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Critiques de Mikhaïl Boulgakov (578)
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Coeur de chien

Bouboul vit dans les rues de Moscou, et se nourrit de ce que les hommes lui donnent. Il erre de porte en porte, en évitent les concierges et les portiers, « les pires des ordures ». Un cuisinier peu scrupuleux lui jette de l’eau bouillante dessus et lui brûle le flanc gauche.



Pauvre Bouboul…



L’éminent professeur Philippe Philippovitch cherche coute que coute à faire rajeunir les hommes et les femmes, en leur greffant des organes d’animaux …



Il fait ramasser Bouboul, notre adorable batard, le soigne et le nourrit grassement. Quand Bouboul est remis sur patte, il lui greffe les testicules et l’hypophyse d’un homme d’un vingtaine d’année, ivrogne notoire.



A son réveil, Bouboul se transforme peu à peu en homme, et devient un grossier personnage, et homme de Parti !



Pauvre Bouboul…



En parallèle de cette histoire de greffe, le lecteur suit les mésaventures du professeur face aux communistes qui veulent récupérer son appartement, jugé trop grand.



Entre Frankenstein et littérature russe satirique, Boulgakov nous livre un roman étonnant, déjanté et loufoque. Plutôt novateur et conte-révolutionnaire quand on sait qu’il est paru en 1925. L’irrationnel n’est jamais loin de la vérité … et rien ne remplacera la fidélité d’un chien…



Un roman intéressant et méconnu à découvrir pour son chien !
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Récits d'un jeune médecin

Les sept récits rassemblés ultérieurement sous le titre de Récits d’un jeune médecin sont d’abord parus en 1925 et 1926 dans une revue médicale (Boulgakov lui-même ayant été médecin jusqu’en 1920 avant de se consacrer à la littérature). Ces récits sont le reflet de ses débuts de jeune médecin envoyé dans un hôpital en milieu rural, en 1916, sans électricité et sans eau chaude. On y sent tous les doutes et inquiétudes du débutant inexpérimenté, les moments de panique ou au contraire de fanfaronnades, l’angoisse devant l’échec quand il est probable, ses moments de fierté aussi, ainsi que la nécessité de rester humble, sans compter les moments d’abattement devant l’obscurantisme des paysans qu’il soigne et l’immensité de sa tâche. C’est plein d’autodérision, et Boulgakov maîtrise déjà ici tout l’art de croquer une situation, de faire monter la tension, et de nous faire rire par-dessus le marché. C’est aussi une peinture très vivante de la situation en Russie juste avant la Révolution, guère différente de la Russie de Tchekhov ou même de celle de Gogol. De ce point de vue ce serait plutôt effarant, voire triste à pleurer, si Boulgakov ne faisait montre d’un certain optimisme par sa foi de jeune médecin en l’être humain et en la science, optimiste tout relatif puisqu’au moment où il écrit il a déjà abandonné la médecine. Un excellent recueil de nouvelles très représentatives du talent de Boulgakov.

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Le Maître et Marguerite

Le diable arrive à Moscou, en toute discrétion, juste au milieu d’une discussion entre deux intellectuels soviétiques qui énumèrent les preuves de sa non-existence. Et pourtant, ce diable en fera voir de belles à toute la population, tourmentant de pauvres âmes démunies et en envoyant quelques-unes à l’asile.



Il est difficile de résumer ce roman, mêlant flash-back historiques à l’époque de Jésus et Ponce Pilate, considération sur la société russe contemporaine, et scènes fantastiques de sabbats de sorcières. Le livre contient énormément de clins d’œil, soit à d’autres œuvres russes célèbres, soit à des polémiques du moment. Et si les références me manquaient souvent, j’ai pris tout de même un certain plaisir à me laisser emporter par ce tourbillon d’événements surprenants.



Le temps passant, cependant, je me suis un peu lassé de ce jeu de piste devant lequel j’avais rendu les armes depuis longtemps, me contentant de lire des notes de bas de page pour comprendre un jeu de mot ou pourquoi telle phrase évoquait tel autre roman célèbre, ma culture personnelle ne me permettant pas de les deviner seul. C’est donc avec un brin de soulagement mêlé de culpabilité que j’ai refermé ce roman, sans regretter le voyage qu’il m’a offert au début.
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La Garde blanche

Un roman sublime et une écriture virtuose font de ce roman une œuvre majeure de la littérature. Au préalable, avoir une compréhension historique paraît cependant indispensable pour ne pas perdre le fil d'une histoire qui en raconte d'autres - avec des bons en avant et de brutaux retours en arrière qui peuvent désarçonner. Sans parti pris idéologique, l'auteur nous transporte au plus près des vices, du ridicule et des vertus des personnages.

