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Citations de Roger-Pol Droit (353)


L’ami Schopenhauer : Cet homme a tout pour déplaire. Misanthrope, acariâtre, pessimiste, misogyne, réactionnaire, avare, méprisant, atrabilaire, imbu de lui-même, égoïste, mégalomane, paranoïaque… Ce célibataire endurci, sarcastique et colérique, est aussi fortement antisémite et farouchement nihiliste. Bref, on a toutes les raisons de le haïr. Ce n’est pas le cas. Au contraire. L’affreux bonhomme suscite, en fait, une « furieuse tendresse » comme on dit chez Molière. On voudrait le détester. Dans le fond, il le mérite. Mais en vain : ce grincheux suscite la sympathie, voire l’admiration et presque, en un sens, l’amitié. Pourquoi donc ?
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On ne dit pas des Allemands, dans leur ensemble, qu’ils sont kantiens ou hégéliens. Nul n’affirme non plus que les Anglais sont shakespeariens, ou les Italiens dantesques. En revanche, on ne cesse de répéter, de génération en génération, que les Français sont cartésiens. Avec fierté ou désolation, pour l’éloge ou le blâme, mais toujours comme une évidence. C’est un fait acquis, un lieu commun : entre Descartes et la France existerait un effet de miroir, une parenté essentielle. Voilà bien un phénomène unique : tout un peuple reconnaîtrait continûment chez un philosophe, et non un dramaturge ou un poète, son caractère national, son génie propre, ce qui spécifie son esprit collectif.
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Les textes dont nous avons besoin, les voilà sur la table, sur l’écran ou sur l’imprimante, en trois fois rien de temps. Situation sans commune mesure avec le dénuement du prisonnier, pour qui tout est compliqué, entravé, morcelé par l’éloignement et l’administration. Quelque chose, pourtant, est semblable : nous rêvons tous les textes autant que nous les lisons. Nous en avons une mémoire aléatoire, déformante, légendaire. Nous faisons confiance à une multitude de signes et de relais avec tant de candeur que nous ne les apercevons même plus.
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Méfiez-vous des philosophes faciles à lire. Au premier regard, limpides, agréables à suivre, dépourvus d’aspérités. En fait, ils masquent leur travail sur les concepts sous une prose tantôt chantante, tantôt veloutée. Rousseau ou Bergson, par exemple, si différents qu’ils soient, partagent cet abord trompeur. On croit saisir d’emblée leurs propos, on les voit fuir comme sable aux doigts dès qu’on tente de les agripper. Il faudrait en dire autant, pour d’autres raisons, de Montaigne, de Pascal ou de Nietzsche : leurs fulgurances de style ne rendent pas perceptibles d’emblée la précision philosophique de leur démarche et la complexité de leurs analyses.
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Règle ancienne : « Si quelqu’un a refusé le couvert ou le foyer à un voyageur, qu’il soit frappé d’une amende. » C’était la loi des Burgondes. Elle est citée par Michelet, en 1863. On ne se méfie pas assez du passé. Ni des Barbares. Ni des lois…
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Le plus probable, c’est que vous n’avez pas mangé votre voisin. Ni aucun autre être humain. Chez nous, depuis longtemps, ça ne se fait pas. La chair humaine est interdite à la consommation, pour des raisons fondatrices. Les bêtes sauvages dévorent leurs semblables ; les humains, eux, ne se mangent pas les uns les autres. Sur cet interdit se construit la culture − c’est en tout cas ce que nous disons. Pourtant, ce n’est pas certain. Reste l’énigme des peuples cannibales, chez qui l’on mange de la chair humaine apparemment sans répugnance, et sans doute pas sans gourmandise. Les gens de ces cultures ne sont, dans leurs comportements quotidiens, ni moins humains ni moins honnêtes que d’autres.
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Il neige sur Mars. Mais, sur Terre, à peu près tout le monde s’en fout. Submergés par la crise, atterrés par ce qui nous est annoncé, nous n’avons pas accordé grande attention aux nouvelles de la planète rouge. Pourtant, il y a de quoi s’émouvoir. Car, cette fois, c’est sûr : il y a de l’eau, de la glace, et même des chutes de neige, en flocons serrés, photographiés. En d’autres temps, on se serait rué sur un tel cliché. On l’aurait jugé bouleversant, prophétique ou inquiétant.
