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Critiques de Nathalie Heinich (81)
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Maisons perdues



Quel que soit notre âge, nous en avons tous, de ces maisons qui ont existé dans notre vie et que nous avons, pour une raison ou une autre, perdues. Dans un court livre (une grosse centaine de pages), Nathalie Heinich évoque dix maisons qui ont compté pour elle, depuis sa plus tendre enfance. Elles sont prises dans l’ordre chronologique et réparties (la carte de France, à la fin du livre, en fait foi) selon un axe Nord-Ouest/Sud-Est, sauf Montmachoux, près de Montereau, qui fait figure d’exception.



Ce ne sont pas forcément des maisons qu’elle a habitées, mais dans lesquelles elle a séjourné, ou s’est rendue régulièrement : chez les grands-parents, ou des cousins, ou des amis. A part la toute première, boulevard Piot à Marseille, elles sont situées à la campagne. Il y a de ce fait dans le livre quelque chose d’un monde disparu, et Nathalie Heinich en a bien conscience, évoquant ces années 60 de la guerre froide et de l’exode rural. Elles vont de pair avec les personnages que l’on découvre sur des photos « toujours en noir et blanc ivoire avec les bords dentelés ».



Familles, alliances, généalogies, pièces rapportées… La mémoire des maisons perdues suscite des souvenirs de repas, de réunions, de jeux, mais aussi ceux de bienheureuses heures de lecture. Fêtes, rituels, et aussi moments quotidiens, anodins, sans importance, mais qui tout autant façonnent la vie qui viendra. « Les maisons, quand elles sont là, nous paraissent insubmersibles – jusqu’au jour où, d’un coup, elles s’enfoncent dans le néant. » Et ce que nous perdons, avec elles, ce sont des morceaux de nos propres existences : « Les maisons sont aussi de moments de nous-mêmes en lesquels, parfois, nous ne nous reconnaissons plus : leur perte nous fait grandir. »



Celle du Monteillet, dans le Massif Central, pour l’auteur, la plus aimée : elle avoue n’éprouver « d’aucun visage humain, à ce point, la nostalgie ». C’est sans doute pour y avoir connu, comme nulle part ailleurs, le « bonheur absolu » de l’enfance, qui se manifeste par la joie, chaque matin, au réveil, que cet endroit conserve un tel pouvoir émotionnel : « Rien qu’à y penser, en écrivant, le cœur me bat », dit Nathalie Heinich, en écho à François Villon : « En écrivant cette parole, à peu que le cœur ne me fend »…



C’est peut-être parce que son univers m’est familier, de par l’époque où il se situe ; c’est aussi que le livre de Nathalie Heinich est touchant, sans jamais tomber dans la mièvrerie ni la complaisance. A tout moment il sonne juste, avec la mélancolie légère des choses pour toujours disparues et d’autant plus précieuses à notre mémoire.

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Maisons perdues

Et si moi aussi je faisais le récit de ma vie à travers les endroits où j’ai vécus et plus précisément les immeubles, appartements, chambres d’étudiants, maisons d’amis ou de parents, pensionnat où le hasard de ma naissance et de ma vie m’a posée un temps suffisamment long pour m’y créer des souvenirs et me forger mon identité actuelle?

Des lieux perdus désormais -définitivement- qui font mal quand je les revois parce que la magie n’y est plus. Ils sont morts. Ils appartiennent à d’autres et c’est leur deuil que je dois renouveler quand j’y retourne très exceptionnellement.

Telles sont les réflexions que je me fais une fois le livre de Nathalie Heinich refermé. Il m'inspire, me parle, me donne des idées... Je l'ai aimé, m'y suis retrouvée, ai revécu en sa compagnie des moments forts de ma génération, des plaisirs, des espoirs, des influences, des modes mais aussi des souffrances, des révoltes, des déceptions que j'avais oubliées.

Quand elle parle de ses maisons et des pans de sa vie qui y demeurent liés, elle me rappelle aussi des moments de la mienne, noirs ou roses mais toujours intensément vécus. Elle est fondamentalement du sud et moi profondément de l'ouest mais qu'importe... Les émotions, les sentiments, les joies de l'enfance, les craintes et les ambitions de l'âge adulte, les regrets des années qui défilent, tout est semblable en définitive.

Évidemment le chapitre 8, "Du Mont Dol à Plougasnou" me parle peut-être davantage. J'y ai encore des attaches, de très chères amies de pensionnat qui vivent dans deux maisons voisines mais ce n'est pas de topographie dont il s'agit ici et nos souvenirs divergent dans leurs précisions même. Il reste les sensations que je prends plaisir à recopier parce que ce sont les mêmes que j'y ai ressenties.

Un beau moment de lecture. Un seul regret: le manque de photographies des lieux évoqués.
Lien : http://liratouva2.blogspot.f..
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Mères-filles, une relation à trois

c'est une analyse des rapports entre mère et fille illustrée par des personnages de la littérature ou de films de cinéma (la leçon de piano, la pianiste, l'amant...). Ce livre permet vraiment de décoder la complexité de la relation entre une mère et sa fille ( comme lors d'une psychanalyse) et l'illustration par des romans donne envie de lire ces romans pour approfondir la thématique.

Bref, ça m'a beaucoup plu surtout à l'heure où je me pose des questions par rapport à ma propre mère , à devenir femme et à l'heure où peut être j'ai envie de devenir mère à mon tour.... Trés intéressant
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Oser l'universalisme contre le communautari..

