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Critiques de Paul Éluard (208)
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Relecture



Paul Éluard apparaît comme auteur et Lucien Clergue comme illustrateur. Je pense que ce n'est pas rendre justice à Lucien Clergue. Les deux sont des auteurs.



Ce livre fait partie des premiers travaux photographiques de Lucien. Son histoire est intéressante.



En 1953, Lucien a 19 ans. Lors d'une corrida à Arles, il se pointe devant Picasso et lui montre quelques unes de ses photographies. Assez gonflé le garçon. Picasso dit avoir beaucoup apprécié ses photos et une amitié prend place qui durera jusqu'à la mort de Picasso en 1973.



C'est un livre de poésie de Paul Eluard, illustré par les premières photos de nu de Lucien Clergue. Ces photos ont été présentées, en première main, à Pablo Picasso puis à Jean Cocteau qui, semble-t'il, se sont arrangés pour que le livre de poèmes de Paul Eluard soient illustrés par les photos de Lucien Clergue. La première édition date de 1957.



Bien entendu, les poèmes de Paul Eluard sont aussi magnifiques, mais je me suis demandé si c'étaient les photos qui illustraient les poèmes ou l'inverse...



Les photos sont sublimes et montrent une grande sensibilité du photographe et une capacité de présenter de façon plus que parfaite la sensualité féminine. On remarque aussi un grand soin avec les formes, les lignes, l'esthétique des images. Il n'avait que 23 ans à l'époque.



Un détail intéressant aussi à connaître concerne ce qui était permis de montrer à l'époque (censure) et que Lucien Clergue résume par la phrase : "où il y a de poil il n'y a pas de tête et où il y a une tête il n'y a pas de poil". Raison expliquant pourquoi on ne voit pas le visage des modèles.



Lucien Clergue a fait beaucoup de photos de nu et de corridas, mais pas que ça comme sujets. Il est à l'origine des Rencontres internationaux de la photographie d’Arles et a contribué à créer l'École Nationale Supérieure de la photographie. Il a passé une thèse en littérature, en tant qu'autodidacte, avec une thèse où il n'y avait pas un seul mot : juste des photos.
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Donner à voir

Après Eluard, il n'est plus d'écriture. Après Eluard, tout est las.

Après Eluard, il est trop d'écriture. Un monde trop vaste, sans même une ligne d'horizon. Un dédale, doublé d'un espace infini, où l'on n'ose plus jeter ses propres mots. Phrases qui ne se veulent plus phrases. Aurores qui n'ont plus goût d'aurore.

Après la perfection de sa « flèche fine du dernier frisson », on n'ose même plus frissonner.

Avec Eluard, il se fait tard. Avec Eluard, tous les soirs, on risque un bout de la nuit.

Une poésie exigeante. Un monde d'imagination. Un monde à nul autre pareil. Toujours différent, « écume toujours neuve ».

Oui, c'est cela, un regard neuf à chaque seconde.

Pas nécessaire qu'il y ait un sens. La vérité « vraie » ce sont ces instants qui s'inventent les uns derrière les autres. Ces instants ne mentent pas.

Eluard où le risque permanent. Eluard refusant fièrement la médiocrité de celui qui n'ose pas. Eluard préférant tout à cela, même le risque d'être insignifiant. Être insignifiant c'est toujours mieux que n'être rien.

Sacré talent, quand même, pour décliner ainsi des instants qui ne veulent parfois rien dire et qui, malgré tout, ont quelque chose à dire.

Avec intégrité, en ne tombant jamais dans le facile.

Eluard c'est un fleuve qui avance. Inexorable, il charrie tout, rien ne lui résiste, il avance toujours.

Il se dit tout haut au grand jour. le grand jour ne lui fait pas peur.

Il énonce plus qu'il ne dénonce.

Il est cristallin, il brille sous le soleil. Par son mouvement même, il justifie à lui seul le soleil.

S'il n'avançait pas, si la parole n'était pas dite, alors le soleil ne servirait à rien.

Tandis que, là, le soleil luit et rebondit sur le fleuve qui avance.

