Le genre : du sang partout dans le congélo. Ça sent mauvais ; fermez le frigo !
Je viens de finir ce roman de plus de 400 pages et autant annoncer d'emblée la couleur : lire un roman de Mo Hayder après un roman de James Ellroy, c'est comme manger une pâtisserie industrielle après une pâtisserie artisanale. Ce n'est pas forcément fade, mais on retrouve des ingrédients déjà connus, un peu trop de sucre, d'aromes artificiels et de colorants alimentaires.
Du coup, Birdman se lit vite et se savoure aussi rapidement qu'un épisode des Experts ou d'Esprits criminels. Mais quand James Ellroy décrit Los Angeles au point d'en faire le personnage central de son oeuvre, rappelle quelques faits historiques, rend réaliste son intrigue en soignant l'arrière-plan, accédant à une certaine forme de poésie sordide et vénéneuse, Mo Hayder se contente de lier Londres, où se situe l'histoire, à de vieilles dames aimant le thé, quelques jeunes filles issues de la campagne et se prostituant pour acheter leur drogue, sous- Kate Moss à la dérive... Forcément, Birdman tue les strip-teaseuses repenties ou pas, et le fait de manière horrible, avec pinson vivant à la place du coeur, petit oiseau se débattant dans le sang, et nécrophilie en prime. C'est bien dégoûtant, mais finalement toute cette hémoglobine cache un manque certain de relief. D'ailleurs, les dialogues ont la part belle dans ce roman. Il y en a partout.
Mo Hayder adore ouvrir de nouvelles pistes, créer de nouveaux personnages. Le hic, c'est que parfois on se demande ce qu'ils deviennent. Ainsi, Gemini, le dealer noir arrêté à tort... Mais où est-il donc passé après ? C'est comme pour un autre personnage, Diamond... James Ellroy évitait le manichéisme en faisant de Lloyd Hopkins, le flic le plus doué du LAPD, un séducteur, trompant sa femme aimante chaque soir, un type pas vraiment sympa, marqué par un événement traumatisant comme le psychopathe qu'il traque, son jumeau maléfique, capable d'aimer, lui. Les pistes étaient brouillées.
Dans Birdman, le flic, Jack Caffery, n'a pas que des qualités. Il ne laisse même pas sa petite amie Veronica lui empoisonner la vie (j'ai beaucoup pensé au Coup de Gigot de Dahl...Assommante, Veronica ? ^^) et il surveille son voisin pédophile, Penderecki, qui a peut-être tué son petit frère quand il était enfant. Seulement, Jack Caffery est quand même un gentil. Il est mis en relief par un autre flic, nul, incompétent, raciste, lâche, qui mériterait des claques, Diamond. Avec un tel faire-valoir, Jack Caffery est vraiment mis en valeur : c'est le héros ; il est trop fort, et on s'y attache. D'ailleurs, il faut bien reconnaître ça à Mo Hayder : son roman se lit vite ; il se passe plein de choses ; c'est très sordide ; il y a des viols, des opérations esthétiques sans anesthésie, et des choses encore pires, mais, surtout, malgré tout le sang qui coule, elle sait rendre attachants ses personnages, Rebecca, Essex, Jack Caffery...Dommage toutefois qu'elle les balaie souvent d'un simple revers de page ! Par exemple, en refermant le livre, j'ai ressenti un goût d'inachevé : après un final grandguignolesque, où tous les personnages recouverts de sang se battent les uns les autres en s'enchevêtrant dans les barbelés ou en se coupant les bras à la tronçonneuse, je me suis demandé ce qu'était devenu Diamond blessé, sanglant, et toujours aussi piteux et pitoyable, incompétent. Même pas une remontrance de son chef ? Rien de rien ? Disparu comme Gemini ?
Bizarre, bizarre...
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