Citations de Maud Lethielleux (75)
Les sourires, c’est de l’énergie renouvelable, si t’as pas de pensées ensoleillées, tu vis dans le noir. Il me paie un pain au chocolat et il s’en va comme s’il retournait au trou, avec ses épaules affaissées par la fatalité.”
Depuis combien de temps je n’ai pas écrit ? Les mots ont l’air d’inconnus sur un trottoir blanc quadrillé, comme s’ils appartenaient à une langue que j’ai oubliée, je les regarde et je ne les reconnais pas.”
L'ambition, c'est une qualité que nous autres on n'a pas su développer. D'ailleurs c'est peut-être un peu à cause de ça qu'on en est arrivés là, c'est-à-dire nulle part. Parce qu'on s'est toujours contentés de ce qui était à notre portée.
Je voudrais parler, hurler mes sentiments, hurler ce qu'on m'interdit de dire et de penser, dire JE T'AIME en majuscules, le crier de toutes mes forces à m'en casser la voix, qu'il s'écrase sur le mur d'en face, puis le piétiner, m'en libérer et laisser là des miettes de ce qui n'est pas à ma portée. Même déglutir me fait mal.
– T’as passé une bonne semaine ?
Je ne sais pas quoi dire. Si je dis oui, il va être triste, ça voudrait dire que je me passe bien de lui et que l’Autre n’est pas si mal. Si je dis non, il sera très en colère contre Zélie et l’Autre parce que je suis malheureuse à cause d’eux.
Je dis : – Moyen.
Les cadeaux, c'est des trucs pour faire semblant de jouer avec, c'est pour de faux.
Fred a un nez, et un nez, c'est pas canon du tout, c'est au milieu de la figure et des fois, on ne voit que ça. Ensuite Fred, il a toujours , mais alors toujours, la barbe qui pique et du café qui coule dessus au petit dèj. Même sa bouche est pas terrible, en fait ce qui est beau en lui, c'est son sourire et ses yeux qui se plissent et aussi leur couleur, celle d'un étang en plein été avec un peu de vase dedans.
Salm, il cause pas beaucoup, il se la joue pas super aventurier, il reste comme ça, assis sur un trottoirs, à regarder la lune qu'est pas encore levée.
L'autre jour, il m'a parlé des étoiles, il m'a promis qu'il nous emmènerait un jour, Fidji et moi, dans un lieu où on voit l'immensité de la galaxie et même la voie lactée.
Ma mère pousse le bazar qui recouvre le siège arrière. ―Tu n’as pas trop attendu, Pierrot ? Désolée, on n’a pas vu le temps passer. Je ne réponds pas, mon père me jette un oeil de merlan frit (yeux globuleux brillants qui donnent envie de vomir), je ne mets pas ma ceinture et personne ne le remarque. Ma mère, assise en tailleur sur son siège, caresse les cheveux de mon père (des fois c’est la cuisse, ou la main, ou le cou) et je pense aux copains et j’ai envie de hurler de toutes mes forces : « Marre de l’amour ! ». Ma mère se retourne : ―Ça va Pierrot ? Puis elle se penche vers mon père, soulève une de ses mèches de cheveux et lui fait un bisou sur la joue. Il s’arrête au rond point et, ignorant les coups de klaxon derrière nous, il lui murmure à l’oreille des mots que je n’entends pas mais que je devine. Je donne un coup dans le siège de devant et je pense à Lou-Marie, à Tom, à Dorothy et à tous ceux qui ont la chance d’avoir des parents qui ne s’aiment plus.
Il parait que dans un journal intime on peut écrire des choses intimes. J’ai quelque chose à écrire et rien que de savoir que je vais le faire c’est comme si je le disais à tout le monde et ça me fait des frissons jusqu’aux pieds
Mes parents n'ont fait le deuil de personne, ni même de la vie puisqu'ils ne l'ont jamais vécu.
J'observe son dos, celui d'un homme qui a vécu, celui d'un homme que la vie n'a pas épargné. Ce dos, je le connais, il porte ma gravité, celles de ceux qui, même entourés, se sentent isolés.
Pourquoi dit-on slip kangourou ? un slip qui saute ? Un slip qui porte dans sa poche un adorable...
Je vais t'écrire. Ce sera ma raison de vivre, de respirer pour avoir quelque à raconter le lendemain.
Choisir sa responsabilité du moment, en étant sûr d'aller jusqu'au bout
Slam n'habite nulle part ailleurs que dans des souvenirs dont il ne parle à personne. Comme moi, il est déjà vieux.
Je m'en vais chez moi, à l'abri des faux espoirs et des grands discours. Chez moi, y'a une seule pièce, vaste et lumineuse, un ciel pour plafond et des bruits comme cloison.
Cent millions de mètres carrés pour moi toute seule.
Avant je pensais que nous étions tous quelqu'un, que de notre naissance incombait ce droit : être quelqu'un. Puis j'ai su que ce n'était pas donné à tout le monde, et que sur cette terre, on pouvait disparaître, devenir poussière sans que personne ne s'en aperçoive jamais.
Je lui ai pas dit ce que je pensais. Ça sert à rien de blesser quelqu'un qui se relèvera jamais.
Dans les lieux publics, le bruit ressemble à du silence.
Avec toi, j'aimais tout. De toi j'aime tout.
Mais j'ai appris à ne pas dire. Papillon m'a souvent reproché d'être trop limpide, elle dit que les sentiments, s'ils ne sont pas tenus, font s'envoler l'autre. Je passais mon temps à me retenir ! Mais ça n'a pas suffi.