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Critiques de Pierre Jourde (255)
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Petits Chaperons dans le rouge

Idée de départ : proposer en atelier d’écriture à des étudiants en littérature de réécrire Le Petit Chaperon Rouge à la manière des Exercices de style de Raymond Queneau, rassembler les textes, en faire un recueil.

Cette idée est indiscutablement bonne pour les étudiants, mais ma première impression à la lecture était plus dubitative, lire ces textes à la suite est très vite lassant. En effet il y en a 46, et l’histoire de départ est bien plus longue que celle qui a servi de prétexte aux exercices de Queneau. J’aurais dû m’obliger à ne pas en lire plus de trois par jour !

Reste qu’il y a une quinzaine de petits bijoux très variés : paysan, lipogramme a et o (sans a ni o), lipogramme en e version 1 (sans e), homéothéleute en ette, gustatif, recette, sportif, fantastique, bureaucratique, franglais, point de vue du loup, point de vue de la mère, succinct, lapidaire, copie de CE2. C’est peu dans l’ensemble du livre, mais en discutant avec la personne qui me l’avait prêté, elle m’a fait réaliser que nombre des textes qui m’avait semblé de peu d’intérêt à la lecture se prêtaient fort bien à la lecture à haute voix voire à une théâtralisation. Pourquoi pas ?
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Winter is coming

Pour commencer, Pierre Jourde n'a pas écrit un roman, comme plusieurs chroniqueurs le prétendent ici. Pour qu'il y ait roman, il faut qu'il y ait fiction, et il me semble (jusqu'à preuve du contraire) que l'auteur n'a rien inventé. Il se présente comme témoin et narrateur de quelque chose qui lui est arrivé : voir les documents à la fin du volume.



Cependant, Pierre Jourde a coulé dans une forme narrative travaillée ce témoignage sur la lente mort de son fils. Cela peut expliquer l'erreur de certains lecteurs qui, trompés par la forme, y voient un roman. Ce qui les trompe aussi, c'est que l'auteur mobilise les ressources littéraires du roman pour construire la vérité, et pour décrire ses réactions et celles de son entourage. Ce travail d'écriture, qui consiste à traiter la vie comme de la fiction, est au coeur de l'entreprise autobiographique, par laquelle on place des douleurs trop réelles à distance, en faisant d'elles un récit. C'est ainsi, par exemple, que Hugo procède dans les poèmes sur la mort de sa fille Léopoldine : des années après le vrai et affreux chagrin, il en fait de la poésie et il l'antidate pour qu'elle "colle", fictivement, aux faits réels. Cela s'appelle "l'effet de réel", l'illusion littéraire.



Paradoxalement, ce travail qui appartient au processus de résignation du deuil, produit un livre puissant qui émeut le lecteur et lui transmet l'écho affaibli des douleurs du père. Heureusement, elles sont atténuées, car autrement, si nous étions aussi violemment émus qu'il l'a été, nous serions absolument incapables de lire.



Mais pourquoi lire ce livre ? C'est la question que le libraire m'a posée quand j'ai acheté "Winter is coming". le voyeurisme a sûrement sa place : la passion inavouable du voyeur, quand elle se traduit par la lecture, vient d'une curiosité insatiable (un peu prédatrice) pour l'humain. Lire, c'est ne pas se contenter des limites de sa propre vie et désirer d'en vivre d'autres, beaucoup d'autres. Parallèlement à cette quête d'émotions fortes, propre au lecteur voyeur-sentimental, une certaine dureté de coeur est aussi nécessaire : sans elle, on ne serait pas capable de porter un jugement esthétique sur le livre, d'apprécier le style et la vision du monde qu'il véhicule. "Winter is coming" m'a fortement ému, et agacé aussi, car l'émotion m'a empêché de regarder le style, la langue, et m'a obligé à les subir sans recul (un peu comme "Le dernier des Justes" de Schwarzbart, écrit détestablement mais fascinant de bout en bout à cause du sentiment). Ce livre est trop fort, trop juste et trop dur pour que je le relise avec détachement, dans une optique plus littéraire.
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Pays perdu

Il est inutile de refaire le dix huitième résumé de la trame narrative de ce roman, de revenir sur les polémiques, violences et excès qu'il a forcement suscités.

