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Critiques de Sebastian Barry (342)
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Au bon vieux temps de Dieu

°°° Rentrée littéraire 2023 # 39 °°°



L’ouverture du roman place le lecteur sur le terrain familier d’un polar. On fait la connaissance d’un détective fraichement retraité, Tom Kettle, vivant à l’écart dans un manoir irlandais dont il loue un appartement ; puis de deux détectives en activité qui viennent demander son aide dans le cadre d’un cold case réouvert.



« Cette visite l’avait déstabilisé, troublé, terrifié. Oui, terrifié. Leurs révélations étaient un acte de terreur. (…) Le contenu de ces dossiers lui sautait à la gorge avant même qu’il puisse les consulter. »

Mais ce n’est qu’une feinte. Très rapidement, on se rend compte que derrière la troisième personne se cache le point de vue de Tom Kettle. Avec une maestria évidente qui ne craint pas la complexité narrative, Sebastian Barry fait glisser latéralement tout le récit sur ce guide peu fiable, ravagé par d’insupportables traumatismes, à la mémoire friable. Il distille les révélations attendues sur un élastique narratif très laxe, retardant leurs divulgations au maximum.



Tout doucement, on est conduit dans le monde de Tom, ses digressions, ses retours sur le passé, sur un fil instable avec comme seul guide conducteur l’immense amour qu’il portait à son épouse décédée. Son esprit semble en permanence à la dérive entre passé et présent, réel et imaginaire. L’écriture élégante de l’auteur frôle le courant de conscience de Tom alors que ce dernier lutte pour suivre ou éviter ses propres pensées.



Sebastian Barry ne lâche pas pour autant sa trame enquête. On saura en temps voulu tous les tenants et aboutissants du cold case présenté dans le prologue. Mais très clairement, ce magnifique roman va bien au-delà. Son vrai sujet est l’impact d’un traumatisme sur la mémoire, entre déni et honte, puis sa transmission sur les générations suivantes.



Les fantômes de Tom sont très présents et rejoignent les fantômes de l’Irlande depuis la révélation, dans les années 1990, du scandale des abus sexuels commis par des prêtres sur des enfants, dissimulés par l’Eglise catholique. J’ai rarement lu des passages aussi puissants sur l’enfance maltraitée :



« Toutes ces âmes éteintes, plongées comme une bougie dans une mer de luxure. Un océan de luxure recouvrant une lueur qui ne longerait plus jamais le sein brillant de la terre pour éclore de nouveau telle une marguerite, une marguerite au cœur jaune vif, ce soleil d’un nouveau matin. Eteintes et oubliées. »



L’épigraphe est tirée du Livre de Job, un homme juste qui réagit à des épreuves difficiles en restant fidèle à ses valeurs. A mesure qu’il avance, ce majestueux roman devient de plus en plus déchirant, questionnant inlassablement les notions de rédemption, expiation, justice et morale. Il le fait avec une grave compassion et une rage feutrée mais nette.



Malgré la noirceur des propos et la brutalité de certaines scènes, ce magistral roman est illuminé par la seule grâce d’une écriture à l’immense pouvoir d’évocation, par la présence enjoué de Tom ( quel humour ) ainsi que par un hommage à l’amour éternel et sa capacité à éclairer l’obscurité. Assurément splendide.





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Des jours sans fin

Cet étonnant western m’a surprise de bout en bout par sa façon très singulière d’explorer les fondements de la nation américaine ( l’émigration et la dispersion d’un peuple sur des terres inhospitalières , la guerre de Sécession et le génocide amérindien ) jusqu’à construire une méditation profonde sur la notion d’identité nationale.



Le héros est un tout jeune Irlandais qui a traversé l’Atlantique, déterminé à se forger une nouvelle vie, en Amérique, après le choc traumatique de la Grande famine qui a décimé sa famille. Il atterrit dans le Missouri à la fin des années 1840. Tour à tour danseur travesti dans un saloon pour mineurs en manque de femmes, soldat dans l’armée américaine pour exterminer les Amérindiens, soldat dans l’armée unioniste, on colle aux pas de ce personnage incroyablement souple et mobile. Sa narration est terriblement propulsive, très chargée aussi, hantée par les cris de la guerre civile et des carnages d’Amérindiens, traversée par une nature sauvage et punitive ( très proche d’un Cormac McCarthy dans ce registre ) qui abat sur les hommes faim, canicule, fièvre jaune, inondation et pluie verglaçante. Certaines scènes sont saisissantes, pas tant par la violence décrite, réelle, mais par la puissance de leur clarté à la retranscrire en flairant le banal dans l’apocalyptique, et inversement. Les descriptions de combat au corps à corps sont ainsi souvent dérangeantes mais jamais gratuites.



Le roman est tout aussi inattendu par le choix d’un personnage principal homosexuel, revêtant avec bonheur une tenue féminine en temps de paix tout en cochant toutes les cases des stéréotypes virilistes du guerrier lorsque le clairon retentit. Qui plus est lorsqu’avec John, son amoureux rencontré à l’adolescence dans le saloon, ils « adoptent » une fillette sioux. Cette fluidité des genres tout comme cette redéfinition de la famille respirent l’anachronisme, et pourtant, on y croit tellement tout est rupture, refonte, plasticité dans ce pays mouvant dévasté par la convoitise des frontières et l’anarchie. On y croit à cette famille de substitution dans ce pays fracturé peuplé de figures spectrales et de quasi squelettes affamés errants à la recherche d’un lieu pour se poser et être heureux.



La potentielle lourdeur des symboles est miraculeusement allégée par la sincérité de la voix de Thomas, exceptionnel narrateur avec son éloquence verbale bien au-dessus de celle à laquelle on s’attendrait. Elle surprend par sa simplicité pleine de sagesse et sa candeur juvénile, questionne et charme. La prose de Sebastian Barry est souvent éblouissante, notamment lorsqu’elle se pare d’accents lyriques qui rendent hommage à la somptuosité de la nature qui force l’admiration.



