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Critiques de Stefan Hertmans (173)
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Le coeur converti

Enquête passionnante d'un écrivain subjugué par le destin tragique d'une femme des temps lointains. Cette femme, Vigdis (qui signifie en normand "déesse du combat"), née en 1070 d'un père Normand converti et d'une mère d'origine flamande et franque (qui lui donne comme deuxième prénom, celui d'Adélaïs, moins païen à ses yeux) se convertit au judaïsme par amour pour le jeune David qu'elle épouse contre le gré de ses parents. Tiraillée entre sa culture chrétienne et sa nouvelle religion, Vidgis sera prise dans les horreurs de l'histoire ; la chasse aux juifs, les pogroms, la feront basculer dans une fuite vers la survie. Stefan Hertmans dresse un portrait d'une femme sensible, qui doute, se trompe parfois, sans cesse poursuivie par une culpabilité dévorante. Les intermèdes dans le temps présent n'atténuent en rien le souffle du récit ; bien au contraire. Cest le coeur bien serré que j'ai refermé ce roman.
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Guerre et Térébenthine

Nostalgie et émotion dans ce récit de Stefan Hertmans, personnage jovial et passionné de la littérature belge que j’ai eu le bonheur de rencontrer à la bibliothèque de ma commune.



Hertmans rend un bel hommage à son grand-père, le héros de son enfance. On y retrouve une Flandre aujourd’hui disparue, extrêmement pauvre, industrieuse et sans cesse humiliée par la bourgeoisie.



Le roman est composé de trois parties, avant-pendant-après la Première Guerre Mondiale, et je dois avouer un certain ennui pour la seconde partie, assez riche en faits de guerre et en batailles. La troisième partie évoque avec beaucoup de pudeur la vie sentimentale du grand-père. La première partie est, selon moi, la plus réussie : Hertmans dépeint de très beaux tableaux, colorés, olfactifs et vivants, de la vie ouvrière au début du XXème siècle, comme celui de la forge, ou celui de la fonderie, sans oublier le mémorable (en tout cas je m’en souviendrai longtemps) épisode de la visite à l’usine de gélatine …



Cet épisode sera tellement marquant qu’il révèlera au grand-père de sa vocation, la peinture, cet art qu’il aura pratiquée toute sa vie sans vraiment devenir l’artiste qu’il aurait pu être … Du coup, on ne peut qu’être interpellé par l’affirmation qu’il fait à son petit-fils « Tu peux tout faire, du moment que tu en as envie ». Douloureux mensonge ? Non, je crois plutôt que ces mots sont ceux de l’espoir fou, et totalement compréhensible, de voir nos enfants s’épanouir et réaliser leurs rêves, là où nous avons dû abandonner les nôtres…

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Le coeur converti

Le charme du Coeur converti opère dès la très belle couverture et cette opulente tresse cascadant sur l'épaule d'une jeune femme.



Le Belge Stefan Hertmans, qui vit dans le Sud de la France à Monieux, a consacré vingt-deux années aux amours de la Normande chrétienne Vigdis et du Narbonnais juif David. Vingt-deux années d'études et de recherches pour retranscrire la fin d'un XIème siècle plus vrai que nature, avec ses fureurs entre pogroms et lancement de la Ière Croisade par le pape Urbain II en 1095. Le passé ressuscite sous sa plume dans toute sa véracité, dans toute sa violence trop souvent mais aussi dans la belle solidarité qui unit autour du bassin méditerranéen la diaspora juive.



Quand l'histoire rejoint l'Histoire, il en découle bien trop souvent drames et tragédies. Les amours interdites à l'époque de Vigdis et David n'y échappent pas. Mais quels merveilleux personnages nous offre Stefan Hertmans! Quel courage fit preuve la jeune fille, née d'une famille très aisée avec un père remontant aux Vikings et une mère rattachée à la noblesse de Flandres, en acceptant de quitter cette enviable situation par amour pour un beau méridional qui lui découvre d'autres coutumes, un autre Dieu. L'auteur nous fait partager avec force et émotion les craintes et les doutes de la nouvelle prosélyte quant à sa conversion et au fait de renier la religion des siens et les prières qui si souvent l'apaisèrent.



Comme Laurent Binet dans HHhH, Stefan Hertmans entre dans le récit en expliquant ses recherches au plus près de Vigdis et de toutes les rencontres qu'elle fait. Car cette histoire est tirée d'une histoire vraie concernant entre autre le village de Monieux. D'une lettre d'introduction émanant du rabbin de Monieux pour Vigdis devenue par conversion Sarah, conservée à Cambridge sous la référence TS 16-100, le Belge s'engage sur les chemins suivis par la belle rebelle depuis son Rouen natal.



Plus qu'un roman historique, il s'agit ici d'une véritable reconstitution historique, "fruit à la fois d'une recherche approfondie et d'une empathie créative", comme il l'explique en exergue du livre. C'est un long périple, avec tous les dangers inhérents à l'étymologie latine du terme qui attend le jeune couple.

L'auteur la raconte dans un style qui m'a séduite par sa finesse et son élégance mais aussi parce qu'en effet, j'ai ressenti la profonde empathie qui lie Stefan Hertmans à son héroïne. Au point de l'interpeller à travers les siècles afin qu'elle renonce. En vain bien sûr.



Ce livre me fut très vivement recommandé par une amie bibliothécaire que je remercie pour l'avoir fait. A mon tour, je ne peux que conseiller avec ardeur ce merveilleux ouvrage à tous les passionnés d'Histoire et d'histoires.
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Le coeur converti

Fin du XIe siècle, en France et Méditerranée.



Peut-on oser le parallèle entre les temps des grandes croisades du Moyen Âge pour libérer Jérusalem des musulmans et notre époque contemporaine de Jihad, terme apparu alors pour contrer le zèle religieux belliqueux venu d’occident?



