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Critiques de Stéphane Audeguy (151)
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Nous autres

Pierre est photographe . Son père vient de décéder au Kenya où il doit se rendre. Il ne l'a vu qu'une fois dans sa vie, sa mère ayant chois un géniteur plutôt qu'un amoureux.



Je ne connaissais Stéphane Audéguy que de nom, un nom que mes yeux croisaient chaque année ou presque sur les étals des librairies. La rencontre fut belle, autour d'une écriture très belle et d'une histoire touchante.

La quatrième de couverture nous dit que l'on est au Kenya mais que l'on pourrait être partout ailleurs. je n'en suis pas si sur.

Dans ce livre , la Kenya sert de support aux propos sur la colonisation et le chemin de fer , à la mondialisation via l'horticulture (on aurait pu aussi s'attarder sur les haricots verts, pourquoi les haricots verts de mon supermarché viennent ils toujours du Kenya???), aux conflits ethniques , au rôle des blancs en Afrique, aux luttes armées aux confins nord du pays, au tourisme de masse, aux racines de l'humanité dans la vallée du rift mais aussi au Kalenjis , qui sont les meilleurs coureurs mondiaux avant d'être des chaussures.

On n'est donc pas partout mais au Kenya où l'on va suivre Pierre dans le pays, dans un livre à a structure un peu décousue sans que cela soit perturbant.

Un livre qui est pour moi une ode à la liberté , à a recherche des fondements de la vie, au respect de l'autre.

Un livre qui ne raconte pas une histoire mais des histoires , en plongeant dans les racines ethniques de différentes peuplades kényane .

Anyango, qui comme Gebreselassié l'immense, se rendait à l'école en courant est un personnage magnifique qui fait un choix de vie déroutant pour nos yeux d'occidentaux. Elle fait partie de ces quelques destins que Stephane Audeguy nous livre merveilleusement avec sa sublime écriture.

Une très très belle découverte.
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Une mère

Des lustres que je souhaite lire ce auteur, ayant dans mes réserves d'écureuil"La théorie des nuages"... toujours en attente !!! et une autre curiosité pour un roman plus récent , "Histoire du Lion Personne"...



Finalement, de façon non calculée, je débute par le texte le plus intimiste de cet écrivain, qui est venu à l'écriture assez tardivement, selon ses dires[vers la quarantaine]. Ecrit qui rend hommage à sa maman disparue en 2016]..

Comme il l'exprime très justement, lui-même, il ne s'agit pas d'un "tombeau littéraire", mais d'une simple "élégie"...



Un hommage narré dans la plus grande sobriété, ainsi qu'un respect aussi aimant qu'admiratif !



"Il pourrait bien s'agir ici, justement, d'un tombeau. Ce fut après tout un genre littéraire. En un sens, j'ai toujours aimé les cimetières. On y apprend tout ce qu'il faut savoir des hommes et des nations, de leurs rêves de grandeur et de vie après la mort, de leurs hantises aussi, de leur terreur du néant. "(p. 12)



parallèlement à l'hommage adressé à sa maman, Stéphane Audéguy rend

compte de toute une époque [ années 1950-1960] dans un milieu des plus modestes...

Sa maman , élevé par un père veuf, l'a enfermée dans les canons sociaux de l'époque, l'a empêchée de poursuivre des études [le top étant de devenir sténodactylographe !!!]

cette mère , avec des possibilités intellectuelles, adorant la lecture, rêvant de devenir médecin... s'est vue cantonnée à la maternité (même si elle adorait ses fils)



Un texte sobre, pudique, émouvant, miroir d'une France populaire, où les femmes étaient prisonnières de la pression sociale, et machiste.. Hors le mariage et les enfants, point de salut !!!



Un hommage vibrant, sans pathos... qui dit beaucoup des relations de l'écrivain avec sa maman, mais aussi tout le ressenti social, et ses déterminismes cruels, injustes... J'achève cette chronique avec la transcription de cet extrait qui en dit tant, et tellement mieux que moi !!!



