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Critiques de Stefan Hertmans (173)
Le coeur converti

Si vous aimez les romans historiques, si vous aimez les drames amoureux, si vous aimez la littérature de qualité, vous devriez aimer ce roman... En partant sur les traces d'une femme qui vécu peu ou prou là où il vit désormais, Stefan Hertmans fait revivre une époque sous nos yeux, ce Moyen-Âge de la fin du 11e siècle au cours duquel les religions s'affrontent déjà au profit de celui qui aura le plus raison, et qui aura Jerusalem.



De la Normandie à l'Egypte en passant par la Provence, le lecteur suit les traces de l'auteur, lui-même en quête des minces bribes qu'Hamoutal a pu laisser dans l'Histoire. Jeune femme catholique, convertie par amour au judaïsme, Vigdis Adelaïs Hamoutal va devoir fuir et partir en quête. Quête d'elle-même, quête de ses enfants, quête d'espoir, quête de folie. Au final, c'est un destin tragique, brisé par des conflits de religion et par la violence des Hommes envers leurs semblables au nom d'un Dieu unique qui ne prend simplement pas la même forme mais est sensé porter les mêmes valeurs de partage, de tolérance et d'amour.
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Le coeur converti

"Ce livre s'inspire d'une histoire vraie. Il est le fruit à la fois de recherches approfondies et d'une empathie créative."



Monieux, מניו ou MNYW, Vaucluse, 650 mètres d'altitude. De nos jours, Stefan Hertmans y réside et s'intéresse à l'histoire locale. Tout part d'un ancien document parlant d'une prosélyte de Monieux, et retrouvé dans la Gueniza d'une synagogue du Caire, document actuellement conservé à Cambridge. Mais contrairement à ce que j'attendais, il faudra du temps pour en savoir plus sur ce document.



A Rouen, à la fin du 11ème siècle, la jeune Vigdis, fille d'un riche Normand et d'une Flamande, tombe raide amoureuse d'un juif de Narbonne venu étudier à la yeshiva de sa ville. Tout les sépare, mais les deux jeunes gens fuient Rouen pour se réfugier à Narbonne, chez le père de David. Ils risquent gros, et le père de Vigdis envoie des cavaliers à leur poursuite.

Après quelques années heureuses du jeune couple à Montieux, le village subit un pogrom, et l'on saura comment ce fameux document sera écrit et arrivera au Caire.



Stefan Hertmans s'appuie sur des documents authentiques, et a refait le parcours de Vigdis à travers la France et plus loin, et c'est passionnant, voire émouvant par moments, quand il pense avoir vriament mis ses pas dans ceux de Vigdis. Magnifique reconstitution de cette période, la vie en campagne et au village, la navigation en Méditerranée, la vie en Egypte, les croisades et leurs conséquences, la reconquista et ses conséquences, et bien sûr la vie de la communauté juive. Evidemment certains passages doivent tout à l'imagination de l'auteur, mais il sait ne pas insister quand il ne sait pas, tout en rendant plausible l'histoire tragique de Vigdis.
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Guerre et Térébenthine

Ce livre imprègne le lecteur. Le temps qu'il raconte est si lointain que les jeunes générations ont peine à imaginer que cela a pu être, une telle guerre, un homme touchant, serviable et si pieux, si pudique, tellement suranné avec le Borsalino et la lavallière. Né la même année que l'auteur (1951), j'ai un peu connu mes grands-parents, beaucoup grâce aux souvenirs de mes père et mère et tout ce que l'auteur raconte de son grand-père me paraît faire partie d'une période qui m'englobe.