Eluard donne sa chance à la lumière, par ce mouvement, par ces mots qui s'agitent en tous sens.

On peut trouver cela vain. Ça n'est pas mon cas.

L'être humain est un être relationnel, l'être humain est un être de parole, de signes vers ses semblables. C'est en lui, c'est comme ça. Tout ce qui peut justifier, susciter, exemplifier, libérer cette parole, comme il le fait pour la mienne en cet instant, tout cela ne peut pas être complètement vain.

Mais la tâche est immense devant Eluard, la tâche est infinie. « Rien ne se décrit suffisamment, rien ne se reproduit littéralement ». Ne reste qu'à inventer l'instant qui vient. « le poète, lui, pense toujours à autre chose. L'insolite lui est familier, la préméditation inconnue », il doit « recréer un délire sans passé ».

Eluard magnifie l'imagination, « source et torrent qu'on ne remonte pas », l'imagination qui est l'instant pur, l'imagination qui « ne ment jamais, puisqu'elle ne confond jamais ce qui sera avec ce qui a été ». L'imagination a la plénitude de l'inépuisable.

Tout cela tout en gardant le goût des mots qui, toujours, me séduit chez un auteur ou une autrice.

Pour lui, le poète ne doit pas évoquer mais inspirer. Il précise : « le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré ».

C'est ce qu'il appelle « donner à voir ». Ce livre est sa profession de foi.

Alors, oui, il y a de nombreux textes où j'avoue humblement n'avoir pas saisi grand-chose et où son écriture automatique n'a rien suscité en moi.

Sensation d'être passé à côté quand, par exemple, ne connaissant pas suffisamment les peintres ou les auteurs sur lesquels il écrit, je ne peux apprécier pleinement les poèmes qui leurs sont dédiés.

Bien sûr, je sens sa sincérité quand il nous partage son admiration pour Max Ernst, Man Ray, Miro ou Baudelaire.

Bien sûr, remarquable est son évocation de Picasso qui « nous a redonné, de la façon la plus audacieuse, la plus sublime, les preuves inséparables de l'existence de l'homme et du monde », qui cherche « une vérité totale qui joint l'imagination à la nature ».

Mais parfois, donc, ses mots me restent étrangers, ils passent sur moi sans aucune lumière.

D'autres fois ils s'éclairent, m'intriguent, me réveillent. Je prends ce que je peux prendre. J'en suis bien heureux et je m'en contente. Je ne saisis pas tout. Peut-être en suis-je incapable.

Parfois, dans tout un paragraphe, je n'attrape rien au vol. Pas grave, c'est ainsi. Tant pis si c'est un coup dans l'eau. Je ne crois pas qu'il m'en voudrait. Tout du moins je l'espère.

D'autres fois, il me perd en route. Ou bien sa pensée passe devant moi sans s'arrêter, elle me laisse de côté.

Moi, alors, je refuse la colère contre ces mots, même si je ne comprends pas où ils mènent. Je dis juste tant pis et je passe à la page suivante. Je ne m'avoue pas vaincu. Je sais qu'il y aura toujours une autre phrase, une autre source où se nourrir, que je gouterai, au sens où elle évoquera quelque chose en moi.

Toujours j'aime son exaltation et, quelques fois, sa puissance me laisse bouche bée.

Le côté ardu pour moi ce sont les parties durant lesquelles cet ouvrage théorise plus qu'il ne poétise. Je ne m'y attendais pas, cela m'a surpris.

J'avoue qu'il me perd un peu en route quand il théorise le surréalisme ou évoque le sur-rationalisme de Bachelard. Je comprends qu'il vante « l'imprudence intellectuelle », je saisis qu'il s'agit de « sentir autrement pour comprendre autrement » mais…. je ne saisis pas grand-chose d'autre….

Parfois, je le dis humblement, je n'ai pas compris et je m'interroge : peut-être n'y-a-t-il rien à comprendre ? Peut-être ai-je tort de chercher à comprendre. Peut-être devrais-je apprendre à ne pas chercher à comprendre.

Mais telle est ma nature. Chercher à comprendre est dans ma nature.

