Dans son autobiographie illustrée, on approche Saviano de près, ce qui est devenu désormais quasiment impossible. Depuis la parution de son livre Gomorra sur la Camorra, sa vie est menacée par la mafia italienne. Depuis qu'il a 26 ans, il « survit » en protection rapprochée.
Cette BD est introspective, intime et mélancolique. L’action n’a pas sa place ici. Saviano évoque sa solitude, son impossibilité d’avoir une vie normale, amoureuse, amicale. Il passe d’un appartement à l’autre, s’enfermant dans des bunkers intérieur et émotionnel autant que physique. Il craint en permanence pour sa vie, la question de sa mort est son quotidien. Si sa vie sociale est limitée, cela ne l’empêche pas de continuer d’écrire, de s’exprimer, de dénoncer.
Le dessin sobre et pure avec une mise en couleur blanc, gris, noir, associée à une couleur unique et principale selon les lieux ou les moments renforce le message d’isolement et de solitude. J’ai par ailleurs découvert avec un plaisir immense les dessins d’Asaf Hanuka. Outre que son trait pur et net correspond à mes goûts, il renforce le caractère déterminé, clair et sans concession de Saviano.
La beauté et le côté artistique des illustrations équilibre à la perfection l’amertume et l’inquiétude permanente que semble être aujourd’hui le quotidien de Saviano.
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Deux nouvelles qui racontent deux réalités napolitaines violentes et contemporaines: la participation de mercenaires italiens aux missions humanitaires en Afghanistan, Irak ou Bosnie, et la tristement célèbre Camorra. Deux textes plus documentaires que littéraires qui dénoncent plus qu’ils l’émeuvent, la faute sans doute à leur brièveté.
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Voici un livre à la fois dur, instructif, profond et riche. Roberto Saviano peint le portrait de trente figures à travers les les âges et les continents, tout en s'adressant au jeune homme qu'il était. Ces figures sont souvent des résistant.e.s, des engagé.e.s, parfois malgré eux, malgré elles, qui ont conservé en eux une inextinguible révolte et les forcent à se dresser contre un fait délictueux, un évènement d'une profonde injustice, le dévoiement d'un système, la corruption, un crime, le détournement de la démocratie. Pour autant, rien de surplombant chez Saviano, l'homme dont la maffia veut la peau et qui vit sous protection policière 24 h sur 24 depuis bientôt vingt ans. Un écrivain qui n'assène pas et écrit de la vraie littérature: en grande proximité avec son lecteur. Sans ton professoral, il revisite les portraits de Zola ou de Giordano Bruno avec feu et pénétration donnant matière à les re-penser mais on découvre aussi par exemple l' histoire récente et incontournable de Daphne Carruana Galizia, l'archéologue d'une île où la liberté d'expression se paye au prix de la vie : Malte.
On sort d'un tel ouvrage secoué, pris en étau entre nos renoncements ordinaires et la compréhension de ce que sont les véritables héros et héroïnes, les seuls peut-être qui méritent le nom d'humanistes.
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Gomorra est un livre qui fait peur, qui fait mal.
Saviano est allé très loin dans ses investigations et nous livre ici un constat effarant sur les pratiques mafieuses en Campanie.
Certes il nous rappelle que les règlements de comptes font partie de la routine et que les armes crachent la mort a tout va. 3600 morts en dix ans..
Et pas toujours vite fait bien fait avec une balle dans la nuque.
on décapite,on étouffe avec du sable et on brûle vif aussi.
Mais ce n'est pas ce qui m' a le plus choqué dans ce livre.
Je sais que dans ce milieu les gens se trahissent et se tuent et qu'ils ont accepté la règle des quatre : Entre quatre murs ou entre quatre planches.
Ce qui est terrible c' est que cette camorra met la main sur des jeunes des l' age de douze ans avec une grande facilité.
Tellement tentant pour cette jeunesse de gagner de l'argent tres vite et de devenir " quelqu'un" dans le quartier.
Surtout quand tu vis à Secondigliano où a Scampia et qu'a part le chômage ou etre exploité dans des usines de textiles ou enterrer des ordures fortement nocives il ne te reste pas grand chose.