Avec une écriture très visuelle, Stefan Hertmans met en scène ces temps troublés de querelles religieuses en suivant les traces d’un couple improbable et blasphématoire pour la société de l’époque: une jeune fille chrétienne de Normandie qui abandonne position et fortune pour épouser un jeune rabbin de Narbonne.



La politique de sainteté absolue voulue par le pape Urbain II n’épargne pas la communauté juive de France, victime collective expiatoire d’une population superstitieuse en quête de revanche de pauvreté et de guerres internes. Les pogroms s’étendent. Et la première longue chenille armée en route vers la Terre Sainte va tout balayer sur son passage, et briser le destin d’un couple symbolique.



L’auteur s’invite en enquêteur dans cette narration historique documentée, au-delà des siècles, en foulant les mêmes lieux, chercheur de traces et d’indices des temps anciens dans les pas d’une jeune femme à la dérive et dont la bibliographie juive garde mémoire.



Il produit sur le fond historié un roman d’aventure de fracas et douleur, touchant et dramatique, qui entraîne le lecteur des côtes normandes jusqu’aux rives orientales de la Méditerranée, en passant par l’arrière-pays provençal.



Ce fut une bien belle lecture.

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Guerre et Térébenthine

L'auteur nous emmène à la découverte de son grand-père Martien. On découvre sa ville, Gand à la fin du XIXe siècle, vieille ville flamande, avec sa bourgeoisie francophone, ses ouvriers car l'industrie se développe. Martien naît dans un milieu petit-bourgeois, son père est peintre d'église, un homme asthmatique et rêveur. Le jeune Martien travaille à la forge mais il veut peindre et apprend en autodidacte. Vient août 1914 et la guerre (deuxième partie du triptyque romanesque), et là le récit de guerre est à la première personne, les combats de la petite armée belge contre l'adversaire allemand sans pitié, l'héroïsme chevaleresque balayé par les mitrailleuses, Martien est blessé plusieurs fois sur le front de l'Yser où l'armée belge décimée en août 1914 s'est retranchée. La troisième partie évoque le retour, l'amour trouvé puis fauché par la grippe espagnole, encore une épreuve à laquelle Martien survit grâce à la peinture, même s'il connaît des périodes sombres. Ma belgitude a été sensible à ce roman où le terreau du mouvement flamand est évoqué : une domination culturelle francophone mal vécue, le mépris des officiers francophones pour les soldats flamands sur le front, le pacifisme flamand né de cette boucherie qui aboutit au pèlerinage de l'Yser dans l'entre-deux-guerres auquel Martien participe...Même si on oublie ici que le soldat francophone qui s'exprimait dans son patois wallon devait connaître le même sentiment d'humiliation linguistique de la part de l'officier issu de la bourgeoisie, même si la langue flamande a gagné ses lettres de noblesse, et ce roman en est une nouvelle preuve, et même si la Flandre est aujourd'hui une des régions les plus prospères d'Europe, le ressentiment est profond et le compromis difficile entre francophones et néerlandophones reste au cœur de la politique belge...Bel hommage en tout cas rendu à Martien qui se prononce "Martine", artiste sensible et soldat courageux.

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Le coeur converti

L’auteur définit ainsi sa démarche : « Ce livre s’inspire d’une histoire vraie. Il est le fruit à la fois de recherches approfondies et d’une empathie créative ».



Pour appuyer son propos, il nous livre des éléments sur ces recherches. Il s’agit en somme de deux documents incontestables. Un premier, écrit par le rabbin du village du sud de la France où s’est installé l’auteur, et retrouvé en Egypte, demande de l’aide pour une veuve, une convertie, dont le mari a été tué avec d’autres Juifs dans la synagogue locale. Le couple s’était réfugié dans le village, car la jeune femme, issues d’une famille chrétienne prospère, est recherchée par ses proches, et ce village à l’écart, où vivait une communauté juive, paraissait une bonne cachette. Mais la communauté juive a été décimée, le mari tué et les enfants enlevés. La femme est à leur recherche, et le rabbin a donc rédigé ce document pour qu’elle puisse être aidée dans ses démarches.



Un deuxième document évoque une prosélyte dont le mari a été tué dans un pogrom, et qui évite de peu le bûcher dans un village espagnol. L’auteur fait l’hypothèse qu’il s’agit de la même personne.



L’auteur ne donne aucun autre élément précis sur ses recherches, on peut donc supposer que tous les éléments factuels concernant ses personnages sont donc inventés, même si bien évidemment, il a dû s’informer sur le contexte historique plus général pour écrire son livre.



Par ailleurs, il entrecroise le récit de celle qu’il va appeler Vigdis, puis Sarah ou Hamoutal, avec ses propres expériences. Celles de ses recherches, mais aussi de son installation au village.



Le récit de Stefan Hertmans est romanesque à souhait. Il imagine l’enfance de Vigdis, sa famille, sa rencontre avec David, qui deviendra son mari. Il dépeint leur fuite, l’arrivée au village, l’accouchement spectaculaire de son première enfant. Puis l’arrivée des croisées, le massacre, auquel elle échappe par miracle. Ensuite son voyage dramatique à la recherche de ses enfants jusqu’en Egypte, un deuxième mariage, son retour en France, toujours à la recherche de ses enfants. Enfin l’épisode où elle manque de peu de finir sur le bûcher. Je dois avouer que j’ai trouvé tout cela un peu chargé en événements dont le nombre et le caractère dramatique finissait par questionner la vraisemblance. D’autant plus que l’auteur joue beaucoup sur la corde sensible du lecteur (ou peut-être plus de la lectrice). Enfin, en opposition à l’histoire de son héroïne, les parties où il parle à la première personne, de son existence et de ses recherches, sont assez insipides, et un peu bavardes. Comme si, pour compenser une existence somme toute banale, comme celle de la plupart des gens, il s’est laissé entraîné à inventer une histoire à l’exact opposé de cette banalité.



