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Critiques de Scholastique Mukasonga (323)
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Cœur tambour

Ca débute par ce drame : la sulfureuse et magnétique Kitami, chanteuse au succès planétaire a été retrouvée morte sans qu'on sache s'il s'agit d'un accident, d'un suicide ou d'un meurtre. Originaire d'Afrique, la jeune diva avait pour habitude de se produire entourée de choristes, d'une contrebasse et, surtout, de trois tambourinaires jouant d'instruments d'origines variées. Emportée par un chant qui la mettait en transe, Kitami envoutait le public, diffusait des paroles à la portée incantatoires. Un véritable phénomène de scène. Une reine. Mais voilà, dans des conditions obscures, Kitami n'est plus. Ce point de départ est l'occasion de présenter (longuement) les autres membres de son groupe, ses suivantes et certains des mystères qui entouraient son chant.



Une deuxième partie vient donner la parole à Prisca, jeune fille tutsi d'un petit village du Rwanda dont on suit l'éducation entre les bons Pères blancs et une initiation par une mystérieuse sorcière. Assez vite, on comprend que Prisca deviendra Kitami et que c'est à sa genèse, qui contient peut-être les raisons de sa mort brutale, que l'on assiste.



La troisième et très courte dernière partie recense, dans style journalistique, les rumeurs et hypothèses qui entourent le mystère de cette mort.



L'univers des boîtes de jazz dans les années 60, le syncrétisme des rastas, l'Ethiopie, coeur de l'Afrique, la légende de Nyabingi, quel beau programme c'était ! Tout aurait dû me plaire dans ce roman. Un style délié et élégant, l'histoire du Rwanda au moment de la colonisation, le rôle de la seconde guerre mondiale dans les déchirements qui le traverseront, la grandeur des mystères animistes, l'influence de l'Eglise sur l'éducation occidentale des populations africaines, la fonction sacrée de la musique, de la transe, la place d'une femme dans cette configuration, oui vraiment il y avait tout pour me plaire.



Et ça n'a pas pris. Je crois que cela tient à la composition. C'est la première fois que j'ai eu envie de découper un livre en petits morceaux et de proposer un autre agencement. Adopter un autre point de vue, une autre chronologie ? Orienter autrement le propos ? Reprendre tout ! J'ai eu l'impression d'avoir sous les yeux une somme d'excellentes idées, très bien écrites mais dont le rythme, à mes oreilles tout du moins, ne sonnait pas, dont le souffle n'enflait pas, ne me transportait pas. Ce qui, pour un roman sur un tambour, est tout de même fort dommage.





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Julienne

Julienne est un personnage très attachant au destin hors du commun. Julienne est une jeune tutsi qui ne peut poursuivre ses études dans son pays natal Rwanda à cause des lois anti-tutsis. Elle décide donc de rejoindre sa soeur qui travaille pour l'OMS à Bujumbura au Burundi et qui l'a quasiment élevée dans une famille de sept enfants. Pour obtenir un laisser-passer, elle doit passer "entre les mains" du bourgmestre. Arrivée à Bujumbura, elle se rend compte qu'elle est enceinte et cela l'empêche de poursuivre ses études. Elle rencontre Bob un expatrié belge qui va bouleverser sa vie à jamais. Elle doit quitter sa chère sœur mais malgré la distance elles ne se quitteront jamais vraiment.

Un beau roman à la fin bouleversante.
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Julienne

Le hasard voulut que la parution imminente du roman Julienne s'annonçât par une petite sonnette de mon téléphone au moment même où je classais une photo de Julienne, une grand-tante que je n'ai pas connue, une fille de l'exil (des mineurs polonais), une femme décédée prématurément sans enfant, dont le beau-frère s'appelait Joseph et dont la coquetterie moderne détonnait dans la communauté.

La coïncidence s'arrête là mais existe-t-il une coïncidence qui ne soit pas un signe ? le signe de l'urgence de cette lecture.

C'est une bien triste histoire que nous relate aujourd'hui madame Mukasonga. On comprend qu'il existe des éléments de distanciation fictionnelle dans ce récit dont une ébauche sous forme de courte nouvelle avait paru dès 2015 avec d'autres prénoms, mais on sent qu'il touche très fortement à l'expérience intime et réelle de l'écrivaine. Cette fois, pas de développements fantasques comme dans Kibogo ou Sister Deborah, juste un destin tragique et singulier qui se déroule linéairement. Fidèle à son habitude, Scholastique Mukasonga nous épargne tout pathos pesant et nous emmène dans les pas de Julienne avec une infinie délicatesse. Un roman d'amour sororal qui se lit comme une exigence.
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L'Iguifou : Nouvelles rwandaises

La dédicace / citation de Michel Leiris, à la première page de l’Iguifou de Scolastique Mukasonga, peut nous donner une piste :

L’Afrique - qui fit – refit - et qui fera.