« Le souffle de nos trois cents chevaux forment une brume qui s’élève dans la fraicheur de novembre. Leurs corps chauds fumaient sous l’exercice. On avait ordre de rester en formation mais les vieux séquoias nous laissaient pas faire. Ils nous écartaient comme si c’était eux qui se déplaçaient. On aurait pu attacher jusqu’à cinquante chevaux au tronc de certains. Les oiseaux d’Amérique, toujours étonnants, piaillaient d’un arbre à l’autre et faisaient tomber des myriades de gouttes de givre depuis les cimes. De temps en temps, on entendait un crépitement comme un tir de mousquet. Les arbres avaient pas besoin de nous. Ils faisaient leurs petites affaires. Nous, on était bruyants, avec notre harnachement, nos éperons, nos sacoches qui se heurtaient et s’agitaient, les sabots de nos chevaux qui frappaient le sol. Pourtant, les soldats parlaient à peine, on chevauchait sans un mot, comme si c’était une chose entendue. Alors que c’était les arbres qui nous réduisaient au silence. »



Mais ce qui charme le plus, malgré les atrocités qui traversent le roman, c’est son optimisme presque joyeux. Contrairement au couple condamné de Brokeback Mountain, l’homosexualité de Thomas et John n’est pas un drame, c’est un recours pour survivre aux remous de la vie. Aux fracas de l’extérieur, répond le calme quasi sacré de l’intériorité d’un couple qui s’aime tendrement, avec pudeur, et puis c’est tout.

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Des jours sans fin

Le jeune Thomas McNulty a fui la Grande Famine irlandaise dans l’espoir d’une vie meilleure en Amérique. Aux côtés de celui qui est devenu son inséparable compagnon, John Cole, il endosse la tunique bleue et combat les Indiens dans les grandes plaines de l’Ouest, se travestit en femme pour chanter dans un cabaret, puis s’engage dans l’armée de l’Union pendant la guerre de Sécession. Et aussi, comme pour conjurer la violence qui les cerne, John et lui adoptent une fillette sioux après le massacre de tous les siens.





Les westerns modernes n’ont heureusement plus grand-chose à voir avec ceux des années trente à cinquante. Terminé le mythe des gentils et virils cow-boys confrontés à la cruauté des sauvages indiens. D’abord, en un hommage au fils gay de l’auteur, c’est un couple homosexuel qui, évoqué avec une pudeur et une délicatesse contrastant singulièrement avec les violences induites par les guerres et par la prévalence de la loi des armes en cette période de l’histoire américaine, joue le rôle principal dans cette vaste fresque. Et puis, Indiens, soldats et colons se retrouvent emportés, la plupart du temps bien malgré eux à leur petit niveau, dans une spirale infernale où s’enchevêtrent inextricablement, jusqu’à leur faire perdre toute raison, misère et famine, peurs et représailles de plus en plus terribles. Dépassés et impuissants, Thomas et John constatent amèrement que nul autour d’eux n’échappe au processus de pourrissement qui transforme peu à peu les protagonistes les plus raisonnables en incontrôlables bêtes fauves.





Alors que les massacres entre colons et indiens ne concernent déjà plus que les territoires les plus occidentaux d’Amérique, c’est bientôt le Nord et le Sud qui s’empoignent à leur tour dans un nouveau carnage dont les enjeux passent encore par dessus la tête des simples soldats employés comme chair à canon. Toujours, le regard et le bon sens paysan de Thomas traduisent en mots simples et imagés la nécessité de suivre le mouvement et de tenter de survivre, souvent tout court, parfois le moins mal possible. Et l’on demeure saisi par tant d’instinctif à-propos, exprimé avec une innocence et une sincérité encore amplifiées par la langue un peu frustre de cet homme condamné depuis la naissance à une existence des plus humbles.





Ce naturel contribue pour beaucoup à l’attachement du lecteur pour ce couple étonnant de courage et d’humanité, qui, en adoptant une fillette sioux après avoir contribué à l’extermination de sa tribu, relègue par ailleurs définitivement tout manichéisme loin de ces pages en permanent clair-obscur. Aussi brutal soit leur contexte, les personnages parviennent à y préserver, chaque fois que possible, ces tranches de bonheur qui donnent malgré tout son prix à leur vie.





Une grande réussite donc que ce roman plein d’aventure et d’émotion, écrit à la hauteur d’un humble émigré irlandais jeté dans le chaudron d’une jeune Amérique en ébullition. L’on retiendra incidemment que les Amérindiens ont de tout temps considéré l’existence d’hommes à tendance féminine et de femmes à tendance masculine, portant au moins à quatre le nombre de genres humains.


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Au bon vieux temps de Dieu

En Irlande, il n'y a pas que le temps qui pleure.

Un ancien flic profite d'une retraite pépère et méritée dans une station balnéaire. Comme les côtes de la mer d'Irlande n'ont pas grand-chose à voir avec celles de la Floride ou de la côte d'azur, il fréquente davantage les fantômes et les cormorans que les casinos et les chihuahuas à sa mémère. Veuf, l'homme a également perdu ses deux enfants et il n'aspire qu'à se passer en boucle les vieux disques de ses souvenirs heureux. Ses défunts lui tiennent compagnie et sa réalité se limite à quelques rencontres fortuites avec son propriétaire et quelques voisins.

Les drames qui ont émaillé son existence remontent à la surface et polluent l'écume de sa plage déserte quand de jeunes enquêteurs le contactent sur une vieille affaire de prêtres pédophiles. Tom Kettle a été lui-même abusé dans un orphelinat et sa défunte épouse a elle-même été victime d'un certain Père Matthews dont le corps a été retrouvé dans une montagne. Les soupçons pèsent sur l'ancien flic qui peu à peu, exhume son passé douloureux.

J'ai trouvé le roman de Sébastian Barry d'une puissance rare et d'un style aussi perturbant qu'envoutant. le sujet est difficile et âpre mais l'auteur fait prévaloir la mémoire sur le polar. Alors que la plupart des romanciers auraient fait le choix d'un récit centré sur l'évocation des scandales de pédophilie dans certains orphelinats d'Irlande qui ont défrayé la chronique il y a quelques années, le choix de confiner la narration dans l'esprit du flic permet de révéler toutes les fêlures psychologiques qui résultent de ces crimes.

J'ai été bluffé par cette capacité de l'auteur à structurer sa prose comme une lutte intérieure, presque inconsciente comme une écriture de résistance, qui se traduit par des passages où le récit chevauche la réalité, le rêve ou l'hallucination dans une même page. Je me suis parfois perdu dans le récit car le narrateur a la mémoire qui flanche et un Alzheimer à la carte mais il grappine le lecteur dans l'ascension complexe de cette histoire grâce à son fil de survie : l'amour pour sa femme.

