Citations de Pierre Corneille (1031)
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
N' ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ?
Et ne suis-je blanchi dans les travaux guerriers
Que pour voir en un jour flétrir tant de lauriers ?
Mon bras qu'avec respect tout l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire,
Tant de fois affermi le trône de son roi, Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ?
Ô cruel souvenir de ma gloire [... ]
L'INFANTE : Ah ! qu'avec peu d'effet on entend la raison,
Quand le cœur est atteint d'un si charmant poison !
Et lorsque le malade aime sa maladie,
Qu'il a peine à souffrir que l'on y remédie !
Acte II, Scène 5 : (v. 523-526).
L'absence ne fait mal que de ceux que l'on aime.
L'INFANTE : Ma plus douce espérance est de perdre l'espoir.
Acte I, Scène 3 : (v. 135).
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
NÉARQUE : Après certains moments que perdent nos longueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les cœurs ;
Le nôtre s’endurcit, la repousse, l’égare :
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n’opère plus rien.
Celle qui vous pressait de courir au baptême,
Languissante déjà, cesse d’être la même,
Et, pour quelques soupirs qu’on vous a fait ouïr,
Sa flamme se dissipe, et va s’évanouir.
POLYEUCTE : Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle,
Et le désir s’accroît quand l’effet se recule.
[…]
NÉARQUE : Jaloux des bons desseins qu’il tâche d’ébranler,
Quand il ne les peut rompre, il pousse à reculer.
Acte I, Scène 1.
PSYCHÉ : […] je sens couler dans mes veines glacées
Un je ne sais quel feu que je ne connais pas.
J'ai senti de l'estime et de la complaisance,
De l'amitié, de la reconnaissance ;
De la compassion les chagrins innocents
M'en ont fait sentir la puissance ;
Mais je n'ai point encor senti ce que je sens.
Je ne sais ce que c'est, mais je sais qu'il me charme,
Que je n'en conçois point d'alarme :
Plus j'ai les yeux sur vous, plus je m'en sens charmer :
Tout ce que j'ai senti n'agissait point de même,
Et je dirais que je vous aime,
Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.
Acte III, Scène 3.
ASPAR : Le besoin de l'État est souvent un mystère
Dont la moitié se dit, et l'autre est bonne à taire.
PULCHÉRIE : Il n'est souvent aussi qu'un pur fantôme en l'air
Que de secrets ressorts font agir et parler,
Et s'arrête où le fixe une âme prévenue,
Qui pour ses intérêts le forme et le remue.
Acte IV, Scène 3.
ALBIN : C'est un grand ressort qu'un peu d'amour jaloux.
Acte IV, Scène 4.
DON RODRIGUE : Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !
CHIMÈNE : Rodrigue, qui l'eût cru ?
DON RODRIGUE : Chimène, qui l'eût dit ?
CHIMÈNE : Que notre heur fut si proche et sitôt se perdît ?
Acte III, Scène 4 : (v. 986-988).
BÉRÉNICE : Un million de bras a beau garder un maître,
Un million de bras ne pare point d'un traitre.
TITE ET BÉRÉNICE : Acte V, Scène 5.
DOMITIAN : Qu’un salutaire avis fait une douce loi
À qui peut avoir l’âme aussi libre que toi !
Mais celle d’un amant n’est pas comme une autre âme :
Il ne voit, il n’entend, il ne croit que sa flamme ;
Du plus puissant remède il se fait un poison,
Et la raison pour lui n’est pas toujours raison.
Acte I, Scène 3.
Et quand on n'a pas ce qu'on aime, il faut bien aimer ce qu'on a.
BÉRÉNICE : Tout ce qu’en sa faveur je crois m’être permis,
Après qu’à votre cœur lui-même il s’est remis,
C’est de vous faire voir ce que hasarde une âme
Qui sacrifie au rang les douceurs de sa flamme,
Et quel long repentir suit ces nobles ardeurs
Qui soumettent l’amour à l’éclat des grandeurs.
Acte III, Scène 3.
LE COMTE : Te mesurer à moi ! qui t’a rendu si vain,
Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main ?
DON RODRIGUE : Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d’essai veulent des coups de maître.
LE COMTE : Sais-tu bien qui je suis ?
DON RODRIGUE : Oui ; tout autre que moi
Au seul bruit de ton nom pourrait trembler d’effroi.
Les palmes dont je vois ta tête si couverte
Semblent porter écrit le destin de ma perte.
J’attaque en téméraire un bras toujours vainqueur ;
Mais j’aurai trop de force, ayant assez de cœur.
À qui venge son père il n’est rien d’impossible.
Ton bras est invaincu, mais non pas invincible.
Acte II, Scène 2 : (v. 407-418).
LYSE
Que vous auriez d’esprit si vous saviez vous taire.
TITE : Je sais qu’un empereur doit parler ce langage ;
Et quand il l’a fallu, j’en ai dit davantage ;
Mais de ces duretés que j’étale à regret,
Chaque mot à mon cœur coûte un soupir secret ;
Et quand à la raison j’accorde un tel empire,
Je le dis seulement parce qu’il le faut dire,
Et qu’étant au-dessus de tous les potentats,
Il me serait honteux de ne le dire pas.
De quoi s’enorgueillit un souverain de Rome,
Si par respect pour elle il doit cesser d’être homme,
Éteindre un feu qui plaît, ou ne le ressentir
Que pour s’en faire honte et pour le démentir ?
Cette toute-puissance est bien imaginaire,
Qui s’asservit soi-même à la peur de déplaire,
Qui laisse au goût public régler tous ses projets,
Et prend le plus haut rang pour craindre ses sujets.
Acte V, Scène 1.
Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre ;
Qui l'ose réveiller peut s'en laisser surprendre.
TITE : L'amour peut-il se faire une si dure loi ?
BÉRÉNICE : La raison me la fait malgré vous, malgré moi.
Si je vous en croyais, si je voulais m'en croire,
Nous pourrions vivre heureux mais avec moins de gloire.
Acte V, Scène 5.
L'INFANTE : L'amour est un tyran qui n'épargne personne :
Ce jeune cavalier, cet amant que je donne,
Je l'aime.
LÉONOR : Vous l'aimez !
L'INFANTE : Mets ta main sur mon cœur,
Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur,
Comme il le reconnaît.
Acte I, Scène 2 : (v. 81-85).