Je ne suis sans doute pas la lectrice idéale pour des histoires très romanesques, pleines de sentiments, et je suis peut-être un peu injuste avec ce livre, qui semble avoir trouvé ses lecteurs. Mais j’avoue que j’ai eu un peu de mal à le terminer, une sorte de brouillage de frontières entre la vérité historique et l’imaginaire de l’auteur me gênant tout particulièrement.
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Une ascension

Enquêter sur des faits anciens et nous plonger dans une histoire basée sur la vérité historique, agrémentée de l'inspiration crédible du romancier, beaucoup d'écrivains s'y sont essayé mais peu parviennent à passionner comme peut le faire Stefan Hertmans. Après le formidable Le cœur converti, en s'attaquant à une période plus récente, mais en procédant de la même manière, l'auteur belge récidive avec éclat autour du sinistre Willem Verhulst, SS flamand, collaborateur zélé du Troisième Reich. Une ascension n'est donc pas une biographie classique de ce Flamand rosse mais une approche d'un réalisme inouï, quasi en immersion auprès de ce triste personnage, de son épouse, de sa maîtresse et de ses enfants. Mais c'est surtout une époque qui revit sous la plume de Stefan Hertmans, avec en point d'orgue l'occupation de la Belgique et la haine des deux grandes communautés qui peuplent le pays : wallonne et flamande, la collaboration avec les nazis n'ayant épargné ni l'une ni l'autre mais avec une fureur, si l'on ose dire, plus forte encore du côté de la deuxième et qui est au cœur du livre. C'est aussi un voyage à Gand, la ville natale de l'auteur, qui raconte dès les premières pages d'Une ascension comment il en est venu à s'intéresser à Verhulst. Les pages qu'il consacre à la documentation qu'il a patiemment amassé, loin de freiner la lecture, l'enrichissent diablement et constituent à la fois une respiration et une perspective. Nourri de témoignages de première main (auprès des descendants du dignitaire nazi), d'archives diverses (dont les journaux de sa femme) et même de photographies, le "roman" montre, sans vouloir les expliquer à tout prix, la rage, les mensonges et les atroces égarements de Vehulst, dont la figure diabolique ne parvient pas à effacer celle, à l'opposé, de son épouse, pacifiste et victime de cet associé des forces du mal, lequel n'aura finalement pas payé si cher pour ses méfaits.
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Le coeur converti

Stefan Hertmans présente ici un curieux travail : il entreprend une recherche sur un personnage qui a vécu au XIIe siècle et nous raconte ses investigations sous la forme d'un roman. Ainsi vont se mêler deux histoires interdépendantes : « recherches approfondies » et « empathie créative » comme l'auteur nous en prévient en exergue, le tout raconté essentiellement au présent de manière non linéaire.



Tout commence à Monieux, petit village médiéval du Vaucluse, où l'auteur belge néerlandophone réside régulièrement depuis 22 ans. Quand on tape « Monieux » dans un moteur de recherche, la suggestion « Monieux pogrom » apparaît tout de suite, car l'histoire est connue depuis longtemps. Quand Stefan Hertmans s'installe dans le village, il entend parler du « trésor de Monieux » et d'un cimetière juif dont on ne connaît pas l'emplacement. Un de ses voisins lui donne l'article, datant de 1969, d'un universitaire de Chicago, Norman Gold, article dans lequel il explique ses recherches sur un manuscrit retrouvé au Caire (reproduit et traduit en français aux pages 203 à 207 du roman). Il s'agit en fait d'une lettre de recommandation, demandant aux diverses communautés juives d'accueillir avec bienveillance une « prosélyte » auparavant chrétienne, veuve de David Todros, fils de Richard Todros (considéré comme le roi juif de Narbonne). Elle est recherchée par sa famille normande et, fuyant Rouen puis Narbonne, le couple est installé à Monieux depuis 6 ans. Mais à ce jour son mari a été tué, ses enfants faits prisonniers, tous leurs biens saccagés. La lettre est signée du grand rabbin de Monieux, Joshua b. Obadia. À partir de ces maigres renseignements, Stefan Hertmans va s'appliquer à inventer une biographie à Vigdis Adélaïs, devenue Sarah Hamoutal par amour pour David Todros.



J'ai été très intéressée par l'aspect historique du roman sur une époque que je connais mal. Il se déroule pendant la Reconquista et la première croisade. Les communautés juives prospèrent alors, mais la ferveur religieuse, l'ignorance et une forme de jalousie des chrétiens vont pousser ces derniers à d'horribles et nombreuses exactions, comme le pogrom qui a lieu à Monieux en 1096. Les conditions de découverte du fameux manuscrit sont passionnantes et je comprends l'enthousiasme de l'auteur et sa curiosité. Si je n'ai eu aucun mal à le suivre dans ce domaine, je serai beaucoup plus circonspecte sur les aventures rocambolesques (tant pis pour l'anachronisme !) qu'il attribue à Hamoutal. J'ai très vite cessé d'y croire, ce qui a finalement détruit l'empathie que j'avais pour le personnage au début. Il n'en reste pas moins que l'auteur décrit magnifiquement et passionnément les paysages du Lubéron, fasciné par les endroits où le passage des siècles n'a pas laissé de traces apparentes. Le choix de la narration au présent pour les deux époques fait que les récits se télescopent parfois, perdant le lecteur et l'obligeant à revenir quelques phrases en arrière pour vérifier s'il se trouve au XIIe siècle ou au XXIe… Malgré ces réserves, je recommande la lecture de ce beau roman : ce qui m'a déplu ravira d'autres lecteurs et c'est tant mieux !



Lu dans le cadre du prix des Lecteurs de Cognac 2019
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Le coeur converti

Non, ceci n'est pas vraiment un roman, ni une biographie, pas un essai, non plus qu'un témoignage et pas davantage une chronique. Alors qu'est-ce ?