Avec lyrisme, et en plusieurs nouvelles du même sujet, l’auteure parle de ce cruel magicien dont les Tutsis ont été frappés au cours du génocide. Ce qui fit l’Afrique, malgré ses magnificences, et en particulier Nyamata, ou l’Iguifou ricane au fond des ventres. Avec sa famille, ce sont des déplacés à Nyamata, où rien ne pousse, dans de misérables cases.

“Mon père espérait obtenir un peu de riz à la mission, ce

qui n’arrivait pas souvent, ou gagner quelques pièces pour

acheter du sel en rédigeant la lettre ou le formulaire administratif d’un gendarme ou d’un notable illettré”

Le faim, c’est toujours plus que la faim, et pour Scolastique et sa petite sœur, cherchant dans le fonds d’une casserole en terre des débris de nourriture, eh bien, mieux vaut dormir si on peut, car l’iguifou déchire leurs ventres de toutes ses griffes.

L’iguifou, c’est la faim.

Ce que l’Afrique fit, et refit, ce sont les rêves, comme ceux qui assaillent la petite Colomba.

Un monde si beau !

Entre rêves d’un monde qui n’existe plus, puisque l’héroïne meurt de faim, les croyances et les interdits de manger tel ou tel mets, même si cela conduit à la mort, par exemple (honteux)boire du lait de chèvre au lieu du lait de vache.

Il n’y a plus de vaches, tuées par les militaires, plus de lait, plus de vie.

La peur s’installe, qui poursuit l’auteure jusque dans des boulevards européens. Va-t-il me tuer ? se demande-t-elle, comme elle devait se le demander devant un militaire, un milicien, un inconnu.

Car la mort est partout, en embuscade. En contraste, la « belle Hélène » dont la beauté a fait le malheur, deuxième bureau d’un homme pas clair, et je ne parle pas de la couleur de peau, puis d’autres, dont Mobutu Sese Seko, aux assauts duquel elle doit être livrée puisqu’aucune Zaïroise, aucune Burundaise, n’accepterait.

La mort des Tutsis, précédée par la mort des vaches, leur principale fortune, la faim la peur le génocide, et la visite à tous ces morts, leurs morts.

Dire tout de même que le régime rwandais est Tutsi depuis 1994.

L’Afrique, qui fera.

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Notre-Dame du Nil

"Le Rwanda est un pays de mort"

Au lycée Notre dame du Nil viennent s'extérioriser tous les conflits concentrés dans ce petit pays. Religions, croyances traditionnelles, Hutu, Tutsi, Français, Belges, confiances, trahisons, mensonges et vérités. Ici se résument les aspects les plus sombres de la société rwandaise.

Ce livre m'avait été recommandé par une lectrice Babelio, alors que nous discutions de "Petit Pays" de Gaël Faye, livre qui m'avait coupé le souffle.

Notre dame du Nil nous plonge dans un bain anthropologique, sociétal, politique et culturel.
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Notre-Dame du Nil

C'est assez émouvant ce qui se joue dans cet internat/ école de jeunes filles. Toutes les corruptions du corps et de l'esprit sont legions pour ces âmes qu'on aurait dû préserver avant tout... 😓



D'ailleurs il parait que l'adaptation au grand écran est à regarder!
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Inyenzi ou les Cafards

Et je lis le premier roman de Scholastique Mukasonga et j'en suis tellement émue. C'est horrible ces personnes qui ont vécu autant de temps avec cette certitude qu'ils allaient mal finir😭😭😭.



Possible TW, certaines descriptions des massacres peuvent être graphiques.
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La femme aux pieds nus

J'ai l'impression qu'il me manque un bout de cette histoire... J'aurais dû commencer la bibliographie de cette auteure en commençant par son premier roman...