" Je n'ai pas connu ma mère: voilà ce qui pourrait être le -motto- d'un inceste surmonté. Et sinon quoi ? J'en reviens

pour finir, à son appétit de vivre. Sabine Julienne était l'un de ces êtres rares qui vous font comprendre qu'il faut beaucoup de temps, de ténacité, de fortitude pour parvenir à faire cette chose apparemment très simple : vivre sa vie. Et nous pouvons dire que c'est un véritable exploit. J'ai évoqué les conditions objectivement difficiles qu'elle a rencontrées, tout au long de son existence. En tant que femme, née en 1937, elle eut à lutter contre de lourds déterminismes sociaux pour accéder à une certaine liberté. Elle surmonta ces déterminismes autant qu'il lui était possible. (...)

Ma mère n'était pas un exemple. simplement une personne singulière, d'une joie et d'une puissance de vie admirables. Son souvenir m'accompagne. Qu'il accompagne le lecteur de ce livre, en lui faisant penser à d'autres êtres de cet ordre, et je serai content. (p. 147)
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Histoire du Lion Personne

AH ! LION... ENFANT DE LA PATRIE...!



Yacine est, dans le malheur de sa jeune existence, une jeune garçon plein d'avenir sur lequel de bonnes fées semblent s'être, malgré tout, penchées : Orphelin de père et de mère, dans un village reculé du Sénégal encore très méconnu des blancs en cette fin de siècle se prétendant "des Lumières", Yacine est un adolescent malin, intelligent, même. Et qui n'a rien à perdre. Passionné de mythologie et de mathématiques, il est envoyé par le bon père Jean, seul missionnaire des environs, vers le principal comptoir commerçant de cette jeune colonie : St Louis. Il est muni d'une lettre de recommandation qui devrait lui assurer son avenir, probablement en tant que diacre, avec de la chance comme prêtre, même si, en son jeune âge, il ne croit déjà plus ni à Dieu ni à Diable, mais est-ce si dérangeant lorsqu'il n'y a nulle autre véritable échappatoire possible à la misère de sa naissance et de sa race ?

Sur le chemin qui le mène à St Louis, le hasard va lui faire rencontrer un lionceau esseulé, visiblement lui aussi orphelin et qu'il décide de prendre en charge. Ce jeune mythologue amateur, dont le héros préféré est Ulysse, décide de nommer son protégé Kena ("personne", en wolof), en l'honneur du nom que le malin Roi d'Ithaque avait confié au cyclope Polyphème. Mais c'est l'homme qui prendra le jeune Yacine sous sa protection - le directeur de la Compagnie Royale du Sénégal, nommé Jean-Gabriel Pelletan de Camplong, un noble méridional déclassé pour cause de mauvaises affaires - qui donnera son nom définitif au noble animal : Personne !



Bien évidemment, Stéphane Audeguy ne cessera, par la suite, de jouer sur l’ambiguïté entre le substantif "Personne" et le pronom indéfini, le plus indéfini qui soit, pourrions-nous ajouter !



Voilà donc le lion quasi-adopté par ce nobliau atypique. Ce dernier est, en effet, un pur produit des lumières, fils spirituel du Jean-Jacques Rousseau des Confessions et des encyclopédistes. Mais la réalité que l'auteur donne de cette fin de siècle n'est pas vraiment celle de l'imagerie d’Épinal : notre homme est seul, bien seul, à défendre l'idée que l'esclavagisme est une monstruosité de l'homme contre lui-même. Seul encore à attacher de l'importance à une certaine rectitude morale dans son activité - le commerce - où il est de mise de faire feu de tout bois. Seul à véritablement songer que ce Lion mérite sincèrement d'être sauvé (en dehors de son petit protégé sénégalais). Seul à estimer qu'une meilleure et saine exploitation du Sénégal passe, entre autre, par la connaissance directe du pays, l'apprentissage du wolof, par le respect des peuples locaux. Seul, enfin, à aimer autrement qu'à de pures fins de libertinage, un autre homme ; en l'occurrence un superbe et indomptable ancien esclave - lui-même ancien esclavagiste -, venant d'une de ces petites tribus nomades du désert. Un tel homme ne peut s'attirer qu'inimitiés, crainte, désaveu, jalousies. Cela ne manquera pas d'arriver très vite, notre pauvre lion en étant d'ailleurs le principal déclencheur. Entre temps, comme pour rappeler que l'on meurt bien plus vite que l'on ne parvient à vivre en ces temps-là, le jeune Yacine, pourtant si prometteur, mourra brutalement de la vérole à laquelle il avait si miraculeusement échappé jusque-là.

