impitoyable.

En effet, les mots de la guerre se cessent de s'immiscer dans les descriptions de la nature. La mer en contrebas, assombrie de teintes allant du bleu violacé au gris, forme une ligne inquiétante, hostile, celle du front. le regard de l'homme est constamment attiré par cet horizon sombre, déclenchant des souvenirs de guerre d'une extrême violence.

Exécutions. Tortures. Viols.



Et puis, arrive une jeune femme avec son âne qui fuit également la guerre pour d'autres raisons que lui. Elle le reconnaît, elle l'a déjà croisé dans son village. Il est comme tous ces hommes qui portent l'uniforme et brandissent une armes : un assassin, un tortionnaire, un violeur.



L'auteur croise leur point de vue, mettant en lumière leurs émotions, leurs sentiments. Cette rencontre va soulever des questions et exiger inévitablement, pour chacun d'eux, de faire des choix.

La vie ou la mort.

La paix ou la haine.

La confiance ou la peur.

L'entraide ou la violence.



*

C'est autour des théories mathématiques que se construit le deuxième récit.



Car « Déserter », c'est aussi l'histoire d'Irina qui organise à Berlin, sur un bateau de croisière, un colloque pour rendre hommage à un grand mathématicien est-allemand décédé, Paul Heudeber, qui fut également son père.

Nous sommes le 10 septembre 2001, la veille de la plus grande attaque terroriste perpétrée aux Etats-Unis, une date qui restera gravée à jamais dans les mémoires de ceux qui ont vu les terribles images de l'effondrement des tours du World Trade Center.



L'auteur nous fait entrer dans la tête d'Irina, ses pensées remontent le cours du temps, reviennent sur le temps présent et la violence du monde d'aujourd'hui.

Ses souvenirs forment un puzzle où chaque pièce permet de reconstituer l'histoire de ses parents, Paul et Maja. C'est une belle histoire d'amour, entrecoupée de lettres que Paul adresse à sa compagne. Mais au fil du récit, des failles apparaissent. Non-dits, silences, peines, absence, solitude, espoirs et désillusions.



« Maja mon amour,

Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épouse les formes du monde, pour l'envelopper entièrement ; c'est un langage et c'est une matière, des mots sur une main, des lèvres sur une épaule… »



J'ai aimé le personnage de Paul. Sensible et rêveur, rescapé de l'enfer du camp de Buchenwald, il croyait en un monde nouveau et meilleur, un monde plus juste, plus pacifique, plus humain.



« … les mathématiques étaient l'autre nom de l'espoir. »



Le destin de ce couple est également l'occasion de voyager à travers l'espace et le temps, entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest, entre le présent et le passé, en particulier durant la seconde guerre mondiale et la guerre froide.



*

L'écriture est forte et subtile dans ce croisement de personnages, de lieux et d'époques. Pourtant, un fil conducteur unit ces deux récits, celui de l'intime.

L'auteur parvient à tisser des liens autour du mot « déserter ». Peu à peu, le lecteur établit des parallèles, entrevoit des connexions, découvre des analogies entre les deux récits où les hommes sont à la fois acteurs et victimes de la violence et de la guerre. Chaque personnage se retrouve face au miroir de leur conscience qui leur renvoie leurs actions, leurs trahisons, leurs pensées, leurs rêves, leurs émotions, leur manque de lucidité, leurs réussites et leurs échecs.



*

Ce que j'aime dans la littérature, c'est lorsque l'écriture se pare de poésie, de couleurs, d'odeurs, de sensation, de sensualité, d'émotions. En cela, le roman de Mathias Enard a tout à fait correspondu à mes goûts littéraires.



Dans le premier récit, celui du déserteur, la nature est très présente, elle forme comme un écrin printanier. J'ai aimé ce récit poétique, imprégné des odeurs rassurantes du feu de bois, des plantes aromatiques et des souvenirs d'enfance. En effet, l'écriture de Mathias Enard est sensorielle, elle nous permet de percevoir les parfums, les couleurs, les bruits, les textures, de donner corps à ce paysage montagneux, sûrement méditerranéen, qui présente deux visages.

Ce qui m'a particulièrement plu aussi, c'est la présence de l'âne qui amène une prise de conscience de ce que les hommes deviennent en temps de guerre, des monstres.