Saviano nous explique également comment les mafieux s' inspirent des films de Scorcese ou de Coppola , dans leurs tenues ou leur language.
Mais dans la vraie vie, celle de la Campanie décrite par Saviano,pas de beaux mafieux avec un code d' honneur. A Naples la mort arrive vite et n'epargne pas plus les femmes que les enfants.
Gomorra est un livre coup de poing et il est hallucinant d'apprendre a quel point la mafia a infiltré le monde. Oui j' ai bien dit le monde et pas que l' Italie, sachez vous qui me lisez que vous avez chez vous des vêtements qui sont passés dans les mains de la Camorra.
C' est tellement bien documenté et précis que Roberto Saviano est contraint de vivre caché et protégé car la mafia a juré de lui faire payer les révélations de ce livre.
Un livre noir, triste et violent sur la réalité des pratiques de la Camorrra.
A lire absolument si vous vous intéressez à la mafia napolitaine.
Il vous faudra avoir le cœur bien accroché n' y cherchez pas une lueur d'espoir,il n' y en a pas...
C' est pas du cinéma cette fois.
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Une merveille de verve et de résistance, c'est comme une discussion avec Roberto Saviano, journaliste et auteur sous protection judiciaire depuis des années suite à ses enquêtes et témoignages sur la Camorra.
Le dessin d'Asaf Hanuka porte haut et dignement le propos.
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On ne présente plus Roberto Saviano, devenu célèbre depuis la parution de son « Gomorra » et de ses adaptations télévisées et cinématographiques. Cette fois, c’est par le prisme de la bande dessinée que l’on retrouve l’auteur italien. Dans celle-ci, l’auteur italien nous raconte non pas une énième histoire de mafieux mais son propre quotidien ; celle d’un homme menacé, sous surveillance policière.
Dans « Je suis toujours vivant », Saviano nous fait part de ses peurs, ses doutes, ses envies, nous livre de nombreuses anecdotes,… Une sorte de fourre-tout qui peut s’assimiler à un cri de désespoir, à un raz-le-bol.
Au fond s’ajoute la forme parfaite d’Asaf Hanuka. Ses dessins sont sublimes et inspirés et mettent parfaitement en valeur la vie de l’auteur en y ajoutant régulièrement une pointe de fantasmagorie.
Roberto Saviano n’a visiblement pas envie de se taire. Tant pis pour la mafia et le gouvernement italien, tant mieux pour ses lecteurs.
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Vous avez aimé L’amie prodigieuse de E. Ferrante, avec Roberto Saviano, préparez-vous à voyager dans le monde obscur napolitain, à explorer la face cachée de Naples, à découvrir les rouages mafieux de la capitale du Sud italien! Cette oeuvre de fiction est est intelligemment construite de façon à en permettre une lecture aisée, les chapitres sont enlacés dans une succession de feuillets titrés. Des phrases courtes, des descriptions explicites, des enchaînements soignés, un vocabulaire accessible, des dialogues bien campés, au service du récit.
L’histoire débute brutalement pour l’assassinat planifié d’un nourrisson, un acte de vendetta. Dès cette incursion dans le monde sombre de la mafia, l’entrée en scène de l’acteur principal, Nicolas alias Maharaja, est plantée dans l’imaginaire du lecteur; il est plongé dans l’enfer d’une bande mafieuse, la paranza des gamins; c’est la relève jeunesse de la mafia napolitaine; ces jeunes, des gamins, sont envahis par des drames humains et habités par des morsures psychosociales. La rue est leur territoire; les stupéfiants leur commerce; l’argent leur référent culturel.
Pour prendre sa place, la paranza de Maharaja devra procéder à des actes de purification du territoire que les « gamins » veulent occuper, s’approprier. Pour ce faire, ils devront s’imposer stratégiquement par la force : meurtre, tuerie, trahison, complot, vol, rapt, association, etc. Voilà autant d’actes qui conduisent le Maharaja à devenir le « roi de Naples ». Il est le protégé de l’Archange, un des parrains de la « vraie » mafia.