C'est un objet littéraire très curieux qui nous fait plonger directement mille ans en arrière, très exactement à la fin du onzième siècle, à partir de 1091, et en même temps nous promène dans le monde d'aujourd'hui à travers les paysages et les lieux scrutés avec méthode par l'auteur dans une recherche obstinée des éventuelles traces laissées par ce lointain passé !

Il nous fait suivre les tribulations de la jeune Vigdis Adelaïs, fille privilégiée d'une famille patricienne de Rouen, qui abandonnera tout, y compris sa religion, devenant la juive Hamoutal, pour l'amour de David, étudiant à la yeshiva de Rouen et fils du grand Rabbin de Narbonne. Elle le suivra de Rouen à Narbonne "les yeux remplis de lumière et d'enchantement", faisant fi des dangers qu'elle encourt.

David et Hamoutal viendront s'installer à Monieux, au Sud du Mont Ventoux, et y vivront le meilleur de leur existence, ce que Stefan Hertmans s'emploie à nous restituer au travers d'une évocation lyrique de cette Haute-Provence pour laquelle on le sent éprouver un amour ardent. Il évoque avec tendresse cette jeune femme courageuse, prise dans les tourments de l'histoire et des bouleversements survenus en cette lointaine époque.

Car, en effet, nous voici au moment où le pape Urbain "à Clermont, prie dans la crypte de la Basilique Notre-Dame du Port, et engage le lendemain, le 27 novembre 1095, la guerre sainte en lançant son fameux appel à la première croisade" déclenchant ainsi aux cris de "Dieu le veut" poussés par la foule, des événements d'une violence qu'il n'avait pas imaginée et certainement pas souhaitée.

Ce qui s'ensuit est tout bonnement horrible.

Jeunesse heureuse foudroyée d'un coup de lance et bonheur sombrant dans le sang, Hamoutal et sa famille vont hélas se trouver au devant de la scène.

Grâce à la horde des croisés qui se livrent à un pogrom sanglant dans son refuge du Vaucluse, la jeune femme va tout perdre et se verra dans l'obligation de quitter ce havre irrémédiablement souillé et détruit par la férocité de brutes avinées et haineuses.

Elle deviendra alors cette fugitive de terre et de mer, entreprenant un périple erratique qui va l'amener de Marseille au Caire en passant par la Sicile, obstinément suivie par l'auteur qui, maniaquement, entend marcher dans ses traces et raviver le fantôme de la fuyarde.



Il n'est pas évident de se plonger dès le départ dans la fiction ordonnée autour de Hamoutal, car l'auteur par ses incessants rappels du présent, la relation de son enquête sur les lieux où la jeune femme a vécu empêche le lecteur de mille ans plus tard de s'immerger dans ce Moyen-Age si bien ranimé ! Et c'est dommage.

Cependant, on finit par apprécier ces coupures, qui forment une respiration parfois bienvenue, pour rompre le cours d'événements insupportables, et à partir de là on se laisse embarquer et on accepte, comme évident, le rythme imposé par Stefan Hertmans.

Et alors le récit de couler comme une source désaltérante qui abreuve le lecteur d'une mine d'informations précieuses pour la compréhension de cette époque, les relations entre juifs et chrétiens, le début des croisades... Tout cela nous est savamment et magnifiquement conté... et la genizah du Caire, que l'on peut comparer à un puits des souvenirs, découverte en 1864, restituera ses secrets qui vont aider l'auteur dans sa quête et lui permettre de nous rendre si présent et émouvant le destin de Hamoutal.

Shabbat shalom.



Je remercie vivement les éditions Gallimard et Babelio de m'avoir adressé en avant-première ce surprenant ouvrage à la lecture duquel j'ai pris un vif intérêt.
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Une ascension

En 1979, alors qu'il se promène à Gand, en Belgique, l'auteur tombe sous le charme d'une maison qu'il décide d'acheter. Il y passera vingt ans avec sa famille. Alors qu'il l'a déjà revendue il découvre qu'un certain Willem Werhulst l'a également habitée avec toute sa famille, des années auparavant.



Mais ce qui lui donne le vertige, c'est que cet homme à priori ordinaire a intégré la SS et a été très fortement impliqué dans une collaboration intense avec le IIIe Reich. S'ensuit une période d'enquête, de recherches, de rencontres pour comprendre celui qui a habité cette maison. Comment et pourquoi l'auteur n'a t-il lui-même rien senti, imaginé , compris, entre ces murs.



Qui étaient Mientje, l'épouse et Letta, Adri et Suzy les enfants de cet homme ? Des complices aussi pervers que lui, des victimes de sa personnalité à une époque où il était plus sûr de se taire.

Comment ont ils supporté le mal, en adoptant la même attitude, en l'ignorant, les enfants étaient-ils au courant des agissements du père... Leur mère était-elle soumise, consentante, ou forcée à vivre sous le même toit sans accepter ces dérives.



Des questions auxquelles il tente de répondre en nous présentant un homme ordinaire, un mari, un père, mais aussi un SS convaincu et zélé.

Peu à peu, à travers une somme d'actions bénignes à priori, dans le contexte sombre de la seconde guerre mondiale, il nous montre les changements qui s'opèrent en Willems.

Comment ce père de famille est devenu celui qui espionne, fait des listes, note les noms de ceux qui pourront être ensuite arrêtés, avec autant de régularité et d'assiduité. Autant de noirceur n'a t-elle pas laissé de traces dans cette maison? Sont elles porteuses des actes et des mots qui se déroulent entre leurs murs ? A travers les textes, archives, écrits des enfants, témoignages, l'auteur brode un contexte, des mots, attitudes, relations dans le couple, tout l'art de l'écrivain est de faire vivre le passé.