Fin du Premier Acte.



Adoncques, notre Lion a perdu son premier maître, dont on apprend qu'en ne le voyant plus jamais venir lui faire moult tendresses, il en «gémissait, sans mots pour fixer la douleur. Petit à petit, il finit par oublier complètement Yacine ; mais ce fut le dernier à le faire». Fermez le ban...



La période qui suit sera probablement, malgré la disparition de son premier petit ami humain, la plus douce, la plus agréable de sa vie de lion domestiqué. En raison de la grande solitude de Pelletan, ce dernier l'emmène un peu partout, le considère comme un véritable animal de compagnie, aussi bien traité que s'il était humain. De plus, Personne s'est trouvé une étrange, une inséparable amitié en la présence d'un chiot bâtard très vite appelé Hercule. Enfin, Pelletan fera venir de France sa fille unique, alors âgée de sept ans, car il ne souhaite pas qu'elle subisse l'influence superficielle, vide, de sa mère et de sa belle famille. Personne et Marie - ainsi s'appelle-t-elle - s'adopteront l'un l'autre immédiatement. Malheureusement, les nuages grondent déjà sans que cette étrange famille en ait réellement pris la mesure. Un malheureux accident à l'encontre de l'enfant pourrit-gâté d'un noble en vue en sera le terrible déclencheur. Pelletan n'a d'autre solution que de confier son lion et son compagnon canin à la Ménagerie Royale de Versailles, le célèbre Georges-Louis Leclerc Buffon avec lequel il entretenait correspondance en étant l'un des promoteurs.

Bien qu'ayant pris toutes les dispositions possibles (et humainement acceptables par une bande de marins rustres et âpres au gain), le voyage vers la métropole sera un véritable calvaire, les deux animaux étant pour ainsi dire laissés à eux-même, et à fond de cale, se nourrissant des rats du navire, buvant une infecte eau croupie, faisant sous eux sans aucun entretien.

A l'arrivée au "Havre de Grâce" (ancien nom du Havre), ce sont deux animaux étiques, pouilleux, dévorés par les vers et la vermine, fatigués, sans force. Nous sommes à la fin du mois de mai 1788. Il fait un froid presque hivernal dans cette France des derniers moments de l'Ancien Régime. Un jeune homme détaché par le Jardin royal est là, terrifié à l'idée d'approcher de si près le "Roi des animaux", ne sachant d'ailleurs comment procéder. Il se nomme Jean Dubois. Premier être humain depuis des semaines à lui parler sans haine, avec douceur même, notre Lion va trouver en cet humain un allié, presque déjà un ami et le suivra sans faire de difficulté.

Fin du Second Acte.



Le troisième, l'ultime acte, est celui de la fin d'un régime, des troubles les plus annonciateurs - en grande partie provoqués, déclenchés par cette année affreuse, la pire de toute une série, que fut l'an de grâce 1788 : un hiver interminable, un été atroce, connaissant un orage démentiel et destructeur de récoltes - très bien documenté historiquement grâce à des mémoires de l'Académie des sciences - le 13 juillet 1788. Un an presque tout juste avant un orage d'une toute autre ampleur et d'un autre genre. C'est dans ce contexte que Dubois, le Lion Personne et le chien Hercule parviendront, à l'issue d'une dernière épique odyssée, à Versailles. Hélas, Dubois y découvrira une Ménagerie royale presque totalement en déshérence, son dernier directeur s'étant enfui, avec tout ce qui comptait encore de meubles, d'outils, etc, le jour même de l'arrivée des trois compères en ce lieu misérable. Dubois fera tout son possible pour sauver les meubles et leur rendre une existence digne à des animaux dont il se retrouve ainsi en charge. Il restera encore à cette malheureuse bête à déménager, une ultime fois, grâce à une autre célébrité, Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre, auteur du fameux Paul et Virginie mais néanmoins naturaliste et dernier intendant des Jardins royaux. Personne et Hercule y achèveront leur existence, non sans une certaine célébrité populaire.