Tout d'abord, pour moi, une évidence : l'exercice de style. Pour qui a un peu fréquenté Joris-Karl Huysmans, la parenté est flagrante. Jourde en est l'admirateur, le descendant brillant. L'alcoolisme, la dureté, la violence de ces existences paysannes offraient autant de sujets à cette prose d'une rare force évocatrice. Mais qui paraît inadaptée ici. Puis, l'étude ethnographique dans laquelle Jourde semble aussi se plaire d'autant qu'il sait profondément, viscéralement de quoi il parle. Etude portée par l'amour, même si cela semble paradoxal, de son sujet et par la révolte que suscite sa condition misérable.

Maintenant, l'auteur s'est-il laissé stupidement dépasser par la jouissance créatrice que lui offraient ces deux champs ? Très certainement, au point d'être parfois absurdement maladroit, manquant de discernement comme lorsqu'il compare cette dent unique à un monocle porté par dandysme !

Avait-il besoin de s'empêtrer dans des histoires banales d'adultères, de s'approcher au plus près des vices ou excès des uns et des autres au point qu'ils se reconnaissent, sûrement pas.

Enfin, a-t-il fait preuve de réalisme orienté, de naturalisme obtus ? Je ne le pense pas. Pour qui, comme moi a fréquenté le monde paysan durant de longues années, tout ce qu'il décrit ici, était et est toujours la pure vérité. Beaucoup plus que chez le trop médiatisé Depardon, il faut aller chercher chez le plus discret Pierre Collombert ces photographies de ces pays et paysans perdus, oubliés de tous. Alcool, consanguinité, pauvreté, saleté règnent toujours au fin fond du Tarn, du Gers, de l'Aveyron et de bien d'autres départements français. Moins sûrement qu'autrefois mais il n'y a plus grand monde pour briser les langues de bois de nos politiques ou de nos travailleurs sociaux à ce sujet.

Le service d'Urgence où je travaille, reçoit encore aujourd'hui de ces vieux paysans empestant le purin, la sueur et le feu de bois, de ces vieilles lavées une fois la quinzaine, abandonnées de tous et dont les pieds tombent sous la gangrène et les vers, de ces jeunes agriculteurs en comas éthyliques, dès le vendredi soir. C'est la France invisible, celle des sans dents, bien loin des entrepreneurs agricoles rutilants que courtisent les semenciers et les médias.

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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Pour celles et ceux qui se plaignent de l'aridité de l'actuel paysage littéraire français, en tous cas tel que nous le révèlent les grandes maisons d'édition, ce "Précis de littérature du XXIème siècle", qui parodie avec verve le mythique "Lagarde & Michard" (en plusieurs volumes) de notre studieuse jeunesse, est incontournable.



Avec un sadisme et une allégresse que Voltaire ne renierait pas, Pierre Jourde et Eric Naulleau tirent à boulets rouges sur leurs têtes de turc favorites (essentiellement Christine Angot, BHL et Philippe Sollers) en leur adjoignant de nouvelles cibles, comme Philipe Labro, Patrick Besson, Anna Gavalda et Marc Lévy (entre autres).



"Répétitif", ont dit certains. "Réac'", en ont aboyé d'autres en montrant les dents (du moment qu'on s'attaque à la bien-pensance, en France et de nos jours, on est fatalement réactionnaire, c'est comme ça, tenez-vous-le pour dit. ) "Ah ! c'est facile, de se moquer !" a conclu le choeur des âmes généreuses (comme s'il y en avait au sein de ce qui s'autoproclame la "République" des Lettres.)



Mais dans ces conditions, pourquoi rit-on tellement en assistant à ces mises à mort où la gaieté le dispute à une cruauté bien réelle ?



Tout d'abord parce que Jourde et Naulleau ont du talent. De la première jusqu'à la dernière page, leur "Précis ..." en est bourré, serti dans une ironie dévastatrice de la plus belle eau et mis encore plus en valeur par une culture qui ne pourra que réveiller de doux souvenirs chez tout littéraire authentique.



Ensuite parce que l'écrasante majorité des auteurs cités arborent en public, et notamment sous la loupe grossissante des caméras de télévision, un "Moi" hypertrophié, la morgue insoutenable de la créature qui se croit d'élite sans l'être le moins du monde et l'incroyable condescendance du Monsieur ou de la Madame Je-Sais-Tout-J'Ai-Tout-Vu-Et-Vous-Etes-Des-Cloches. Ajoutez à cela que certains membres de ce noble aréopage se permettent d'enseigner ou d'avoir enseigné ... la littérature (consternant, n'est-ce pas ? ).