Le succès du récit à partir des mémoires écrites de l'aïeul Urbain Martien est assuré par la narration bien distribuée de ses différentes facettes : la vie familiale de l'enfant pauvre à l'époux, le soldat en guerre blessé trois fois qui perd les illusions et l'auteur lui-même, le petit-fils pourvu des cahiers manuscrits, de quelques toiles peintes, photos et objets-souvenirs, sur les traces le plus souvent effacées de ce qui fût le paysage d'une vie. Bouleversante plongée dans un monde révolu exceptionnellement ravivé, qui imprègne de peinture à l'huile et de la boue des tranchées.
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Le coeur converti

Quel livre dramatique 😢

L'auteur nous relate l'histoire d'une jeune chrétienne tombent amoureux d'un beau juif à la fin des années 1090... à l'Aube de la première croisade elle va se convertir et s'enfuir. Par amour elle va parcourir à pieds des milliers de kilomètres sans s'imaginer dans quels ténèbres elle va s'enfoncer ! Vraiment très dur mais aussi très intéressant de découvrir la France de l'époque et les atrocités perpétrées lors des croisades !
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Une ascension

Plongée dans la Flandre profonde des années noires . Stefan Hertmans découvre un jour que les occupants précédents de sa maison étaient la famille Verhulst dont le père fut un collaborateur actif lors de la Deuxième guerre.

Il nous fait ainsi découvrir la vie intime et publique de Willem Verhulst qui rêvait de l'indépendance de la Flandre et qui pensant que les nazis la permettraient se mit à leur service .

On suit donc ce sinistre personnage depuis sa petite enfance jusqu'à sa mort sans que jamais il ne renie des années noires.

Les conditions de vie puis de survie après la guerre de sa famille sont également au coeur du récit et bien sûr la maison sise à Gand occupe une place importante dans l'histoire .

Un livre bouleversant à plus d'un titre et qui interpelle notre époque qui voit revenir en force les idées de Willem Verhulst.

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Le coeur converti

Difficile de classer le coeur converti dans une catégorie bien définie, l'ouvrage tient du roman ou de l'étude historique aussi bien que du récit de voyage.

L'auteur retiré dans le village provençal de Monieux apprend qu'en 1090 une tragédie a eu lieu au pied sa maison, dès lors il va se lancer dans les pas d'une jeune fille de Rouen que l'amour et les soubresauts de l'histoire vont ballotter de la Normandie à l'Égypte au temps des croisades.



Pour son malheur Vigdis fille d'un riche normand tombe amoureuse du fils du rabbin de Narbonne étudiant à Rouen. Fuyant sa famille elle va épouser l'homme et sa religion ce qui la condamne pour les chrétiens sans faire d'elle une vraie juive.



D'abord Hertmans restitue l'instabilité d'une époque où la cohabitation des communautés est précaire. L'instauration de la croisade par Urbain II va rompre les équilibres et les juifs sont ramenés à leur statut de déicides. Un pogrom va détruire le mariage de Vigdis devenue Hamoutal et la jeter sur les routes.



A partir de là le livre prend une autre dimension, deux voyages se développent en parallèle : la quête de Hamoutal en proie à tous les dangers de ces temps sauvages et la recherche de traces de ce parcours qu'effectue Hertmans mille ans plus tard.

Poésie et émotions sont au rendez-vous, bien sûr les lieux ont changé mais des vestiges demeurent et éclairent le récit. Hertmans retrouve des sites et des hommes qui semblent sans âge et paraissent nous ramener en l'an mil, il ira jusqu'au Caire où l'histoire de Vigdis a été retrouvée dans une sorte de tombeau mémoriel.



L'intérêt de l'ouvrage tient dans les allers et retours entre l'histoire reconstituée et romancée d'une jeune femme menée par ses passions et les efforts d'un auteur pour se transporter mille ans plutôt tôt au point d'apercevoir Vigdis au détour d'un chemin. Le lecteur y trouve son compte avec une histoire d'amour tragique, une peinture de la société de l'an mil, le cataclysme des croisades, un voyage en orient et des notions d'historiographie.



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Armistice

A l'occasion du centenaire de l'armistice, Gallimard a proposé à différents écrivains un hommage aux poilus. Le résultat est sublime. Trente et un auteurs contemporains se livrent à l'exercice difficile. Daeninckx, Hatzfeld, Jourde, Moï, Rufin, pour n'en citer qu'une poignée ont accepté cette écriture mémoire.

Chaque texte est illustré par une peinture, une gravure, un dessin. C'est ainsi que j'ai découvert l'histoire de vie et les peintures de Rik Wouters.