Passionnant, instructif, émouvant, révoltant. Une lecture pour comprendre.
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Guerre et Térébenthine

Stefan Hertmans nous faut revivre ici les figures de son arrière-grand-père et de son grand-père, l'un et l'autre artistes, âmes sensibles, chrétiens ancrés dans la tradition, l'un et l'autre en prise avec la dureté du monde, la misère sociale pour l'un, la guerre de 1914 – 1918 sur le front belge pour l'autre.

Si d'une façon générale le livre est écrit dans une style fluide et délicat, que la traduction rend apparemment bien, la description de la guerre qui est faite ici est réaliste, sans pathos excessif. Le grand-père de l'auteur fait preuve d'un courage hors du commun, et ne s'interroge jamais sur le sens de cette guerre. Ce qui m'étonnera toujours.

Un livre superbe.
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Le coeur converti

Ceux qui me connaissent un peu vont, sans doute, ne pas trop comprendre mon coup de cœur pour un livre d'amour…

C'est parce qu'il me connaissent bien mal ...!

Oui, "Le Cœur converti" est un livre d'amour entre deux adolescents..oh! pas l'amour mièvre, sinon ce roman serait vite reparti sur les rayons de la médiathèque...non, je veux parler de l'amour qui fait éclater les haines que des cultures différentes peuvent éprouver l'une envers l'autre,  l'amour de l'Histoire avec un grand H , et l'amour que je porte à une ville où je vis depuis presque quarante ans...l'amour de vieilles pierres et des vieux murs........et aussi cet amour des textes et des écritures qui me transportent et m'émeuvent.

L'auteur vient d’emménager dans une très vieille maison du village de Monieux, un village ancien du Vaucluse qui s'est appelé Moniou, Monilis ...au fil du temps.

Cette enquête m'a transporté depuis Monieux, vers Rouen, Narbonne, Le Caire, Cambridge... une enquête au sein de cette diaspora juive, au cœur de cette culture juive, de ses traditions, et de cette entr'aide qui lie tous les membres de cette communauté.

Stefan Hertmans découvre que Monieux, petit village tranquille a été le théâtre d’un pogrom il y a mille ans. Un trésor y serait caché....On n'est pas au bout de nos surprises !

Alors le roman naît d'une lettre de recommandation découverte dans une synagogue du Caire...aucun document mentionnant le nom de Dieu ne doit être brulé...il doit être conservé, et tomber en poussière, mourir de sa belle mort.

Le roman permet à un garçon de culture juive, David Todros, fils du rabbin de Narbonne de partir étudier à Rouen...Narbonne  et Rouen abritaient alors les deux plus importantes communautés juives de France.

Là David va rencontrer et tomber fou amoureux d'une jeune fille catholique Viglis...le coup de foudre est réciproque. Mais cet amour est interdit !

Le papa de Viglis, bourgeois riche et influent est farouchement hostile à cet amour qui contrarie ses projets .David et Viglis prendront alors le départ vers Narbonne. Le père de Viglis fera, alors, tout pour ramener sa fille à la raison et armera même des tueurs qu'il chargera de les rattraper.

Cette union est contre raison..contre la raison catholique, contre la raison juive. Alors la jeune fille se convertira au judaïsme, elle deviendra Hammoutal et suivra son mari, en surmontant les écueils et les épreuves.Ce voyage nous entrainera dans cette Europe des années 1100, vers les autres villes abritant une importante communauté juive, vers le Caire.

Il y aura du sang et des larmes. On est bien loin de l'amour nunuche !

Pour le lecteur passionné d'histoire et  avide de découverte de culture ou du passé, ce sera un beau voyage. Une lecture vers le passé de Narbonne, ville où j'habite, vers ces rues anciennes, vers cette part de culture et de religion juive dans de nombreuses villes de France et d'Europe et du bassin méditerranéen.

L'auteur a, sans aucun doute, analysé un grand nombre de documents et visité de nombreux sites, de nombreuses villes pour rédiger toutes les descriptions, pour mettre en scène les lieux dans lesquels se déroulent les rencontres, les scènes de combats, les rencontres et les lectures de textes...

Il a indéniablement dû, d'une part, voyager dans de nombreux lieux, tant ses descriptions sont précises et d'autre part, se documenter dans de nombreuses bibliothèques.

Ainsi, j'ai beaucoup appris sur ce passé narbonnais que je méconnaissais, sur cette culture, ces traditions et rites juifs, sur l'origine du nom de certaines rues ou impasses....dont on retrouve les noms dans nos villes...Et également sur la présence depuis des siècles de cette communauté sur le pourtour méditerranéen.

Un livre plaisir parce que c'est avant tout un livre érudit et documenté, sans mièvrerie."La haine au sein de la société se contracte comme un muscle, on craint que l’énergie devenue incontrôlable n’éclate, ravageant tout sur son passage"...écrira l'auteur en incipit du livre...Cette haine entre communautés....malheureusement jamais totalement éteinte !
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Le coeur converti

Je retrouve Stefan Hertmans avec un nouveau roman-récit, moins touchant que « Guerre et Térébenthine ». Et donc moins convaincant.



Dans « Le cœur converti », Hertmans imagine la vie d’une jeune rouennaise convertie au judaïsme à la fin du XIème siècle qui aurait séjourné dans le village où l’auteur a décidé de se retirer. Pourquoi a-t-elle quitté sa famille, son milieu et ses richesses ? Pourquoi s’est-elle convertie au judaïsme ? Pourquoi retrouve-t-on sa trace en Egypte ?