Sous le déroulement soutenu des intrigues, se joue le drame humain d’une société parallèle bâtie sur une réussite sociale qui se calcule, non pas au mérite, mais à la somme de l’argent dû; une société éprouvée par le pouvoir discrétionnaire. L’envie engendre la méfiance; le doute conduit à des règlements de compte sans aucune pitié. Tout converge vers la réussite sociale au sens le plus vil qu’il soit. L’œuvre est une fiction, une allégorie sur le monde obscure de la vie napolitaine.
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J'ai apprécié cette lecture et cette course à toute vitesse pour le pouvoir de ces jeunes que l'on peut appeler des enfants.
Des enfants qui veulent grandir trop vite, qui veulent tout : tout de suite et maintenant et qui se perdent dans la drogue et la violence.
Nicolas chef de paranza est ambitieux et n'hésitera devant rien pour devenir quelqu'un dans la mafia italienne. Ils entrainent avec lui ses amis et ils feront tout pour se faire un nom et une réputation dans ce milieu.
Lecture agréable et rapide, je me suis néanmoins perdue un peu dans tous ces noms qui sont cités tout au long du livre.
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Un mot sur le titre, qui commercialement se justifie peut-être, mais dont le sens est par trop évident et sans lien avec la réalité d'où le roman est tiré. La première partie s'intitule "La Paranza vient de la mer" et l'on y explique longuement l'image de cette paranza intimement liée à la ville de Naples et donc il aurait été logique d'intituler le livre "Paranza", quitte à en donner une brève explication en 4e de couverture par un un extrait du texte.
Ceci dit, ce qu'ont bien ressenti les autres lecteurs qui ont donné leur critique ici, c'est la gêne que l'on ressent et qui chez moi provient de ce télescopage entre l'extrême jeunesse des protagonistes et leurs actes effrayants. On ressent ainsi tour à tour une tendresse pour ces garçons, comme s'il s'agissait de la patrouille des Castors ou du Club des Cinq de ma jeunesse, puis une horreur totale, sur fond moderne de Youtube et des réseaux sociaux qui fusionne sans problème avec la Camorra et les us et coutumes napolitains. J'ai sans problème fait le lien avec les descriptions napolitaines de "La Peau" de Malaparte et même avec le contexte de la trilogie de Helena Ferrante. Différentes époques, mais continuité.
Mais ces "baby-gangs" sont loin d'être une spécialité napolitaine et ce monde n'est pas sans rappeler celui de la série "Wired", tournée en partie avec des acteurs locaux, et après enquête à Baltimore, ou encore celui des favellas de Rio, où le nouveau président brésilien prévoit de poster des snipers, ou de Manille, où le président a déjà mis en œuvre des projets similaires.
Cette fiction a de quoi vous glacer le sang tant la réalité du monde actuel lui ressemble, pour peu qu'on la regarde en face, ne fût-ce que le bref moment d'une lecture.
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« Gomorra » est un ouvrage saisissant sur la Camorra qui a valu à son auteur, Roberto Saviano, d'être placé sous protection policière. Contrairement à ce que j'ai pu lire à droite à gauche, « Gomorra » n'est pas un roman. C'est plutôt un documentaire dans lequel l'écrivain, natif de Naples, mêle ses souvenirs personnels.
Sans dresser une histoire de la Camorra de ses origines à aujourd'hui, Roberto Saviano dresse un large portrait de cette société criminelle : ses méthodes, son organisation, ses crimes et son influence. Autant dire qu'il y a de quoi nous faire dresser les cheveux sur la tête. Sil ne cite malheureusement pas toujours ses sources, son témoignage dégage un parfum de réalité ; d'une terrible réalité.
Ce récit documentaire nous fait l'effet d'une claque, n'épargne rien au lecteur tout en étant instructif. Je le conseille. Il vaut vraiment le coup.
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Saviano a mis ses idées au bout d'un canon et son livre Gomorra est pointé sur les faussaires, les dealers, les petites frappes, les trafiquants d'arme, les maquereaux. Sous le soleil de Naples, le vent a des relents toxiques et de sang ; ce soleil de Saviano est un soleil noir. Sa tête est mise à prix. Du coup, son livre a le prix du sang.