Cet ouvrage collectif fait écho aux chefs d'œuvre qui ont eu pour sujet la 1ere guerre mondiale: Voyage au bout de nuit, Les sentiers de la gloire, Au revoir là haut, capitaine Conan...



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Le coeur converti

A la lecture de ce roman, on ne peut qu’être admiratif de la volonté de fer et du courage de Vigdis devenue Hamoutal par amour. Cette chrétienne issue d’une famille aisée ose quitter sa vie pour embrasser les coutumes de David, jeune Juif dont elle tombe amoureuse. Dès l’instant où son choix est fait, qu’elle fait une croix sur sa vie d’avant et qu’elle s’enfuit avec David, elle est maitresse de sa destinée et doit affronter seule ce changement. S’ensuit une véritable chasse pour la retrouver et la fuite conduit à un cheminement qui n’est ni aisé, ni commun. Cette situation est d’autant plus forte qu’elle s’inspire d’une histoire vraie (bien que l’auteur ait pris quelques libertés), ce qui est atypique car être fille rebelle au Moyen-âge n’était pas chose courante.



A travers le récit, on va suivre Vigdis/Hamoutal dans son évolution passant de ses désirs à ses doutes face à sa situation et à sa conversion au judaïsme. La manière dont elle est présentée ici la rend à la fois humaine et mystique. Ses combats intérieurs sont bien retranscrits et son évolution transparait au fur et à mesure de son cheminement, pour ne pas dire de la quête de l’auteur.



En effet, la particularité de ce roman est qu’il alterne à la fois des passages sur la vie et les périples de Vigdis/Hamoutal mais également ceux de l’auteur, qui d’une manière presque documentaire, retrace et suit la fuite de Rouen à Monieux des deux amoureux. Ses interventions sont très bien insérées dans la lecture et permettent de comprendre un peu mieux les faits passés. On peut considérer ces insertions comme des « notes de bas de pages » avec un récit mieux construit.



L’aspect historique est aussi bien présent avec la portée du religieux dans le quotidien des contemporains de l’époque, mais aussi les conflits et massacres qui ont caractérisé cette période (guerre de religions, Reconquista, pogroms) sans qu’aucun jugement ne soit porté ni par l’auteur, ni par le personnage principal. Cette retranscription des faits confère au roman un côté intemporel et Vigdis/Hamoutal porte en elle un côté universel.
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Le coeur converti

XI e siècle. Guerres religieuses. Croisades. Haine du "Juif". C'est la toile de fond pour cette très belle histoire d'amour tragique entre David, jeune juif séfarade et Vigdis, chrétienne normande qui se convertit par amour pour lui. Cela ne plait évidemment pas à la famille noble de la jeune femme.

Et c'est la fuite du jeune couple qui va les mener entre autre au petit village de Monieux où vit Stefan Hertmans.



A partir de ces 2 personnages qui ont vraiment existé, l'écrivain remonte le temps, part sur leurs traces et imagine ce qu'aurait pu être leur quotidien.

Stefan Hertmans a mené son investigation durant 20 ans et il nous livre le fruit de ses recherches. C'est tout simplement passionnant.

Lu dans le cadre du challenge #deslivresbelgesdansvotrevalise
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Antigone à Molenbeek

Beaucoup déçue. D'abord le texte est trop court. Puis que nous raconte-t-il ? Pas grand chose. De la colère, de la détermination, puis encore de la colère.

Le style est travaillé, la forme nous propose quelque chose d'original. Malheureusement le fond ne suit pas. Je m'attendais à plus qu'une simple énumération de faits.
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Le coeur converti

Voici un livre, à la construction inédite à mi-chemin entre le roman et la thèse. David et Vigdis ont réellement existé. Pour preuve, ce manuscrit trouvé dans une synagogue du Caire. Se basant sur ce témoignage, l'auteur calque ses pas sur ceux du couple et entreprend le même voyage, de Rouen jusqu'à Narbonne, puis Monieux.