Je ne partage pas toujours son extrémisme, son côté péremptoire, la façon dont il tend, souvent, vers la turbulence.

Sa colère m'est un peu étrangère.

Fruit d'une époque qui n'est pas la mienne. Fruit d'une période très spéciale, de temps troublés et c'est un point très important je crois. On ne peut pas lire Eluard sans tenir compte du moment où il vécut (horreurs absurdes de la première guerre mondiale, montée des fascismes, 2ème guerre mondiale, essor de la psychanalyse, mouvement surréaliste…). Sans cela on ne comprend pas la tension constamment présente dans son propos, l'engagement politique du poète, marqué par son temps, les luttes sociales comme les guerres.

Sa passion absolue pour la liberté, sa révolte contre tout début d'abandon de sa liberté, il faut forcément les mettre en résonnance avec un temps où la liberté était autrement menacée qu'aujourd'hui (restons toujours vigilants quand même...).

Et j'aime sa liberté, cette façon d'ouvrir une fenêtre sur le large, cette espèce de vertige, comme devant le vide, cette assurance qui semble dire : je ne sais pas où je vais mais je sais devoir y aller et c'est tout ce qui compte.

J'aime son élan (« Nous imaginâmes l'inconnu. Notre idéal prit corps »), j'aime comme il engage au risque, tel un jazzman se jetant « Body and soul » dans son solo.

Y-a-t-il de l'orgueil en cela ? Sûrement.

Est-ce-malgré tout, aussi, ainsi, tenter la vie ? Et n'est-ce-pas mieux que de ne pas la tenter du tout, comme nous le faisons si souvent, aux jours insipides ? Ça se défend.

Finalement, après Eluard, il est encore de l'écriture.

Et peu importe, donc, toutes mes limites, toutes mes possibles erreurs d'interprétation, le poète m'a inspiré, CQFD.

Epilogue. Quelques lignes sur un cahier. J'ai ôté mes lunettes. Ou, plutôt, elles sont restées sur la table de nuit quand j'ai rallumé la lumière. Mes yeux de myope, collés au cahier, voient les mots s'inventer les uns derrière les autres et même, en s'approchant encore, voient l'encre s'emmêler en des lettres fragiles et maladroites. Comme si je redécouvrais l'encre de mon enfance, la magie des premiers mots, la fierté des premières pages d'écriture.

Oui, c'est cela, comme une preuve d'écriture.

Je veux dire, perdre l'écriture, écrire seulement via un clavier, ça serait perdre beaucoup. Au-delà du fond, la forme est déjà un trésor. Au-delà du sens, est le signe tracé par la main. La création pure. Cette trace c'est moi. Cette trace c'est mon existence. D'autres auraient pu écrire ces mots, mais pas exactement ces mots, je veux dire, pas tracés de cette façon, sur cette feuille-là. Cette trace c'est moi et moi seul. Je suis là :

Il reste une noblesse.

Et des mots arrachés à l'oubli.

Des mots qui s'osent nus.

Dans leur essence.

Même dénués de sens.

Comme la pulsation d'un coeur.

Qui commença un jour.

S'arrêtera un autre.

Et n'aura cessé tout du long.

C'est à prendre ou à laisser.

C'est ainsi.

La magie d'inspirer.

De donner à voir.

Qui l'eut cru ?

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Donner à voir

"Donner à voir", publié en 1939, est un véritable petit bijou pour les amateurs de littérature. Car il est à la fois œuvre poétique et réflexion sur les enjeux et la nature de la poésie. Ce que donne à voir Paul Eluard aux lecteurs ne peut laisser indifférent. Quand il dit : « La poésie doit être faite par tous. Non par un », il parle au cœur, il bouleverse notre vieille perception bourgeoise de la poésie. Lire pour égayer son quotidien ne suffit pas, le désir de beauté est bien autre chose. Il est l’expression d’un manque que la simple raison ne peut combler. La poésie est ce qui fracasse les frontières de nos perceptions balisées.

A l’heure où les replis identitaires et individualistes se font de plus en plus entendre, clamer haut et fort la poésie d’Eluard est plus que nécessaire.