« … il se rend compte soudain que l'âne est borgne, son oeil droit est bleu et blanc comme une bille vitreuse, à demi recouvert par la paupière, son dos porte des blessures qui suppurent, il faudra peut-être l'abattre,

tu ne sais rien d'autre qu'abattre, tu ignores tout des ânes et des animaux, ils ont l'innocence de leur bestialité, pas toi, tu t'enroules dans la brutalité comme dans un manteau, … «



Dans le second récit, le langage des mathématiques renferme un côté plus âpre et froid. Néanmoins, il garde une dimension poétique, une forme de mélancolie et de nostalgie, d'espoir et de courage, de souffrance intérieure.

Plus complexe à lire, il m'a paru mais même temps plus profond.



« Les mathématiques sont un voile posé sur le monde, qui épouse les formes du monde, pour l'envelopper entièrement. »



*

Mathias Enard signe un beau roman où l'intime et la guerre s'entremêlent avec subtilité.

A découvrir.
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Déserter

Un soldat anonyme a déserté son armée pour échapper à la violence et aux atrocités de la guerre.

Pour fuir le monde, il se réfugie dans une cabane isolée de son enfance.

Sa vie bascule lorsqu’une femme en fuite croise son chemin et trouble ses projets.



Paul, mathématicien est-allemand, a disparu tragiquement.

Fidèle à son côté du Mur de Berlin, il est resté engagé malgré l’effondrement des idéologies.

Le récit offre des extraits de correspondances entre Paul et Maja, son grand amour empêché, qui a choisi une carrière politique de l’autre côté du mur.



Déserter est un roman qui tisse habilement deux récits distincts, entrelacés dans des chapitres alternés. L’auteur nous plonge dans des thématiques profondes telles que la guerre, la désertion, l’amour et l’engagement.

En lisant Mathias Enard, on accepte une séance de CrossFit pour nos neurones. Son exigence d’écriture nous pousse à être attentifs, à imaginer, à réfléchir. Déserter est un roman qui nous invite à explorer les méandres de l’âme humaine, à travers des personnages marqués par la guerre, la passion et la quête de sens. Une lecture exigeante, mais profondément enrichissante.

Personnellement, je n'ai pas réussi a m'abandonner complément à cette lecture, je n'ai pas saisi tout le sens de l'écriture de l'auteur qui reste fidèle à son style et mais malgré tout, je suis fière d'avoir mené au bout un autre de ses romans.

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Déserter

Je viens de terminer la version audio de ce "Déserter" , gentiment envoyé par Audiolib, que je remercie vivement.

J'ose croire que les deux lectrices de cette version enregistrée - Claire Cahen et Julie Pouillon ont pris le même plaisir que moi, elles à dire et moi à écouter cette langue que Mathias Enard maîtrise avec un rare talent.

Ce verbe "déserter" il nous en décortique plusieurs aspects dans deux scenarii différents : le soldat qui abandonne le terrain et sa violence mais qui n'en finit pas de museler sa propre violence. Parallèlement, il met en scène le parcours, tel qu'il le conçoit, du mathématicien est- allemand Paul Heudeber qui, tout en ne renonçant pas à son idéologie socialiste, ne peut se débarrasser des stigmates laissés par son passage dans les camps de Buchenwald, de même qu'il préfère s'éloigner de Maja qu'il aime, tant sa jalousie rend leur vie commune trop conflictuelle.

Je suis toujours admirative devant la maîtrise à traiter un champ lexical tel que cet auteur y parvient, surfant avec aisance parmi paysages, personnages et situations qui, à priori n'ont aucun point commun.

La citation suivante m'a -presque- fait changer d'avis:

"Les mathématiques sont un voile posé sur le

monde, qui épouse les formes du monde, pour l'envelopper entièrement ; c'est un langage et c'est une matière, des mots sur une main, des lèvres sur une épaule ; la mathématique s'arrache d'un geste vif : on peut y voir alors la réalité de l'univers, on peut la caresser comme le plâtre des moulages, avec ses aspérités, ses monticules, ses lignes, qu'elles soient de fuite ou de vie."

C'est bien la première fois que je me surprends à trouver un côté poétique aux mathématiques ! Monsieur Enard, il était temps que je me réconcilie avec cette matière qui m'a maintes fois valu d'entendre de mes pairs que je n'avais aucun sens mathématique.