Ce n'est pas la comédie de l'année, difficile de faire une petite place à l'humour devant une telle accumulation de drames sur un seul personnage (c'est même un peu trop pour être crédible !) mais cette lecture n'est pas dépressive. Bon, évitez seulement d'avoir une corde ou une falaise à proximité, de lire ce magnifique livre par temps pluvieux en automne et gardez le numéro de votre psy à proximité.

Dans les lacs du Connemara, si on écoute Sardou le sardonique, autour des lacs, c'est pour les vivants. Chez Sebastian Barry, en bord de mer, c'est plutôt pour les morts.

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Au bon vieux temps de Dieu

Guerre de Sécession, Grande Guerre, main mise de l’Église catholique sur l’Irlande nouvellement indépendante : chaque livre de Sebastian Barry apporte sa pierre à la fresque irlandaise que l’auteur bâtit peu à peu autour de deux familles, les Dunne et les McNulty. Il fait cette fois un pas de côté, n’accordant qu’un rôle secondaire à une Miss McNulty qui fuit son mari pour protéger son fils, et centrant son roman sur Tom, un policier dublinois fraîchement retraité venu lui aussi s’établir dans cette petite ville côtière proche de la capitale, et que le passé, ce « bon vieux temps de Dieu » qui fermait les yeux sur les abus sexuels commis sur des enfants par le clergé irlandais, revient tourmenter.





A 66 ans comme l’auteur, cet homme pour qui les violences, pourtant terribles, rencontrées dans son métier n’ont jamais pu oblitérer celles subies dans son enfance au pensionnat religieux, se retrouve face au vide que, depuis sa retraite, l’activité professionnelle ne remplit plus. Pour ne pas laisser la part sombre de sa mémoire prendre le dessus, calé dans son fauteuil d’osier et la fumée de ses cigarillos face à la capricieuse mer d’Irlande, il s’abîme dans ses seuls meilleurs souvenirs, convoquant volontiers les fantômes de ceux qui firent son bonheur, son épouse June – morte suicidée – et ses deux enfants – décédés à l’âge adulte. Mais le déni le plus résolu ne suffira bientôt plus à le protéger. Ses anciens collègues policiers viennent d’exhumer un dossier remontant aux années 1960 et étouffé depuis trente ans. L’enquête s’intéresse aux abus sexuels perpétrés par deux prêtres dont l’un fut sauvagement assassiné. Et elle vient toquer jusqu’à sa porte.





« S’il s’écoule suffisamment de temps», s’était-il efforcé de se convaincre, « au bout d’un moment, c’est comme si les choses anciennes n’avaient jamais existé. Des choses autrefois fraîches, soudaines et terribles qui finissaient par se dissiper dans ce bon vieux temps de Dieu, comme ces promeneurs qui s’avancent si loin sur Killiney Strand que, lorsqu’on regarde, au bout d’un moment, ils ne forment plus qu’une tache noire avant de disparaître. » Et voilà que soudain, bousculé et terrifié, il est renvoyé à « des ténèbres pleines de crasse et de violence. » « A nouveau, toute cette humiliation. » Extirpé en même temps que Tom des rêves éveillés qui repeignaient la réalité aux couleurs des fantasmes du bonheur, le lecteur se retrouve au coeur du souvenir traumatique, douloureux et confus, affolé de se voir débusqué après avoir si longtemps joué la diversion.





Tom, le garçonnet violenté. June, la fillette abusée. Et tant d’autres dans ces orphelinats catholiques de l’époque, condamnés leur vie durant à porter seuls et en secret le poids de leur humiliation et de leurs souffrances par le déni d’une société corsetée par la toute puissance morale d’un clergé intouchable. Une telle impunité a ici appelé au meurtre. Un acte impensable, et pourtant le seul que le justicier ait trouvé, pour se venger ou pour mettre un terme à la liste sinon toujours croissante des victimes. Car, en ces années 1990 encore, la chape du silence continue à peser, au sein de l’Église catholique mais aussi des familles, les victimes à ce point sans recours que rien n’est par exemple prévu pour les protéger d’un père incestueux. Crime ou suicide : ce sont finalement les seules issues laissées aux malheureux qui ne veulent ou ne peuvent poursuivre leur vie comme si de rien n’était.





Un texte troublant et bouleversant, qui, tout en ambiguïté, tourne avec son personnage autour du non-dit et du déni dans l’effort désespéré de ne pas sombrer d’horreur. Coup de coeur.


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Des jours sans fin

Quel drôle de bon bouquin !

Ce récit nous propose une fresque historique dans l'Amérique des colons, à une époque où les frontières n'ont pas encore été dessinées, un récit qui commence environ 40 ans avant "Little big Horn" et Custer.

Une fresque car le parcours vécu par le narrateur est une synthèse d'à peu près tout ce que l'on pense connaître de l'histoire des Etats-Unis.

Il y a d'abord le sort des immigrants, souvent pauvres et ne comptant pour rien aux yeux des nouveaux américains, il faudra une volonté énorme et de la chance pour survivre, le destin ne tient souvent qu'à une rencontre décisive.

Thomas va nous raconter sa rencontre avec Cole, sa participation aux guerres indiennes, à la guerre de sécession, il va nous parler de l'esclavage et de la folie de ce monde d'alors ou la vie ne tenait souvent qu'à un fil.

Ce qui va cependant rendre cette histoire extraordinaire tient à la personnalité du narrateur, elle est aux antipodes de l'image que l'on se fait du cowboy viril et crasseux. On peut parler de contre pied voire d'anachronisme car Thomas et son "galant" John Cole sont homo.

Autant dire qu'ils ne se trouvent pas au bon endroit au bon moment et pourtant l'histoire de cette destinée est parfaitement crédible, bravo à l'auteur d'avoir trouvé cette note et ce tempo.

Le style narratif est à la première personne et sans aucun dialogue autre que ceux évoqués par Thomas. Il y est question d'atrocités, de celles que l'on commet car il faut bien obéir aux ordres, mais aussi de repentance et d'espoir. Ce qui m'a frappé dans ce récit, c'est cette conscience de la brièveté de la vie et la façon dont elle est sous entendue toujours.