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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

Je pensais, avec naïveté, plonger dans une œuvre surréaliste en lisant "Capitale de la douleur". Si c’est un peu le cas dans sa première partie, Répétitions, d’inspiration dada, et si bien des rapprochements audacieux et étranges évoquent l’écriture automatique, on sent très vite que rien n’est dû au hasard, tant aux niveaux des vers et des poèmes qu’au niveau de l’ensemble du recueil. Paul Eluard n’est pas iconoclaste. S’il cherche à renouveler la poésie et à poursuivre l’œuvre réformatrice de ses illustres prédécesseurs (Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire), il ne fait pas table rase du passé. De la poésie mystique au romantisme hugolien, du baroque flamboyant à la simplicité proverbiale et populaire, du vers à la prose, Paul Eluard puise avec force et fracas dans notre patrimoine littéraire. Mais cet ancrage dans la tradition est loin de rassurer le lecteur, car les repères, ballotés au gré des souffles et des éclairs éluardiens, sont mouvants et trompeurs. La réalité s’épaissit d’une surimpression de l’intangible au tangible. Ce que l’on croyait immuable devient incertain. Lire "Capitale de la douleur", c’est voir pleinement l’homme et le monde.
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Lettres de jeunesse

Les lettres de jeunesse du poète à ses parents et son ami relieur-éditeur, de 1911 à 1920, montre un jeune homme amoureux des livres, avec des airs d'enfant gâté (donnez-moi ça, envoyez-moi ça comme ci, faites ceci comme ça) qui fait la guerre (hôpitaux, administration, front) avec un corps fragile et épouse Gala.

J'ai trouvé intéressant de suivre l'évolution, découvrir les tout débuts du poète, aborder la guerre de 14-18 par des courriers en temps réel (avec la censure et sans avoir le recul du temps) - comment ne pas penser à ces Ukrainiens ayant arrêté leur vie pour sauver leur pays ?

Je ne suis pas tout à fait assez intellectuelle pour apprécier complètement les 2 préfaces et analyses, ainsi que les notes en fin d'ouvrage mais c'est assurément un ouvrage compétent.
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Au rendez-vous allemand - Poésie et vérité

J’ai trouvé extrêmement émouvant de lire des poèmes écrits et publiés pendant la période de la Deuxième guerre mondiale, dans une France coupée en deux, alors qu’il fallait passer entre les mailles de la censure.

Ces poèmes sont très émouvants parce qu’ils témoignent du quotidien de la guerre, dans des images relativement accessibles, des mots qui peuvent paraître simples, mais le tout pour un effet efficace et puissant.

Ces poèmes témoignent des multiples dimensions de l’horreur vécue, des sentiments éprouvés, de la honte ressentie, de l’abattement mais aussi de l’espoir, de la privation de liberté, des pensées ferventes et des hommages aux révoltés, aux résistants, aux déporté.es.

J’imagine les émotions ressenties par les lecteurs de l’époque, la communion d’esprit et de coeur qui pouvait en naître, ainsi que la force de continuer.



Pour ceux qui douteraient de « l’utilité » de la poésie.
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Derniers Poèmes d'Amour

Lorca et Eluard....cascades d'images...d'une grande précision.
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Liberté

Un magnifique livre objet à la hauteur d'un grand texte. Le livre déplie les mots de Paul Eluard au fil de la délicatesse des dentelles de papiers et des subtiles illustrations. Une parfaite illustration de la complémentarité du pop-up et de la Poesie pour un livre proche du chef d'oeuvre.
Lien : http://www.liresousletilleul..
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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

Je poursuis mon incursions dans le monde de la poésie surréaliste.

Avant d'entamer ce recueil de Pau l Eluard, j'aivais lu plusieurs livres de Robert Desnos et vraiment apprécié son approche ludique et accessible du surréalisme avec des poèmes souvent pleins de jeux de mots, de rimes et de rythmes entraînants, qui étaient accessibles à un large public.



Pour moi, Paul Eluard a une approche plus austère et sérieuse du surréalisme. J'ai trouvé ses poèmes plus hermétiques et difficiles à comprendre, avec des images poétiques complexes et symboliques qui exigent une lecture (trop) attentive.