Enfin et surtout parce que, dans la culture de notre pays, la littérature, les livres et plus encore les romans relèvent du Sacré, de la Magie, de l'Intangible. Or, les auteurs (ou prétendus tels) abondamment cités par Jourde et Naulleau n'arrêtent pas de blasphémer. A la place de ce roman tant aimé, ils ont dressé cette idole infernale qu'ils nomment (pompeusement) "autofiction" et à laquelle ils ne sacrifient, sachez-le bien, que parce qu'il est beaucoup plus facile, quand on dispose d'un ego hyper-narcissique et de très peu d'imagination, d'écrire sur les frémissements de son nombril et les variations de son transit intestinal que d'imaginer une intrigue cohérente et passionnante, avec des personnages qui vous empoignent le coeur et ne le lâchent plus.



Alors, forcément, quand on voit tout ce beau monde, qui s'avance d'ordinaire sous la lumière des projecteurs à un train digne d'un chef d'Etat en visite protocolaire - quand on voit tout ce beau monde, disais-je, s'étaler dans la poussière du ridicule, quand on voit leurs énormes fautes de grammaire, leurs phrases "à la Duras", la tonne de clichés qu'ils offrent comme dialogue (ou monologue) à leurs personnages, l'allure de limande-sole des personnages en question (trois idées dans la tête mais pas plus : elle éclaterait), le tout saupoudré d'une auto-complaisance qui, en l'espèce, constitue le seul trait remarquable de leur oeuvre ...



... on rit. Parfois même aux éclats. Très souvent, l'envie irrésistible de faire partager sa joie est telle qu'on court chercher un ou plusieurs auditeurs et qu'on lui lit l'extrait du "Précis ..." qui a déclenché notre hilarité. On en arrive d'ailleurs à penser que Jourde et Naulleau devraient songer à une édition audio tout en regrettant que Pierre Desproges ou Claude Piéplu ne soient plus là pour nous la faire savourer dans sa plénitude.



Pour vous consoler, sachez que vous trouverez bientôt quelques extraits choisis de cet indispensable ouvrage dans notre rubrique adéquate. D'ici là, tâchez de vous le procurer : dans un siècle (et peut-être avant), "Le Précis de Littérature du XXIème Siècle", par Pierre Jourde & Eric Naulleau, vaudra beaucoup plus que l'édition la plus rare de Philippe Sollers, Madeleine Chapsal ou BHL. ;o)
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La Littérature sans estomac

Voilà un livre peut-être déjà un peu ancien, mais qui a toute sa place sur un forum de lecteurs, puisqu'il apprend au lecteur à écarter l'ivraie et à chercher le bon grain. Bien sûr, on peut feindre de croire que l'auteur s'attaque au milieu littéraire parisien, bref à des personnes. Mais son livre propose de vraies explications de textes, extraits des plus grands succès de la production littéraire française contemporaine : il étudie le fonctionnement industriel de production du dernier Goncourt, Renaudot ou Femina, et on comprend bien mieux, soudain, pourquoi il ne faut surtout pas se laisser guider par le Magazine Littéraire pour choisir ses livres. Il dégage les principales règles de rédaction d'un bon Minuit, d'un poème contemporain, d'un texte "exigeant" qui plaira à Libération et au Monde, donnant l'impression de penser et de penser droit. C'est donc un livre important, qui apprend à lire, et personne ne peut se vanter de n'avoir pas besoin de ses conseils.
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Le Tibet sans peine

Mi descente aux enfers façon Nicolas Bouvier relatée dans Oeuvres, mi folle équipée de Tintin au Tibet avec capitaine Haddock, épuisement et tempête aux basques, Le Tibet sans peine de Pierre Jourde s'avère plus que sans.

C'est avec un humour mordant, que cette "tête folle" relate son périple vers le Zaskar (qui, on s'en doute "a peu de points communs avec l'île de Ré") au côté de son copain Thierry Tullipe, une "tête brûlée".

Après être revenu dans la première partie de ce récit autobiographique sur les deux voyages précédents qui ont mené de "jeunes banlieusards occidentaux" vers l'Inde du nord et le Népal en 1980, puis le Tibet, Pierre Jourde évoque en se moquant leur "impréparation" et leurs motivations de touristes voulant récupérer sur place leurs précieuses diapos volées à Paris.