Au départ j'ai été séduite par l'exercice, touchée par l'émotion ressentie par Stefan Hermans lorsqu'il se trouvait dans des lieux connus de David et Vigdis. Ces deux personnages étaient omniprésents, tels des fantômes venus raconter leur histoire. Mais rapidement, ces interventions récurrentes de l'auteur ont fini par me lasser, comme si son voyage était autant le sujet du roman que celui de la fuite éperdue de David et Vigdis.

De plus, l'auteur nous fait comprendre que les sources sont difficilement exploitables. S'il s'est autorisé à broder certains passages de l'histoire, à juste titre puisqu'il écrit un roman, il s'est limité pour d'autres, laissant le lecteur dans le flou, notamment en ce qui concerne le destin des enfants du couple.

Au fil du roman, le tragique destin des amoureux a fini par me miner et ces aller-retours entre fiction et réalité par me lasser.

Dommage car il faut reconnaître la qualité du travail de recherche de l'auteur, sa jolie écriture et ses connaissances sur le sujet.

Peut être suis-je trop conventionnelle et trop peu érudite pour en apprécier la réelle valeur....
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Le coeur converti

Je ne connaissais pas du tout cet auteur belge. Quelle révélation! Le coeur converti est un roman superbe où Stefan Hertmans mène l'enquête sur la fuite, au Moyen Age, d'une jeune chrétienne avec un fils de rabbin. Fin du XIème siècle, parti de Rouen pour rejoindre la communauté juive de Narbonne, le couple en fuite va se trouver poursuivi par les soldats chrétiens à la solde de son père normand. Elle s'appelle Vigdis, et blonde nordique, va changer de nom, Sarah d'abord, puis Hamoutal, après avoir épousé David. Leur voyage les ménera dans le village vauclusien de Monieux, dans une bien rude arrière-Provence.



C'est aussi dans ce village que vit une partie de l'année Stefan Hertmans, auteur néerlandophone d'une prose lyrique et somptueuse qui amalgame la grande histoire, celle des invasions et des pogroms, celle aussi des religions. La documentation pourtant impressionnante n'est jamais écrasante et l'héroïne est bien réelle à nos yeux. Femme qui conquiert une certaine liberté mais se heurte bien vite aux intolérances de tous ordres, Hamoudal aura le destin, tout de violence et de mystère, qui sied à ce qui est aussi un roman d'aventures.



Ceci n'empêche pas Le coeur converti de nous éclairer sur la vie au quotidien d'une petite communauté juive au début des croisades ou sur les voies de communications du nord et sud, puisque la fuite d'Hamoutal nous entraîne jusqu'à Fustat Misr (Le Caire). Juive par son mariage, les yeux bleus des Vikings, ballottée par le destin, mère d'enfants qui lui échappent, elle connaitra une vie tumutueuse et bien peu de répit. Prodigieusement documenté, ce roman se base aussi sur quelques rares traces écrites véritables et l'authenticité de ce roman historique (j'hésite car c'est souvent un peu péjoratif) est indiscutable. Stefan Hertmans a refait ce périple, au plus près de Vigdis malgré les siècles.



Ecoutez commme il parle du grand fleuve. Le Nil est tel une fleur de lotus, disaient les anciens; la vallée au sud est sa tige, le delta au nord sa fleur galbée, et la plaine de Fayoum est comme un bouton de fleur fermé sur sa grande tige. Hérodote considérait l'Egypte comme rien de moins qu'un cadeau du Nil; mais ce lotus géant, qui avait insufflé la vie à l'Egypte, était aussi un organisme violent, mortel. Ou de Cambridge, Angleterre, en 2018. Sur la rivière des guides à bord de leurs punts-des petites barques qu'ils font avancer en enfonçant une perche dans l'eau peu profonde de la Cam-font de leur mieux pour imiter Venise. Telle est la vie des vieilles élites, un peu étrangère à ce monde et charmante, on est au centre de cercles civilisés anciens qui s'obstinent à prétendre que la moitié du monde n'est pas en feu.



Le coeur converti est l'un des plus beaux romans de l'année à mon avis. Et c'est un livre qui s'adresse à tous, intelligent et érudit, tonique et émouvant.