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Remonter l'Orénoque

Let me sail, let me sail, let the Orinoco flow…

Remonter l’Orénoque, c’est remonter à la recherche de soi-même.

C’est que fait Joana sur ce fleuve où son père vénézuélien qu’elle a peu connu, a disparu il y a longtemps.

Mais c’est aussi pour se retrouver elle-même, après avoir mis fin à sa relation toxique avec Youri, alcoolique et dépressif.

Le roman alterne la voix de Joana, comme en suspens sur ce bateau qui remonte l’Orénoque, et la voix d’Ignacio, son collègue qui a observé leur relation en dissimulant ses propres sentiments pour Joana.

On est tour à tour immergé dans la torpeur moite de l’Orénoque, et dans la canicule de 2003 vécue de l’intérieur de l’hôpital où travaillent Joana, Youri et Ignacio.

J’ai une grande admiration pour la superbe écriture de Mathias Enard, que je retrouve dans cette deuxième lecture, pour sa capacité à créer une atmosphère et à nous plonger dans l’âme de ses personnages.



Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"

Challenge Globe-trotter (Venezuela)
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Déserter

Je suis en colère. je déteste penser que ce livre va laisser sur le côté du chemin la plupart des lecteurs parce que c'est de la grande littérature. Justement la grande littérature ne devrait-elle pas s'adresser à tous ? Il me semble que Mathias Enard aurait pu mieux faire. Il ne manque pas grand-chose.

Deux histoires parallèles qui déjà surprennent car n'ayant en commun que la violence et la guerre, deux histoires qui ne finissent pas et pour cause, nous savons bien que la violence et la guerre ne sont pas prêtes à sortir de nos vies.

Mathias Enard a une érudition admirable, oui mais il faut avoir le dictionnaire à portée de main, de la poésie et une très belle écriture oui mais c'est tout juste s'il ne faut pas une explication de texte...

Bon je vais me calmer et continuerai à le lire avec toutes les réticences décrites plus haut.
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Déserter

Deux récits s'entrecroisent.

D'abord celui d'un homme, un déserteur s'échappant vers une frontière, fuyant une guerre non nommée mais que quelques petits indices pourraient indiquer – c'est mon ressenti - qu'il s'agit de la guerre d'Espagne.

Ensuite celui de la vie de Paul Heudeber, grand mathématicien allemand, persécuté par les nazis puis soutien indéfectible du régime de la RDA. Cette vie sera vue sous différents angles : celui de sa fille, de ses amis, et de ses propres écrits.

Les deux récits ne convergent pas, sinon par l'apparition discrète d'un professeur espagnol au cours d'un congrès consacré à Paul Heudeber tenu en 2001 au moment même où les Twin Towers s'effondrèrent, symbole de la fureur du monde, toujours là.

Voilà qui semble complexe.

Et qui l'est si on cherche une cohérence totale dans ce roman, cohérence que j'ai rapidement écartée, en me laissant emporter par le souffle, la poésie, les digressions aléatoires y compris celles qui concernent les mathématiques et ses "nombres premiers jumeaux" qui seraient en nombre infini. Pourquoi pas ? Encore faut-il le prouver, ce qui fit Paul Heudeber. Pour cela il lui suffit de quelques feuilles de papier, d'un crayon et d'une volonté qui échappe au réel. Qui déserte.

Voilà 250 pages qui mobilisent les neurones du lecteur, excitent sa sensibilité et sa curiosité.
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Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Je ressors de ce roman comme d'un rêve. Très court, d'une lecture limpide, il glisse sur votre esprit, tel un songe poétique. La plume de Mathias Enard est travaillée, ciselée, mais elle est accessible. Un récit entre conte et poésie, tout en finesse, dont le titre emprunté à Kipling, déjà vous transporte.

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants.... Magnifique titre .



Michel-Ange, le célébrissime sculpteur, débarque le 13 mai 1506 à Istanbul. Sur l'invitation du sultan Bajazet, il s'apprête à succéder à Léonard de Vinci, dont les plans ont été refusés, pour réaliser un pont sur la corne d'or.



L'écriture de l'auteur tient une grande place. Je m'y étais préparée. On se prend vite dans les voiles opaques de la narration où l'histoire et sa véracité deviennent presque anecdotiques, secondaires.

Le sujet du récit n'en est pas moins intéressant : ah Michel-Ange ...