La femme aux pieds nus est son deuxième roman et on sent que beaucoup de choses graves vont arriver aux personnages super attachants de son histoire 😫😫



On est au Rwanda, à la veille du génocide et finalement la femme aux pieds nus est un hommage à toutes les femmes fortes qui ont élevées les enfants du village (dont l'auteure) en pleine période tendue.
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Julienne

Scholastique Mukasonga raconte une destinée d'exil vers la solitude glacée d'une grande ville.
Lien : https://www.lalibre.be/cultu..
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Notre-Dame du Nil

Année 1970, Rwanda, dans des collines reculées se trouve un lycée pour jeunes filles de la haute société, principalement Tutsis, ethnie dominante à ce moment, mais avec quelques jeunes filles hutus accueillies et tolérées.

Les tensions entre elles sont palpables.

Je me suis malheureusement ennuyée pendant toute la lecture, car j'ai trouvé la narration peu accrocheuse, manquant de liens et sans véritable intrigue. L'écriture ne m'a pas plu davantage. J'ai régulièrement envie d'abandonner, mais étonnamment les pages s'enchaînaient assez facilement J'ai donc poursuivi, mais sans enthousiasme et sans véritable intérêt malheureusement. Je ne comprends pas l'enthousiasme pour ce roman.
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Sister Deborah

Un livre qui parle de l'Afrique et plus particulièrement du Rwanda le pays des mille collines, de rites, de sorcellerie... je prends.



La première partie se passe sur une de ces collines bien avant le génocide de 1994 et déroule les faits ; la deuxième nous explique la progression de celle qui deviendra Sister Deborah et, plus tard, Mama Nganga.



Un roman où il question d'évangélisation, de rites et de croyances, mais aussi de crédulité, de charlatanisme et de cupidité.



Avis mitigé après la lecture de ce court roman dont l'écriture m'a semblée très décousue, et dont la 4ème de couverture résume la totalité du récit.

Ou alors je suis complètement passée à côté ?
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La vache du roi Musinga et autres nouvelles..

Ce court livre contient trois nouvelles Rwandaises, se lit très facilement et nous projette dans un monde onirique, entre les souvenirs de l'autrice et contes traditionnels, dans des aventures où les légendes côtoient la modernité, où la transmission de la culture reste un impératif, récit d'un pays en pleine mutation précédant le début de la guerre.

Lecture enrichissante et dépaysante.

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Notre-Dame du Nil

Difficile de passer à côté de ce livre quand on se pique, comme moi, de s’intéresser aux littératures étrangères. Et pourtant il m’a fallu le défi de littérature africaine de cette année pour enfin me décider à l’ouvrir.

Scholastique Mukasonga, rescapée du génocide de 1994, a choisi pour évoquer son pays et ses difficultés (un bel euphémisme de ma part) à faire nation de placer son texte dans un lieu et un temps qui semble de prime abord éloigné de ses préoccupations.

Le lieu, c’est le pensionnat pour jeunes filles fortunées de Notre-Dame du Nil, dans les collines verdoyantes du Rwanda, pas loin de l’une des sources du grand fleuve ; le temps, c’est une année scolaire un peu particulière, une dizaine d’années après l’indépendance et alors que la politique pro-Hutu se durcit et donne lieu notamment à une dé-Tutsisation des établissements scolaires. Les personnages, ce sont bien sûr les jeunes filles scolarisées dans cet établissement, principalement des Hutus socialement connectées aux hautes sphères du pouvoir et de l’argent qui se préparent à faire un beau mariage, et quelques Tutsis pour respecter le quota, sélectionnées elles par concours. Il y a aussi le personnel de l’école : des religieuses, un prêtre pas très net, des professeurs belges, des objecteurs de conscience français, et puis il ne faut pas oublier de mentionner le voisin, un vieux colon belge propriétaire d’une plantation de café.

Avec cette panoplie de personnages, ce n’est pas vraiment un roman que Scholastique Mukasonga écrit, mais plutôt une série de scènes qui présentent une unité de lieu et de temps. Et avec ces scènes, Sholastique Mukasonga évoque les différentes facettes du pays. La plus évidente : la rivalité devenue haine qui sépare Hutus et Tutsis ; la plus dérangeante : la fascination des Européens pour les Tutsis et leurs relectures fantasques mais mortifères de la mythologie égyptienne ou de l’Ancien Testament ; la moins questionnée : l’exclusion systématique des Batwas ; etc. Le portrait que Scholastique Mukasonga fait de son pays est multiple et complexe et elle montre, sans le dire, comment cette complexité a abouti vingt ans plus tard au génocide que l’on connaît. Car toute la rhétorique était déjà en place, pas seulement une discrimination ouverte, mais aussi tout un discours de rabaissement et d’appel à l’extermination. Comme un relent de : « on ne peut pas dire qu’on ne savait pas ».