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Guerre et Térébenthine

Ce récit est une suite d'hommages constituée de fragments de vie et de portraits, de récits de guerre, de vie politique et sociale et bien sûr de peinture, d'images, de spectacles, de matières, d'odeurs.

Après la lecture des carnets de son grand-père, Sefan Hertmans décide de retranscrire l'ensemble des notes de celui-ci pour mettre au jour l'histoire des gens de sa famille, celle de ses arrières grands-parents et de ses grands-parents, celle de ses parents et la sienne même qui apparaît en filigrane à travers son travail d'écrivain et ses souvenirs d'enfance. L'Histoire y est évoquée dans un panorama constitué de tableaux, d'images, de fragments de souvenirs, d'odeurs retraçant la société ouvrière qui souffre de la misère, de la faim, de labeurs infernaux qui évoquent des peintres comme Emile Claus ou Constantin Meunier. Sur la trace du passé, l'auteur nous fait visiter la ville de sa famille, Gent, à travers l'univers pictural inhérent à son arrière grand-père et à son grand-père, souvent lié au spectacle de la mort et de la pourriture ou alors à celui des églises et des saints Ce livre est construit en trois parties : la première porte sur l'enfance et l'adolescence du grand-père, sa dure vie d'apprenti dans une fonderie et sa prise de conscience du désir d'être peintre. La seconde est consacrée à la guerre de 14-18, à l'héroïsme du grand-père et aux humiliations subies par les soldats flamands par les gradés francophones : "ces imbéciles de flamands ne comprennent rien". La troisième partie est consacrée au retour sur le présent de l'écriture de l'auteur et le vieillissement du grand-père jusqu'à sa mort. Les récits sont souvent jalonnés de reproductions photographiques ou picturales, d'extraits de notes non retouchées. En aucun cas misérabiliste, cette oeuvre est un véritable témoignage de l'histoire des hommes, celle dont on ne parle pas, ou peu, dans les livres d'Histoire.



Extrait 1 : Il est témoin d'un épouvantable accident du travail : le fils du forgeron tombe tête la première dans le four brûlant. Il voit le forgeron, qui à ce moment-là était occupé à donner des coups de marteau en tournant le dos au four et ne s'était rendu compte de rien, retirer son fils des flammes en jurant, mais il est trop tard. Ce qu'ils aperçoivent est un visage détruit, une boule noircie par le feu, aux traits vaguement humains où bouillonne un liquide glaireux, mélangé à de la salive ensanglantée. Les yeux calcinés sont blancs comme ceux d'un poisson cuit ; la bouche est un trou noir où billent les dents du haut à présent dégagées. Un jeune ouvrier entre, un seau dans les mains, et verse de l'eau sur la tête. Dans le sifflement et le gargouillement asphyxiants que produit l'eau qui s'infiltre en profondeur dans la peau brûlée, le jeune homme agonisant expulse un dernier gargarisme, tandis que le corps se tord et se convulse. […] Les ouvriers et les apprentis observent la scène fixement. […]

C'est le premier mort qu'a l'occasion de voir mon grand-père. Aucune assistance psychologique n'était prévue à l'époque ; il rentre chez lui et se tait pendant toute la soirée. […]

Puis tout va très vite. Après quelques semaines de recherches et de tâtonnements, il se retrouve à la fonderie. Dur labeur, un garçon de treize ans à peine qui les premiers jours déambule, perdu, dans un vacarme assourdissant […]