LIvre très intéressant -- comme tout ce fait Mme Heinich -- sur une problématique très actuelle : celle de l'intrusion massive des problématiques de genre et de communauté dans un monde qui avait jusqu'ici privilégié la notion d'universalité et d'Homme citoyen plutôt que Homme membre d'une communauté particulière dotée de droits particuliers. Cette réflexion est particulièrement urgente et utile pour comprendre ce qui se joue et ce vers quoi mènent ces forces à l'oeuvre dans nos sociétés. Lecture un peu difficile par moment, mais fort utile.
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Ce que le militantisme fait à la recherche

C'est vrai que la plupart des articles paraissant aujourd'hui dans le domaine des sciences humaines sont tellement orientés par une idéologie prévisible qu'ils font vite bailler. Un de mes jeux préférés consiste à parier sur le moment où le mantra satanique "néolibéralisme" va apparaître dans le texte… Mais leurs auteurs ont après tout bien le droit de penser ce qu'ils veulent, dommage seulement qu'ils n'essaient pas, parfois, de penser aussi contre eux-mêmes, ce qui me paraît être le b-a-ba de toute démarche scientifique qui se respecte. C'est d'ailleurs pour ça que je les lis quand même ! Ceci étant, la charge de Mme Heinich est un peu trop violente à mon goût, et n'évite pas toujours de tomber dans le travers qu'elle prétend dénoncer chez ceux qu'elle pourfend.
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Pourquoi Bourdieu

Je dois avouer qu'en lisant Heinich parlant de Bourdieu, je me suis senti moins seul. Car chez Bourdieu, j'aime autant son souci de chercher là où le regard n'avait pas encore porté, sa manière de faire parler les chiffres, que je me désole de son côté paranoïaque (Heinich dit « agonistique », j'ai dû prendre mon dictionnaire, et j'ai appris un mot utile) et d'un style « ni-ni » qui me rappelle le lutteur qui s'enduit d'huile pour ne pas pouvoir être attrapé. Lire Heinich m'a donc permis de mettre en forme des idées que la lecture des écrits de Bourdieu m'inspirait souvent de manière fragmentaire.



Par ailleurs, la forme de Heinich me convient particulièrement : elle s'attaque à des sujets relativement complexes, de manière compréhensible (même s'il faut tout à fait normalement s'y reprendre à plusieurs fois sur certaines pages), sans nous prendre non plus pour des benêts.



Je n'ai pas été choqué, à l'instar de certains critiques du livre, par l'utilisation de son histoire personnelle auprès de Bourdieu. Au contraire il me semble qu'elle la met à sa place exacte, sans laisser paraître de rancoeur. Plutôt un regret que Bourdieu lui-même n'ait jamais laissé la place, lui qui aimait tant la réflexivité, à l'étude de sa propre paranoïa. D'autant qu'elle lit, comme une évidence (à laquelle j'adhère), l'alternative que Bourdieu a refusée : (p.147) "alors qu'il suffirait pour les clore de considérer que ces deux options ne sont que les pôles extrêmes d'un continuum sur lequel se déploie la réalité de l'expérience, mixte de décisions relativement autonomes et de déterminations relativement hétéronomes".



Je ne peux m'empêcher d'être surpris par le nombre de similitudes que je trouve entre Lordon et Bourdieu. A creuser… Merci aussi à Heinich de m'avoir fait découvrir « Un destin si funeste » de François Roustang… le processus de mutation du leader intellectuel en gourou, basé sur le cas de Freud, éclaire aussi Lacan et tant d'autres.



Après tout ces éloges sur cet ouvrage, une surprise : celle de voir Heinich décrire Bourdieu, implicitement, sans avoir l'air d'y toucher, et à de multiples reprises, comme un produit dans le cadre du « star system ». Elle utilise ainsi les mots « succès », « réussite », « concurrent ». Or la moindre des choses aurait été de creuser cette dimension. A-t-elle réellement échappé à son autrice ? J'ai du mal à le croire…

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La sociologie de Norbert Elias

Excellent ouvrage de vulgarisation sur un domaine aussi vaste que complexe qu'est la sociologie, plus spécifiquement cette approche de Norbert Elias.



De notions aussi précises soient elles que processus plus généralistes, l'auteur réussit le tour de force de clarifier et ouvrir au plus grand nombre ce domaine encore trop réservé à certains spécialistes.



Très bon ouvrage à faire connaître tant aux "initiés" qu'à ceux voulant faire connaissance avec la sociologie.
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Une histoire de France

Dans cet ouvrage l'auteure Nathalie Heinich, fille de Lionel Heinich et de Geneviève Creuzet, nous raconte ses origines familiales paternelle et maternelle.

A la fin du 19eme siècle, son arrière-grand-père Jacob Benyoumoff, juif originaire d'Ukraine, chassé par les pogroms, émigre avec sa famille. Après un séjour d'environ 6 ans à Oran, ils arrivent à Marseille. Jacob est désigné comme "casquettier" (fabriquant de casquettes). C'est le début de la saga des Benyoumoff. A la veille de la deuxième guerre mondiale, la famille a fait fortune dans le "schmattès" (la confection). Certains membres de cette familles seront victimes de la déportation des juifs, notamment les grands-parents de l'auteure Bentzi et Jeanne.

Au lendemain de la guerre, Lionel, après s'être rêvé journaliste, devient directeur de l'usine familiale. Il a vingt-deux ans lorsqu'il rencontre Geneviève.



Si la famille paternelle a eu sur le plan social une trajectoire ascendante, celle de la famille maternelle a plutôt vécu une trajectoire en déclin.



Au lendemain de la guerre de 1870, la famille Lambs émigre vers Paris : Alsacienne et protestante, elle quitte l'Alsace après son annexion par l'Allemagne. Fin des années 1930 Serge et Madeleine s’installent à Marseille. Serge exerce alors le métier de représentant en cravates et chemises.



Lionel (juif) et Geneviève (protestante) se marient le 4 août 1950 à la mairie de Marseille, en l'absence des parents opposés au mariage mixte, et sans contrat de mariage pour la plus grande fureur de Lazare, père du marié.