Le roman offre un certain éclairage sur l'Ukraine, alors que la guerre est de retour en Europe depuis 2022. L'identité ukrainienne, la place et le rôle de l'Ukraine dans la vaste Eurasie russophone.



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Récits d'un jeune médecin

Récits d’un jeune médecin/Mikhaïl Boulgakov

Ces sept brefs récits sont fort intéressants, relatant les péripéties vécues par un jeune praticien tout juste diplômé en 1917 et envoyé en campagne russe profonde dans un dispensaire vétuste. Narrés à la première personne, ces histoires sont largement teintées d’un caractère autobiographique.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la sincérité de Boulgakov dans sa relation d’une situation dramatique face par exemple à la parturiente dont le fœtus se présente mal, ou au blessé aux frontières de la mort. Son honnêteté, son humilité, ses doutes, son inexpérience, les conditions précaires (pas d’électricité et matériel minimal), son dévouement sont autant de points qui forcent le respect du lecteur.

Et puis quand même son savoir faire et son audace qui sauvent des situations critiques viennent apporter un peu de lumière à ces moments difficiles où le regard des autres, patients et l’équipe médicale sont juges et comptent terriblement pour le jeune médecin.

Il nous fait part tour à tour de ses joies et de ses déceptions, de ses erreurs et de ses réussites. Il a aussi à faire face aux superstitions locales, à des patients souvent totalement ignares. Une angoisse latente transparaît tout au long des récits, celle de mal faire pour ce jeune diplômé sans expérience, seul ou presque qui doit se débrouiller avec ce qu’il sait, courant parfois entre deux actes consulter ses bouquins.

A la suite de ces sept chapitres, le texte intitulé « Morphine » vient bouleverser le lecteur davantage encore. Boulgakov était devenu morphinomane suite au surmenage ; il nous livre là un récit vécu dans lequel il décrit la soif irrépressible de morphine du toxicomane, les affres du manque ou même simplement l’idée du manque, la menace ou le risque du manque. Le jeune médecin est désespéré, désorienté, et a perdu toute volonté et a conscience qu’il est perdu. Ses vains appels au secours sont autant de cris de détresse : « Je suis perdu, il n’y a pas d’espoir » sont ses derniers mots.

Ce texte d’une grande intensité dramatique est tout à fait magnifique et traduit bien la détresse des morphinomanes qui les mène tout droit aux enfers

Finalement, un tout petit livre mais ô combien riche et passionnant.

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Le Maître et Marguerite

Le Maître et Marguerite/Mikhaïl Boulgakov

Hypotyposes et anamorphoses sataniques.

Cette histoire débute très fort sur le thème de l’existence ou de la non-existence historique de Jésus. Une rencontre entre Ponce Pilate et Jésus se produit très loin de la tradition évangélique. Puis une Passion de Christ revisitée fait suite à une conversation échevelée avec le diable, dans un style très hollywoodien. C’est le passage que j’ai préféré entre tous.

Et puis le personnage d’Ivan, le poète, n’accepte pas qu’on le prenne pour un fou : comment faire pour ne pas être considéré comme fou quand on est sain de corps et d’esprit ? Comment prouver que l’on est normal ?

Un enchaînement de péripéties plus burlesques les unes que les autres émaille ce récit abracadabrant plein d’humour :

« Certes l’homme est mortel, mais il n’y aurait encore là que demi-mal. Le malheur, c’est que l’homme meurt parfois inopinément. Voilà le hic ! Et d’une manière générale, il est incapable de savoir ce qu’il fera le soir même. »

Quelques passage sont particulièrement savoureux : la séance de magie noire, moment fantastique désopilant ; la situation du théâtre « Variétés », instant inénarrable et cocasse de bouffonnerie.

Et puis les histoires étranges et les situations fantasques se succèdent , mais j’ai ressenti l’ennui après un début passionnant, malgré l’imagination incroyable et délirante dont fait preuve Boulgakov. Le récit s’enlise, décousu et complexe, schizophrène à la limite. Avec des longueurs fastidieuses…

Voilà donc une histoire bizarre : l’amour y est présent, en pointillé certes, la critique sociale et politique sous-jacente ; la comédie burlesque et le conte fantastique alternent.

Ce livre écrit en 1928, brûlé par son auteur, puis repris en 1931, fut terminé seulement en 1941 par sa femme, Boulgakov étant décédé en 1940.