Hertmans mène l’enquête près de mille ans plus tard, prend la route et tente de retracer la vie de cette jeune femme, dans une Europe en pleine crise, en plein chaos, et en proie aux fanatismes religieux, à l’intolérance et à la colère du peuple affamé et exploité. Il démystifie les Croisades, rappelle les nombreux pogroms qui ont eu lieu en France dans ces temps troublés du Moyen Age, et l’intérêt historique de ce roman est indéniable. L’auteur aime l’Histoire, pas de doute là-dessus, mais peut-être aime-t-il plus l’histoire des lieux (à nouveau quelques anecdotes savoureuses sur des lieux lourdement imprégnés d’histoire) et des événements que celle des hommes …



Et c’est là que le bât blesse … car ce n’est pas l’homme de « Guerre et Térébenthine », l’homme doté de sens et de cœur, qui écrit ici, mais plutôt l’homme cultivé qui donne sa vision de cette époque, avec précision, certes, mais sans empathie. La pudeur présente dans « Guerre et Térébenthine » s’est muée en froideur. Même l’œil du peintre, qui nous avait décrit si joliment les tableaux de la Flandre du début du XXème siècle, a disparu.



Du coup, j’ai eu du mal à croire à cette histoire. On sait très peu de choses sur ce que l’héroïne ressent, sur ce qu’elle pense, sur le chemin spirituel qui l’amène à la conversion. Je la suppose passionnée, amoureuse, tremblante pour son homme et pour ses enfants. Et probablement éprise de liberté, voulant décider elle-même de sa vie, de son destin, obstinée même peut-être. Une femme hors du commun qui abandonne sa famille d’ascendance nordique et flamande, sa région pluvieuse, son milieu de riches commerçants, sa religion, bref tous ses privilèges, tous ses acquis pour l’amour d’un jeune Juif, érudit, originaire du Sud de l’Europe. Une femme qui fait des choix et qui les assume. Une histoire d’amour passionnel mais probablement plus encore.



Non l’héroïne de Hertmans est bien pâle. Certaines de ses réactions ou de ses décisions sont assez incompréhensibles, comme lorsqu’elle voit arriver les Croisés au village, avec indifférence presque … Ou lorsqu’elle décide de s’établir en Egypte …



En résumé, je n’ai pas vibré. Pourtant je suis sûre que la vie de cette femme, que les paysages traversés, que les personnes rencontrées se prêtaient à la poésie, à la musique, au lyrisme, à l’émotion. Un très bon livre historique, mais un roman tout à fait dispensable…

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Une ascension

J’ai trouvé ce roman traduit du flamand dans une boîte à livres. C’était l’occasion de lire enfin cet auteur très réputé en Belgique et la lecture du sujet m’a intriguée.

L’auteur raconte dans ce roman comment il a découvert, au moment de la vendre, que la maison où il avait vécu vingt ans à Gand était celle d’un SS flamand, qui plus est père d’un de ses professeurs d’université. Cette maison abandonnée qui l’a séduit en 1979 malgré son piètre état, a abrité auparavant Willem Verhulst, son épouse néerlandaise Mientje et leurs trois enfants. À l’aide des entretiens qu’il a menés avec Aletta et Suzy, les deux filles de la famille, devenues octogénaires, et de nombreux textes, dont des journaux intimes et des documents d’archives, il a reconstitué le parcours autant personnel que politique de cet activiste flamand devenu soutien des plus fidèles de l’occupant nazi. Il s’est également penché sur le pacifisme de son épouse et a tenté de comprendre et parfois d’imaginer, avec l’aide des témoignages, comment ils avaient pu vivre cet antagonisme.



Quatre cent soixante-dix pages sur un personnage finalement peu intéressant, un pauvre type, lâche et sans qualités, permet de montrer combien le mal est une chose facile à embrasser pour certains esprits faibles, et de ce point de vue, l’exercice est réussi.

Mais, car il y a un « mais », si la construction rend bien compte de l’approche de l’auteur, j’ai trouvé le style un peu inégal, à moins qu’il ne s’agisse de la traduction, je n’ai pas réussi à trancher. De même, la position de Stefan Hertmans m’a parfois déconcertée, faisant dans une même page le grand écart entre des faits avérés directement tirés de documents et des pensées ou réactions des personnages qui ne peuvent être que dictées par son imagination, auxquelles s’ajoutent des remarques à la limite du jugement. Où est-on alors, dans un roman, un essai, un document ?

De plus, tout cela est un peu long. J’ai envie de dire : « N’est pas Daniel Mendelsohn qui veut… », mais si vous êtes tentés, ne vous arrêtez pas à mon avis, d’autres lecteurs sont bien plus enthousiastes,
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Guerre et Térébenthine

Par cette lecture, nous voici détenteurs d’une vie.



Stefan Hertmans, après lecture des carnets écrits par son grand-père maternel Adriaan, reconstitue le vécu, l’époque, les émotions, les douleurs de cet homme né à la fin du XIXème siècle et mort au XXème : deux époques, deux sociétés, deux mentalités.



Trois parties nous le restituent : la genèse, la guerre, l’après et son odeur de peinture.



Une histoire personnelle qui tend vers l’universel.



Au départ, un milieu pauvre, des travailleurs honnêtes, des humiliations de la part de bourgeois nantis et francophones.

L’épisode des pièces de monnaie lancées dans la soupe est d’une abjection totale.

Une lumière dans cette noirceur : une mère courageuse et aimante, un père jongleur de couleurs, restaurateur de fresques dans des lieux empreints de sérénité religieuse.

Cette religion qui soutiendra Adriaan tout au long de sa vie, une foi inébranlable que l’auteur ne pratiquera plus.

Évolution des regards, des enseignements et de la pensée, évolution flagrante entre l’époque dite « belle » à tort, une première et seconde guerre et la génération d’après 68.



La guerre de 14/18 : nous lisons l’horreur, nous découvrons l’enfer décrit dans ses détails par un homme fier, en éveil malgré les souffrances, les corps mutilés qui jonchent le sol, la malbouffe, le sommeil perturbé sur de la paille, les humiliations de la part des officiers francophones, la solidarité des soldats wallons, le refus de leur expliquer la motivation ou la nécessité des actes demandés.