Si j'ai apprécié le travail de recherche effectué par Nathalie Heinich pour reconstituer sa généalogie (assez compliquée, je me suis parfois perdue entre toutes les générations, les frères, sœurs et cousins ...) j'ai fermé ce livre avec sentiment de tristesse particulièrement devant le destin des femmes de ces familles. Pour certaines d'entre elles l'amour n'a joué aucun rôle dans leur mariage, les conjoints étant choisis par les parents, et pour d'autres la maladie et la mort en ont bouleversé le cours normal. Seuls Bentzi et Jeanne semblent avoir connus une vie conjugale heureuse, malheureusement terminée tragiquement.



Le texte de l'auteure est complété par une très nombreuse documentation (photos, schémas, cartes, copie de correspondance et autres pièces) particulièrement intéressante.

Ce livre est également intéressant compte tenu du contexte actuel sur l'émigration. La famille Benyoumoff notamment est exemplaire sur une intégration réussie. Deux des fils de Jacob sont mort "pour la France" au cours de la première guerre mondiale.



Merci à Babélio et aux éditions Les Impressions Nouvelles de m'avoir adressé ce livre.
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Le paradigme de l'art contemporain : Struct..

Alors que la querelle des pros et des antis ne cesse pas, la sociologue Nathalie Heinich s'attache dans ce livre à identifier les propriétés spécifiques de l'art contemporain par rapport à celles de l'art classique mais surtout par rapport à celles de l'art moderne. Inspirée de l'épistémologue Thomas Kuhn et de son livre 'La structure des révolutions scientifiques', la théorie de N. H. est que l'art contemporain est un nouveau paradigme artistique, c'est-à-dire un ensemble structuré et cohérent de conceptions admises par un groupe social en opposition aux conceptions admises auparavant par le plus grand nombre. Il convient de préciser que l'art contemporain n'est pas défini comme une catégorie chronologique de l'art (à la suite de l'art moderne) mais comme une catégorie ayant des caractéristiques propres, pouvant coexister à un moment donné avec d'autres catégories.



Une fois passé le premier chapitre un peu jargonneux et rebutant, consacré à la méthodologie, l'ouvrage se lit facilement et s'avère remarquablement complet en ce sens qu'il aborde tous les aspects du fonctionnement du monde de l'art contemporain : l'oeuvre, les catégories artistiques, les supports et matériaux, les artistes, les collectionneurs, les galeristes, les critiques, les institutions, les réseaux, le système de reconnaissance, les foires…



Par rapport à l'art moderne, catégorie artistique qui coexiste le plus souvent avec l'art contemporain, le changement fondamental est que l'impératif d'expression de l'intériorité de l'artiste n'existe plus. L'art contemporain constitue une rupture fondamentale par rapport aux catégories artistiques précédentes en introduisant des problématiques qui lui sont propres, notamment celle qui consiste à repousser les limites de ce qui peut être considéré comme une oeuvre d'art. L'art contemporain est un jeu transgressif constant avec les limites et impose à l'artiste une injonction d'originalité et d'innovation permanente. Il s'inscrit dans la voie tracée par Duchamp. Avec ses ready-made, Duchamp a introduit une nouvelle approche de l'art : l'oeuvre d'art ne repose pas tant sur l'objet (parfaitement banal et sans intérêt) que sur le discours qui l'entoure et qui consacre le statut d'oeuvre. Au-delà de l'objet et notamment des peintures et des sculptures telles que les comprend le sens commun, l'art contemporain prend des formes nouvelles, hybrides comme dans l'art des installations, immatérielles comme dans l'art conceptuel, éphémères comme dans l'art de la performance. Le contexte et la documentation font partie de l'oeuvre. Tous les matériaux possibles et imaginables sont susceptibles d'être utilisés. Dans l'écosystème de l'art contemporain apparaissent des rôles nouveaux et aussi importants que celui de l'artiste, en particulier celui de curateur (anciennement appelé commissaire d'exposition). Le marché s'est transformé et les foires, dont le nombre a explosé, sont devenues prépondérantes.



J'ai apprécié ce livre pour son approche assez exhaustive et non polémique d'un sujet qui l'est malheureusement souvent.

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La Petite Bédéthèque des Savoirs, tome 9 : L'ar..

Il s'agit d'une bande dessinée de 56 pages, en couleurs. Elle est initialement parue en 2016, écrite par Nathalie Heinich, dessinée Benoît Feroumont, et mise en couleurs par Sarah Marchand. Elle fait partie de la collection intitulée La petite bédéthèque des savoirs, éditée par Le Lombard. Cette collection s'est fixé comme but d'explorer le champ des sciences humaines et de la non-fiction. Elle regroupe donc des bandes dessinées didactiques, associant un spécialiste à un dessinateur, en proscrivant la forme du récit de fiction. Il s'agit donc d'une entreprise de vulgarisation sous une forme qui se veut ludique.



Comme la collection l'indique, ainsi que son objectif, il s'agit d'une bande dessinée qui présente et explique ce qu'est le métier d'artiste contemporain. Elle se présente sous une forme assez petite, 13,9cm*19,6cm. Elle commence par un avant-propos de David Vandermeulen de 5 pages, très en verve. Il commence par évoquer la représentation de l'art contemporain dans 2 épisodes de la série télévisuelle Columbo, l'un de 1971, l'autre de 1975, pour une caricature bas du front de l'art contemporain, incarnant son rejet par une partie significative du public, et même de quelques artistes. Ce phénomène est désigné par le terme : la querelle de l'art contemporain. Il situe la rupture dans les ready-made de Marcel Duchamp (1887-1968), et en particulier sa célèbre fontaine (un urinoir renversé). Il évoque le paradoxe de ce désamour, et de l'affluence record pour la rétrospective Jeff Koons (plasticien, né en 1965) au Grand Palais en 2014. Il souligne encore la défiance du milieu artistique vis-à-vis d'une approche sociologique de leur pratique. Enfin il introduit la bande dessinée en elle-même.