Si l'époque révolutionnaire est traitée sur un rythme trépident, et le plus souvent par le biais d'hyperboles, en quelques trente pages, à y bien y réfléchir, toute cette fable - bien peu animalière, en vérité. A moins de ne considérer l'homme que comme un animal pensant - tend vers ce moment si particulier de notre histoire. Que l'on contemple, sans regret mais avec un brin de nostalgie pour cette période inique, injuste, la fin de l’absolutisme royal, des pouvoirs exorbitants de l'aristocratie - l'église n'est guère le sujet de l'ouvrage mais bénéficie tout de même ici d'un traitement relativement bienveillant, à travers les trois modestes prêtres croisés - ; que l'on comprenne l'émergence d'une bourgeoisie d'affaire, généralement inculte mais dure en affaire et prête à tout pour s'enrichir ; que l'on entende les premiers fracas causés par cette population pauvre et en colère, à force de disette, de maltraitance, d'absence - ou du sentiment - de considération, l'histoire tout à la fois singulière et totalement secondaire de ce lion Personne permet à Stéphane Audeguy de décentrer totalement l'histoire de la révolution mais de la rendre, paradoxalement, plus vraie, plus juste, plus sensible.



Cependant, comme toutes les fables, celle-ci comporte plus d'une entrée. Comme celle de cette amitié indéfectible entre deux êtres si différents que sont un lion et un chien, et qui, par exemple, toucha sincèrement Bernardin de Saint-Pierre qui rédigea par exemple ceci dans l'un de ses mémoires (dont il est clair que Stéphane Audeguy s'est inspiré dans son livre) :



«Jamais je n’avais vu tant de générosité dans un lion, et tant d’amabilité dans un chien. Celui-ci sembla deviner que sa familiarité avec le roi des animaux était le principal objet de notre curiosité. Cherchant à nous complaire dans sa captivité, dès que nous lui eûmes adressé quelques paroles d’affection, il se jeta d’un air gai sur la crinière du lion, et lui mordit en jouant les oreilles. Le lion, se prêtant à ses jeux, baissa la tête et fit entendre de sourds rugissements.»



Lui faisant même ajouter que cette amitié était «un des plus touchants spectacles que la nature puisse offrir aux spéculations d’un philosophe» ! Qui pose, entre autre, la question de la supposée sauvagerie de l'animal, face à l'urbanité des hommes. Mais à bien y regarder, au fil de ce périple qui nous mène de la savane africaine jusqu'à sa mort à Paris, on se demande, à quelques individualités près et pour le coup véritablement généreuses, qui de l'homme ou de la bête est le plus mauvais, le moins généreux, le plus "bêtement" méchant, le plus susceptible de faire du mal à l'autre, et pour comble de tout, souvent sans en retirer le moindre bénéfice personnel ou général, sinon par pure bêtise, ignorance, obscurantisme.



Il y a, bien entendu, les réflexions faites autour de cet homme singulier - et attachant, peut-être le plus attachant parce que le plus creusé, psychologiquement, du trio des humains-compagnons de Personne - qu'est Pelletan. Sur la liberté, sur l'utilisation immodérée d'autrui (l'esclavage) et de la nature (la mise en coupe réglée des ressources), sur la relation aux autres et à ces égaux devant la vie, dont nous sommes pourtant redevables, que sont les animaux (en raison de la toute-puissance que nous pouvons avoir sur eux), sur la sexualité et l'homosexualité, sur les conventions, la vie en société et tous ses faux semblants.



Il y a, pour poursuivre encore, ce lion et son épopée, très vite mise sous l'angle d'une autre entrée possible, celle des voyages d'Ulysse. Il y aurait beaucoup à en dire, peut-être retiendra-t-on que, comme le grec homérique, notre Personne subit bien plus qu'il ne les décide les diverses aventures et autres grands événements qu'il traverse au cours de ces dix surprenantes années d'existence. Mais c'est une errance sans Pénélope ni Télémaque qui l'attend. Une allégorie de la destinée humaine ?