Le personnage principal semble veiller en permanence sur une flamme de bougie vacillante, sa vision du monde est belle dans sa simplicité car il sait exactement de quoi dépend son bonheur et j'ai beaucoup aimé sa lumière intérieure. Beaucoup aimé aussi ses observations de la nature humaine et de la nature tout court.

La galerie des personnages de ce roman est sublime de représentativité, ni anges ni démons, ils sont tous ou presque un mélange de férocité et de bienveillance, deux faces d'une même pièce qui s'expriment selon les aléas de la vie. Parmi tous ces personnages j'ai été particulièrement ému par Winona qui est à mon sens le personnage symbolique de ce roman.

Il me reste à parler du style plutôt "familier" et qui m'a un peu étonné au début, mais qui se révèle finalement bien adapté au récit et à l'instruction supposée du narrateur.

A l'arrivée c'est probablement le western le plus atypique que vous lirez un jour mais c'est aussi une belle expérience de lecture.
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Des milliers de lunes

S’il peut se lire indépendamment, ce récit s’inscrit dans la continuité Des jours sans fin, dont on retrouve les protagonistes, Thomas McNulty, John Cole et Winona, leur fille adoptive rescapée du massacre de sa famille sioux, trimant pour joindre les deux bouts dans la ferme de leur ami Lige Magan, dans l’Ouest du Tennessee. Eux qui, en ces lendemains de guerre de Sécession, n’aspirent qu’à vivre enfin en toute tranquillité, doivent se défendre quotidiennement contre la violence. Quand ils ne sont pas assaillis par les pilleurs, ce sont Winona, puis Tennyson, l’un des deux esclaves affranchis qu’ils emploient, qui sont sauvagement attaqués par des inconnus. Mais, alors que l’amertume des anciens Confédérés ne cesse de bouillonner, multipliant les troubles, la petite communauté peut-elle seulement compter sur les autorités pour faire toute la lumière sur ces agressions et pour obtenir justice ?





Comme à son habitude, Sebastian Barry excelle à nous faire ressentir son histoire. Caractérisés au plus fin de leurs attitudes, de leurs émotions et de leur langage, ses personnages prennent vie au point que l’on croirait les voir et les entendre, et l’on ressort de la narration avec l’illusion d’avoir soi-même, le temps de cette lecture, vécu à leurs côtés. Si action et aventure sont bien sûr encore au rendez-vous de ce western, elles se fondent dans une évocation historique particulièrement suggestive de cette Amérique de 1870 encore à feu et à sang, où règnent la faim, la violence et la peur. Entre bandits de grand chemin et rebelles sécessionnistes encore en campagne, meurtres, passages à tabac et incendies criminels entretiennent un sentiment de menace larvée et de paix bien fragile, tandis que le début de reprise en main du Sud par les démocrates conservateurs ne laisse augurer rien de bon, ni pour les Indiens traités comme des animaux, ni pour les Noirs que leurs droits tout neufs ne protègent aucunement des tabassages en règle dès qu’ils risquent un pied en ville.





Centrée cette fois sur Winona, la narration adopte le point de vue doublement meurtri d’une jeune Indienne en passe de devenir femme. Sa douloureuse émancipation dans un imbroglio où s’affrontent désir de justice et vengeance aiguise chez elle une lucidité acérée que le souvenir de la tendresse maternelle et le soutien indéfectible de sa drôle de famille d’adoption vont néanmoins préserver du désespoir et de la haine. A travers elle se pose toute la question de l’identité amérindienne dans la nouvelle Amérique suprémaciste blanche. Si la guerre de Sécession et la défaite des Confédérés avaient alors ouvert quelques espoirs, certes rapidement douchés, pour le sort des Noirs dans l’Union, combats et massacres se poursuivraient encore longtemps à l’encontre des Amérindiens. Pour les survivants comme Winona, se construire est une terrible gageure que leurs descendants peinent encore à réussir aujourd’hui.





Après la violence des guerres et de leurs tueries, ce nouvel opus enchaîne sur une autre forme de brutalité : celle des persécutions racistes qui n’ont pas fini d’agiter l’Amérique. Qu’il s’agisse de la jeune indienne Winona, ou de la vieille esclave noire affranchie Rosalee, la même tendresse envahit peu à peu le lecteur, en même temps emporté par le rythme incessant de ce très immersif western.


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Des milliers de lunes

Si les lecteurs de Des Jours sans fin ont déjà fait connaissance avec Winona, la jeune indienne Lakota dont la famille a été décimée quelques années plus tôt, les nouveaux lecteurs de Sébastien Barry ne resteront pas sur leur faim et pourront savourer cette histoire où l’héroïne vit dans une ferme près de Paris, Tennessee, auprès d’une famille pas comme les autres. La jeune fille a mérité par son intelligence d’accéder à un emploi près d’un avocat et malgré ses origines indiennes, est convoitée par Jas Jonski qui voudrait en faire son épouse. Jusqu’au jour où un drame éclate…



Quelques années après la guerre de Sécession, les esclaves ont été affranchis et pour beaucoup cette liberté retrouvée ne signifie pas la disparition des obstacles et des malheurs. Mais les peaux-rouges sont encore plus mal lotis dans cette échelle de valeur inique : même la loi ne s’applique pas à leur cas. Autrement dit pas question de demander réparations pour les outrages ou les injustices subies.



Sebastian Barry dépeint avec beaucoup d’empathie le sort de cette population traitée avec cruauté et dépossédée de ses droits, de ses terres et souvent anéantie par des combats inégaux.



On aime aussi les étapes de la lunaison qui ponctuent les chapitres, qui restitue au coeur de la narration un peu de l’âme de la civilisation détruite.



On aime cette jeune fille courageuse, et maligne, qui tente de se défendre malgré sa cause perdue d’avance, consciente de l’opprobre qui lui a été jetée.



Belle découverte et je remercie Babelio et les éditions Joelle Losfeld.