La bande dessinée s'ouvre avec la mise en scène de Nathalie Heinich donnant une conférence sur les artistes contemporains dans une école de beaux-arts en province. Elle commence par expliciter la rupture de l'art contemporain d'avec l'art moderne, en particulier l'abandon des supports traditionnels comme la peinture ou la sculpture. Elle indique qu'en une génération le nombre d'artistes inscrits à La Maison des Artistes a triplé en une génération. Elle évoque ensuite la carrière des jeunes gens fraîchement diplômés qui constituent son assistance, par le biais de la trajectoire professionnelle de 3 exemples : Anatole peintre moderne, Jules artiste contemporain porté par les institutions, Edmond artiste contemporain rencontrant un début de succès international.



La collection de la petite bédéthèque des savoirs a pris un parti risqué : développer un sujet de manière pédagogique, sans s'appuyer sur un récit. En ouvrant ce tome, le lecteur découvre l'introduction très riche de David Vandermeulen qui explicite les tenants et les aboutissants de la situation de l'art contemporain avec une concision remarquable et une franchise décoiffante. Le lecteur commence ensuite la bande dessinée proprement dite, et il se retrouve un peu décontenancé s'il est familier de cette collection. En effet, elle commence bien comme il s'y attend, c’est-à-dire par une mise en scène de l'auteur, dans une mise en abyme ingénieuse, s'adressant à un auditoire dans une classe en amphithéâtre, comme si le lecteur était lui-même assis dans les gradins. Mais au bout de 5 pages, le lecteur fait la connaissance de 3 personnages qui vont incarner 3 situations sociales et 3 carrières différentes d'artiste contemporain. En cela, l'auteur aménage à sa sauce le principe de la série qui veut qu'il ne s'agisse pas d'une fiction.



D'un autre côté, le caractère d'Anatole, Jules et Edmond n'est pas très développé. Le lecteur les retrouve à 6 occasions, alors qu'eux-mêmes se retrouvent ensemble pour des expositions des œuvres de l'un d'entre eux, après 1 an, puis 2 ans, puis 3 ans, puis 5 ans, puis 7 ans, puis 9 ans, dans différents endroits du globe. À la fois, Heinich et Feroumont utilisent le dispositif classique de se mettre en scène pour expliquer certains points au lecteur, à la fois ils trichent un peu en montrant la trajectoire de vie de ces 3 artistes fictifs, créés pour l'occasion. Cela rend la lecture beaucoup plus agréable et rapide. Le dessinateur réalise des dessins simplifiés, avec des contours de forme un peu arrondis, très agréables à l'œil, tout public. Il n'inclut pas beaucoup d'informations visuelles dans les cases, s'affranchissant de dessiner des arrière-plans dès que la séquence passe sur le mode discussion entre les 3 personnages.



Les différents personnages sont éminemment sympathiques, ne serait-ce que parce qu'ils sourient régulièrement et que leur langage corporel est très expressif. La scénariste insère un peu d'affect dans leur propos, ce qui finit par faire regretter au lecteur qu'ils n'existent pas plus, qu'il ne soit pas possible d'en apprendre plus sur leur vie privée, à commencer par leur relation avec leur conjointe (car il s'agit de 3 hommes). Benoît Feroumont leur affecte 3 styles vestimentaires (et capillaires) distincts. Il étoffe les décors quand la séquence le rend nécessaire, ne serait-ce que pour savoir où les 3 personnages se trouvent. Il sait transcrire l'apparence de personnages historiques comme Vincent van Gogh (19853-1890) pour qu'ils soient immédiatement identifiables. Le lecteur peut trouver que la mise en images du scénario est simplement fonctionnelle, toutefois elle présente plusieurs qualités. Elle est très claire, elle rend les personnages attachants, elle ne se met pas en avant au détriment du discours. Elle fait même plus cela puisque la narration visuelle donne l'impression d'un récit à ce qui reste bien dans le fond un exposé. En fait elle donne une fluidité et une facilité de lecture remarquable à une présentation que l'on aurait pu craindre austère, ou artificielle du fait de la fiction que sont ces 3 artistes. Benoît Feroumont est un auteur de bande dessiné accompli, ayant à son actif des œuvres comme Le Spirou de ... - tome 9 - Fantasio se marie (2016), Gisèle & Béatrice (2013), ou Le royaume (depuis 2009)



De la même manière que le ressenti des dessins peut paraître un peu léger, l'histoire peut aussi paraître superficielle. En fait il faut que le lecteur fasse un petit effort pour se distancier de cette impression de récit, et pour se rappeler qu'il s'agit bel et bien d'un exposé. Il n'y a pas à douter de la compétence de Nathalie Heinich sur le sujet, puisqu'elle est l'auteure Le paradigme de l'art contemporain : Structures d'une révolution artistique et que l'introduction de Vandermeulen établit ses références de sociologue professionnelle. À nouveau, l'impression de légèreté et de faible densité provient de la forme retenue, à savoir la mise en scène de 3 personnages (Anatole, Jules et Edmond). Lorsqu'ils sont mis en scène, les dialogues sont naturels, sur la base de courtes phrases, donnant une impression d'échanges entre individus. En fait, il faut que le lecteur feuillète à nouveau la bande dessinée pour prendre conscience que Nathalie Heinich est mise en scène à plusieurs reprises (au moins un quart de la pagination) et que ses phylactères sont alors beaucoup plus copieux, comme ceux d'un exposé oral. Elle répond également à quelques reprises aux questions posées par l'avatar de Benoît Feroumont.