Point de guide du parfait voyageur ici, mais un parcours du combattant entrecoupé d'épreuves: escarbille de bois dans l'oeil,crevaison de bus,orage de grêle,beuveries,crasse,manque de vivres,chaussures gelées réchauffes au camping gaz,gastroentérite....bref les voilà entre "l'homme et la merguez"!!!

Outre l'autodérision constante qui rend le style de ce récit alerte et agréable à lire, Pierre Jourdre parle aussi d'amitié car des liens se tissent entre baroudeurs embarqués sur une même galère enneigée, abrupte et un brin délirante car les dégaines changent: lui même devient un "monstre" couvert de croutes, alors que Thierry "s'apprête à passer la porte d'un rade de Cavaillon pour commander une mauresque",Christian qui se joint au groupe a l'air "de chercher un camping quatre étoiles de Saint Jean de Luz, Moe qui suit leurs pas est un "Juif woodyallenien" et l'Anglaise Pamela, ramassée en route "s'en va faire la manche à Picadilly Circus".

De blanc "sans issue et sans repères" en "enfants moines" souriants en lamaseries accueillantes, ce sont des paysages absolus qui se révèlent à eux et des habitants à l'hospitalité incroyable qui leur ouvrent leur porte.

Le Tibet sans peine est un chemin de croix mais une victoire sur les peurs d'enfants, une rencontre sur leur propre chemin intérieur qui sans nul doute en valait la peine.

Auteur de plusieurs romans, Pierre Jourde qui confie dans Le Tibet sans peine qu'il venait d'obtenir son agrégation après un an d'école normale, a écrit Pays perdu, Festins secrets et La littérature sans estomac...
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Le voyage du canapé-lit

Impression d'une lecture en cours.

Pierre Jourde semblait ne pas être dupe des vaches sacrées du temps, faux écrivains, "écritures" frelatées, terrorisme esthétique libéral et politiquement correct. Dans cet ouvrage, cependant, on le voit prosterné devant une de ces vaches de notre temps, qui n'en manque pas : l'Humour. Mais comment critiquer l'Humour sans avoir l'air d'un pète-sec, d'un père la vertu, d'un inquisiteur ? On ne le peut pas, puisque l'Humour est conçu pour être soustrait à toute critique et discussion. On ne peut discuter avec un Humoriste, pas même dialoguer, puisqu'il fait croire qu'il ne pense pas ce qu'il dit (mais il le dit et ça fait son effet). L'Humoriste, en régime idéologique, dira tout ce qu'il faut penser, mais sur le mode rebelle de la dérision. Il se moquera de Donald Trump, et son insolence va lui coûter cher...



Mais passons de France-Inter à France-Culture, de la rebellitude des petits bourgeois à celle des bobos qui lisent. L'écrivain humoriste se regarde écrire, se cite et cite les autres, "dévoile" les ressorts de "l'écriture" au lecteur à qui il ne s'adresse jamais que rituellement. Il se regarde écrire, le dit, s'en moque, fait mine de se moquer de lui-même, sans voir que l'image qu'il donne de lui est celle d'un artiste en position de défense inattaquable, puisqu'il n'est pas dans ce qu'il fait, ne s'engage pas dans ce qu'il écrit. Toute critique ou objection que vous pourriez formuler, il fait mine de l'avoir conçue avant vous. D'ailleurs, comme dirait Blanchot, il n'est même pas là. Il n'a rien à vous dire puisqu'il ne s'adresse même pas à vous. Le lecteur, devant ce numéro, se trouve exactement dans la même position que le spectateur voyant des Humoristes morts de rire à cause d'une blague qu'il n'a pas entendue, sur un plateau de télévision.



Un grand modèle est cité dans l'ouvrage, celui de Jacques le Fataliste. C'est une méditation de Diderot sur le roman à l'intérieur du roman, aux origines de la modernité. Mais au XVIII°s, l'entreprise apparaissait comme un incompréhensible météore dans une tradition littéraire indiscutée. Aujourd'hui, en plein chantier perpétuel de "déconstruction" libérale de tout (pour ne pas dire de destruction, mot brutal qui dit trop la vérité de ce qui a lieu), "déconstruction" sur ordre des élites de gauche, venue d'en haut, que peut donc signifier cet ouvrage de Pierre Jourde, sinon le conformisme le plus "insoumis" ?