Une des difficultés de la lecture de ce livre vient de la kyrielle de personnages au nom difficile à retenir et variables. Les actions multiples s’entremêlent et l’on s’y perd un peu. Les situations kafkaïennes des plus absurdes fourmillent.

Globalement, c’est un livre difficile pour un néophyte de la littérature russe. Une assez grande culture dans de nombreux domaines est nécessaire, musical (lyrique) et littéraire notamment. Connaître Goethe, Gounod, Berlioz, Moussorgski, Tchaikovski, Dostoievski etc… s’avère un atout de poids pour une parfaite appréciation des situations. Et je m’y suis ennuyé copieusement, voulant à tout prix en terminer la lecture, laquelle m’a pris quelques mois, m’échappant vers d’autres horizons littéraires bien souvent, pour finalement revenir à ce pensum tant vanté par les spécialistes. Bien leur fasse s’ils se sont régalés. Moi non à quelques passages près.

Une deuxième lecture sera utile sinon indispensable, mais avec un bagage culturel russe et lyrique plus conséquent.





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Le Maître et Marguerite

J’aurais aimé aimer ce livre davantage, poursuivi s’il en est par sa réputation tant et si bien qu’avant de le lire s’en constitue une idée qui, pour peu qu’elle s’éloigne de la réalité, réussit facilement à créer la déception, quelque génial que soit par ailleurs l’ouvrage.





Le Diable est légion et dans les années 1930, à Moscou, Woland (Satan) embarque sa horde de tricksters pour remuer la nature humaine dans ce qu’elle a de plus marécageux en guise d’essence. Ils jouent sur les contrastes, accentuent les ambivalences et se rient des calculs égoïstes. Le Diable ne réussit si brillamment à accomplir ses fins qu’à cause de l’homme.





Les nombreuses luttes qui s’enchaînent à la façon d’un vaudeville carnavalesque nécessitent de la part du lecteur un esprit électrisé, ardent, prêt à la déflagration d’un rire que le conflit entre le bien et le mal ne peut ravager. Boulgakov attend un lecteur qui soit aussi trépidant que ses personnages. Je ne l’étais assurément pas lors de cette lecture. Ainsi la recommencerais-je peut-être plus tard car, malgré ma faiblesse, ce récit m’a laissé percevoir son extrême amabilité.

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Coeur de chien

Cœur de chien / Mikhaïl Boulgakov (1891-1940)

Filip Filippovitch Preobrajenski est un chirurgien de renommée mondiale exerçant à Moscou. Vivent avec lui dans un luxueux appartement de sept pièces sa cuisinière Daria et sa bonne Zina. Dans son exercice il est assisté du Dr Bromenthal. Le comité d’administration de l’immeuble par la voix de son président Schwonder estime que la grandeur de l’appartement doit permettre le logement d’une personne supplémentaire.

Au cours de l’hiver 1924, le distingué docteur Preobrajenski recueille un chien abandonné. Spécialiste des problèmes du rajeunissement, notre esculape décide de greffer l’hypophyse et les glandes génitales d’un prolétaire juste décédé. Ainsi il va pouvoir étudier l’influence de ces organes sur le rajeunissement.

Tout ne se passe pas comme prévu et des effets secondaires inattendus surviennent : le chien peu à peu se transforme en homme, avec des conséquences infernales pour la maisonnée assourdie de bahulées. Sauf que cela permet d’avoir le locataire supplémentaire exigé.

Ce court roman satirique et fantastique écrit en 1925 fut interdit de publication en URSS en raison de son ton contre-révolutionnaire jusqu’en 1987.

On notera ici l’imagination débordante de Boulgakov ainsi que son style truculent et décalé pour se moquer avec humour de son époque qui suit juste la Révolution d’octobre 1917.Satire du régime communiste, le texte dépeint les prolétaires de manière féroce, mais en fait les bourgeois ne sont pas épargnés. Satire également de la bêtise humaine.

À noter que le début de l’histoire est conté par le chien lui-même avant que la narration ne devienne impersonnelle. Une petite touche originale de l’auteur, encore une !

Extraits : C’est le Filip Filippovitch qui parle :« Si vous vous souciez de votre digestion, écoutez mon conseil : ne parlez jamais, durant le repas, de bolchevisme ou de médecine. Et surtout jamais au grand jamais ne lisez avant le repas de journaux soviétiques….Les patients qui ne lisent pas les journaux se portent à merveille, tandis que ceux à qui j’avais donné à lire la Pravda ont tous perdu du poids ! …et puisqu’il y a la révolution sociale, le chauffage est inutile !! »

« Celui qui ne se presse jamais trouve toujours le temps pour tout. » (Dr Preobrajenski)



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Endiablade ou comment des jumeaux causèrent l..