Bref , j'ai eu beaucoup plus de mal avec la poésie plus exigeante et difficile à comprendre de Paul Eluard qui est , je pense, à mettre entre les mains de personnes d'une certaine érudition.

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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

Que de critiques enthousiastes! Elles ont contribué à ma plongée dans ce recueil.

Pour autant, je suis rarement "rentré" dans cette poésie. Trop d'attentes? Lecture trop rapide? Peut être.



Pourtant, en fait, certaines juxtapositions de mots sont magiques. 

"....la peur en loques perce les murs.

Des plaines pâles miment le froid..."

Mais leur regroupement dans un poème rend le tout hermétique, faute de fil directeur. L'étrangeté de ces regroupements ne m'a mené ni à des images ni à des émotions, mais plutôt à des questionnements ... sans réponse. Volonté de l'auteur?



 Je le reprendrai par petites goulées....
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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

« Que sais-tu du malheur d’aimer » chante Aragon . Qui mieux qu’Eluard ce grand amoureux pourrait lui répondre ? Ce recueil est inspiré par les souffrances qu’il connut dans sa liaison avec la volage Gala. Le recueil qui suit « L’amour la poésie » est écrit dans le même contexte sentimental. Quelques années plus tard c’est la mort de Nush qui viendra inspirer d’autres plaintes . Amour brisé, amour perdu mais amour renaissant Eluard est un Phénix.
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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

• Survol trop rapide entre simplicité des mots et mystère du sens, le sentiment de beauté naît de l'amour, des yeux dont la courbe fait le tour du cœur, des paupières qui se referment sur un rêve profond, sur un sommeil lourd, sur un miroir, sur une présence, sur une absence, sur un nouveau mystère. Les mots simples se mêlent de bizarres pierreries, entre nature vivante, oiseaux de malheur, corps entrevus ou aveugles pensées. Poésie dont il faudrait s'imprégner, qu'il faudrait relire à haute voix, chaque miniature seule, polie comme un diamant, à lire et à relire pour que le sens, caché et simple, touche au cœur l'intime lien de l'amour, de la poésie et de la douleur.
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La Vie immédiate - L'Evidence poétique - La Ros..

Paul Éluard est de loin mon poète préféré et sa poèsie tout en musique et en nostalgie est un pur bonheur.
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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

Petit recueil acheté à Évian après avoir visité l'exposition qui s'y donne en ce moment sur ce poète, Capitale de la douleur regroupe un corpus de petits poèmes à lire à tout moment, en tout lieu, à toute heure.

Si les rimes ne sont pas présentes, Éluard ne nous en emporte pas moins dans son imaginaire et dans sa réalité -brutale- de l'amour.

Envoûtant !
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Liberté

Un livre acordéon qu'on peut soit déplier en entier soit lire page par page. Les superbe illustratiosn tout en découpe de Anouck Boisrobert et Louis Rigaud donne un nouveau souffle au poème.
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La Vie immédiate - L'Evidence poétique - La Ros..

« La vie immédiate » (1932) fait partie de ces recueils mythiques (« Capitale de la douleur » - 1926, « L’Amour, la poésie » - 1929, « Les Yeux fertiles » - 1936, « Donner à voir » - 1939, pour n’en citer que quelques-uns) qui, entre les deux guerres, ont fait les grandes heures du surréalisme, et plus encore celles de Paul Eluard.

Ce recueil est suivi de « La Rose publique » (1935) et de « Les Yeux fertiles » (1936)

L’époque est surréaliste, certes. La poésie d’Eluard l’est aussi, bien évidemment. Mais elle n’est pas que cela. Eluard est un poète difficile à définir parce qu’il n’entre pas dans une case précise. Je ne vois pas d’autre qualificatif pour parler de lui que « poète ». Eluard c’est la poésie à l’état pur : il ne donne à aucun moment l’impression du « travail », de la « composition » (fût-elle du « cousu main »). Eluard est une source d’images. Son écriture est fluide, comme l’eau d’une rivière, parfois humble filet et parfois torrent, mais toujours fraîche et vivifiante.