Je vais continuer cette lecture.



Page 90 : j'arrête. Tant pis. On trouve ceci dans Le Gai Savoir : "J'habite ma propre maison, et je me ris de tout maître qui ne sait rire de lui-même." Notre temps à ressentiment n'a retenu que ce faux rire de soi, et oublié la première partie de la phrase. Pierre Jourde n'a pas de maison à lui.
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Carnets d'un voyageur zoulou dans les banli..

« Carnets d’un voyageur zoulou dans les banlieues en feu » est un petit régal d’humour satyrique, un pamphlet sociologique sans prétention et politiquement incorrect qui encourage à la clairvoyance. Vous ne trouverez sans doute pas ce livre en tête de gondole des rayons des Fnac. Vous n’en verrez sans doute aucune critique favorable dans Le Monde ou dans Libération. Il est possible même que son auteur soit vilipendé et traité de raciste. Car comme l’explique Pierre Jourde : « il existe en Nubie des mots rituels qui servent à jeter l’anathème sur toute personne qui ne suit pas la droite ligne »…le mot « raciste » en est un. Il est bon parfois de prendre la tangente. Alors mettez vous dans la peau d’un zoulou le temps d’un voyage, une visite éclair dans les banlieues nubiennes de cent six pages exactement.

Brigitte Bré Bayle



http://ripostelaique.com
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Le voyage du canapé-lit

Un livre ovni pour moi, que je n’aurais certainement jamais ni acheté, ni emprunté – il m’a été donné par une collègue.

L’auteur traverse une partie de la France en camionnette, avec son frère Bernard et sa belle-sœur Martine. Leur grand-mère vient de décéder et leur mère souhaite récupérer le canapé-lit de la défunte pour aménager le grenier de la maison familiale…

Le voyage est long et prétexte à la remémoration. Pierre et Bernard partagent avec Martine des souvenirs d’enfance, d’adolescence et les villes et villages traversés sont autant d’occasion de narrer des épisodes plus ou moins désopilants. Le huis-clos de la cabine de la camionnette est propice aux blagues parfois potaches mais aussi de réflexions profondes - le tout dans un style extrêmement soigné.

L’auteur prend à témoin son lecteur, l’interpelle, le bouscule et fait appel à sa patience : le récit est décousu, certains passages sont aussi longs que le voyage en utilitaire sur les petites départementales… J’avoue avoir parcouru rapidement certains chapitres, un peu lassée par les effets de style et la profusion de détails ou de références historiques qui n’apportent pas grand-chose au récit.

Je ne connaissais pas l’auteur, j’ai découvert un écrivain talentueux, un peu sulfureux, plein d’humour. De ce roman, qui emprunte beaucoup à l’autobiographie, je retiendrai surtout le personnage de la mère : lumineux, bienveillant, à l’amour maternel sans faille - alors qu’elle-même a souffert de l’indifférence, voire du désamour total de sa propre mère - pour deux fils pas faciles à élever… Les dernières pages sont particulièrement touchantes, dépouillées comme si l’on touchait enfin à l’essentiel de ce que voulait raconter l’auteur, qui ne se planque plus derrière l’ironie et le cynisme et exprime une profonde émotion.



Chalenge MULTI-DEFIS 2021

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Le voyage du canapé-lit

Première tentative avec l'univers de Pierre Jourde et malheureusement ca sera sans nous.... Passé les 20 premières pages plutot amusantes cette histoire de road trip à base de canapé lit qu'on amene en ballade a semblé aussi lourde que le canapé lit du meme nom et assez plombante d'ennui.... Beaucoup trop décousu et débridé pour tenir la longueur d'un roman
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Pays perdu

A l'occasion d'un retour dans son Cantal d'origine l'auteur nous dévoile un pays, une civilisation en train de disparaître. Ne restent dans son village que quelques habitants, tels des buttes témoins d'un passé révolu, dont il dresse une superbe et saisissante galerie de portraits. Cela fait parfois penser à Pierre Michon ou à Pierre Bergougnioux, mais en plus âpre, et plus désespéré.

Il pousse parfois le bouchon un peu loin, comme l'histoire de cette vieille dame qui dort avec les cadavres de ses chiens dans son lit, ou ce cadavre récent enfoui dans un tas de chiffons. Là on a du mal à le croire. Encore que...