Les exactions, les ruines, le ciel de Flandre brouillé par les tirs, les manipulations de l’ennemi, on n’arrête pas d’en apprendre sur la boucherie commise en cette 1ère guerre…

Mais comme l’écrit Stefan Hertmans, après avoir parcouru les lieux : « un lieu vide de sens » s’étale sous ses yeux, la contemporéanité a tout recouvert. L’oubli s’est installé.

Un tel livre est donc nécessaire pour que survivent en nous ces hommes qui ont perdu leur santé, leurs espoirs, leur vie par la faute de la folie humaine.

Cette guerre qui fit perdre les dernières illusions « chevaleresques » (si tant est que cela s’accepte) du militaire devant la déviance et l’irrespect sans nom de l’ennemi.



Puis il y a l’émouvant amour brisé dans sa pureté et dans son espérance, l’hommage qui perdure (une peinture, un prénom…).

L’affection pour l’épouse dévouée, un couple qui se respecte au-delà de toute sensualité.

Et cette main qui tient le pinceau, copie avec talent, bouscule étonnament les couleurs, s’est abreuvée aux enseignements de son père, aux livres, à la musique, à l’observation des toiles de maître, une main qui dit et retient, comme dans la vie, avec cette pudeur de l’époque.



Le séjour en convalescence en Angleterre pendant la guerre permettra une découverte extraordinaire et combien percutante.

Adulte, le petit-fils comprendra beaucoup de choses, en devinera les non-dits.

Un jouet fabriqué par son grand-père avouera son secret dans les lettres et chiffres gravés et se dévoilera à l’homme adulte. Une admiration pour un aviateur, un lieu où son avion s’abattit, un lieu où Adriann découvrit la beauté féminine, une rencontre, un éveil.



Au-delà de la pauvreté du départ et de la monstruosité de la guerre, il ressort un amour inaltérable entre grand-père et petit-fils.



Stefan Hertmans lui rend un hommage et par là même hommage à tous ces grands-pères ou arrière-grand-pères qui ont connu le même enfer.



Un livre témoignage écrasant et magistral.

Un homme, une guerre, de la térébenthine.

La vie, l’horreur, l’art.

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Le coeur converti

C'est une recherche éperdue dans le passé, à partir d'un document authentique , dans un récit qui oscille tout du long entre époque actuelle et Moyen -Âge, celui-ci apparaissant alors comme en surimpression à nos yeux contemporains.

C'est le destin courageux mais terrifiant d'une jeune femme qui, se convertissant au judaïsme par amour, va s'exposer aux persécutions et se lancer dans une fuite sans retour .

Le récit est plus éprouvant que ne le laisse penser la quatrième de couverture -fortement marqué par meurtres, massacres, violences barbares.

Par ailleurs, il est riche en éléments sur la vie en l'an mil et celle des communautés juives à l'époque .

C'est la partie "actuelle " et méditerranéenne du récit que j'ai trouvée la plus inspirée, (descriptions colorées des villes: Marseille, Alexandrie, Le Caire, Palerme et ses catacombes, ou encore de la nature du Vaucluse - d'où part toute l'histoire) et l'on y

ressent l'émotion vibrante du narrateur .

J'ai trouvé les parties "Moyen-Âge", même si très bien documentées, moins incarnées, peut être à cause de l'absence de dialogues , qui rend l'histoire des deux jeunes gens plus abstraite ? Peut-être que l'auteur a voulu rester en retrait pour ne pas trahir les éléments authentiques de l'histoire.

Au final, je retiens la passion qui a animé l'auteur dans sa recherche, née d'un attachement intense pour son village d'adoptioneavdv

en filigrane la tristesse à constater l'éternelle cruauté de l'homme

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Le coeur converti



Amours tragiques sous fonds historiques réels : pogroms dans un petit village provençal, et, persécutions des juifs au Moyen Age.



Au travers les portraits de deux jeunes gens - l'un juif, l'autre chrétien - Stefan Hertmans donne vie à toute une communauté, et, plus particulièrement la communauté juive qui essaye tant bien que mal de vivre en paix dans le respect de ces traditions. C'est tout un monde fait de violence ainsi que de solidarité, d'amour qui prends vie sous les yeux des lecteurs avec moult détails, et, précisions historiques. En effet, de longues recherches ont été effectuées par l'auteur. Celui ci a essayé tout au long de son périple, de comprendre le pourquoi du comment concernant les diverses croisades ainsi qu'aux persécutions "stupides" des juifs au cours du Moyen Age.



Un roman dur, voire très dur, mais, extrêmement émouvant ... ... qui laisse des traces, et, qui peut en perturber certains.

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Le coeur converti

Fin du XIe siècle. Une jeune chrétienne rouennaise s'éprend d'un jeune Juif originaire du Midi. C'est évidemment le scandale. Ils doivent fuir. Ils se réfugient dans un petit village du Vaucluse, où, justement, l'auteur du roman a une maison. Arrive le temps des croisades. Le monde devient dangereux. C'est de nouveau la fuite, je n'en dis pas plus.

C'est un roman d'aventures, c'est aussi un roman historique, c'est une quête de la vérité menée avec de rares indices qu'il faut interpréter et romancer puisque le livre est intitulé roman, c'est cruel mais c'est plus : c'est le roman d'une héroïne d'une indomptable volonté, c'est le portrait d'une époque et d'une société fracturée par ses communautés religieuses.

L'homme du XXIe siècle que je suis, s'est quand même posé une question qui est, c'est évident, anachronique : si l'appartenance à une communauté (ici la chrétienne) est une aliénation, sinon une prison, pourquoi changer pour en adopter une autre (ici la juive) ? Même si c'est par amour !
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Le coeur converti

Puissant ce roman ! Il a comblé la passionnée de lecture que je suis. C'est très souvent à travers les romans d'écrivains talentueux que j'ai appris autrement l'Histoire. Je suis subjuguée par ces plumes qui savent mêler l'Histoire et la fiction.