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Des jours sans fin

Thomas McNulty a traversé l'Atlantique pour fuir la famine et la misère de son Irlande natale. Jeune adolescent, sa route croise par hasard celle du beau John Cole. Quitte à errer, autant le faire à deux. À Daggsville, ils se font embaucher comme jeunes danseurs travestis en femmes devant des mineurs la plupart du temps avinés. Chaque soir, pendant deux ans, ils ont tourbillonné et virevolté sur la piste. Mais, leurs corps changeants, ils n'ont eu d'autre choix que de troquer leurs robes à froufrous contre une tunique bleue. Engagés volontaires, les deux adolescents prirent la direction des grandes plaines de l'ouest où l'ennemi commun aux Anglais, aux Irlandais ou encore aux Espagnols, l'Indien, tombera sous leurs balles. Mais bientôt d'autres combats les attendront tous avec la Guerre de Sécession...





Sebastian Barry s'est inspiré du destin d'un arrière-grand-oncle, dont la magnifique photo orne la couverture, pour nous raconter l'histoire de Thomas McNulty et de John Cole. Il nous livre un roman épique, au souffle romanesque où se côtoient la mort, les guerres, la violence, la misère, la famine mais aussi l'amour. L'amour que se porte Thomas et John, un lien indéfectible, à la fois puissant et pudique dans une Amérique puritaine. Thomas, le narrateur, décrit tout à la fois les combats sanguinaires, les massacres des Indiens, la rage et la haine qui peuvent habiter certains soldats, l'absurdité de la guerre mais aussi la bonté et la générosité de certains hommes, la splendeur d'un paysage ou d'un soleil couchant. Le ton employé se révèle parfois détaché, candide ou encore innocent, ce qui n'empêche pas d'imaginer les pires horreurs. Un roman puissant, intimiste, à la fois grave et poétique. Une épopée lyrique habitée par d'inoubliables personnages.
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Des jours sans fin

" On était des pestiférés .

Des humains faits rats, la faim ça vous prend tout."

Voici une fresque grandiose où abondent les questions existentielles qui oscille entre récits de guerres effroyables et soirées animées où les protagonistes sont déguisés dans un saloon pour mineurs un peu avinés ...ils se travestissent en femmes pour des spectacles....

L'auteur imagine les mémoires de Thomas Mc Nulty, un orphelin irlandais fuyant son pays , traversant l'Atlantique afin d'échapper à la famine : "le Canada avait peur de nous, la faim ça vous prend tout, alors on était plus rien...."s'engageant du côté de l' Union dans la guerre de Sécession.

A travers la société de 1850 , au coeur du récit écrit à la premiére personne, Thomas décrit comment il vivait son quotidien : son corps livré à la faim, au froid parfois à une peur abjecte et insondable...sa quête d'identité sexuelle .

Sa rencontre avec John Cole, un "copeau d'humanité " comme lui, son amant, son amour : "John Cole était mon amour, tout mon amour ètait pour lui..."est pour lui une révélation , et les souffrances s'éloignent ....

L'auteur conte la violence de l'Histoire dans une Amérique parcourue de plaines immenses, de bisons et d'ardentes mêlées ou tour à tour John et Thomas combattent les Indiens des grandes plaines de l'ouest .

L'écriture simplifiée comme une épure ressemble à un tableau fort, coloré , puissant , on marche avec Thomas et John en quête d'un toit pour la nuit , dans un beau vacarme où les voilà obligés , malgré eux , à " aller tuer de l'Indien " .

Un ouvrage au côté épique et romanesque, de toute beauté , naturel, à la fois intime et universel qui se double d'une réflexion sur des destins contrariés des familles irlandaises, l'amour, l'arrachement à un pays et la capacité d'un peuple migrant prêt à résister à tout , en plus de l'attachement à ce qui vaut la peine d'être vécu dans une existence âpre et passionnée.



(Le visage du héros : l'arrière grand- père de l'auteur figure sur la couverture du livre .)



Traduit de l'anglais ( Irlande) par Laetitia-Devaux.

Encore un beau roman Irlandais !





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Des milliers de lunes

C'est tout près de Paris, Tennessee, dans la ferme de Lige Magan, que se sont installés John Cole et son compagnon, Thomas McNulty. À leurs côtés, la jeune Winona, adoptée par John, seule survivante de sa tribu lakota, ainsi que deux esclaves affranchis, Rosalee et son frère Tennyson. Parce que son père a tenu à l'éduquer correctement et lui enseigner non seulement les lettres mais aussi les chiffres, la jeune fille travaille pour l'avocat Briscoe, un ami de Lige. Une vie paisible jusqu'au jour où un certain Jas Jonski, qui travaille à l'épicerie, lui fait la cour, allant jusqu'à lui demander de l'épouser, même si John n'y semble pas favorable. La tension s'installe dès lors que Winona est agressée...



Si la guerre de Sécession est bel et bien finie, ce sont d'autres guerres que se livrent les hommes dans les années 1870. Racisme (aussi bien envers les Indiens que les Noirs qui n'ont aucun droit), violence, lynchage... Aussi, lorsque Winona se fait agresser violemment, John Cole et Thomas McNulty n'ont d'autre choix que de se faire justice, sans se douter des malheureuses conséquences. Si Thomas McNulty était le narrateur « Des jours sans fin », c'est ici Winona, à tout juste 17 ans, qui prend la parole pour nous raconter son histoire, celle de sa famille adoptive, sa place qu'elle peine à trouver dans une société encore raciste mais aussi l'ambiance pesante, sinon violente, qui règne dans le Tennessee avec l'émergence du KKK. Empreint de sensibilité, ce roman initiatique et profondément humain explore, tout en finesse, la complexité d'un pays en devenir. Sebastian Barry en saisit aussi bien la beauté que l'horreur. Ses personnages, si magnifiquement dépeints, témoignent d'une force, d'un amour et d'une tendresse incroyables.



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Des jours sans fin

C'est une histoire de cow-boys et d'Indiens, vraiment pas ce qui m'attire, et pourtant quel roman magnifique ! L'exemple même du chef d'oeuvre à côté duquel je serais passée, sans les chronique élogieuses d'amis Babeliotes (soyez en remerciés !).

Thomas McNulty (le narrateur) et le beau John Cole se rencontrent alors qu'ils sont des adolescents qui vagabondent dans le Missouri du milieu du XIXe siècle. Après avoir été danseurs dans un saloon, ils s'engagent dans l'armée et combattent les Indiens, puis les Confédérés. Au gré de leurs aventures, il finissent par former une famille déroutante pour l'époque (on n'est pas chez Laura Ingalls). Mais le bonheur est une chose fragile en temps de guerre...