Enfin, et pour boucler la boucle des hommes, il y a cette vision d'un monde qui change sans doute plus en apparence que dans le fond, un monde dans lequel les nobles sont remplacés par les riches bourgeois, un monde où les mauvais travers, les horreurs, perdurent, esclavagisme en tête, auquel d'ailleurs tout le monde semble participer et trouver son compte, noirs comme blancs, une société où tout le monde ment - c'est ce que nous dit le narrateur - noirs comme blancs.



Sous ses dehors de sympathique et allégorique joliesse, au style agréablement déployé - il serait très exagéré d'y retrouver parfaitement le "français grand style" des philosophes des Lumières, mais on sent la volonté de l'auteur de se situer sur une telle lignée -, au phrasé étale, n'hésitant pas à jouer des points-virgules ou des développement savamment tortueux, sous le conte historiquement véridique (et très sourcé à ce qu'il semble) se découvre ainsi une fable désenchantée, une parabole tout à la fois emprunte d'humanité mais pour autant sans grande illusion sur l'homme et sa destinée. L'ensemble donne un texte humblement philosophique - hommage aux célèbres contes de Voltaire ? - tout à la fois charmant et instructif dont on regrettera peut-être pourtant qu'il effleure plus qu'il ne creuse tous les thèmes qu'il aborde avec tant de finesse d'esprit, cédant un peu d'une densité manquante à une plus grande lisibilité. C'est un choix parfaitement respectable et dont on sort, admettons-le, fort satisfait.
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Dejima

Alors là ! Autant il est facile d'écrire sur beaucoup de livres , plus ou moins bien , autant là, c'est compliqué .

Tout d'abord, au delà du récit , ce roman est entrecoupé de passages en italiques relatant l'évolution du Japon de 1850 aux J.O de Tokyo de 1964. C'est érudit, franchement intéressant. Comment les américains ont choisi leurs cibles en 45, comment les conglomérats japonais se sont formés, les ravages de l'occupation...

Mais bon, on n'est pas venu pour ça. Reste ce qui se passe entre les passages en italique .

Et j'avoue que j'ai été dérouté. Trois femmes , peut être la même à différentes époques , servent de support à cette plongée dans l'histoire et à la vision d'un Japon contradictoire. Kyoto, la mer intérieure et ses iles sont les supports principaux ainsi que les JO de Tokyo.

J'ai cherché un fil conducteur , au delà de la petite histoire dans la grande . Pas sur d'y être arrivé , mais je retiendrai l'art comme supplétif aux ravages de la pollution , thème hautement d'actualité.

Reconquête d'espaces souillés par l'industrie, réhabilitation de lieux dévastés grâce à l'art . Un beau message.

J'aurais pu mettre deux , mais j'ai appris beaucoup de choses . et la dernière partie du roman mais bien plu. Pas sur que ce roman fasse l'unanimité cependant.



Pour la culture , Dejima est le nom d'une petite ile construite par les japonais , où lorsque le pays était fermé aux étrangers , l'on pouvait accoster. Et puis les américains ont changé la donne au milieu du XIX ème.

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Nous autres

Le "nous autres" du titre renvoie aux cohortes d'humains obscurs, sans grades qui ont vécu et disparu sur les terres qui s'appelleront Kenya. Du port de Mombasa à la fondation de Nairobi (grâce à la construction longue et couteuse en vies humaines d'une ligne de chemin de fer).



Pierre arrive au Kenya pour y prendre en charge la dépouille de son père biologique, Michel. Celui-ci a été trouvé mort, nu et un sac plastique solidement noué autour de la tête dans un parc naturel. En toute logique, le corps aurait dû être dispersé par les charognards.



Michel vivait depuis toujours au Kenya. Il était devenu une sorte d'activiste contre toutes sortes d'activités qui détruisaient le milieu naturel en pillant les ressources en eau (serres géantes de fleurs par exemple). Il s'était fait de nombreux ennemis mais sa mort était portant un suicide avéré.



Contrairement aux conseils de l'ambassade et des autorités locales, Pierre ne se résout pas à rapatrier le corps vers la France. Et il entamera un voyage à travers le pays qui le changera.