Une fois de plus, Mikhail Boulgakov nous dépeint avec force details rocambolesques la bureaucratie russe au travers d'un conte satirique mettant scène des personnages imaginaires aux côtés d'un pauvre directeur de bureau qui après plusieurs jours d'errance et de désillusions finira par perdre la raison.

Une façon pour l'auteur de désavouer et condamner la machine administrative gigantesque et inhumaine.
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Diableries

Une nouvelle éditée par les Éditions de mille et une nuits qui proposent, je les cite, « des chefs-d’œuvre d’œuvre pour le temps d’une attente, d’un voyage, d’une insomnie ».



Dans cette Diablerie, publiée en 1924, l’auteur de ce sommet de la littérature qu’est Le Maître et Marguerite, force le trait pour nous conter une histoire « endiablée », burlesque et absurde, qui se moque avec férocité de la bureaucratie soviétique.

Sûr qu’avec ce genre de récit, le médecin, le journaliste, l’auteur de théâtre et le romancier Mikhaïl Boulgakov va s’attirer de gros ennuis au point de ne pouvoir rien publier à partir de 1928.



Le dénommé Korotkov coule des jours tranquilles comme « secrétaire général titulaire » au « Dépôt central et principal des matières premières des allumettes » (sic) dont le Directeur est le camarade Tchekouchine.

Et puis du jour au lendemain, patatras, Tchekouchine est remplacé par un horrible petit homme chauve agité et hurlant, du nom de Caleçoner, reçoit son salaire sous forme d’un gros paquet d’allumettes, est viré le surlendemain. Alors s’enchaînent, à un rythme de plus en plus effréné, des événements de plus en plus grotesques, absurdes; à certaines pages, on perd le fil du récit, surtout quand un jumeau de Caleçoner entre en scène.



Diablerie m’a fait irrésistiblement penser à un film muet de Buster Keaton, ou à un cartoon de Tex Avery, en plus grinçant et diabolique. L’homme de théâtre qu’était Boulgakov est à l’œuvre dans cette farce qui devient progressivement délirante, quasi surréaliste.



Bon, on n’est pas au niveau du génial et émouvant Le Maître et Marguerite, ni même du désopilant Cœur de chien.

Ici, c’est d’une loufoquerie insensée au point de paraître inquiétante.

Mais ce fut, je pense, le but de Boulgakov: montrer l’absurdité d’une bureaucratie devenue folle.

Et bien entendu, il allait payer le prix de son effronterie.

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Les oeufs fatidiques

Livre intéressant.

Récit de science-fiction, court, il a pour cadre la Russie des années 1924 et développe un thème particulièrement d'actualité.

Il met en scène la découverte d'un chercheur, le professeur Persikov, intéressé par les amphibiens et les amibes.

D’autres ont voulu s'approprier ses recherches et courent au cataclysme…
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Endiablade ou comment des jumeaux causèrent l..

Ce récit délirant sent le soufre et vous fait perdre la boule. Je vous aurai prévenus.



Endiablade ou Comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureau fit une entrée tonitruante sur la scène littéraire soviétique. le début de la gloire et des persécutions pour le jeune Boulgakov qui avait abandonné la médecine pour se consacrer à l'écriture. L'ouvrage fut publié dans l'Almanach Nedra en 1924 puis retiré de la vente un an plus tard sous l'influence de la critique prolétarienne. Celle-ci condamna le pamphlet antisoviétique. Mais une partie de la critique défendit Boulgakov. Les modérés virent en lui le continuateur des satiristes du XIXe qui s'étaient attaqués à la bureaucratie à la suite de Gogol (le Manteau, le Journal d'un fou). Les modernistes saluèrent un talent prometteur. Evgueni Zamiatine écrivit dans les Izvestia :"L'auteur, sans aucun doute, a été bien inspiré de choisir pour cadre un fantastique, enraciné dans la vie quotidienne, rapide, comme dans un film »(...) » on peut s'attendre à du bon travail ». Endiablade s'inscrit dans la tradition et annonce par bien des aspects le Maître et Marguerite.

Pour le résumé, tout est dans le titre !