Une lecture qui se déroule assez facilement grâce au style sans inutile fioriture de l’autrice, mais qui fait beaucoup réfléchir. C’était, j’imagine, un pari risqué de parler du génocide sans un parler. Ce pari est réussi, et en plus dans un livre accessible qui pourra plaire à de nombreux lecteurs, que demander de plus ?
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Sister Deborah

Pourtant ce roman avait tout pour me plaire : prophétie païenne féministe noire, récits de vies et de résiliences, récit de la condition des femmes au Rwanda dans les années 30, récit du colonialisme religieux… Et pourtant, ces seulement 153 pages m’ont parues extrêmement laborieuses.

Le style est d’un ennui mortel, aucune épiphanie, pas spécialement léché, l’histoire ne prend pas. On reste résolument hermétique à cette longue logorrhée, cet encéphalogramme plat qui souffre cruellement du manque de « show don’t tell » Tout est dit de si loin, si brumeux, qu’on ne s’attache à rien. on voit bien pourtant les femmes qui s’émancipent, par les études ou grâce aux croyances, qui gagnent du pouvoir en tant que prophète ou universitaire. Le tout sur fond de guerre des religions, là où le tribal, le païen, les rites, tentent de survivre face à l’implantation du christianisme. Mais voilà, pour moi c’est tombé plat, je suis totalement passée à côté.



C’était donc une lecture pénible, qui ne restera pas dans les anales, durant laquelle où on a l’impression que rien ne se passe alors même que nous sommes censé assister à deux histoires de vies riches, entre la prophétie, les magies rituelles rwandaises et le monde occidentalisé et ses propres croyances.

Mais voilà, tout est dit de manière si lointaine, et de manière franchement inintéressante, qu’on attend juste la fin de cette longue description au ton qui ne tient pas en haleine. Rien n’est replacé au cœur des enjeux réels même si on sent bien qu’on est dans notre monde bien réel, dans l’Histoire si proche. Mais encore une fois, la langueur que donne le style ne nous permet pas d’embrasser tous les enjeux (si tant est que l’auteur a essayé d’en mettre) promis par les sujets évoqués.



D’autant plus que la quatrième de couverture relate en réalité la totalité du livre. En fait, lire ça, ce résumé, ou l’intégralité du bouquin, c’est du pareil au même. Quel dommage !
Lien : https://barauxlettres.wordpr..
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Notre-Dame du Nil

Première rencontre avec cet auteur pour un roman lauréat du Prix Renaudot en 2012. Le lecteur part au Rwanda à une époque antérieure au génocide, dans un collège catholique de jeunes filles, perché sur les montagnes à proximité des sources du Nil. Le roman soulève les problèmes qui existent déjà au Rwanda entre les Tutsi et les Hutu. Les Hutu sont alors au pouvoir et les Tutsi sont justes tolérés, même dans ce lycée Notre-Dame du Nil, où les élèves sont quand même encadrées par des religieux. Les jeunes filles reçoivent cette instruction dans le but de pouvoir faire un beau mariage, car elles sont issues pour la plupart de classes très aisées de la société rwandaise. Elles semblent aussi plus ou moins protégées des tentations et du "diable", bien que... et là le regard de l'auteur se porte sur un prêtre plutôt libidineux... Personne n'est vraiment épargné, même ce vieux planteur blanc à moitié fou, qui discerne dans l'ethnie tutsi les descendants des dieux et monarques de l'Egypte antique.

De la jalousie, de la rivalité, de l'incompréhension, de la violence verbale ou physique, des machinations, de la politique et un peu de religion sont le quotidien de ces jeunes lycéennes.

Découverte d'un univers et des coutumes d'un pays, un ouvrage intéressant, mais je n'ai pas vraiment été conquise par l'écriture, et j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs.
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Notre-Dame du Nil

Notre-Dame du Nil n'est pas un roman cathédrale (de Paris) mais un roman lycée de jeunes filles en Afrique. Au Rwanda, les jeunes filles de bonne famille sont formées dans un lycée catholique afin de devenir, après leurs études, membres de l'élite féminine d'un pays chrétien et démocratique. Elles sont destinées à épouser des hommes importants alors on attend d'elle une bonne éducation et surtout la virginité, aussi se voient-elles patronnées par la Vierge, une Notre-Dame noire à laquelle s'identifier, Notre-Dame du Nil.