Un tel résumé est bien réducteur, tant ce roman est multiple : c'est avant tout une belle histoire d'amour entre deux hommes, racontée sobrement et de la façon la plus naturelle du monde. C'est aussi une sacrée épopée qui retrace la fondation des Etats Unis, avec ces milliers d'Européens miséreux et affamés qui rêvaient de terre promise, et qui ont finalement contribué à exterminer les Amérindiens. C'est enfin une oeuvre d'une pureté et d'une poésie délicieuses, ponctuée de réflexions existentielles qui remuent : "Il dit que quand on regarde le passé, la vie est allée très vite, même si sur le moment, ça lui avait semblé très long."

En à peine 300 pages denses et intenses, Sebastian Barry recrée un western plus proche de la réalité que ceux de John Wayne : certes, on traverse des plaines brûlées par le soleil et on croise des troupeaux de bisons, mais on est surtout plongé dans la boue, la poussière, la pluie, la terre imbibée de sang, et surtout on ressent la faim, la faim, la faim. Cependant, le ton est doux et soyeux, porté par la grâce de Thomas McNulty, sa fraîcheur, sa spontanéité, son immense amour pour son "galant", et malgré la dureté des faits relatés, la lecture reste aérienne et envoûtante.



Tout est parfait dans ce roman, l'auteur a atteint le juste équilibre entre la structure narrative et les différentes thématiques abordées, l'aspect documentaire et les réflexions déchirantes, la romance inouïe et l'écriture à la candeur maîtrisée. J'applaudis des deux mains.

Typiquement le genre de lecture que l'on aimerait savoir sans fin.
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Des jours sans fin

Quand deux solitudes se rencontrent et s'enchantent...

Exactement ce qui arrive à Thomas McNulty, l'immigré orphelin Irlandais et narrateur des Jours sans Fin et John Cole, l'américain loqueteux, alors qu'encore adolescents en cette moitié de 19e siècle américain chacun traîne sa misère de son côté.



De cette rencontre naîtra des aventures régentées par la faim, l'absence de foyer salubre et la recherche de vêtements décents qui entraîneront des situations parfois burlesques (quand tout de robes et perruques vêtus, ils remplaceront des danseuses de cabaret histoire de continuer à faire tourner le tripot en l'absence de ces dames) souvent horribles (guerre de Sécession, massacre d'Indiens...) mais invariablement racontées par Thomas sur le même ton bienveillant, ne semblant jamais s'émouvoir de rien sinon de la vie et de la santé de son beau partenaire.

Chacun prenant soin de l'autre et n'existant que pour lui, ces deux-là traversent le pire de l'Amérique en construction sans montrer la moindre inquiétude face aux dangers qui les menacent en permanence.

Et ils ont eu raison. Non seulement ils vont se sortir (parfois in extremis) de toutes les situations périlleuses auxquelles ils vont être confrontés mais n'hésiteront pas à adopter une petite Indienne orpheline pour ainsi former une famille aussi atypique qu'attachante dans l'Ouest sauvage dont sont faites les légendes.



De l'Histoire, des aventures, de l'amour, le Far West, tout est bon dans le roman de Sebastian Barry mais de mon point de vue, le succès des Jours sans fin vient incontestablement du personnage de Thomas qui, ayant gardé sa robe de ginchard, se travesti à nouveau sur la route de l'Ouest afin de traverser des régions malfamées et ainsi passer avec John Cole et leur fillette pour une simple petite famille ralliant de nouveaux territoires et la promesse d'une vie nouvelle, puis le danger passé renfilant parfois cette robe pour plus aucune raison du tout, pour décider finalement de ne plus jamais s'habiller autrement qu'avec des atours féminins.

Et le récit qui est fait de ces évènements précis coule tellement de source, tout semble si naturel et instinctif, à aucun moment Thomas qui a combattu courageusement dans les pires batailles du 19e siècle n'est montré comme perverti ou déviant ou je ne sais quelle autre idiotie.

Un livre qui remue, qui nous embarque avec un Sebastian Barry en capitaine de navire qui nous mène où il veut et qui, s'emparant d'un sujet cruel et difficile nous le restitue beau et fabuleux.

Une réussite.

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Des jours sans fin

Le Far-West comme si vous y étiez, les plaines de l’Ouest américain, les pionniers, les indiens, les bisons, les tuniques-bleues, mais aussi la guerre, le froid, la faim et surtout le bruit et la fureur des hommes.



Une époque sauvage dans un pays sauvage que même Dieu semble avoir abandonné.



Avec « Des jours sans fin », nous sommes très loin du roman national et familial. Sébastian Barry, qui a l’assurance des grands écrivains, nous raconte la vie de Thomas McNulty, jeune émigré irlandais et de John Cole un vagabond d’à peine seize ans venu de Nouvelle-Angleterre.



Pour eux ce sera à la vie, à la mort. Ils vont devenir danseuses de saloon pour des chercheur d’or esseulés, chasseurs de bisons, militaires contre les indiens, Tuniques bleues contre les confédérés, cultivateurs de tabacs dans les Tennessee. Mais surtout ces deux-là vont s’aimer tendrement et follement. Dans le chaos de cette deuxième moitié du XIXe siècle, deux hommes, deux cœurs simples cherchent à vivre tout simplement.



"La Bible a pas été écrite pour nous, ni aucun livre. On est peut-être même pas des humains, puisqu’on rompt pas le pain céleste. Pourtant, si Dieu essayait de nous trouver une excuse, il pourrait invoquer cet étrange amour parmi nous. C’est comme quand on cherche dans l’obscurité, qu’on allume une lampe et que la lumière vient à notre rescousse. On découvre des objets ainsi que le visage d’un homme qui est pour vous comme un trésor déterré. John Cole. Une sorte de nourriture."



Le texte est d’une beauté fracassante, l’écriture limpide nous emporte, nous sommes avec Thomas le narrateur et jamais nous ne le quitterons.



Un magnifique roman où il est aussi question de mariage gay, d’adoption et du droit à l’indifférence, si, si tout cela aux alentours de 1860 entre la Californie et le Mississipi.