C'est écrit dans une langue superbe, chaque mot faisant mouche. A lire, absolument !

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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Approximation, décontextualisation, moquerie, démontage, insinuation, contournement, détournement, lourdeur, légèreté, dédain, férocité, subtilité, farce, tous les moyens sont bons pour Pierre Jourde et Eric Naulleau « dans leur entreprise de nuisance littéraire ».



Il s'agit d'un pastiche « du » Lagarde et Michard, d'où le titre un peu prétentieux « Le » Jourde et Naulleau. Les autoproclamés « tontons flingueurs de la littérature » reprennent la forme du manuel classique : introduction historique et biographique, extraits de textes avec notes, puis questions et parfois corrigé de l'exercice. Mais avec nul sérieux : il s'agit de nous faire rire d'auteurs contemporains jugés légers, prétentieux, maniaques, complaisants ou nombrilistes.



La méthode est faite de second degré et d'ironie constante, ils semblent avoir repris la devise du petit journal : « sans la liberté de flatter il n'est point d'éloge blâmeur ». L'usage des notes de bas de page est particulièrement redoutable : ils font admirer toutes les faiblesses, questionnent les choix douteux, inventent des articles critiques aux titres invraisemblables.



Je ne sais pas si la méthode s'appliquerait partout, mais la façon dont ils questionnent toute rhétorique (définie comme discours volontairement différent de la manière attendue de s'exprimer) a produit sur moi beaucoup d'effet : à leur suite je m'interroge sur toute expression inhabituelle lue ou venue sur mon clavier. Exemple volontaire : l'expression normale est « écrite », le cliché habituel est « sous ma plume » ; « sur mon clavier » a donc une valeur rhétorique consciente ou non, dont il est sain de critiquer l'utilité, après avoir souri des excès de style des auteurs brocardés.



Quand la pâte littéraire leur semble molle, ils l’amincissent au rouleau à pâtisserie, la roulent et la replient, la découpent à l'emporte pièce.

Quand la matière est dure, le grattoir, la roulette et la fraise insistent sur les caries.

Et de la matière il y en a : du simple manque d'idée jusqu'à la faute de syntaxe évidente en passant par le tirage à la ligne, les exemples qu'ils prétendre encenser sont hallucinants, ils ont pourtant été écrits, édités, lus.



J'attendais qu'ils s'en prennent à Houellebecq, qui me semblait une cible désignée, et je me suis demandé si la peur d'un procès les avait arrêtés. Mais non : Naulleau lui a déjà consacré une ouvrage entier.

Au contraire, je craignais qu'ils ne s'en prennent à des auteurs que j'admire, j'aurais probablement moins ri, mais j'ai la chance d'avoir de grosses réticences envers leurs victimes, du moins pour celles que j'ai lues.



On trouve dans les premières pages des critiques faites sérieusement sur une précédente édition de ce livre, elles sont hilarantes : « absence totale de drôlerie », « la confusion constante entre citation et parodie est insupportable d'étourderie » (celui-là n'a pas du lire le même ouvrage que moi). Elles soulignent quand même un aspect polémique : Jourde et Naulleau ne s'en prennent pas qu'aux auteurs qu'ils pensent valoir plus par le marketing que par le style. Ils dénoncent aussi des coteries, des renvois d'ascenseur dans des groupes d'auteurs, de critiques et d'intellectuels. Et ces pages sont pour moi moins drôles, d'autant que, loin de ce milieu et un peu ignare, je ne sais pas si elles sont justifiées.
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La Littérature sans estomac

Pour qui a décidé depuis longtemps de ne plus acheter les Goncourts, pour qui se désole de la sottise de livres qu'on achète, non pas pour les lire, mais parce qu'il faut les avoir achetés, pour qui est consterné par la béatification d'une certaine intelligentia parisienne, ce pamphlet est un contrepoison bien plaisant. On peut cependant regretter que les auteurs estimés par Jourde soient eux ausssi assez abscons.