En prenant un peu de recul, le lecteur se rend compte que cette bande dessinée à parfaitement rempli son objectif : expliquer ce qu'est la vie d'un artiste contemporain par l'exemple. Cette bande dessinée montre bel et bien ce qu'est un artiste contemporain d'un point de vue sociologique, comme il s'intègre dans la société française, mais aussi internationale, et quels sont ses choix de carrière. L'auteure ne porte pas de jugement de valeur sur les œuvres produites. Elles ne sont en effet que vaguement évoquées, sans précision sur le projet artistique de chacun des 3 personnages. Elle ne réalise pas une critique de leur démarche artistique, ou des réactions des différents publics. Il ne s'agit pas non plus d'une approche économique du marché de l'art contemporain. Du coup, le lecteur ressort de sa lecture un peu frustré, pas tout à fait rassasié par une présentation aussi simple. S'il avait dû répondre, avant de lire cet ouvrage, à la question de ce qu'est un artiste contemporain, d'où il vient et ce qu'il fait, il est vraisemblable qu'à moins de s'y être déjà intéressé, il en aurait été incapable. Alors qu'après sa lecture, il peut articuler plus de 3 phrases intelligibles pour y répondre. En outre, l'auteure explique de manière claire et concise ce qu'est l'art contemporain, et la différence d'avec l'art moderne.



En fait ce sentiment de trop peu ou de d'insatisfaction provient d'une autre origine. En y repensant, le lecteur se dit qu'il trouve sa source dans la dimension analytique de l'introduction. Le propos de David Vandermeulen ne se contente pas de passer les plats pour mettre en valeur la bande dessinée à suivre. Il réalise une mise en perspective pénétrante de la question de l'artiste contemporain, en se basant sur l'ouvrage de Nathalie Heinich. Par comparaison, sa remise en cause de la nature de l'art amène à une définition de l'art contemporain plus riche que celle contenue dans la bande dessinée. Ses remarques sur le rapport entre le monde de l'art et les sociologues établissent une dynamique d'affrontement qui ne se retrouve pas dans la bande dessinée. Enfin son observation sur les intermédiaires (galeristes, curateurs, commissaires-priseurs), également tirée de l'ouvrage d'Heinich, laisse supposer un développement ultérieur sur ce thème, mais qui ne vient pas dans la bande dessinée. Finalement le sentiment de manque, voire de frustration, provient d'une introduction très analytique qui donne à penser aux lecteurs que ces différents points bénéficieront d'un développement dans le corps de l'ouvrage, alors que ça n'en est pas le sujet, que ça ne relève pas d'un ouvrage de vulgarisation.



Dans un premier temps, cet ouvrage laisse un goût de trop peu au lecteur. Pourtant il accomplit bien la tâche assignée, à savoir de présenter ce qu'est un artiste contemporain d'un point de vue sociologique. L'élégance de la narration tant pour les images que pour l'exposé donne l'impression d'une facilité découlant d'un propos simpliste, alors que l'œuvre de vulgarisation est bel et bien accomplie. Peut-être que pour mieux savourer ce tome, il convient de lire l'avant-propos de Didier Vandermeulen, après la bande dessinée, comme un texte offrant un regard analytique pénétrant et constituant une ouverture faisant ressortir toute la richesse de ce thème.
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Maisons perdues

Pousser de nouveau la porte des maisons de sa jeunesse, celles auxquelles elle n’a plus accès, celles qui n’existent plus, un peu comme l’on évoque « des gens qu’on a aimés », tel est l’objet de Maisons perdues de Nathalie Heinich. Retrouver par l’écriture ces lieux de l’enfance qui l’ont façonnée. A travers les maisons, c’est elle-même finalement qu’évoque la sociologue, dans ce qu’elle qualifie d’ « autobiographie par les toits ».



L’on y découvre une enfance marseillaise auprès de la bâtisse des grands-parents. La petite fille y fait ses premiers pas, cherchant l’équilibre, comme en témoigne de vieilles photos. C’est l’une d’entre elle qui est choisie pour la couverture du livre. L’enfant qui trottine ignore encore le mariage forcé de ses grands-parents, la grand-mère aînée de trois filles que, par l’entremise du pasteur, on a marié dans l’urgence, alors même qu’elle en aimait un autre, à un jeune homme bien inconsistant à côté de l’élu de son coeur. Elle ne perçoit pas pour le moment que ses parents ont allié une famille protestante austère, un brin pétainiste, à des Juifs soudés par la disparition de beaucoup trop d’entre eux, par les fuites incessantes devant l’occupant. Pour l’instant l’enfant profite des confitures et des gâteaux de son aïeule. D’autres maisons façonnent la jeunesse de Nathalie Heinich dans le sud-est, maisons des oncles et tantes, qui reçoivent régulièrement pour le plus grand bonheur des cousins qui ont ainsi de beaux terrains de jeu.



Et puis il y a les maisons de vacances, celles des bonheurs d’été, les paradis de l’Ardèche et du Massif central. Des grandes fermes typiques de ces régions, aux pièces nombreuses. Autour, des jardins immenses, puis la nature, sauvage, où gambader. Plus tard, les maisons de l’adolescence, celle des amies plus mûres qui sont autant de mentors pour la narratrice. En Ile-de-France, puis en Bretagne. Ces derniers lieux sont indissociables de leurs propriétaires qui en sont les fées autant que les gardiennes.



Enfin ce sont les maisons de l’adulte avec l’un ou l’autre des « hommes-de-ma-vie ». Difficile pour l’adolescente d’imaginer qu’il pourrait y en avoir plusieurs, et pourtant. Eux aussi sont attachés à des gîtes accueillants. Dans le sud-est, à l’aplomb de la Méditerranée, puis de nouveau dans le Massif central.



Ces lieux enchanteurs, il faut les quitter pourtant. Les aléas d’un divorce, de disputes parfois entre les hôtes et les invités. Des décès trop souvent. Les maisons perdues vivent dans la mémoire et s’invitent parfois dans les rêves, comme une douleur si douce au souvenir. C’est l’écriture qui permet de les faire revivre tout en apaisant leur perte.
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Le Wokisme serait-il un totalitarisme ?

La réponse est ...



Un sujet qui m'interpelle et qui n'est pas simple à envisager ... Rester éveillé, c'est ce que je tente de faire depuis longtemps, pour ne pas dire toujours.

Les courants Metoo, balance ton porc, not in my name, etc ... me mettent en joie. Suffit les ingérences, les dominants qui écrasent, ...