Contrairement à d’autres, la poésie d’Eluard, bien qu’imagée et souvent mystérieuse, reste limpide, et jamais obscure :

FACILE



Tu te lèves l’eau se déplie

Tu te couches l’eau s’épanouit



Tu es l’eau détournée de ses abîmes

Tu es la terre qui prend racine

Et sur laquelle tout s’établit



Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits

Tu chantes des hymnes nocturnes sur les cordes de l’arc-en-ciel

Tu es partout tu abolis toutes les routes



Tu sacrifies le temps

A l’éternelle jeunesse de la flamme exacte

Qui voile la nature en la reproduisant



Femme tu mets au monde un corps toujours pareil

Le tien



Tu es la ressemblance



Ce seul poème suffit à montrer la magie de la poésie de Paul Eluard : que des mots, mais quels mots ! De leur association naissent les images, les sensations, les émotions. Pas la peine de chercher une signification : le poème s’impose à nous il nous suffit de nous en imprégner, Et nous sommes conquis. Par la beauté de la forme, par l’appel direct à notre sensibilité (en dehors de toute contingence purement littéraire, poétique ou autre), et par le sentiment que c’est un dialogue entre êtres humains, sensibles et pleinement conscients de deux réalités : la leur propre, et celle virtuelle que fait naître cette magie qu’on appelle la poésie.



Avec Apollinaire, Aragon et quelques autres, Eluard fait partie du peloton de tête des grands poètes du XXème siècle. S’il n’est pas le plus grand (ce qui pourrait bien être), il est en tous cas le plus pur, le plus proche de l’idée même de la poésie : créer chez le lecteur (ou la lectrice) une émotion, par le biais d’images « parlantes », simples mais limpides, et l’amener ainsi à intégrer un autre univers, qui est à la fois celui de l’auteur, celui du poème, et aussi celui de celui ou celle qui lit, parce chez Eluard, il y a toujours cette étincelle d’humanité qui s’adresse à chacun de nous.

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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

S'il est au monde un être pour qui le mot poésie semble avoir été inventé, ce ne peut être que Paul Eluard. Notre littérature ne manque pas de poètes, et des plus grands, et le XXème siècle en particulier qui dans le sillage d'Apollinaire a vu germer une génération dorée avec Aragon, Eluard, Breton, Char, Desnos, Soupault et les autres surréalistes, autour desquels gravitent d'autres astres qui s'appellent Prévert, Queneau, d'autres encore plus solitaires qui s'appellent Supervielle, Michaux ou Ponge, le délicieux René-Guy Cadou, les attachants Fombeure et Norge...

Dans cette constellation, l'Etoile Eluard brille d'une lumière particulière. La poésie d'Eluard ne se mesure pas, elle ne s'évalue pas, elle est toute entière du domaine de la perception, de la sensation. Le poète ne parle pas, il chante, le lecteur ne lit pas, il ressent, et les images viennent d'elles-mêmes danser devant ses yeux éblouis. Eluard rejoint la définition même de la poésie : il donne à voir. Témoin ce poème, l'un des plus beau de ce recueil :



LE JEU DE CONSTRUCTION



A Raymond Roussel



L’homme s’enfuit, le cheval tombe,

La porte ne peut pas s’ouvrir,

L’oiseau se tait, creusez sa tombe,

Le silence le fait mourir.



Un papillon sur une branche

Attend patiemment l’hiver,

Son cœur est lourd, la branche penche,

La branche se plie comme un ver.



Pourquoi pleurer la fleur séchée

Et pourquoi pleurer les lilas ?

Pourquoi pleurer la rose d’ambre ?



Pourquoi pleurer la pensée tendre ?

Pourquoi chercher la fleur cachée

Si l’on n’a pas de récompense ?



- Mais pour ça, ça et ça.