Tout ce qui touche de près ou de loin à de tels génies artistiques, est toujours un enrichissement. Ces hommes de la Renaissance ne cesseront jamais de m'enthousiasmer. Approcher le grand maître, quand bien même tout ceci ne serait qu'en grande partie une fiction, découvrir quelques facettes du personnage, le voir travailler, c'est déjà un bonheur en soi.



Mon avis



Ce roman est certes très court mais je trouve que c'est cohérent, en totale adéquation avec le projet littéraire de Mathias Enard. Moi, j'y vois une sorte de rêverie d'auteur qui un jour, a entendu cette histoire d'un hypothétique voyage de Michel-Ange à Istanbul. Cela laisse songeur en effet. Le reste est pure divagation. J'ai apprécié ce voyage aux portes de l'Orient. Un court voyage dont l'issue, la construction du fameux pont, reste très incertaine jusqu'à la fin.

Il faudra d'abord s'imprégner de la ville, admirer ses courbes et ses charmes, humer ses odeurs, observer les pas des danseurs et écouter les poètes.



Challenge Atout Prix

Challenge RIQUIQUI
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Déserter

Deux histoires alternent: celle d'un soldat déserteur et celle d'un mathématicien qui a peut-être déserté le réel trop décevant pour ce communiste et antifasciste convaincu, au profit des mathématiques.

Le soldat déserteur d'une guerre non nommée, d'une période non définie se réfugie provisoirement dans une cabane pour s'y reposer avant de reprendre la route vers une frontière. Une femme fuit avec son âne pour atteindre elle aussi une frontière.La rencontre est difficile: elle craint viol et mort; lui se demande pourquoi il ne la tue pas lui qui a tant violé et tué: elle pourrait le dénoncer. Au lieu de cela, il la soigne.

Y-a-t-il désertion chez le mathématicien qu'on honore ce 9 septembre 2001:il a vécu au camp de Buchenwald , plus tard il est resté en ex- RDA et a vu ses idéaux s'effondrer un à un car il est resté antifasciste et communiste: il déserte le réel au profit des mathématiques liées à la littérature mais il reste amoureux de Maja qui est à l'Ouest. On le soupçonne de s'être suicidé.

La narratrice est leur fille Irina qui semble découvrir ses parents lors de ce colloque qui sera un échec surtout à cause de l'effondrement des tours.

Je n'ai pas vraiment compris l'alternance des deux histoire et je reste sur mes bons souvenirs de lectures: Rue de voleurs ou Parle moi...
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Déserter

N°1834 – Février 2024.



Déserter – Mathias Enard – Actes sud.



Ce roman, c'est d'abord un titre, laconique, sibyllin, une sorte d'invitation à la désobéissance, une envie de bouleverser les choses établies, la fidélité, l'engagement qu'on finit par trahir et par fuir. Deux histoires s'y entremêlent sans apparemment aucun lien entre elles. On retrouve cette démarche initiale dans la première évocation, celle d'un soldat anonyme qui quitte une guerre inconnue, parcourant prudemment à pied un paysage méditerranéen pour rejoindre une vieille bergerie délabrée et vide, perdue dans la montagne, berceau de son enfance, où il sait que personne ne viendra l'y chercher. Sur lui il porte les traces des combats, un treillis puant, des galoches usées, pleines de merde et de sang, un fusil, un sac… Une femme viendra qui le connaît et le craint et tout son passé refait surface, celui de l'enfance, de la guerre aussi.

C'est un personnage fictif, tout comme l'est celui de la seconde histoire, ce mathématicien et poète allemand, antifasciste, Paul Heudeber, rescapé d'un camp de concentration, auteur des « Conjectures de Buchenwald ». Ces deux histoires se juxtaposent sans qu'il soit possible, à tout le moins au début, d'en saisir Les points communs. Paul, génie des mathématiques, après la chute du Mur et l'effondrement du rêve communiste, a choisi de demeurer en Allemagne de l'est par fidélité à son idéal et ce, bien qu'il soit amoureux fou de Maja qui elle a choisi de vivre à l'ouest et d'y faire une carrière politique différente. Leur amour, sa fidélité à l'utopie marxiste, l'existence de leur fille Irina ne changent rien à sa détermination. Nous sommes le 10 septembre 2001, sur un lac près de Berlin et un congrès a choisi de rendre hommage à sa mémoire et à son oeuvre où les poèmes se mêlent aux raisonnements mathématiques. Maja est aussi une figure, elle à qui ses mots s'adressent malgré la distance, c'est une militante du féminise avant la lettre, une mère célibataire, une femme libre a la fois désirable et respectable.



