Citations de Pierre Corneille (1034)
Sire, délivrez-moi par un heureux trépas
Des crimes de l'aimer et de ne l'aimer pas ;
[Sévère]
Qu'est ceci, Fabian ? quel nouveau coup de foudre
Tombe sur mon bonheur et le réduit en poudre ?
Plus je l'estime près, plus il est éloigné ;
Je trouve tout perdu quand je crois tout gagné ;
Et toujours la fortune, à me nuire obstinée,
Tranche mon espérance aussitôt qu'elle est née.
(Acte IV, scène 6)
Pauvre amant, je te plains qui ne sais pas encore que bien qu'une beauté mérite qu'on l'adore, pour en perdre le goût, on n'a qu'à l'épouser.
CHARMION:
Quoi! vous aimez César, et si vous étiez crue,
L’Égypte pour Pompée armerait à sa vue,
En prendrait la défense, et, par un prompt secours,
Du destin de Pharsale arrêterait le cours?
L'amour certes sur vous a bien peu de puissance.
CLEOPATRE:
Les princes ont cela de leur haute naissance;
Leur âme dans leur sang prend des impressions
Qui dessous leur vertu rangent leurs passions;
Leur générosité soumet tout à leur gloire;
Tout est illustre en eux quand ils daignent se croire;
(Acte II, scène 1)
Et l'on peut me réduire à vivre sans bonheur,
Mais non pas me résoudre à vivre sans honneur
DON DIEGUE
Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse :
Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse ;
Toujours quelques soucis en ces évènements
Troublent la pureté de nos contentements.
Au milieu du bonheur mon âme en sent l'atteinte :
Je nage dans la joie, et je tremble de crainte.
Sylla(*) m'a précédé dans ce pouvoir suprême ;
Le grand César, mon père, en a joui de même ;
D'un œil si différent tous deux l'ont regardé,
Que l'un s'en est démis et l'autre l'a gardé ;
Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille,
Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville ;
L'autre, tout débonnaire, au milieu du Sénat
A vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pour m'instruire,
Si par l'exemple seul on se devait conduire :
L'un m'invite à le suivre, et l'autre me fait peur ;
Mais l'exemple souvent n'est qu'un miroir trompeur,
Et l'ordre du destin qui gêne nos pensées
N'est pas toujours écrit dans les choses passées :
Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé,
Et pas où l'un périt un autre est conservé.
(Auguste, acte II)
(*) Sylla conquit le pouvoir par la force de ses légions, contre Marius, exerça un pouvoir tyrannique de 82 à 79 av. J.-C. puis abdiqua.
LE COMTE : Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes :
Ils peuvent se tromper comme les autres hommes.
Acte I, Scène 3 : (v. 157-158).
ATTALE : Ce qui touche mon cœur, ce qui charme mes sens,
C'est Laodice acquise à mes vœux innocents.
La qualité de roi qui me rend digne d'elle...
FLAMINIUS : Ne rendra pas son cœur à vos vœux moins rebelle.
Acte IV, Scène 5, (v. 1405-1408).
J'attire en me vengeant sa haine et sa colère ;
J'attire ses mépris en ne me vengeant pas.
Parlez plus sainement de vos maux et des miens :
Chacun voit ceux d’autrui d’un autre œil que les siens ;
Mais à bien regarder ceux où le ciel me plonge,
Les vôtres auprès d’eux vous sembleront un songe.
Acte III, Scène 4 (v. 877-880)
«Tu t'es, en m'offensant, montré digne de moi ; Je me dois, par ta mort, montrer digne de toi.»
Ôte-lui ton amour, mais laisse-nous sa vie.
VINIUS:
Si vous manquez le trône, il faut périr tous trois ;
Prévenez, attendez cet ordre, à votre choix,
Je me remets à vous de ce qui vous regarde :
Mais en ma fille et moi ma gloire se hasarde,
De ses jours et des miens je suis maître absolu,
Et j'en disposerai comme j'ai résolu.
Je ne crains point la mort, mais je hais l'infamie
D'en recevoir la loi d'une main ennemie,
Et je saurai verser tout mon sang en Romain,
Si le choix que j'attends ne me retiens la main.
(Acte I, scène 3)
Eh bien! faisons connaître
Que le sang des Césars ne souffre point de maître,
Et peut bien refuser de pleine autorité
Ce qu'une autre refuse avec témérité.
MATAMORE:
Je te donne le choix de trois ou quatre morts.
Je vais d'un coup de poing te briser comme verre,
ou t'enfoncer tout vif au centre de la terre,
ou te fendre en dix parts d'un seul coup de revers,
ou te jeter si haut au-dessus des éclairs
que tu sois dévoré des feux élémentaires.
Choisis donc promptement, et songe à tes affaires.
p.51
Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui;
C'est un feu qui s'éteint, faute de nourriture.
La haine que les cœurs conservent au dedans
Nourrit des feux cachés, mais d'autant plus ardents.
SERTORIUS : Si donc je vous offrais pour époux un Romain… ?
VIRIATE : Pourrais-je refuser un don de votre main ?
SERTORIUS : J’ose après cet aveu vous faire offre d’un homme
Digne d’être avoué de l’ancienne Rome.
Il en a la naissance, il en a le grand cœur,
Il est couvert de gloire, il est plein de valeur ;
De toute votre Espagne il a gagné l’estime,
Libéral, intrépide, affable, magnanime,
Enfin c’est Perpenna sur qui vous emportez…
VIRIATE : J’attendais votre nom après ces qualités :
Les éloges brillants que vous daigniez y joindre
Ne me permettaient pas d’espérer rien de moindre ;
Mais certes le détour est un peu surprenant.
Vous donnez une reine à vôtre lieutenant !
Si vos Romains ainsi choisissent des maîtresses,
À vos derniers tribuns il faudra des princesses.
Acte II, Scène 2.
UNULPHE : Madame, achevez promptement :
Le roi, de plus en plus se rendant intraitable,
Mande vers lui ce prince, ou faux, ou véritable.
PERTHARITE : Adieu, puisqu'il le faut ; et croyez qu'un époux
A tous les sentiments qu'il doit avoir de vous.
Il voit tout votre amour et tout votre mérite ;
Et mourant sans regret, à regret il vous quitte.
RODELINDE : Adieu, puisqu'on m'y force ; et recevez ma foi
Que l'on me verra digne et de vous et de moi.
PERTHARITE : Ne vous exposez point au même précipice.
RODELINDE : Le ciel hait les tyrans, et nous fera justice.
PERTHARITE : Hélas ! S'il était juste, il vous aurait donné
Un plus puissant monarque, ou moins infortuné.
Acte IV, Scène 6.