Bartholomé Korotkov (« Petit homme ») est un petit blond paisible, un brin candide, qui compte bien terminer sa carrière à la Glavtsentrbazspimat (spimat en abrégé, Premier Dépôt central de matériel pour allumettes ) où il est chef de bureau .Mais, le 21 septembre 1921 le caissier arrive avec une poule dans les bras. Il n'y a plus d'argent. Les salariés seront désormais payés en produits de la firme. Trois jours plus tard en effet, le camarade Korotkov rentre chez lui avec de jolis paquets colorés qui contiennent... des allumettes. Mais, il est d'un naturel optimiste le brave Korotkov et compte bien les vendre. Il se rend chez sa voisine, en larmes car elle a été payée avec quarante six bouteilles de liquide rouge. de l'encre ? Non, du vin de messe ! Elle lui apprend que ses allumettes sont de mauvaise qualité car elle ne brûlent pas. Inquiété par les allégations de son idiote de voisine, Korotkov retourne dans sa chambre et teste les allumettes. L'une d'elle se fiche. dans son oeil gauche. Mais il ne se démonte pas car est vaillant et persévérant, il se fait un beau pansement et toute la nuit il craque des allumettes à la flamme verdâtre. Il réussit à en allumer soixante-trois, de quoi détromper son idiote de voisine et défendre l'honneur de la Spimat. Au matin, la chambre est remplie d' une étouffante odeur de soufre. Il s'endort. Il rêve d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. Il se réveille, il lui semble bien qu'elle est toujours là et qu'elle répand une forte odeur de soufre puis elle s'évanouit et il s'endort, cette fois-ci pour de bon. le lendemain, au bureau un tout petit homme chauve large d'épaules lui apparaît dans un pré vert, le bouscule et le dispute vertement. Korotkov lui répond. Or c'est le nouveau chef de service Kalsoner, le bien nommé. Korotko va commettre sur ce nom une confusion croquignolette qui lui vaudra d'être injustement renvoyé. Ce qui s'en suivra sent le soufre et sera mené à un train infernal jusqu'à la fin annoncée.



L' histoire comme le remarque Zamiatine est enracinée dans les folles années 20 post-révolutionnaires. Il n'y a pas d'argent et les gens sont payés en nature, ils changent sans arrêt de travail du jour au lendemain, virés par de petits chefs virés à leur tour. de vrais pickpockets agissent dans les transports publics et volent les papiers des gens. Les produits manufacturés sont de mauvaise qualité. Les camarades vivent entassés dans des appartements collectifs surveillés. Les gens qui critiquent le système sont ostracisés, culpabilisés, broyés.

Endiablade est une nouvelle fantastique et tragique. C'est le récit d'un cauchemar ou le journal d'un fou-schizophréne . En tout cas le texte est délirant, plein de rythme, de fantaisie et d'humour caustique mais il est terrible. Quand le paisible Korotkov reçoit dans l'oeil l'allumette, il ne réagit pas tout de suite. Il fait apparaître la boule chauve qui diffuse l'odeur de soufre, à cause de son zèle stupide à faire craquer les allumettes, complice du système qui causera sa perte. le texte jusqu'alors plausible plonge dans le fantastique absurde et débridé. les corps se déforment, se dédoublent, les personnages apparaissent puis disparaissent à un rythme effréné. Limogé arbitrairement, Korotkov poursuit son directeur mais il ne parvient jamais à mettre la main sur un corps qui lui échappe, qui change de forme, qui change de nom, qui l'entraine d'escaliers en ascenseurs jusque dans une tour administrative labyrinthique dotée d'une centaine de portes avec des employés interchangeables. le lecteur lui même s'y perd car les noms changent et leurs référents sont de moins en moins évidents. Korotkov étouffe et fuit à son tour des policiers qui l'ont pris pour un autre et le poursuivent implacablement. le rythme du récit accélère encore et devient un tourbillon endiablé.

le diable c'est donc la machine bureaucratique totalitaire qui dans l'esprit pour le moins embrumé de Korotkov prend l'apparence d'une force diabolique protéiforme irrésistible. Les motifs maléfiques et apocalyptiques sont très nombreux. On les retrouvera dans le le Maître et Marguerite.

Un petit livre diabolique qui vaut la peine d'être découvert.

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Le roman de monsieur de Molière

Mikhaïl Boulgakov, né en mai 1891, est un médecin russe qui abandonnera sa profession en 1920 pour se consacrer à l’écriture. Passionné par le théâtre et fervent admirateur de Molière, il lui consacre cette très belle biographie qui débute par un message qu’il adresse à l’accoucheuse qui s’apprête à mettre au monde Jean-Baptiste Poquelin, en lui enjoignant de prendre grand soin de ce nouveau né au destin exceptionnel. Une scène qui donne le ton de ce livre où les faits historiques nous sont relatés dans un style très vivant et où se mêlent l’humour et la tendresse que l’auteur éprouve sans aucun doute pour ce génie du théâtre qui a offert son nom à notre langue.