Mathias Enard est un érudit qui s'est longtemps penché sur l'orient et cela se sent dans son oeuvre autant que dans son parcours personnel. Il affectionne le rythme syncopé par l'alternance des phrases courtes et d'autres parfois démesurées. Il serait intéressant de pouvoir percer le mystère de cette architecture assez inattendue où le lecteur se perd parfois. Il alterne les descriptions, les évocations et le narrateur interpelle les personnages mais aussi leur laisse la parole tout en adressant à Dieu des prières alternativement propitiatoires et jaculatoires. La poésie est omniprésente dans le récit consacré au soldat et seulement épisodique et sous forme de poèmes ou de mots d'amour dans celui des lettres échangées jadis entre Paul et Maja. Ces deux histoires s'entremêlent pourtant ; le thème du père est très présent dans le témoignage d'Irina et d'une façon plus estompée dans celui du soldat mais ce qui s'impose à mon esprit c'est aussi l'obsession de la solitude et de la mort. Dans ces deux récits il y a la guerre, lointaine mais bien réelle d'une part, plus larvée dans un contexte de lutte idéologique et politique d'autres part, l'auteur lui-même, sorte de troisième personnage s'inscrivant aussi dans ce contexte à raison de son parcours personnel dans un orient où les conflits sont permanents. Même l'occident n'échappe pas à la violence, l'effondrement des tours jumelles du World Trade Center à New-York, puis plus tard l'invasion de l'Ukraine par la Russie rajoutent de la barbarie dans un monde qui en regorge déjà. Cette irruption de violence vient contredire ce que capitalisme triomphant nous avait fait croire et qui s'effondre dans le fracas du 11 septembre, comme est interrompu le colloque sur Paul Heudeber. de même l'invasion de l'Ukraine rappelle à notre génération qui n'avait pas connu de guerre que l'homme porte en lui ses propres germes de destruction.



Mais revenons au titre, tous les personnages ont déserté leur milieu pour y échapper, parce que déserter c'est fuir, abandonner. Irina a toujours eu conscience du modèle écrasant et inaccessible pour elle que sont ses parents et a voulu y échapper par la distance mise entre elle et eux. Pourtant ce parangon maternel est entamé par la révélation par Pawley, un ami américain du couple, que Maja s'est accordé avec lui, il y a longtemps, une parenthèse amoureuse, tout juste ravivée lors de ce congrès, un détail qu'il veut révéler à Irina avant de mourir. L'image si forte de cette mère est aussi ébréchée par l'aveu fait à son amant d'avoir trahi Paul en ne le préservant pas de son arrestation par la Gestapo. Paul Heudeber a fui le monde réel parfois bien contradictoire pour celui des mathématiques et on laisse planer l'éventualité d'un suicide au sujet de sa mort, justifiée peut-être par sa prise de conscience des trahisons qui l'ont entouré et qu'il ne méritait pas. Les vérités « officielles » qu'on entretient sur les êtres, surtout après leur mort, ne sont que des apparences, des mensonges. La femme qui accompagne le déserteur fuit ce monde qui l'a vomie et déshonorée et lui cherche à échapper à la violence de la guerre et peut-être un peu lui-même parce que ce conflit lui a révélé sa propre image qui lui fait horreur. Il rachète cependant son passé fangeux par son attitude digne face à sa prisonnière, donnant ainsi une dimension humaine, voire religieuse à ce récit.



Mathias Enard a confié, dans une interview qu'il avait mis longtemps a écrire ce roman, comme s'il l'avait porté en lui sans pouvoir en tracer les lignes. Cela rajoute pour moi au mystère de l'écriture qui n'est pas qu'une histoire qu'un auteur raconte à son lecteur, c'est le résultat d'une quête, d'une souffrance autant qu'un exorcisme, une longue impossibilité autant qu'une obligation urgente. le livre refermé j'ai le sentiment de n'avoir pas tout compris ou d'avoir reçu quelque chose qui ne correspond pas forcément à ce que l'auteur voulait dire mais de me l'être approprié comme une vérité personnelle. Nous fuyons tous une forme de réalité qui peut s'avérer parfois intimement obsédante au point de ne pas vouloir nous l'avouer à nous-mêmes, de ne pas pouvoir y mettre des mots.