(Capitale de la douleur – 1926)



Capitale de la douleur paraît en 1926. La douleur qui étreint le poète, c'est l'amour de Gala sa femme qui semble lui échapper. Elle vit avec le peintre Max Ernst en attendant de refaire sa vie avec Salvador Dali dont elle deviendra la muse et le modèle - ce qu'elle a déjà été pour Eluard, et pour Ernst. La douleur traverse le recueil et se découvre en filigrane à chaque poème. Avec des mots d'une simplicité limpide mais riches en images, Eluard nous confie sa souffrance, qui n'est pas amertume, ni jalousie, ni ressentiment, mais seulement blessure : l'avant-dernier poème du recueil, peut-être le plus beau, montre à la fois une certaine résignation et la permanence de l'amour perdu.



LA COURBE DE TES YEUX

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur,

Un rond de danse et de douceur,

Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,

Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu

C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,

Roseaux du vent, sourires parfumés,

Ailes couvrant le monde de lumière,

Bateaux chargés du ciel et de la mer,

Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores

Qui gît toujours sur la paille des astres,

Comme le jour dépend de l’innocence

Le monde entier dépend de tes yeux purs

Et tout mon sang coule dans leurs regards.

Paul Eluard, Capitale de la douleur, 1926

La musique douce d'Eluard s'accompagne toujours d'images. On notera également que le recueil fait aussi une grande place aux peintres : Max Ernst, Giorgio de Chirico, Georges Braque, Joan Miro...

Correspondance secrète entre l'art et la poésie où l'amour, heureux ou malheureux, fait le pont...







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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

Dans ce recueil, la lectrice ou le lecteur fait l’expérience du rêve. D’ailleurs, ce sujet apparaissait très à la mode dans les années 20, entre autres, à cause des découvertes de Freud. L’être humain est donc tenté de découvrir son inconscient et ce qui le peuple. En ce sens, le pouvoir et la puissance des mots permettent à certains de pousser plus loin la recherche de l’identité et du moi profond. Ainsi, la présence du rêve dans des poèmes du recueil s’avère très pertinente. Par exemple, c’est dans la partie «Mourir de ne pas mourir», dédicacée à André Breton, que le rêve apparaît sous sa forme la plus magnifiée. Voici un extrait de «Silence de l’évangile» :



«Nous dormons avec des anges rouges qui nous montrent le désert sans minuscules et sans les doux réveils désolés. Nous dormons. Une aile nous brise, évasion, nous avons des roues plus vieilles que les plumes envolées, perdues, pour explorer les cimetières de la lenteur, la seule luxure.» (p. 68)



Ce recours à la thématique du rêve permet à l’homme de s’évader des horreurs du quotidien, de décrire les images de son moi, de redonner une saveur à la vie, de ramener un côté merveilleux à l’existence. L’homme n’est plus figé dans les contraintes du temps présent, mais il peut se permettre de voguer sur les eaux de la fantaisie et de renommer ce qu’il perçoit avec ses mots.



Si on aborde le rêve, il s’avère difficile de le dissocier du sommeil. À cet égard, les deux thématiques sont presque indissociables et la poésie des surréalistes n’y échappe pas. Les poètes tentent d’apprivoiser cet espace de repos, cette nuit qui leur révèle leur être. Dans «Ne plus partager», la lectrice ou le lecteur peut percevoir la crainte par rapport au sommeil.



«Je distingue le jour de cette clarté d’homme



Qui est la mienne,



Je distingue le vertige de la liberté,



La mort de l’ivresse,



Le sommeil du rêve,



O reflets sur moi-même! ô mes reflets sanglants!» (p. 90)



Le poète semble confronté à un voyage intérieur encore inexploré caractérisé par l’inconnu, devant une mort, l’espace de quelques heures.



À d’autres endroits, dormir peut devenir néfaste parce que cela implique une passivité de l’être. Le sommeil est à la fois un lieu exploratoire mais lorsqu’il se vit éveillé, il s’inscrit dans un état d’inertie, souvent bien dangereux pour ceux souffrant de l’indifférence humaine. Le sommeil peut être perçu comme négativement et le rêve positivement.



«[…], la cavalcade sanglante et plus douce au coeur de l’homme averti de la paix que la couronne des rêves insouciante des ruines du sommeil. » (p. 121)



On peut sentir cette dualité entre le sommeil et le rêve dans cette citation.