Une belle lecture pour qui souhaite en savoir un peu plus sur l’existence de Molière et un très beau moment passé en sa compagnie pour tous ceux qui l’admirent. Un livre que j’ai savouré!
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Morphine

Russie, 1918. Un médecin se fait réveiller pendant sa garde à l’hôpital, pour tenter de sauver l’un de ses collègues qui vient de se faire sauter la cervelle… Mais pourquoi donc ? Quel mal incurable le rongeait ? Avec son dernier soupir, celui-ci lui lègue un cahier qu’il a tenu, une anamnèse, dans lequel notre narrateur trouvera les réponses à ses questions.

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Le titre nous dit déjà tout de l’addiction dont il sera question, mais seule la lecture du cahier restitué par le narrateur nous décrira par quelles épreuves le morphinomane est passé : d’une simple injection pour soigner une douleur ponctuelle, il trouve agréable l’apaisement physique qui en découle mais aussi mental, qui lui permet d’oublier une rupture récente, ainsi encore que l’efficacité de son cerveau débarrassé de toute douleur physique et mentale.

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Ne pouvant plus se passer de cette sensation, il devient vite accro : désagréable avec son infirmière qui s’en rend compte et le met en garde, roublard avec les pharmacies qu’il dévalise pour s’injecter sa dose quotidienne de plus en plus importante, inconscient avec sa propre santé physique (des infections apparaissent aux endroits des piqûres) et mentale (des hallucinations pourraient le mettre en danger ou ses patients). Mais il n’en a cure et refuse de se faire interner, car déjà il ne peut plus s’en passer.

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En seulement 40 pages, on a un bon aperçu de la rapidité de la descente aux enfers alors même qu’il s’agissait d’une personne avertie. En seulement 40 pages, l’ensemble reste pourtant assez léger finalement, trop pour que je me sente réellement à la place du personnage, à trembler avec lui. Surtout lorsqu’on sait que l’expérience était autobiographique, ce que je n’aurais jamais deviné si je ne l’avais lu dans la biographie de l’auteur.

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J’espérais, en l’ouvrant, que le sujet pouvait donner matière à divers effet de plume qui permettrait de vivre ce qui était décrit (comme l’a fait par exemple Benjamin DIERSTEN avec son personnage de flic sous médicament dans La Cour des mirages entre autre, ou dans un autre style Tom Wolfe décrivant les parties d’Acid test de Ken Kesey, etc…), ce qui n’a pas été mon cas.

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Peut-être le plus intéressant aurait été ces fameuses « pages arrachées » du cahier, sans doute les plus accablantes. Celles qui restent et qu’on nous livre sont cependant révélatrices des stades, paliers et ravages de la dépendance. Un témoignage somme toute assez factuel.

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« Mais il suffit d’un instant et la cocaïne dans mon sang, en vertu de quelque loi mystérieuse dont aucune pharmacologie ne donne de description, devient quelque chose d’autre. Je sais bien quoi : c’est le diable qui se mêle à mon sang. »
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Le Maître et Marguerite

Le diable débarque à Moscou. Voilà une annonce improbable : un personnage aussi surnaturel débarquant avec toute sa clique dans la Russie soviétique, rationnelle et scientifique ?



Voilà qui est étrange mais pourtant, les moscovites vont vite se rendre compte que les choses qui nous semblent impossibles ont la fâcheuse tendance à se réaliser.



À moins que tout ceci ne soit qu’une hypnose collective…car comment un homme pourrait-il prédire la date et l’heure de votre mort ? Et comment pourrait-il être accompagné d’un chat qui parle et qui marche uniquement sur ses pattes arrières ?



Et ce n’est là que le début, il faut aussi ajouter à tout cela, un écrivain et une femme amoureuse sans oublier un roman dont Ponce Pilate est l’un des protagonistes principaux….



Me voici donc plongée, avec délice, dans ce grand classique qu’est « Le maître et Marguerite » de Boulgakov. On imagine souvent lorsque l’on parle de classiques de la littérature, des romans ennuyeux, aux interminables descriptions et pourtant ce roman, un incontournable de la littérature russe est à l’opposé de tout cela.



J’ai beaucoup ri aux aventures de Woland, comme se surnomme le diable, et de sa clique. Dans un rythme trépidant, les événements improbables se succèdent. Mais, attention, ne croyez pas qu’il ne s’agisse là que d’une vaste bouffonnerie.