Les citations qui illustrent les critiques sont hilarantes.
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Winter is coming

Que dire après une telle lecture, après ce témoignage terrible d’un père qui a dû faire face à l’épreuve effroyable de la maladie et du décès de son fils de 19 ans… Que dire après cette claque… J’admire ce courage qu’il a eu, après avoir dû affronter tout cela, de poser ce vécu par écrit. Pierre Jourde est écrivain, il a déjà écrit plusieurs romans quand cette épreuve arrive dans sa vie. C’est sans doute naturel et salvateur pour lui de tout mettre en mots, en phrases. J’ai été touchée par son courage, parce que ce récit montre bien tout ce que ce père, et toute la famille, a traversé, du diagnostic à l’abandon de la lutte, en passant par les traitements, les examens, les attentes interminables, le manque d’humanité parfois dans le monde médical, l’envie de rester dans le déni, de ne pas vouloir affronter l’inéluctable, et tellement d’autres choses encore… Poignant, sincère, humain, tellement réel.
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C'est la culture qu'on assassine

Dans ce recueil d'articles et de billets de blog publiés entre 2008 et 2010, Pierre Jourde part en guerre contre les responsables de la mort annoncée de notre culture.

Et d'une plume alerte il s'attaque à la médiocrité des médias, à la consternante nullité de la majorité des programmes télévisuels, à la démission de l'éducation nationale de sa véritable mission - transmettre le savoir -, aux réformes absurdes imposées à l'enseignement supérieur, au clientélisme qui sévit dans le monde de l'édition, et de manière générale à une sous-culture de supermarché qui s'impose au détriment de la véritable culture qui seule peut permettre à l'individu de se former, de s'ouvrir au monde et d'évoluer.

Le constat est amer, l'humour de Pierre Jourde parfois féroce, mais c'est aux usurpateurs qu'il s'en prend, à ceux qui de font les agents - par ambition et pour le profit - de l'abêtissement universel. C'est sans appel : partout prime la quantité sur la qualité, le chiffre d'affaire est roi, la langue française est massacrée à l'école comme à la télé, les enfants des classes défavorisées n'ont aucune chance de s'en sortir, la téléréalité est d'une vulgarité et d'un bêtise consternante, les professeurs et les écrivains ne sont plus jugés que par la masse de ce qu'ils publient - qu'importe l'intérêt des articles, qu'importe si les trois-quarts des livres terminent au pilon -, il faut être visible à tout prix. Et tant pis pour ceux qui ont réellement du talent ou le désir de changer les choses. Tant pis pour les recherches qui demandent du temps, pour les ouvrages qui demandent de la réflexion, pour les émissions qui apportent un réel savoir.

On peut être plus ou moins d'accord mais on ne peut pas rester indifférent. Car globalement l'analyse de Pierre Jourde est lucide. Et si nous ne réagissons pas, il risque d'être trop tard. Donc c'est notre rôle à chacun d'empêcher la bêtise et l'inculture de nous submerger définitivement. Et de continuer le combat !
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Pays perdu

Peut-être ai-je mal compris l'intention mais il me reste de cette lecture un ressentiment tel que la qualité de l'écriture s'efface devant le dégoût suscité par la manière dont est traité le sujet. Oublions l'histoire, il n'y en a pas ou si peu. Parce que le propos de l'auteur n'est pas de nous en raconter une mais plutôt de nous décrire de manière féroce et sans humanité les habitants de quelques villages dépeuplés survivants au fin fond d'une région montagneuse difficile d'accès. L'auteur nous les dépeint taiseux, alcooliques, consanguins, déformés, crasseux, vivants dans la merde, le purin et les loques entassées, plus proche de l'animal que de l'humain. Je ne sais pas quels comptes Pierre Jourde a voulu régler avec ce texte, mais je comprends (mais n'approuve pas) la réaction de certains habitants de son village qui l'ont accueilli à jets de pierre quand il a voulu y retourner. Car force est de constater que si la réaction a été aussi violente à son égard c'est que, pour tout illettrés qu'il a bien voulu nous les décrire, ils ont quand même lu le livre sinon compris son propos. L'auto fiction comporte certains risques faut croire
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Le Jourde et Naulleau : Précis de littérature d..

Un ouvrage d'une exceptionnelle lucidité sur la littérature contemporaine. Les meilleurs auteurs y figurent, des extraits choisis permettent d'apprécier la fluidité du style et la profondeur psychologique des personnages qui défilent devant nous.