Mais qu'en est-il des sensitive readers par exemple? Faut il déboulonner toutes les statues?

Empêcher quelqu'un de prendre la parole dans un amphithéâtre et par la même le censurer est-ce être éveillé ou pratiquer la même politique que les fascistes d'il y a quelques décennies?



Faut-il séparer l'oeuvre de l'artiste? En pleine "affaire" Depardieu qui secoue et divise le monde du cinéma ...



Je suis de celles qui pensent qu'il faut éduquer, mettre en contexte, expliquer mais en aucun cas effacer ... Tintin était raciste? Certainement ... Mais à l'époque où le livre a été écrit, le monde était tel quel.

Retirer les statues des grandes artères des villes, peut-être ... Mais au moins les présenter dans un musée alors ...



Autant de thèmes que l'autrice aborde avec intelligence, avec force exemples et références, qui nous permettent de mettre en contexte et de réfléchir, tenter de nous faire une opinion.

Un excellent essai que j'ai beaucoup apprécié de découvrir
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Une histoire de France

Livre qui relate l'histoire familiale de l'auteure, au travers de plusieurs personnages. Il s'agit de Juifs immigrés, qui arrivent à Marseille et qui subiront la répression nazie. C'est évidemment poignant de pouvoir entrer comme ça dans l'intimité d'une famille ayant vécue l'extermination des Juifs de très près. Encore récente, cette lecture mériterait d'être mieux digérée pour pouvoir vous en faire un commentaire plus constructif. En tout cas, c'est un livre que je conseil sans hésiter. Cela donne matière à réfléchir sur ce qu'est la France, sur ce que peuvent vivre les migrants actuels, qui n'ont pas la même culture, ni même la même religion, et qui arrive dans une société dans laquelle ils vont devoir se faire une place.
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La maison qui soigne

Je remercie tout d�ord chaleureusement les éditions Thierry Marchaisse et Babelio ainsi que l𠆚uteur Nathalie Heinich pour ce très bel objet qu𠆞st ce livre, la maison qui soigne, Histoire de « La retrouvée ». C𠆞st en effet un très joli papier, une jolie couverture, un format ni trop grand ni trop petit qui nous invite à rencontrer l’objet, le lieu et bien plus encore qu𠆞st la maison.

Lire La maison qui soigne, c𠆞st se laisser entrelacer par les murs et les objets, les atmosphères et les matières, l𠆞space et le lieu qui en disent long sur les êtres. En l’occurrence, en filigrane, c𠆞st le passé de Nathalie Heinich que nous lisons, ses peines et ses joies, ses refuges aussi au travers du soin accordé à la maison choisie. La maison comme vecteur pour se trouver soi, le temps d’un instant à la fenêtre, à regarder le paysage, lors d’un passage de quelques jours seule ou accompagnée. Une table achetée par son père pour elle dans sa jeunesse, qui se retrouve dans ce lieu des années après alors que son père n𠆞st plus. Ce sont toutes ces émotions qui nous traversent et qui nous démontrent à quel point la matière, les murs, les objets, le jardin, le soin qu’on y accorde sont les vaisseaux de nos refuges.

A lire. Très riche sur le plan psychanalytique et très poétique.
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Une histoire de France

Une généalogie vivante de deux familles, l'une juive, l'autre protestante, l'une et l'autre convergeant, en devenant et/ou en restant français.
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Une histoire de France

Qui étaient nos ancêtres ? L'auteur nous présente en deux parties des portraits de personnes choisies dans sa famille paternelle, puis dans sa famille maternelle.

A travers déménagement, exil, mariage, naissance, mort, et réussite professionnelle, les parcours se cognent dans la réalité de la société de chaque époque et aussi dans les événements de la grande Histoire de France.

J'ai apprécié la présence dans le récit de documents (photos, portraits, lettres) qui rendent ces souvenirs et recherches personnelles d'autant plus touchants.

J'ai reçu le livre grâce à l'opération masse critique, je l'ai lu d'une traite par une chaude après-midi. Intéressée par l'histoire et la généalogie, ce livre m'a donner envie de replonger dans les vies de mes ancêtres.
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La sociologie à l'épreuve de l'art

Il existe de grands livres d'entretien qui éclairent les travaux d'intellectuels de premier ordre. La confidence autobiographique n'est pas le fort des savants, ils se sont généralement très peu livrés préférant s'effacer derrière leurs oeuvres. Ils acceptent cependant, parfois, de se raconter, de faire le récit de leurs carrières, de leur vie intellectuelle. Ils donnent de nouveaux éclairages sur leurs travaux, et les conditions dans lesquelles ils se sont développés et imposés. Ils offrent ainsi un témoignage capital sur la vie des idées de leur temps. Ils n'hésitent pas à parler aussi de leurs amis, de leurs goûts littéraires, philosophiques et artistiques. Mais surtout, ils donnent à un large public de non-spécialistes une voie d'accès à leurs pensées, dont ils font comprendre la portée et les enjeux. Dans « La sociologie à l'épreuve de l'art » nous n'avons malheureusement absolument rien de tout cela.