Il est dit dans le roman que la source du Nil est au Rwanda, mais j'apprends d'une autre source que sa source la plus lointaine se situe dans son pays voisin du sud, le Burundi. Que dire ? Qui faut-il croire ? Il faudrait se renseigner auprès de la faiseuse de pluie du roman qui doit savoir, elle, d'où vient le Nil, étant donné qu'elle sait d'où vient la pluie (elle utilise la technique de l'index qu'on pointe dans une direction après l'avoir humecté de salive, je fais ça souvent, sans que ça marche). N'est pas faiseuse de pluie qui veut ...



Dans le roman, l'histoire n'est pas toujours bien claire, car la grande Histoire rencontre les légendes des Blancs qui fantasment sur l'Afrique, et les croyances se croisent jusqu'à se faire se rencontrer Notre-Dame du Nil et les jeunes lycéennes de Notre-Dame du Nil dont certaines aiment l'illusion, d'autres les mensonges. Et la plus grande des menteuses, Gloriosa, pour qui les mensonges ne sont pas des mensonges mais de la politique, aura son moment de gloire, tout comme celle qui s'est laissée bercer par l'illusion d'être une déesse noire, Veronica. Mais il y a d'autres histoires aussi, comme celles d'Immaculata, de Modesta, de Virginia, il y a la grande Histoire, qui nous raconte les prémisses du massacre des Tutsi, il y a l'histoire racontée par les blancs et il y a l'histoire de Scholastique Mukasonga.
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Sister Deborah

Je viens de passer 135 pages avec Scholastique Mukasonga, sans haine ni passion, ne sachant pas où elle me conduisait mais n’arrivant nulle part.

« Mais à mesure que j’annotais, corrigeais, augmentais ces pages, j'étais envahie d'angoisse. Le sens de ce que j'avais écrit, de ce que j'étais en train de rédiger se défaisait à mesure que je l’écrivais et que je le relisais. » (page 141)

Quand on écrit au stylo ou au crayon sur des feuilles de papier recyclé, il est toujours possible de trouver une vieille casserole, d’y placer les feuillets indigestes, d’y verser le reste d’huile de friture, de craquer une allumette. « J'étais prête à brûler ces liasses de notes ... » (page 141) Quand on tient enfin une bonne idée, il ne faut pas trop réfléchir et la mettre en œuvre rapidement avant qu’un éditeur ne s’empare de vos notes et vous propose d’en faire un livre. Quand on écrit à l’aide d’un ordinateur, après avoir supprimer le fichier contenant le fatras que l’on s’apprêtait à offrir aux lecteur.rice.s, il est plus prudent de démonter le support physique qui abritait le dit fichier, de le brûler avec un chalumeau de plombier loué dans une grande surface de bricolage.

Quel est l’objet de cet objet de papier, heureusement court et léger ?
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Notre-Dame du Nil

Une écriture toute en finesse et en images au service de ce livre qui se situe dans les années 1970, presque vingt ans avant le génocide au Rwanda, et qui nous en montre les racines profondes, à travers les projections de certains Européens sur les Tutsis comme peuple élu, la lâcheté et la complicité de puissances étrangères comme la Belgique et la France, mais aussi le sort des femmes, les dominées des dominés.



Un roman féministe, mais pas seulement!

Un texte passionné, passionnant ...

Un beau moment de littérature récompensé par le RENAUDOT 2012.

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La femme aux pieds nus



Le génocide rwandais grondait depuis des années.

Scolastique Mukasonga raconte :

En 1960, déjà, les Tutsis sont «  déplacés » depuis la capitale Kigali jusqu’à une région infertile, non construite, non plantée : le Nyamata.

Ce livre émouvant, puisque l’on apprend le sort de beaucoup de personnes de sa famille (son frère, dit-elle, a engendré neuf enfants, pas un n’a survécu) est une ode très particulière rendue à sa mère, Stefania, et à ses efforts journaliers pour faire face au malheur et sauver ses enfants « d’une mort programmée par un incompréhensible destin ». Ces souvenirs d’enfance rappellent les dangers la nuit, où sa mère «  la femme aux pieds nus » guette les soldats qui peuvent toujours venir, mettre le feu aux maisons, dévaster tout et tuer.