Extrait 2 : Aujourd'hui, j'aimerais entendre de nouveau leurs histoires en prêtant attention aux moindres détails car, à l'époque, je voyais sans voir et j'entendais sans entendre, moi le coupable qui, enfant, passait inaperçu dans la pièce et allait quelques années plus tard détruire la montre de leur père défunt. Bientôt, sous le "lanterneau", comme ils appelaient cette ouverture ménagée dans le toit dans laquelle étaient enchâssés des vitraux colorés, la pièce s'emplit de fumée de cigare et de pipe. La bouteille d'Elixir d'Anvers ne tarde pas à se vider, à la demande de Léontine on pose du genièvre sur la table […]. Clarisse a atteint, bredouillante et tremblotante, l'âge de cent six ans, aussi saine d'esprit et calme qu'elle l'avait toujours été ; Mélanie cent trois ans, mélancolique et élégante jusqu'à son dernier jour ; mon grand-père, énergique et sentimental, quatre-vingt-dix ans ; Jules et Emile dont morts à soixante-dix ans passés. Ils étaient tous des survivants, des personnes résistantes, endurcies par la pauvreté durant leur jeunesse et la rigueur des années de guerre, chrétiens jusqu'au tréfonds de l'âme, mais faisaient aussi preuve de pragmatisme, de sang-froid et d'ironie face aux circonstances concrètes de leur existence. Leur mesure du temps était aussi simple qu'efficace : il comptait en fonction de ce qui s'était passé "avant la Grande Guerre" ou "des années après la Grande Guerre". On ne parlait pas beaucoup de la Seconde Guerre mondiale […].

Ils restent assis, se taisent, soupirent, rient, toussent, avalent, prennent tout compte fait encore une petite gorgée, disent : oui, oui, mon vieux, c'est quelque chose, la vie. Je les vois devant moi, les mains posées sur leurs genoux, les unes noueuses avec les pourtours des ongles sales, les autres fines ou pâles. Mais je ne peux les dessiner comme mon grand-père en était capable. Une curieuse lumière surnaturelle éclaire leurs sombres silhouettes, la lumière tenace de ce qui ne reviendra plus.
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Le coeur converti



Les petits villages sont empreints d’histoire. Stefan Hertmans, installé à Monieux dans le Vaucluse, entend parler de son trésor caché et part sur les traces d’une jeune normande chrétienne convertie au judaïsme par amour pour David Todros, le fils du rabbin de Narbonne.

Nous sommes au XIe siècle. Les seigneurs de guerre féodaux prennent les armes remettant en cause la paix religieuse installée par Charlemagne.

Le Pape Urbain II veut reconquérir Jérusalem et commence d’ores et déjà à anéantir tous les juifs de France.

Vigdis, la jeune viking, normande de haut rang s’enfuit de Rouen avec David. Ils traversent les campagnes et les forêts pour rejoindre Narbonne. Une ville qu’elle devra fuir aussi pour Monieux, perdant en chemin ses deux enfants, capturés par les chevaliers chrétiens. Toute sa vie, elle devra fuir la violence des pogroms mais jamais ne baissera les bras pour retrouver ses enfants.



Si j’ai aimé cette grande histoire, rythmée par le courage de Vigdis, émue par le côté dramatique des pogroms et particulièrement par le destin de la jeune femme, je n’ai jamais pu vraiment entrer dans cette aventure. En contant son histoire, l’auteur installe une certaine distance. Le style m’a semblé assez saccadé par moment, effaçant tout lyrisme.

L’auteur insère dans le récit historique sa propre route sur les pas de Vigdis. Son émotion est palpable quand il parvient à toucher un lieu emprunté par cette éternelle fugitive comme la yeshiva de Rouen, la crypte de Clermont, les environs de Monieux ou la synagogue de Ben Ezra à Fustat en Egypte. Ses descriptions de lieux, sa connaissance pointue de cette période du Moyen-âge, ses apports culturels sur la religion juive font de ce récit un roman intéressant.

Dans mon coeur, Stefan Hertmans supplante son héroïne, qui est pourtant une femme exceptionnelle. Voilà qui est un peu dommage sur le plan romanesque et émotionnel mais qui ajoute une dimension philosophique sur l’importance de sauvegarder notre patrimoine culturel.
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Une ascension

Jeune homme dégourdi, grand gaillard sûr de son charme, William Verhulst est borgne depuis son enfance. De ce fait, adolescent il a échappé à l'enfer puisqu'il a eu 20 ans en Juillet 18. Il promène son indécision dans les années 20 et se laisse séduire par les nouveaux pangermanistes quand leur toute puissance s'imposera en Belgique à la fin des années 30.

Verhulst, chaud lapin finalement marié à Mientje, une protestante pieuse avec qui il a eu trois enfants, va devenir un collabo très impliqué, jusqu'à endosser l'uniforme nazi et à occuper des fonctions officielles répressives dans la Belgique occupée.