La guerre est abordée aussi dans le recueil d’Éluard. Les horreurs de la Première Guerre mondiale se retrouvent dans ce dernier. Dans «Paris pendant la guerre», on sent bien la monstruosité de la guerre.



«Les bêtes qui descendent des faubourgs en feu,



Les oiseaux qui secouent leurs plumes meurtrières



Les terribles ciels jaunes, les nuages tout nus



Ont, en toute saison, fêté cette statue». (p. 108)



Une des missions des surréalistes était de reconstruire l’homme nouveau après une période très sombre de l’humanité. Libérer par les mots le monde d’hier pour faire naître le monde de demain.



De plus, la poésie a tenté, comme en peinture, d’accéder à l’inconnu. Beaucoup de poèmes dans la partie «Mourir de ne pas aimer» sont associés à des peintres s’inscrivant dans la même démarche artistique qu’Éluard. Picasso, Braque, Chirico, Klee, Arp, Masson, Miro et Max Ernst figurent dans les poèmes d’Éluard. Par exemple, dans le poème «Pablo Picasso», les images proposées tentent d’insuffler au réel une nouvelle dimension :



«Le visage du coeur a perdu ses couleurs



Et le soleil nous cherche et la neige est aveugle.



Si nous l’abandonnons, l’horizon a des ailes



Et nos regards au loin dissipent les erreurs.» (p. 96)



Peintres et poètes ont tous comme but d’amener leur imaginaire à dépasser le réel. Démolir la réalité afin de faire de l’impossible un possible.

Mais encore, les surréalistes ont tenté de briser les cadres afin d’ouvrir l’esprit à une nouvelle réalité. Les images d’Éluard explosent afin de briser tout ordre linéaire. Le dernier poème du recueil ouvre les portes de l’amour, de l’amour pour l’humain, de l’amour pour l’amour, de l’espoir de l’Amour par le biais du recours au tu.



«[…]



À toi qui n’as pas de nom et que les autres ignorent,



La mer te dit : sur moi, le ciel te dit : sur moi,



Les astres te devinent, les nuages t’imaginent



Et le sang répandu aux meilleurs moments,



Le sang de la générosité



Te porte avec délices.



Je chante la grande joie de te chanter,



La grande joie de t’avoir ou de ne pas t’avoir,



La candeur de t’attendre, l’innocence de te connaître,



O toi qui supprimes l’oubli, l’espoir et l’ignorance,



Qui supprimes l’absence et qui me mets au monde,



Je chante pour chanter, je t’aime pour chanter



Le mystère où l’amour me crée et se délivre.



Tu es pur, tu es encore plus pur que moi-même. » (p. 141)



C’était ma présentation d’un recueil de poésie marquant, beau et qui ne cesse de me faire grandir en tant qu’être humain. Le mystère de la beauté de la poésie, c’est peut-être ça…



Qu’en pensez-vous?



https://madamelit.ca/2022/03/06/madame-lit-capitale-de-la-douleur-deluard/
Lien : https://madamelit.ca/2022/03..
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Poèmes choisis

Une sélection de nombreux poèmes classés par thèmes. Enormément de tendresse dans chacun d'eux, les amateurs de poésie doivent apprécier.



Pour ceux qui ne connaissent pas Eluard et qui apprécient moyennement la poésie, la lecture va sembler ardue.



Pour ma part, je me suis contentée de lire assidument la partie "le centre du monde est partout et chez nous". Ces poèmes décrivent tous la nature sous l'oeil de Paul Eluard. Il nous fait voir les arbres, les fleurs, la terre et les paysages d'une manière très sensible. Cependant, le côté très abstrait peut lasser le lecteur s'il n'arrive pas à s'imprégner des juxtapositions des mots.



Les autres poèmes sont plus abordables pour les novices en poésie car ils sont moins abstraits.
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Capitale de la douleur - L'amour la poésie

C'est sans doute l'oeuvre que je préfère de tout ce que j'ai pu lire jusqu'à présent. J'ai lu ce recueil tellement de fois que je peux citer sans peine une grande partie des vers d'Éluard. Cette oeuvre gagne à être lue à voix haute, car la sonorité est aussi importante que les thèmes, les mots, les émotions.
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