Stefania passe ses jours, dans les champs, à planter des haricots, des patates douces, du maïs, des bananes, des plantes médicinales, du tabac ; Scolastique remarque que la plupart de ces plants viennent d’Amérique du Sud, et que les Rwandais n’ont pas eu besoin d’agronomes. La mère veille à préparer des cachettes d’herbe sèche, ou des termitières, où les enfants peuvent se cacher, dans la brousse et même dans la case qu’elle a construite avec l’aide de son fils ainé.

Quand je dis une ode particulière adressée à Stefania, c’est la manière très terre à terre de parler d’elle : les recettes n’existent pas, les habits presque pas non plus, les chaussures inexistantes, la maison réduite à ses quatre cloisons, la nourriture consiste principalement en haricots et sorgho, dont bière de sorgho, pourtant la personnalité de la mère habite cette pauvreté et lui donne presque du bonheur. Lorsque les petites doivent marcher de nuit dans un champ empli de cailloux et de souches coupantes, portant la cruche sur la tête et rentrant les pieds ensanglantés, «  Quand tu marches, conseillait-elle, c’est à ton cœur qu’il faut s’adresser, c’est lui qui répand la lumière dans tout le corps. Alors dis-lui de rappeler à tes orteils qu’ils doivent voir où tu mets les pieds, et il leur dira : “C’est la nuit. Ouvrez les yeux. Moi, je regarde devant ; vous, vous regardez en bas.” »

Apprentissage de la vie pour cette adolescente, qui se croit chargée de protéger sa mère (cf citation), hymne dédié à Stefania, et présentation de la vie comme elle va :

le pain tant désiré, les mariages, où la dot donnée par l’homme doit être une vache

(souvenir des troupeaux possédés avant les tueries par les Tutsis )les coutumes et les difficultés à les respecter. Une fille violée est immariable, or les jeunes Hutus considèrent le viol des Tutsis comme un acte révolutionnaire.



Stefania réclamait une seule chose : être enterrée avec un pagne, mais non, nous apprenons à la fin de ce très court livre que ses os seraient perdus au milieu des autres dans les fosses communes.

Écrits en 2008, ces souvenirs bouleversent par la simplicité austère, la description de la vie quotidienne, et la volonté qui y est mise de remplacer par la chose écrite l’absence de tombes de toute la communauté décimée.

Il n’y a pas de pagne assez grand.

Alors, Mukasonga écrit.

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Kibogo est monté au ciel

Je vous emmène au pays des mille collines, et plus particulièrement auprès de l’une d’entre elles, le mont Runani, au pied duquel se situe ce roman. En quatre tableaux d’époques différentes, de la Seconde guerre mondiale aux années 60, Scholastique Mukasonga nous fait vivre l’évolution de l’évangélisation au Rwanda, et de sa cohabitation avec les cultes et coutumes plus ancestraux.



Le fil rouge ? Kibogo, fils du roi Ndahiro, qui, en des temps lointains et selon ce qu’on raconte, monta au sommet du mont Runani pour sauver son peuple de la famine, y fut foudroyé et emporté au ciel, ce qui lui permit de faire tomber la pluie et arrêter la sécheresse qui sévissait alors. Les tableaux ? Ruzagayura (nom de  la grande famine de 1943), Akayezu, Mukamwezi et Kibogo. Les protagonistes ? Les padri, qui, du haut de leur supériorité, incitent cette population païenne à prier Yezu et Maria ; les anciens, qui connaissent les histoires qui se transmettent de génération en génération et sont plus enclins à invoquer l’aide de Kibogo ; Akayezu, séminariste dont les croyances font se rejoindre Bible et tradition ; Mukamwezi, vierge prêtresse consacrée à Kibogo ; un ethnologue passionné par les sacrifices humains… puis ces vieillards et enfants qui sont la voix des villageois…



Scholastique Mukasonga nous offre ici un beau conte, fait lui-même d’autres contes, comme ceux que l’on raconte lors des veillées. Si le début est assez dur (exploitation par les colons, sécheresse et famine), elle nous donne également, avec beaucoup d’humour et de tendresse pour ses personnages, un regard intéressant sur ce travail missionnaire de l’époque, et du recours à la religion chrétienne ou aux pratiques et coutumes locales au gré des intempéries et des besoins, et sur ce processus d’acculturation qu’Akayezu représente. Et de la grande famine aux récits au coin du feu, nous ne sommes pas plus avancés en refermant notre livre : finalement, qui, de Kibogo ou de Yezu et Maria, fait tomber la pluie ?



En résumé, un roman intéressant qui appréhende avec humour l’évangélisation du Rwanda.
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