Ce roman fait apparaître une satyre du régime soviétique en filigrane. On retrouve ainsi des gens qui sont emmenés par la milice et que l’on ne revoie jamais ou un rêve qui devient l’occasion de moquer les procès collectifs.



En outre, la construction du récit est très intelligente, une construction imbriquée qui amène encore plus d’attrait à ce roman.



Si l’histoire d’amour entre le maître et Marguerite n’apparaît que tardivement dans l’histoire, aucun manque à ce niveau grâce à la galerie de personnages, haute en couleur, qui gravitent autour d’eux.



J’ai aimé le récit, l’histoire, le style et les personnages, bref, je n’ai qu’un conseil à vous donner : lisez-le !
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Coeur de chien

Une découverte de cet écrivain et de son chien transformé en humain.

Les multiples scènes et situations décrites avec détail font que le fil de l'histoire est un peu difficile à suivre.....

Une seconde lecture s'impose pour pouvoir apprécier les détails et subtilités de Boulgakov ....A faire.....A suivre....
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Le Maître et Marguerite

Encore un livre culte dans lequel je ne suis pas entrée; j'ai souvent l'impression que la version audio nuit aux grands textes. S'il s'agit d'un livre déjà lu, la version audio permet de raviver la mémoire et découvrir des aspects qui avaient échappés. Là, je n'ai pas encore lu.

Ici, je me suis ennuyée au long du premier CD, la suite est mieux passée mais il me semble évident qu'il me faudra passer par la version papier (ou au moins réécouter dans d'autres conditions.)

fin juillet, deuxième écoute; j'ai mieux compris mais ne suis toujours pas séduite.

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La Garde blanche

Récit tout à fait original dans le contexte des bouleversements post première guerre mondiale en Ukraine. Parfois la lecture est un peu compliquée tant les événements, les points de vue et les personnages se bouleversent et se multiplient. Je note en outre certaines petites hardiesses narratives, comme des analepses (flashbacks) non balisées. Peu à peu, le récit singulier des Tourbine se mue en un récit apocalyptique de portée générale et religieuse, les récits s'emmêlant avec une force singulière, ce qui me ferait presque rapprocher cet ouvrage à la trilogie de Sabato, qui se clôt avec un Abaddon l'exterminateur qui aurait eu toute sa place ici. On sent presque l'ouverture vers un monde plus mystique qui prendra toute sa place avec le Maître et Marguerite.
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Le Maître et Marguerite

Très grand classique de la littérature du XXe siècle (écrit entre 1928 et 1940), ''Le maitre et Marguerite'' est un livre que je voulais lire depuis longtemps et maintenant que je viens tout juste de le finir, je n'arrive pas vraiment à savoir ce que j'en pense. Faire une critique va sans doute m'aider à y voir plus clair. Je l'ai trouvé un peu long et peut être un peu décousu, sans doute est-ce du au fait que les personnages que l'on suit dans ce livre sont pléthores et qu'ils n'apparaissent pour beaucoup qu'épisodiquement. Quant aux personnages du maitre et de Marguerite, bien que personnages titres, ils n'apparaissent qu'après un gros tiers du livre et bien qu'étant ensuite plus importants que les autres personnages (Marguerite en particulier), on ne les voit pas tant que ça au final. Pour résumer rapidement l'histoire, le diable et ses acolytes débarquent à Moscou et vont s'amuser à semer le chaos dans la ville à coup de meurtres, d'agressions et d'illusions. Le coté fantastique, violent et cruel de l'histoire m'a en revanche beaucoup plu. Les personnages du diable et de ses sbires, bien que paraissant antipathiques au début ont même fini par être attachants et presque sympathiques. J'ai aussi trouvé beaucoup de modernité dans cette description du diable, de sa troupe et de leurs mauvais tours. Une œuvre que je suis donc content d'avoir lu en dépit d'une certaine sensation de longueur.
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Récits d'un jeune médecin

"A qui n'a jamais parcouru en équipage les chemins de campagne perdus, je n'ai rien à raconter : de toute manière, il ne comprendrait pas."



Mikhaïl Boulgakov fut un grand écrivain.