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Déserter

La beauté de cette écriture !

Un éblouissement.

Mathias Enard je ne le connaissais, jusqu’ici, que comme scénariste de BD : "Prendre refuge" avait été un coup de cœur.

Dans ce roman comme dans la BD, Enard aime à entremêler les histoires pour nous faire saisir toutes les facettes de son propos.

Dans un temps et un lieu, un déserteur, hanté par les souvenirs et par la culpabilité, cherche un refuge dans la Nature. Il y rencontre une paysanne hantée elle aussi par sa propre tragédie.

Dans un autre temps et un autre lieu, Irina, historienne des mathématiques, rassemble les souvenirs qui lui viennent de ses parents.

"Un historien est un voyageur qui choisit de ne pas s’asseoir dans le sens de la marche."

Son père Paul, le mathématicien poète, le résistant, le rescapé des camps, est resté toute sa vie fidèle à son idéal communiste. En 1961 il a choisi l’Est, alors que Maja, la mère d’Irina, restait à l’Ouest.

Déchirement de la séparation. Désertion de l’amour.

L’histoire familiale d’Irina va se heurter à l’Histoire en marche : guerre en ex-Yougoslavie ; attentats du 11 septembre ; invasion de l’Ukraine… Des vibrations, des ondes qui parcourent le monde et nous heurtent toutes et tous.

"Je regarde la mer, elle s’oppose à la guerre mais la transporte : là-bas, au-delà de l’Italie, on se bat encore en Bosnie, même si la paix est proche. Là-bas il y a eu un siège atroce, des camps de concentration, un génocide. La mer pourrait transmettre des cris, des vibrations, des ondes si puissantes qu’on les verrait jusqu’ici à la surface de l’eau, on pourrait les lire, on pourrait déchiffrer les noms des morts."

La beauté de cette écriture a été pour moi un éblouissement dès le premier paragraphe de ce roman, que j’ai lu absolument d’une traite, incapable que j’étais de le lâcher.



Club de lecture février 2024 : "La PAL fraîche"
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Le banquet annuel de la confrérie des fossoye..

Laurent Binet a choisi une forme complexe: des échanges épistolaires entre 21 personnages pour raconter un épisode de l’histoire de Florence pendant la rivalité en tte le Pape, l’Espagne et la France. On salue la forme mais on reste un peu sur sa faim.
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Déserter

J'ai beaucoup apprécié lire ce livre qui nous emmène à travers les XXème et XXI mème siècles et ses guerres sur le territoire européen. Et oui une guerre est à peine terminée qu'une autre reprend.

On suit l' histoire de Paul et de Maja, vivants chacun d'un côté du mur , l'un à l'est et l'autre à l'ouest. Chacun luttant à sa façon contre le fascisme, le totalitarisme, le nazisme.

Il y a aussi ce déserteur de la Grande Guerre, qui se faufile entre deux chapitres, et dont on devine le combat intérieur après les horreurs vécues.



ATTENTION SPOILER: Mon regret est que que nous ne connaissons pas la fin de l'histoire du déserteur (ou bien j'ai loupé quelque chose) . FIN SPOILER



Cette lecture ne m'a pas captivé immédiatement. Il a fallu quelques chapitres avant de me laisser emporter.



Il me semble que, à travers l'histoire des personnages, c'est une réflexion sur la paix (est-ce que l'homme est capable de vivre en paix), la guerre avec ses traumatismes et horreurs, qui nous est proposée.
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Déserter

Deux histoires en parallèle sans lien autre que le thème de la guerre : c’est déconcertant pour le lecteur ! Tout au long de ces deux récits, on attend le lien mais il n’arrive jamais : c’est décevant.

D’un côté un soldat déserteur ancien tortionnaire, une jeune femme humiliée, violentée accompagnée d’un âne qui fuient au travers de la montagne, deux personnages auxquels on s’attache.

De l’autre la vie d’un mathématicien allemand déporté à Buchenwald puis convaincu par le régime communisme de l’ex RDA, un récit truffé de références érudites sans véritable intérêt pour le simple lecteur que je suis.

Reste la qualité et la virtuosité de l’écriture !

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