A prendre avec soi sans hésitation à la première librairie venue.
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Saviano est un hèros. Avant de parler de ce trés beau livre il convient de saluer son courage qui l'a conduit à se mettre en péril . Ce livre est grand , pourquoi ? Parceque Saviano ne fait pas dans le sentimentalime pour décrire une situation dramatique . Chez lui c'est le réalisme de la vie de ceux que l'on croise dans ces pages qui importe. Ce souci d'un naturalisme clairement affiché comme une valeur fondamentale de son oeuvre est à noter . Saviano respecte ces personnages et son livre est ainsi un bouleversant tableau d'une humanité qui se déchire . C'est beau , c'est fort , ça remue , c'est un trés grand livre .
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Faire une simple critique littéraire de Gomorra ne suffirait pas à rendre hommage aux immenses qualités de ce livre : il s’agit non seulement d’un grand livre pour sa manière de penser l’humanité face à la barbarie et la folie, mais aussi de l’œuvre de toute une vie, puisque Saviano savait pertinemment qu’en engageant le combat contre la camorra, la mafia napolitaine, il signait son propre arrêt de mort. Suspendu, puisque depuis 2006, date de parution de ce livre, il vit sous protection policière.
Tout au long de ma lecture, j’ai eu l’occasion de parler avec des amis de celui-ci, tant j’étais impressionné par tout ce que j’y lisais : la violence extrême par laquelle la camorra met en coupe réglée tout le sud de l’Italie, l’absence d’avenir pour les gens qui vivent à Naples et sa région, dans toute la Campanie, les ravages de la drogue, la pollution de la nature par une absence de traitement des déchets (la dernière partie du livre, effarante par ses révélations), et souvent, on me demandait : mais pourquoi l’auteur s’est-il ainsi condamné ; pourquoi a-t-il décidé d’entreprendre la lutte par la plume contre ce fléau du crime organisé ? C’est sans doute la question centrale du livre : et Saviano y répond au cours de celui-ci. Il s’agit d’affirmer son humanité, plus encore la possibilité de choisir d’être humain, face à l’horreur de la camorra pour qui l’humain n’est qu’un pion balayable en quelques instants. Il s’agit aussi de dire : je suis vivant, et je refuse le régime d’horreur et de terreur que la camorra impose à tous. Rester vivant et refuser de baisser la tête face à l’inacceptable. Lutter contre la camorra, c’est entrer dans une forme de résistance. Roberto Saviano rend hommage à ceux qui décident de résister face à cette hydre qui frappe précisément, mais aussi, très souvent aveuglément : il parle de don Diana, un prêtre qui a tenu tête aux clans par la parole, à travers la religion, en refusant que les camorristes se l’approprient ; il évoque aussi le professeur qui dans un restaurant, refuse de saluer le chef d’un clan ; la femme qui va témoigner dans un procès contre ceux qui ont exécuté un homme sous ses yeux, refusant de laisser leur acte impuni, au risque de tout perdre.
Je ne veux pas faire une critique trop longue, car ce livre, on pourrait en parler des heures, car il est passionnant, terrifiant, mais passionnant. Souvent, les listes de morts et de vengeances s’alignent. On est un peu noyé dessous. Le livre a les défauts de ses qualités : il est à la fois extrêmement scrupuleux, mais très honnête aussi : toutes les preuves des exactions de la camorra ne sont pas toujours disponibles, il s’agit parfois de se fier à son intime conviction, et le combat n’en est que plus difficile.
J’ai été souvent horrifié par les descriptions que je lisais : exécutions barbares, pollution des sols aux déchets toxiques, avidité et cupidité aberrantes des mafieux. Si vous décidez de lire ce livre, sa lecture sera harassante : pas parce qu’elle sera laborieuse, mais parce qu’elle soumet le lecteur même à une révision de sa perception de l’humanité. Beaucoup de folie, beaucoup de soumission et l’immense courage d’une poignée de gens : voilà le livre gigantesque de Roberto Saviano.
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