Cet entretien avec Julien Ténédos donne l'impression, à tort ou à raison, d'un travail de Nathalie Heinich, sans aucun doute ponctuellement et pratiquement utile pour telle ou telle administration, mais sans véritable portée intellectuelle. Simple compilation, il semble rien nous apprendre que nous ne sachions par ailleurs et notamment en ce qui concerne le monde de l'art. Il y a passage du professionnel au vocationnel. Il existe une pluralité des cadres de perception, une opposition entre des registres de valeurs, des frontières entre le monde de l'art et le monde ordinaire. L'art moderne et contemporain transgressent les frontières générant des réactions négatives des non-spécialistes qui refusent la violation des lignes et tentent de les rétablir et des réactions positives des spécialistes qui au contraire les ouvrent afin d'intégrer les propositions nouvelles et problématiques. Les transgressions de l'art moderne sont formelles tandis que celles de l'art contemporain portent sur les frontières elles-mêmes. Nous assistons un jeu à trois : public, artistes mais aussi intermédiaires dont le rôle est essentiel mais reste voilé, etc. … Pas d'avantage de surprise en ce qui concerne l'identité et sa perception chez l'écrivain et l'artiste. L'identité est la mise en cohérence nécessaire de trois moments : l'auto perception, la représentation et la désignation par autrui, le lien communautaire est un moyen de gérer les problèmes d'identité. L'artiste a beaucoup de mal à se définir dans une catégorie très valorisée qui engendre des écarts de grandeurs (diversité des systèmes de valeurs) et où la limite entre amateurisme et professionnalisme est flou. L'artification représente l'ensemble des phénomènes par lesquels le producteur en vient à être considéré comme artiste. Encore moins de surprise en ce qui concerne la singularité et la capacité, néo religieuse, de construire des communautés autour d'elle. Ce qui est en jeu ainsi avec la reconnaissance de Van Gogh, c'est un déplacement de la sainteté dans le monde laïque.





Il faudrait reprendre, point par point, les considérations un peu à l'emporte-pièce de Nathalie Heinich sur les différents courants de la sociologie de son temps. Mais là aussi, avec le déplacement vers un certain conservatisme, depuis les années 70 et le début des années 80, du centre de gravité de la vie intellectuelle française, rien qui n'ait été répété ad nauseam et qui mériterait que l'on s'y attarde. Elle s'insurge contre la pensée critique de Bourdieu sans que l'on sache vraiment si c'est la pensée, la critique ou les deux à la fois qu'elle lui reproche. Bourdieu souffrirait énormément de sa pulsion normative. Rien en revanche de tel chez Nathalie Heinich. Elle est partisante d'une sociologie inductive, empirique, descriptive, pragmatique et compréhensive qu'elle a découverte, avec ses pourtant incontournables classiques, assez tardivement. Il semble qu'elle pratiquait avant cela cette forme de sociologie comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Son travail, à la lecture de ce pensum qui en reprend la trame, apparait comme une succession d'enquêtes, de commandes administratives diverses dont elle tire des conclusions d'une grande trivialité et des livres. Sans originalité, son travail s'emble s'apparenter à une sorte de taxinomie sociologique et de la sociologie.





Nathalie Heinich a publié un « Bêtisier du sociologue », ce qui est assez courageux. Nous lui proposons cependant d'y ajouter quelques notes plus personnelles prises au hasard parmi beaucoup d'autres dans « La sociologie à l'épreuve de l'art ». Page 9, première ligne de l'ouvrage, « (…) je ne viens pas d'une famille qui connaissait vraiment le monde intellectuel. Mais ma première approche de la sociologie de l'art s'est faite à travers un livre de Pierre Francastel trouvé dans la bibliothèque de mes parents, quand j'étais encore au lycée». Page 95, « Je me passionne pour cette autobiographie qui a l'avantage de n'être pas un matériau sollicité par le chercheur, comme c'est le cas d'un entretien, mais un témoignage spontané, ce qui a une garantie de pertinence ». Quelques lignes plus loin, « J'avais donc trois études de cas, que j'ai pu rédiger pour en faire le thème d'une communication à un colloque sur « la gloire » à l'été 1992, et un article – tout en me disant qu'un jour il faudrait que je pousse cette question ». Page 105, « D'ailleurs, j'oublie en général ce qu'il (mes livres) y a dedans et je dois m'y replonger pour m'en souvenir et pouvoir en parler, parce qu'une fois publié, c'est derrière moi … ». Page 127, « Je crois que de ce point de vue les sociologues ont – ou du moins peuvent avoir – une perspective diamétralement opposée à celle des historiens, qui ont plutôt tendance à s'étonner que les choses changent, et à s'interroger sur les raisons des variations. Alors que moi, en sociologue, je trouve que ce qui est normal c'est que tout bouge, ne serait-ce que parce que le temps passe ; ». Page 130, « Encore une fois, c'est une faute de raisonnement grossière, car si une chose est socialement construite, c'est que justement elle est nécessaire du point de vue de la collectivité humaine (…) ». Page 181, « J'aime beaucoup travailler avec la fiction, d'abord parce que c'est un matériau qui préexiste à l'enquête, qui n'est pas constitué par le chercheur, qui est donc forcément pertinent pour les acteurs ; ensuite parce que c'est un matériau collectif, dès lors qu'il est publié (…) ».





Les pages de « La sociologie à l'épreuve de l'art » sont pleines du ressentiment de l'auteure et, à la fermeture du livre, elles vous laissent une impression d'incontestable malaise. Nathalie Heinich vous fait penser à ces musiciens d'orchestre toujours insatisfaits parce qu'ils ne seront jamais solistes, du moins dans une formation prestigieuse (« je me suis vue marginalisée par Bourdieu » (page 30) ; « Boltanski élaborait ses « économies de la grandeur » en m'interdisant l'accès à son séminaire, et me demandait ensuite de venir y plancher devant ses étudiants, qui me prenaient pour une demeurée ! » (page 78) ; « Comme le Van Gogh, il (mon livre) a guère était lu par mes pairs, et mal ou peu lu par le public qui s'intéresse aux prix littéraires. Quant à mes collègues du GSPM, qui auraient dû en être les premiers lecteurs, j'avais renoncé, à l'époque où le livre est paru, à trouver en eux des interlocuteurs », etc.). Enfin, il faut également ajouter au bénéfice de la sociologue que le questionnement indigent et hagiographique de Julien Ténédos dessert grandement le livre.
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De la visibilité : Excellence et singularité en..

A l'époque de facebook et des selfies, époque où nous sommes devenus très très nombreux, donc, réduits à l'état de fourmis frétillant dans un environnement souvent hostile, se FAIRE REMARQUER est devenu la quête du graal!