Un véritable enchantement comme cet extrait peut en témoigner:

" Le maçon est en train de carreler le sol des WC. Pendant tout l'après-midi, pas de pipi. J'irai en bas, dans la cour il y a des WC un peu sales. J'abime mes chaussures. Le maçon s'appelle M. Ahmed. Il est en plein ramadan. Lui, toujours très discret, ce matin m'a regardée. Peut-être à cause des WC, il sait que c'est là que je vais. A nouveau je suis seule dans l'appartement, sauf lui et elle. Je ne sors pas, s'il bande et la viole.....Il la fore jusqu'au fond, accroché aux petits muscles, il entre et se retire. Impulsivement elle se dégage...j'arrête avec les trucs sexuels".

La poésie brutale de ce passage éclate et révèle le génie de son auteur, son sens du détail, son lyrisme ahurissant, son riche vocabulaire qui nous transporte dans l'Orient mystérieux. Flaubert et Hugo sont relégués aux oubliettes devant un tel flot d'images fabuleuses.

Ce manuel s'adresse à tous ces lecteurs un peu incultes qui ont du mal à apprécier la prose moderne et persistent à préférer les auteurs poussiéreux des siècles passés, les écrivains prise de tête qui refusent de passer à la télé.

Pour ne pas passer à côté de ces chefs d'oeuvre, gardez le Jourde et Naulleau dans votre poche, et vivez des coups de coeur à chaque chapitre.

Une lecture dont on ne sort pas indemne!

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Le Tibet sans peine

J'ai beaucoup souri et même parfois ri à haute voix en lisant ces récits. Quelques remarques sur les motivations et la condition du voyageur sont même des sujets de réflexion intéressants.

Avec la distance donnée par l'humour, j'ai aimé ces descriptions des tribulations de routards à la fois bien documentés et totalement imprévoyants sur certains points, bravant le froid et les périls de la route.

Je suis pourtant resté un peu frustré : n'est-ce pas un apéritif plutôt que le festin annoncé? J'avais lu la promesse de cataclysmes et je n'ai trouvé que péripéties, on me disait l'émerveillement des couleurs du pays, elles sont restées dans la tête de l'auteur.
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Pays perdu

Il m'a fallu quatre dizaines de pages pour entrer dans le livre. Il faut se laisser bercer par les évocations de paysages, de personnes faites par l'auteur.

Ensuite, j'aurais voulu tout lire d'un coup, pour "rester dedans".



Pierre Jourde décrit un monde à mille lieues du nôtre, il est vrai. Pourtant, on pense à quelques personnages déjà rencontrés, ou déjà racontés dans des conversations.

Les paysans de ce livre sont rustres ; Pierre Jourde parle de la violence qu'ils vivent : la violence qu'ils subissent (les coups reçus par les enfants, par les "valets de ferme", les nuits à dormir dans la paille de la grange, les coups reçus par les femmes, les accidents terribles avec les machines agricoles... ) et la violence dont ils font preuve (là où des gens reçoivent des coups, certains les donnent...)



A part quelques chansons écoutées, à aucun moment il n'est fait allusion à la culture, est-elle vraiment absente de ces hameaux ? Peut-être après tout.

Est-ce que Pierre Jourde donne une vision trop noire de ces gens ? C'est une vision forcément partielle.



Mais ce que j'ai trouvé marquant dans ce livre, c'est l'absence de jugement. Il me semble que l'auteur ne condamne pas, même la déchéance qu'il observe, il la constate.

En particulier en ce qui concerne l'alcool, son aspect positif aussi bien que son aspect négatif sont mis en avant.



Ce livre m'incite à faire preuve d'empathie.
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La première pierre

Suite à la parution de "Pays perdu", où il se livre à un portrait du très reculé village auvergnat de son enfance, l'auteur s'est vu lynché par les familles du village, qui ont très mal reçu ce témoignage, qui se voulait pourtant lyrique et laudatif. La mise au jour de certains secrets de famille autant que la description de leur misère ont été très mal vécues par les habitants qui ont jeté l'opprobre sur Jourde et les siens. "La Première Pierre" raconte les suites de cette affaire, le procès, les conséquences plusieurs années après....L'auteur se livre à une poignante explication de texte, en mettant l'accent une nouvelle fois sur ce "pays perdu" qui malgré sa boue, son absence de modernité, ses vices et ses travers, demeure pour lui un éden pur et simple auquel il revient toujours et qu'il a voulu louer et sublimer par une oeuvre littéraire. Un très beau récit, porté par une plume somptueuse.
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