Le livre nous conte son ascension, la difficulté pour sa famille à vivre les inquiétantes sympathies du père dans les années de guerre puis le tourbillon de la dégringolade quand le vent a tourné, la fuite en Allemagne, enfin le retour en Belgique de la famille, disloquée quand Verhulst fut capturé, jugé et enfermé après la capitulation de l'Allemagne.

Ce sinistre parcours est édifiant mais j'ai eu du mal à me passionner. J'avoue même que j'ai été tenté de "lâcher l'affaire" plus d'une fois, peut-être à cause de la surabondance de détails, du style un peu trop neutre et parfois presque...besogneux, enfin de la complexe rivalité entre les belges flamingants et les francophones.



On m'a présenté ce bouquin dans une table ronde en mentionnant l'exemple de "Lacombe Lucien", l'excellent film de Louis Malle qui m'avait marqué en son temps.

Je m'attendais donc à plus de ressenti de ma part, plus en tous cas que l' impression d'ennui teinté d'un vague dégoût que me laisse ce loooong récit.

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Le coeur converti

Que puis je rajouter aux critiques précédentes

Un livre sur le Moyen Age sur la religion demain de la concentration au début

Du vocabulaire une époque qui sont loin de mettre familière on fait que j ai eu du mal à m impregner de l l'histoire

Ce couple de fugitif ne peut nous être que sympathique et attachant.

Un livre qui m a aussi donner envie de faire des recherches sur cette époque .
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Une ascension

Il en faut parfois du temps pour tomber sur un très grand livre, mais j’ai trouvé le mien. Une ascension de l’auteur belge néerlandophone Stefan Hertmans (dont vous avez peut-être déjà lu Guerre et térébenthine ou le Coeur converti)est un docu-roman d’une force inouïe.



Comme pour le Coeur converti, c’est une maison - située dans un quartier aujourd’hui populaire à Gand - qui entraîne l’histoire, celle dans laquelle l’auteur a vécu une vingtaine d’années. Dès son achat, Stefan Hertmans apprend que celle-ci fut habitée pendant la Deuxième guerre par Wim Verhulst, un nazi, un collaborateur flamand. En la visitant pour la première fois, il tombe sur une flopée de documents qui lui serviront plus tard à retracer l’histoire de Verhulst et de sa famille.



Comment devient-on collabo ? C’est ce que raconte Une ascension. Il a suffi à Wim Verhulst de s’être senti humilier dans sa vie par des francophones belges, d’être flamingant, de rêver que la Flandre appartienne à un espace géographique pangermaniste pour glisser du côté de l’horreur.



Plutôt que de suivre Wim pas à pas, l’histoire est racontée du point de vue de son épouse hollandaise et protestante, une femme extraordinaire qui se rend vite compte de la folie de son époux et refuse d’entendre parler de ses opinions ou de le laisser franchir le pas de la porte en uniforme nazi. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour protéger ses enfants du vent meurtrier de l’Histoire.



Ce roman m’a permis, pour la première fois, de comprendre les mauvaises raisons de la collaboration flamande et leur refus de s’en excuser - jusqu’à la fin Wim Verhulst n’aura d’ailleurs aucun regret. Grâce à ce livre, j’ai également mieux saisi les fondations de deux partis politiques flamands, la NVA et le Vlaams Belgang. En cela Une ascension est un livre indispensable, doublé en plus d’une grande habilité romanesque et d'une infaillible documentation.
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Guerre et Térébenthine

Un portrait tout en sensibilité du grand père de l’auteur et la photo d’une Belgique un peu oubliée parfois pour le meilleur parfois pour le pire.
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Guerre et Térébenthine