"Le Maître et Marguerite" fait partie des meilleurs romans que je n'ai jamais lus ; il n'est en rien moins bien que "L'Idiot" de Dostoïevski, ou "Le Docteur Jivago" de Pasternak. Bref, Boulgakov avait un indiscutable talent littéraire, rehaussé encore par son sens enchanteur de la dérision et son doux cynisme. Ces "Carnets d'un jeune médecin" en sont une preuve supplémentaire. Peu importe qu'il s'agisse d'une oeuvre de jeunesse partiellement autobiographique (il exerça comme médecin au village de Nikolskoïe entre 1916 et 1917), peu importe notre propre expérience réduite sur les "chemins de campagne perdus"... on finit par "comprendre", car Boulgakov a le don d'installer l'atmosphère en deux phrases, saisir ses personnages en deux mots, et ce livre n'aurait pu que difficilement être meilleur qu'il ne l'est déjà.



Un brillant étudiant avec un diplôme encore frais en poche arrive à son premier poste. La gubernie de Smolensk n'est pas exactement un endroit qui regorge de confort à l'aube de la révolution bolchévique, surtout en hiver à -40°C. Aucune sensationnelle cabine de téléconsultation médicale à mille verstes à la ronde, et les babouchki et batiouchki du village sont encore obligés de consulter à l'ancienne, comme leurs pères et leurs grands-pères avant eux, en se rendant chez un médecin physique en chair et en os.

Le jeune docteur ne dispose pas d'électricité ni d'eau chaude, mais il trouve deux assistants fiables et une surprenante salle d'opération équipée de tous les instruments nécessaires... dont il n'a jamais vu la moitié. Ses patients ont davantage de confiance en un folklore pittoresque qu'en la science moderne, mais cela ne les empêche pas d'exiger des miracles de sa part. Il passe ses nuits à contempler des images des complications les plus fréquentes, en espérant s'en souvenir le moment donné, mais la réalité dépasse parfois ses pires cauchemars.

Et le lecteur se tient fidèlement à ses côtés : il sue pour trouver le bon diagnostic, ne croit pas ses yeux, tombe de fatigue, tremble de froid en se perdant dans une tempête de neige, feuillette fébrilement les livres de médecine en pleine opération... et ensuite admire son art et sa manière de procéder, et souvent aussi son grand coup de bol. On tente une intervention, dirigé inconsciemment par quelque sixième sens, et voilà que ça marche !

La tension montante de chaque récit (impossible de fermer le livre sans avoir fini le chapitre !) est en parfait équilibre avec les descriptions naturalistes, et l'humilité du jeune homme avec son sens de l'autodérision ; malgré la gravité de la situation, on est souvent obligé d'en rire.



Pour revenir au "doux cynisme" de ces histoires médicales, il suffit de regarder le titre de chaque chapitre. "La Serviette brodée d'un coq" fait référence au cadeau offert au médecin après une grave amputation, "Le Baptême de la version" parle d'un accouchement particulièrement coriace. "Le Gosier en acier" ne concerne nullement quelque infortuné avaleur de sabres, mais une trachéotomie, et, disons, dans "L'Éruption étoilée" on apprendra beaucoup de choses enrichissantes sur la syphilis. Une seule fois on a droit à un diagnostic erroné, car l'oeil de "L'oeil disparu" n'a pas vraiment disparu... mais je préfère ne plus y penser ! le contenu est joliment "naturaliste", et la scène est parfois décrite de façon plus tangible que vous ne le voudriez... c'est pour ces raisons que vous ressentirez sans arrêt des douleurs idoines. J'avais à tour de rôle mal au ventre (quand le docteur méditait sur l'hernie), au cou (quand le cou fut percé), aux yeux, aux dents... fichtre, ces dents, c'était vraiment quelque chose !

Et malgré tout, Boulgakov n'est certainement pas un "naturaliste". Il utilise un langage très sensible plein de belles métaphores et de fines tournures ; un portrait atmosphérique d'un petit hôpital dans le vent hurlant de la Russie glaciale. D'ailleurs, si vous le lisez, remarquez les motifs récurrents de la nuit, de l'obscurité, du froid... très intéressant !

Un récit de misère et de désespoir, mais aussi son contraire : de la foi optimiste en la valeur de l'homme et de la science, qui fait que le heureux hasard finit souvent par se tourner de notre côté.

Souvenirs très honnêtes des moments dont la plupart d'entre nous n'aimerait pas parler : panique, ignorance totale masquée par fanfaronnades, fierté démesurée ou abattement avec reproches. Si la dernière histoire ("Morphine") est basée sur l'expérience personnelle de l'addiction de Boulgakov, elle est d'autant plus captivante, même si je trouve qu'elle jure par son ton plus grave avec le reste du recueil.

Une sympathique lecture que je recommande à tous les futurs adeptes du serment d'Hippocrate, mais pas seulement. 5/5
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