Dans Le cœur converti, le tout dernier roman de Stefan Hertmans, le narrateur nous conte sa découverte que fut ce terrifiant pogrom qui a eu lieu à Monieux, petit village perdu dans les hauteurs du Vaucluse, il y a de cela 1000 ans.



Il va mener une enquête de main de maître pour découvrir au mieux le passé de ce village et surtout l'histoire d'un couple en fuite qui se serait posé là exactement.



Nous sommes pris totalement dans l'incroyable destin de cette jeune femme chrétienne, séduite par un jeune homme de confession juive, David Todros, suivant ses études à la yeshiva de Rouen. Ensemble ils vont fuir la Normandie, elle quitter toute sa famille pour un amour dont elle ne peut imaginer l'avenir.



Nous sommes en 1095, lorsque le pape Urbain lance son fameux appel à la première croisade. IL souhaite ressouder le monde chrétien, "La paix relative entre musulmans, chrétiens et juifs en Orient doit pour cela être brisée ; les lignes de démarcation doivent devenir strictes et claires..." Et c'est ainsi que des villages vont être pillés, incendiés, les femmes violées, par ces hommes armés partants en croisade pour Jérusalem, tout leur est permis sur leur route. C'est l'horreur même. Et ce tout jeune couple va pour son plus grand malheur se retrouver dans cette terrible tourmente.



Je ne révèle rien de plus. J'invite juste à la lecture de ce magnifique roman.



Merci Stefan Hertmans de redonner vie à des êtres humains à travers votre roman si élégamment construit, voilà toute la richesse de la littérature à mon sens. Elle est là pour aussi donner vie à ce qui n'est plus. Libérer des voix. Merci de ce voyage à la découverte d'un passé au cœur des montagnes du Vaucluse. Jamais plus je ne pourrais traverser ces plateaux sans penser désormais à Sarah, David et tous les autres qui habitent votre roman.
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Le coeur converti

Quand Babelio m’a proposé de recevoir le deuxième roman traduit de Stefan Hertmans, je n’ai pas hésité une minute, vu le merveilleux souvenir de lecture que fut Guerre et térébenthine.



Dans ce roman, Stefan Hertmans s’intéresse à nouveau à l’histoire et il y a dans sa quête un lien personnel, mais cette fois il nous emmène au Moyen Age, à la fin du XIè siècle, sur les traces d’une jeune femme d’origine normande et chrétienne, convertie au judaïsme par amour pour le fils du Grand rabbin de Narbonne venu faire ses études à Rouen. La belle Vigdis Adelaïs deviendra donc une fugitive, elle deviendra aussi Hamoutal, nom que lui donne David Todros. Par amour, la jeune femme deviendra donc prosélyte dans la religion juive et toute sa vie en sera déterminée à jamais : on peut dire qu’elle ne connaîtra jamais le repos, à peine quelques mois de répit de temps en temps. Dans cette France à la fois hostile (nature sauvage, brigands et vagabonds de toutes sortes) et « étroite » (le réseau de chevalerie s’étend sur tout le territoire), elle va être régulièrement poursuivie parce qu’elle a commis la pire trahison possible en se convertissant au judaïsme. Les relations entre juifs et chrétiens sont tendues et en cette fin de siècle, les équilibres fragiles vont basculer avec l’appel à la première croisade lancé par le pape Urbain II.



C’est à Monieux, petit village au sud-est du mont Ventoux, que la violence va se déchaîner, arrachant à Hamoutal ce qu’elle a de plus cher. Monieux, c’est le lien entre l’auteur et son héroïne : c’est là que Stefan Hertmans passe les étés depuis de nombreuses années. Comme il l’écrit en exergue de son roman, « ce livre s’inspire d’une histoire vraie. Il est le fruit à la fois de recherches approfondies et d’une empathie créative. » L’empathie, c’est une qualité indéniable de monsieur Hertmans depuis son roman sur son grand-père. Ici il s’attache aux pas d’Hamoutal, à ses doutes, ses angoisses, ses questions, il la suit pas à pas de Rouen à Narbonne puis de Monieux à Fustat en Egypte, il observe les étapes du dépouillement total auquel elle sera soumise.



En même temps, il dresse un tableau extrêmement bien documenté de cette époque, de ce Moyen Age encore assez obscurantiste, il raconte les débuts de la première croisade dans des scènes pleines de couleurs et de violence, il nous introduit au plus près des coutumes, des rites et des prières judaïques Les thématiques de l’exil et de l’ouverture (ou non hélas) aux étrangers, aux différents, aux autres, tout simplement, sont toujours d’actualité. Tout en déroulant sa fresque, Stefan Hertmans nous parle aussi de ses recherches sur le pogrom de Monieux et sur cette femme à protéger, munie d’une (authentique) lettre de recommandation écrite par le rabbin Obadiah.



J’ai été emportée par l’histoire d’Hamoutal, j’ai particulièrement été touchée par le chamboulement intérieur total que vit la jeune femme par sa conversion : bien qu’instruite, elle ne peut s’en ouvrir à personne, pas même à son mari, sa solitude ira grandissant et c’est très émouvant. Mais peut-être l’auteur est-il tellement proche de son personnage que cela crée une petite distance avec le lecteur, c’est en tout cas ce que j’ai ressenti (j’ai un peu de mal à l’exprimer bien clairement – peut-être que c’est personnel aussi : j’ai tellement aimé Guerre et térébenthine, dont le sujet est plus proche dans le temps et dans l’espace, ça m’a tellement émue que je suis peut-être un peu plus sévère avec ce roman-ci). Cela dit, Le coeur converti est un très beau roman que je vous recommande pour son contexte historique, religieux, social, et pour ce destin de femme hors du commun.



Un très grand merci aux éditions Gallimard et à Babelio pour l’envoi de ce livre !
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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