Cette fois, calme plat. Les flocons de neige de la planète Mars ont été à peu près autant remarqués que s’ils étaient tombés sur le Cantal ou le Klondike. Uniquement en raison des soubresauts des marchés ? Évidemment non. En fait, si Mars passionne peu, c’est que les Martiens ont disparu.
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KETCHUP et vertu : Quel point commun entre la Déclaration des droits de l’homme, une pince métallique multi-usage, la prédication de saint Paul, la consommation actuelle de tomato-ketchup et la morale de Kant ? Ces éléments divers ont en commun d’être ou d’avoir été dits universels. Le caractère hétéroclite de la liste n’a, en lui-même, rien d’intéressant. Ce qui fait problème, en l’occurrence, c’est plutôt le terme « universel ». Ses sens ne sont pas uniformes. Sous l’apparente clarté, le mot recouvre des usages disparates, voire confus.
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Pirate : Notre époque met le pirate à toutes les sauces. Il navigue des Caraïbes jusqu’aux réseaux informatiques. Le même terme (« piratage ») englobe indistinctement le petit téléchargeur du dimanche et les bandes organisées rançonnant les armateurs. Quoi de commun entre des pirates de l’air, qui déroutent un avion au nom d’une lutte politique, et des radio-pirates, qui émettent sans autorisation ?
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TYRANNISTAN : Les siècles passent, ce pays demeure. Il s’étend en archipel, d’un continent à l’autre, toujours renouvelé, dans le fond immuable. Des électrodes remplacent le fer rouge ; la torture, elle, ne change pas. Les mouchards ne sont plus des mercenaires, mais des caméras ou des puces, le Web se charge de la propagande, mais le contrôle et la manipulation, globalement, restent les mêmes.
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On croit souvent que [la philosophie] consiste, avant tout, en affirmations générales. [Elle] parlerait de l’« homme », et pas d’Arnold Schwarzenegger ou de Marilyn Monroe. Elle ne serait à l’aise, vraiment elle-même, que dans les énoncés universels et les notions globales. Erreur ! Je suis convaincu que la philosophie n’existe au contraire que dans le détail, les singularités infimes, les tout petits faits. La place du chocolat dans un opéra de Mozart, les prières pour guérir les otites, la taille comparée des icebergs et de la Belgique, voilà qui donne à penser.
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Levez le nez, rien qu'un instant. Vagabondez à quelques milliards d'années-lumière d'ici, même cinq minutes. Vous ne verrez plus du même œil vos appréhensions du matin et vos fatigues du soir.
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Or ce n'est rien d'autre que cela, l'éternité. Un instant sans fin, jamais, nulle part. un hors-temps intégral. Ce n'est pas ce qui dure pour toujours, mais bien plutôt ce qui demeure hors de la durée.
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L'unité des religions, et leur diversité... Il est indispensable d'avoir, sur toutes ces questions, des points de repère. Pour la "culture générale" et la compréhension des œuvres d'art. Pour la vie quotidienne dans le monde actuel. Dans tous les pays, à présent, voisinent des gens de croyances différentes, qui doivent apprendre à se connaître. Ce n'est pas tout. Les religions sont un élément essentiel de l'expérience humaine. Si nous n'en parlons pas à nos enfants, des trésors d'humanité risquent de leur échapper totalement.
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Mais la concurrence [entre les livres] est rude. Parmi ces milliers de volumes, lesquels allez-vous suivre ? Vous percevez, de proche en proche, les murmures de tous ces titres en train de racoler. «Tu me lis, mon chou ?», «Emmènes-moi, tu ne le regretteras pas...», «Si tu m'entrouvres, c'est sûr que tu ne le regretteras plus !», «Je n'attends que toi ! Prends-moi ! Prends-moi !» Vous passez vite et de loin d'un chuchotement à l'autre. Vous entendez les voix basses, vous respirez les haleines tièdes des textes qui s'offrent.