Il y a de « Little big man » d’ « Impitoyable » de « Soldat bleu » mais aussi du désir d’une petite maison dans la prairie repeinte aux couleurs arc en ciel.



Un roman à lire absolument , comme du reste, absolument tous les romans de Sebastian Barry.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Des jours sans fin

Je ne vais pas y aller par quatre chemins j’ai été déçue par cette lecture.



D’abord j’ai été gênée par l’écriture. Je l’ai trouvé étouffante et peu aérée. Ce n’est pas la première fois que je lis un livre qui tient plus du langage oral que de l’écrit et d’habitude ça passe tout seul. J’adore ça même ! Mais là, ça n’a pas pris : l’écriture ne m’a paru ni fluide ni naturelle. Ce qui fait que j’ai passé mon temps à buter sur certaines phrases et à les relire. Fatalement le plaisir de lecture s’en ressent.



Pour le reste mon ressenti peut se résumer en une seule phrase : le manque de profondeur. Il apparaît sous différentes formes ; beaucoup de sujets sont abordés mais ils sont juste survolés. Nous ne savons rien de John Cole, rien du passé de Winona. Il y a quelques flash-back de la vie de Thomas en Irlande mais très disséminés et peu précis. Je n’ai pas réussi à m’attacher réellement à ces personnages qui me sont restés trop étrangers.



Le contexte historique est abordé par à coup et sans précisions. On traverse l’histoire des Etats-Unis au pas de course : extermination des indiens, guerre civile, ségrégation, homosexualité, esclavage,… sans jamais rien approfondir réellement. Si vous avez les références tant mieux sinon tant pis. Désolée mais même quand on s’y retrouve et que l’on comble les vides c’est désagréable.

Le fait que Thomas et John puissent vivre leur histoire sans heurts ne me paraît pas convainquant. A aucun moment ils ne sont maltraités, menacés, alors qu’à l’époque l’homosexualité n’était absolument pas envisageable !

De même l’attachement de Winona à ces deux hommes ne me semble pas non plus crédible. Comment cet attachement a bien pu naître ? Cela se fait trop facilement pour une enfant arrachée à son peuple et à sa culture, qui plus est par des hommes en uniforme exactement comme ceux dont elle s’éprend. Ce sont quand même ces soldats qui ont massacré les siens. Ces ellipses dans le récit m’ont beaucoup gênée et l’histoire m’a complètement échappée, devenue pour moi pas très crédible. Puis j’ai eu l’impression que ça manquait de subtilité seuls quelques passages poétiques m’ont permis d’aller jusqu’au bout telle une bouée de sauvetage.



Une chose est réellement approfondie : l’auteur s’attarde longuement sur la vie de soldat et là je me suis ennuyée : mais pourquoi me donnait autant de détails sur la vie quotidienne et rien sur le reste qui me paraît tellement essentiel? Mais où il veut en venir bon sang ?! Et bien je ne sais pas. Ce livre et moi c’est une rencontre ratée.

A la fin de ma lecture j’ai une impression de vide. L’histoire aurait pu… si... dommage….et puis ça m’énerve…

Conclusion : ce n’était tout simplement pas pour moi contrairement aux apparences.



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Des milliers de lunes

Répercutions de la toute fraîchement achevée guerre de Sécession du côté du Tennessee où beaucoup ont encore la défaite coincée en travers de la gorge et le remède au bout du fusil. C'est dans cette région échauffée où la loi et l'ordre sont des concepts chimériques qu'on retrouve John Cole et Thomas McNulty, héros et, pour ce dernier, narrateur des Jours sans Fin.

Ayant pris un peu de bouteille mais toujours aussi amoureux, ces deux-là vivent maintenant, en compagnie de deux esclaves affranchis, dans la ferme d'un compagnon-soldat de fortune du temps où, sous l'uniforme yankee, ils avaient fait la guerre aux rebs, aux bandits de grands chemins et aux Indiens, récupérant dans la foulée la petite Ojanjintka, jeune Lakota de son état, que leur troupe venait de rendre orpheline après un massacre aussi sanglant que révoltant de gratuité.

Ojanjintka renommée Winona Cole et fille adoptive de ce couple atypique prend les commandes de ces Milliers de Lunes pour faire entendre sa voix, son traumatisme et ses souvenirs qui peinent souvent à faire surface au milieu des rudes conditions d'une exploitation de tabac dans une contrée où le racisme et les préjugés relèguent les Indiens si bas dans l'échelle humaine qu'ils n'y apparaissent même plus.

On peut leur faire tout ce qu'on veut à ces peaux-rouges et Winona va en faire les frais, battue et violée sans que personne ne s'en émeuve et n'ait encore moins l'idée d'en appeler à la justice de toute façon inexistante pour certaines ethnies.

Alors quand sa famille adoptive décide d'essayer de la venger, elle ignore encore qu'elle va déchaîner contre elle l'enfer de l'imbécilité ségrégationniste.



D'une écriture toujours élégante, Sebastian Barry nous livre une suite Des Jours sans Fin dans la même veine brutalement poétique. Ne nous épargnant rien des injustices et méfaits commis sur les « sauvages » au nom de la race blanche, Barry met une fois de plus son lyrisme au service de la cruauté et de la bêtise humaines qu'il entend bien dénoncer à travers l'attachante Winona car, qu'importe l'époque à laquelle son roman se situe, si certaines choses ont évolué juridiquement parlant, les mentalités racistes et patriarcales, elles, se gardent bien souvent de suivre le mouvement.

Malgré tout moins ambitieux et accrocheur que le premier opus, pas question pour autant de bouder Des Milliers de Lunes et si Sebastian Barry s'attèle par hasard à jouer les prolongations avec un troisième tome, j'en serai avec enthousiasme.

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Des jours sans fin

Sebastian Barry, je l'ai découvert il y a quelques mois à peine avec le percutant (selon mes critères ) « le testament caché » qui m'avait marqué par le destin tragique de Roseanne…

Cette fois-ci, changement radical de registre puisque l'auteur nous emmène aux Etats-Unis au dix-neuvième siècle.

Comme beaucoup d'irlandais, Thomas a émigré aux Etats-Unis en espérant y trouver un meilleur avenir que les siens qui ont été décimés par la grande famine.