Le gros pavé de Nathalie Heinich est passionnant à cet égard.

La visibilité, son histoire, comment en avoir, comment la gérer, il n'y a pas que Beyonce qui maîtrise ça. D'un point de vue théorique, ce livre devrait être le livre de chevet de tous ceux qui aspirent à être connus, reconnus bref à ne pas jouer les passe-muraille, même s'il ne sont ni mannequins, ni acteurs, ni auteurs etc...

Le seul bémol de cet ouvrage assez exhaustif, c'est justement ses "plus de 500 pages", sur un sujet d'actualité certes, mais traité comme un cours. Ceci dit, il se lit bien, n'est pas émaillé de mots cuistres et on peut y glaner des conseils...Quant aux nombreux exemples donnés par l'auteur, c'est justement ce qui le rend "passionnant" et incite à lire les 580 pages sur un sujet sérieux quand on n'est ni sociologue ni Dominique Besnehard !

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La fabrique du patrimoine : De la cathédrale ..



Voilà un livre qui arrive à point nommé ! Paru il y a un an, – une vétille en regard de l'excellence d'un propos foisonnant, de l'étendue du champ d'investigation, de l'immuable actualité du sujet, de sa nécessaire et salutaire opportunité, et de la propension résolument didactique d'une étude très fouillée, à l'heure où tout est patrimoine – l'ouvrage de Nathalie Heinich, chercheure au CNRS et sociologue, nous invite à faire le point et tenter de voir plus clair face à la confusion, aux doutes et aux dérives générés par l'usage abusif voire intempestif de cette notion. Elle se propose de revisiter, de réexaminer la question fondamentale du patrimoine, le sens et les réalités qu'elle recouvre, son histoire, ses protocoles, ses méthodes et ses valeurs, ses fondations intellectuelles, la pérennité des valeurs constitutives de son identité et leur validité : " le bien commun", "l'héritage", le "conserver pour transmettre", et enfin de cerner les spéculations qu'alimente notre imaginaire moderne et vagabond. Serait-il, une fois encore, question de s'assurer de la légimité d'un des plus indispensables fondements de la mémoire et de l'histoire de nos sociétés ? Méthodique, Nathalie Heinich dresse un inventaire historique et technique complet, et finement commenté des façons dont s'élabore le patrimoine. La métaphore, l'image emblématique de la borne Michelin qui figure sur la couverture donne la mesure de la problématique et du postulat du livre qui nous intéresse.

La notion de patrimoine n'est pas le bloc monolithique, froid, figé, opaque et élitiste que le profane se plaît volontiers à imaginer. L'image austère et quelque peu rustique s'efface dès qu'on plonge dans ses arcanes et qu'on découvre qu'elle s'inscrit dans un processus en perpétuel mouvement, sujet aux doutes, aux questionnements et aux remises en question – un work in progress qui se pense en permanence et qui porte encore en lui les stigmates d'une histoire lourde de certitudes, de préjugés, d'antagonismes, de subjectivismes, d'avancées et de reculs, de tâtonnements erratiques, et de versatilités dogmatiques. La notion de patrimoine est tiraillée, contaminée par des considérations exogènes incertaines et douteuses : le "bon goût", les occurences historiques, l'environnement social, les considérations esthétiques, les enjeux politiques, les glissements sémantiques qui freinent, façonnent ou précipitent son évolution vers une spirale exponentielle, une ''inflation patrimoniale" effrénée, selon la remarquable formule de l'auteure. L'ordonnance calibrée des chapitres égraine dans le détail les travers des administrations de tutelle : l'inadéquation des expertises, la relativité des évaluations, le déroulé poussif des procédures, la réglementation intrusive et la déréglementation de convenance, le manque de diligence de l'action administrative, les conflits de compétences, le rôle prospectif et déstabilisant de l'Inventaire [général du patrimoine culturel], le sentiment déchirant d'infinitude et la rude expérience de l'inachevé éprouvés par les "patrimoniaux".

La quête de Nathalie Heinich s'appuye sur une enquête, une méthodologie pragmatique, qui s'inscrit dans la sociologie des valeurs que l'auteure construit en puisant dans la réalité concrète, à grand renfort de témoignages simples, voire crues Ses interlocuteurs sont les acteurs du quotidien et de terrain : agents du patrimoine, chercheurs de l'inventaire, propriétaires, élus, rumeurs. Elle réduit le périmètre de sa méthodologie à une formule lapidaire : "il s'agit non d'expliquer, mais de comprendre". Son approche est constamment émaillée de réfléxions et confidences en discordance avec la vulgate officielle, livrées sans retenue et gorgées d'informations plus que significatives.

Loin d'être un réquisitoire, l'ouvrage fourmille cependant d'observations critiques et évoque sans détour les limites de certains processus dans un effort continu pour contextualiser, illustrer, exemplariser. "Un fois de plus, contrairement à une idée reçue qui a profondément imprégné la politique culturelle, modernisation et démocratisation sont loin d'aller de pair".Pensée caustique où affleure l'indépendance d'esprit et la sagacité d'une sociologue aguerrie.

Alors faut-il repenser la fabrique du patrimoine ?

Nathalie Heinich laisse la question en suspens sans négliger pour autant son lecteur; elle ne nous abreuve pas de termes techniques et d'aphorismes verbeux. Plus le propos est savant, plus la lisibilité s'accroît. La langue est pure, déliée, châtiée. Enfin une écriture "audible"! La limpidité d'un argumentaire largement maîtrisé, l'intérêt de la méthode d' investigation, l'énoncé des idées et la progression de la pensée expriment la logique d'un raisonnement sans heurt, un cheminement intellectuel clair et parfait. Tout cela concourt à faire de ce livre une synthèse critique incontournable, un ouvrage de référence.

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Mères-filles, une relation à trois

je me suis retrouvée complètement dans le rôle de mère que je suis et de fille...
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