Alors vous percevez directement cette vérité : la littérature est prostitution. Au moins en un sens. Chaque histoire imprimée est une pute qui tente de se faire remarquer, de capter un moment l'esprit qui passe, de se prolonger dans une attention prêtée. L'ensemble des arts est d'ailleurs ainsi : les œuvres chuchotent toutes des obscénités à voix basse, et le regard passe en glissant de l'une à l'autre.
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L'Amitié se noue ailleurs, en dehors, dans un espace qui ne se soucie ni des années, ni des mois, ni des jours.
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l'Amitié se noue ailleurs, en dehors,
dans un espace qui ne se soucie
ni des années, ni des mois, ni des jours.
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Dans la continuité de nos rapports aux Anciens, quelque chose s'est rompu. Depuis deux ou trois générations, tout ce qui avait été transmis, vaille que vaille, pendant deux mille cinq cents ans se trouve laissé en friche, déserté par l'école. Dans les années 60, on enseignait encore ce qui l'avait été - sous des formes différentes, certes, mais avec un résultat à peu près semblable - aux jeunes Grecs de l'Antiquité, aux jeunes Romains de l'Empire, aux étudiants du Moyen Age comme à ceux des Lumières.
Car, comme chacun sait, Grecs et Romains ont constamment nourri l'imaginaire de la culture européenne. Tournez-vous vers l'Histoire, regardez où vous voulez... ils sont partout ! De la peinture jusqu'au cinéma, de Shakespeare jusqu'à Cocteau ou Giraudoux, en passant par Racine, Hugo et cent autres, vous les retrouverez constamment. Que ce soit chez Montesquieu ou Robespierre, chez Marx ou même chez Hitler, Grecs et Romains sont éternellement recomposés, tirés en des sens contraires, mais toujours reconnaissables.
Qu'on n'aille pas s'imaginer qu'ils survivent uniquement dans la peinture, le théâtre ou la philosophie. La présence des Anciens imprègne les mots de la langue, les plans des rues, les coutumes nationales, les systèmes juridiques, les noms de lieux, les toits des maisons, l'agencement des chemins et des cultures, les institutions, les fêtes et les contes populaires. Entre autres..
Mais cela se sait de moins en moins. La fréquentation permanente des œuvres antiques n'est plus l'affaire que de spécialistes en voie de disparition. Ces experts sont compétents, ils sont novateurs - la question est entendue. Aujourd'hui, les voilà même capables de découvertes que les siècles passés ne pouvaient pas envisager. Dans ce domaine aussi, la recherche progresse. La question est ailleurs : dans l'écart vertigineux désormais creusé entre les trésors des Anciens et le commun des mortels.
(...) Or il n'est pas du tout vrai que seules mathématiques et formations scientifiques soient utiles dans le monde d'aujourd'hui et de demain. (...) Ma conviction : les Anciens peuvent nous être, à chaque instant, du plus grand secours, dans des circonstances très diverses et très concrètes du quotidien. On en trouvera, dans ce livre, une foule d'exemples. Chaque lecteur qui s'y appliquera en trouvera, de lui-même, cent autres ou plus. La seule chose qui compte : changer de regard, ne plus voir l'Antiquité comme une chose morte, respectable et ennuyeuse, vaguement décorative mais inutile pour vivre dans le monde réel. C'est l'inverse. Je crois, pour ma part, à une Antiquité colorée."
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Tirée des quelques pages consacrées à Socrate (page 159)

Car la philosophie ne consiste pas à avoir des idées (tout le monde en a), ni à savoir les défendre (tout le monde est capable de dire pour quelles raisons il possède tel ou tel avis). La philosophie commence quand on examine les idées qu'on prétend avoir, quand on les teste pour voir si elles sont solides. Le travail de Socrate est toujours de voir si les idées tiennent le coup ou non
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Ce qu'on ne sait pas, il n'y a pas à se le demander. les silence est bien, ici, un jeûne thérapeuthique. En se taisant (...), le médecin-Bouddha prescrit, par son mutisme, l'abstinence du tourment métaphysique...
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