Pour survivre, Thomas va tour à tour être danseur travesti, soldat que ce soit lors des guerres contre les indiens (nous sommes dans les années 1850 ) puis plus tard, soldat dans l'armée de l'Union lors de la guerre de Sécession.

Avec son ami et compagnon John Cole, il va vivre des choses terribles et il nous décrit sans concession le massacre des tribus indiennes…

Ce roman m'a un peu rappelé le grand film de Kevin Costner » Danse avec les loups », même si l'histoire est différente.

Je n'ai percuté que vers la moitié de ma lecture au sujet du nom de famille du narrateur : en effet Thomas McNulty. Dans le testament caché, Roseanne se nomme aussi McNulty….. Une lointaine parenté doit donc exister entre ces deux personnages….

Je viens de gagner via une masse critique de Babelio » Des milliers de lunes » , qui raconte l'histoire de Winona, la fille de Thomas et John…J'avoue que je suis assez pressée de découvrir cette suite…

Une belle lecture, qui ne peut pas laisser indifférent, au vu des thématiques abordées….



Challenge Mauvais Genres 2021

Challenge A travers l'Histoire 2021

Challenge ABC 2021/2022

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Des jours sans fin

Quitter le chaos d’une Irlande famélique, recommencer une vie dans la violence des États Unis en pleine expansion de conquêtes de territoires.



C’est le destin de Thomas, orphelin émigrant au milieu du 19e siècle, danseur travesti adolescent dans les bastringues, puis engagé volontaire dans les Tuniques Bleues pour une vie de soldat dans les conflits indiens et la guerre de Sécession.



La vie de Thomas se décline en violences répétées et en destructions, capable d’être cet homme-là, soldat professionnel non dénué d’états d’âme, en parfaite symbiose avec sa nature profonde, où la part de féminité lui fait construire au fil des années une drôle de famille, entre son attachement, amoureux pour John, et filial pour Winona la petite indienne recueillie.



Cette ambiguïté des personnages résonne fort dans un récit assez classique où les grands espaces américains ont la part belle, où un pays neuf et ambitieux se construit dans l’anarchie, les massacres, les viols, les personnes déplacées ou enlevées. Au milieu de ces atrocités, l’amour s’épanouit comme il le peut et rien n’est jamais acquis quand la justice peut être inconstante.



Sebastian Barry accroche à nouveau ses lecteurs avec un mélange original de western et drame intimiste d’une belle sensibilité. En déplaçant la focale sur l’émigration, il tente le parallèle entre deux peuples soumis à d’autres envahisseurs en liant le sort des nations indiennes et irlandaises.

Sa plume produit un récit oral, familier et direct, simple comme le langage de son jeune soldat peu éduqué mais capable d’émerveillement, de justice, de bonté et de loyauté.



Je conseille vivement...

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Des jours sans fin

Lorsqu'on évoque l'origine des Etats-Unis d'Amérique, on pense inévitablement à la ruée vers l'or, au masscre des Indiens et à la guerre de Sécession.

De longues et harassantes marches à travers de grands espaces arides et beaucoup de sang répandu sur une terre vierge.

Des troupes entières de soldats envoyées en mission à des kilomètres de leur garnison, missions bien souvent assassines auxquelles ils se plient sans les comprendre, exorcisant leurs peurs par la rage de vaincre et la folie meurtrière.



Thomas Mc Nulty, jeune Irlandais ayant fui la famine, débarque dans le Missouri.

Il y rencontre John Cole, venu de Nouvelle Angleterre et à peine plus agé que lui, avec lequel il noue rapidement une amitié amoureuse.

Ensemble, ils s'engagent dans le commerce de la guerre.

Thomas nous raconte leur parcours atypique durant lequel ils vont, tour à tour, combattre les Indiens, monter des spectacles de travestis, lutter contre l'armée sudiste et se prendre d'affection pour une jeune squaw rescapée d'une attaque.

Son récit est fait dans un langage parlé qui ne cherche pas à occulter la plate et crue réalité des situations vécues, qu'elles soient cocasses ou cruelles.

Des petites phrases toutes courtes, un brin candides, qui donnent toute la puissance émotionnelle à ces destins.



Sebastian Barry signe là un roman fort qui fait écho à l'histoire de son pays puisqu'à travers son personnage, il établit un parrallèle entre la colonisation de l'Irlande par l'Angleterre et celle de l'ouest des Etats-Unis par une armée que servaient, entre autres émigrés, des Irlandais.

J'aurais pu avoir un coup de coeur pour ce livre mais les opérations militaires sur le terrain ayant parfois souffert de quelques longueurs, je diminue ma note d'une étoile.

Une très belle lecture tout de même qui nous rappelle, s'il en était besoin, toute l'horreur de la guerre et ce qu'elle laisse comme séquelles physiques et psychologiques.
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Le testament caché

Je suis sortie de cette lecture indignée et atterrée. Je savais que la situation des femmes en Irlande jusqu'à tard dans le 20è siècle n'était vraiment pas enviable. Mais de savoir que le moindre soupçon sans le moindre début de preuve peut vous accuser d'adultère puis conduire à l'annulation de votre mariage. Alors, si en plus c'est un prêtre (catholique) qui est "témoin"... Et n'espérez pas faire entendre votre version des faits, surtout si vous êtes protestante... Cela signifie mise au ban et misère noire pour une femme. Ou l'internement dans un asile. Là où se trouve Roseanne après avoir en plus été accusée du meurtre de son bébé (illégitime) Elle a 100 ans et est là depuis 1945... Mais enfin un médecin va essayer de savoir ce qu'elle fait là, va essayer de savoir si son internement se justifie ou s'il n'est que social car elle était gênante... Notre bon docteur va aller de surprise en surprise.

A travers Roseanne, c'est la condition des femmes mais aussi toute l'histoire, assez confuse, des débuts de la République d'Irlande qui renaît. Celle-ci est plus malheureuse qu'heureuse ; pourtant la centenaire trouve toujours matière à se réjouir. Et assez paradoxalement, le lecteur se prend à se dire que peut-être elle était plus en sécurité derrière ces murs que dans la "vraie vie". La liberté ? En tant que femme, elle ne l'a jamais connue.

Heureusement, tout cela est maintenant de l'histoire, pas tout à fait ancienne.

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