En lisant le billet de Dominique je m’étais fait une promesse, mettre ce livre dans ma liste, puis dans ma pile à côté de mon lit, et puis finalement de le lire. Promesse tenue. J’ai bien aimé cette lecture dont un bon tiers est occupé par le récit de la guerre 14⁄18 vu du côté des Belges. Stefan Hertmans a voulu redonner vie à un grand-père très digne et très pieux. Il a voulu aller plus loin que son apparence d’homme sévère habillé en costume et portant tous les jours une lavallière noire et un borsalino. Il a trouvé un homme meurtri par la guerre et qui ne s’est jamais remis des souffrances qu’il a ressenties dans son corps et celles qui ont blessé et tué de façon horrible ses compagnons. La force avec laquelle sont racontés ces combats m’ont permis de me rendre compte de l’héroïsme de cette armée dont je savais si peu de chose avant de lire ce roman. Un autre aspect que j’ai découvert, c’est la domination à l’époque du français sur le flamand (les temps ont bien changé !). Les pauvres soldats flamands non gradés devaient donc obéir à des ordres parfois absurdes et qui, surtout, pouvaient les emmener à la mort donnés par des officiers qui ne s’exprimaient qu’en français d’un ton le plus souvent méprisant. Plusieurs fois, dans ce récit on ressent la langue française comme une façon de dominer les flamands. Comme ce lieutenant qu’il entend dire derrière son dos



Ils ne comprennent rien, ces cons de Flamands



Au delà des récits de guerre, on découvre un homme Urbain Martien (prononcez Martine) qui a aimé et a été aimé par ses parents. Son père, grand asthmatique, lui a donné le gout du dessin mais malheureusement, il laissera trop tôt sa femme veuve avec ses quatre enfants. Urbain connaîtra la misère celle où on a faim et froid et pour aider sa mère il travaillera dans une fonderie sans aucune protection et dans des conditions effroyables. Finalement il s’engagera à l’armée et sera formé au combat ce qui le conduira à être un cadre sous officier pendant la guerre.

Il connaîtra l’amour et sera passionnément amoureux d’une jeune femme qui ne survivra pas à la grippe espagnole ; il épousera sa sœur et ensemble, ils formeront un couple raisonnable.



J’ai eu quelques réserves à la lecture de cette biographie, autant le récit de la guerre m’a passionnée car on sent à quel point il est authentique : nous sommes avec lui sous les balles et les des canons ennemis, on patauge dans la boue et on entend les rats courir dans les tranchées. Autant la vie amoureuse de son grand-père m’a laissée indifférente. En revanche, sa jeunesse permet de comprendre cet homme et explique pourquoi la religion tient tant de place dans sa vie. Pour la peinture puisque c’est l’autre partie du titre disons que le talent d’un copiste même merveilleux n’est pas non plus très passionnant, la seule question que je me suis posée c’est pourquoi il n’a que copié des tableaux et n’a pas cherché exprimer ses propres émotions.
Lien : http://luocine.fr/?p=10823
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Le coeur converti

J’ai commencé à suivre avec beaucoup d’enthousiasme le destin de la jeune Adélaïs. Au XIe siècle, cette jeune chrétienne normande destinée aux plus beaux partis tombe amoureuse d’un jeune juif. Ensemble, ils s’enfuient et elle se convertit au judaïsme pour pouvoir vivre pleinement son amour avec le jeune David.



J’ai été charmée par cette plongée historique au temps des croisades, par la jolie plume (ou en tout cas sa traduction) du belge néerlandophone Stefan Hertmans.

Le voyage des amoureux se superpose avec celui du narrateur qui marche dans leurs pas et cela donne une prose très esthétique, très visuelle.

J’étais conquise ... jusqu’à ce que je ne le sois plus du tout. Un événement dramatique survient dans la vie de la jeune femme qui est contrainte de fuir une fois de plus.

Son exil est long, très très long. Toutes les horreurs qui peuvent advenir à une femme seule sur la route semblent lui tomber sur le nez une par une, elle va d’horreur en maladie, de famine en désespoir,... Bref, j’ai trouvé son agonie (car voilà ce qu’est son voyage, une agonie) longue et pénible. Le dernier tiers de ce roman m’a donné mal au ventre et j’ai parcouru les derniers chapitres en diagonale.

Certes, sa ténacité, son abnégation forcent le respect, mais ça n’en est pas moins très laborieux à découvrir...

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