Je n'avais encore rien lu de Stéphane Audeguy. J'ai beaucoup apprécié la qualité de son écriture, belle et généreuse. Mes quelques réserves portent sur un côté parfois décousu de sa narration. La fin est très abrupte, également.

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Dejima

Dejima est une île, dans la baie de Nagasaki. Nous suivons Mabel, jeune mariée en voyage de noces à Kyoto au tout début du XXième siècle. Elle découvre le Japon, ses paysages, ses traditions et ses habitants. Dans le même temps, par de courts chapitres, nous assistons au développement de la bombe atomique comme arme stratégique délibérément choisie pour accélérer la fin des hostilités, mais surtout asseoir la puissance américaine. Le choix des lieux d’impact de cette arme est détaillé avec les critères précis qui furent mis dans la balance pour optimiser au mieux l’efficacité de la bombe. C’est froid, stratégique. Et derrière tout cela, il y a la vie d’enfants, de femmes et d’hommes encore insouciants de la tragédie qui se joue…

Nous retrouvons Mabel à la fin de sa vie. D’autres vies interfèrent, se superposent, se poursuivent dans des corps de passage… Cette gamine que l’on recherche, qui deviendra cette terrible Kumiko, Alice, cette française un peu en marge, passive, qui va reprendre le court de sa vie…



J’ai regretté le côté trop narratif du récit et quitte à rentrer dans une vision fantastique, onirique, j’aurais aimé qu’elle soit pleinement développée… mais ce fut un bon moment de lecture pour lequel je remercie les éditions du Seuil et Babelio pour ses masses critiques.

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Fils unique

Dans les « Confessions » Jean Jacques Rousseau évoque rapidement l’existence d’un frère qui aurait disparu sans laisser de traces.

Stéphane Audeguy a imaginé la vie de ce François Rousseau, ce qui n’est qu’un prétexte pour nous décrire le XVIIIème siècle qui a connu tant de changements.

Au milieu de tous les évènements du moment, on rencontre quelques noms connus et en particulier Sade, découvert en même temps que la vie à la Bastille.

On navigue entre la fiction du personnage reconstitué et l’histoire respectée et analysée par le petit bout de la lorgnette.

François est un libertin bien installé dans ce siècle ( Les esprits chagrins passeront leur chemin).



Le style de l’auteur est soigné, façon XVIIIème et le livre très bien écrit. Certains passages sont, il faut bien l’avouer, carrément pornographiques, mais dans le style et avec les mots de l’époque. (Cette lecture m’a fait penser à un moment à « Héloïse, Ouille… » de Jean Teulé).

Mais c’est justement ce qui donne à l’ensemble un ton très alerte et très enlevé.

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La théorie des nuages

Que se passe t-il quand le thème d'un livre déteint sur sa forme et influence la trajectoire des personnages de son récit ? Eh bien, il se produit une harmonie qu'ailleurs on qualifiera de chromatique mais qu' ici, on pourra désigner d'atmosphérique. Une cohérence, une unité réjouissante et belle.



Tout d'abord on trouve dans "la théorie des nuages" une griffe bien particulière. Cette façon très analytique, détachée et pourtant tout à fait précise de raconter les évènements. Une tournure savante, presque technique. Un présent de l'indicatif omniprésent, celui de l'énoncé scientifique Cela pourrait sembler un écueil, un manque d'incarnation et c'est tout le contraire. C'est justement cet écart, cet espace dans la trame du style qui rend le tout parfaitement mobile et de là, émouvant. C'est la dépression, au coeur du récit, qui fait virevolter ce petit monde autour d'elle.



Une météorologie des faits.



Une description où les hommes, les histoires, les destins, se déplacent, lentement, mus par des masses d'airs intimes. On voit les choses et les êtres tourner dans un calme ouranien et se découper sur le ciel blanc du papier. Cela a été pour moi une lecture contemplative très agréable et dans laquelle je me suis senti baigné d'un silence ouaté et inattendu. J'en attribue l'origine à la manière volatile et éthérée d'Audeguy. Nette et évanescente. Antinomique. Théorie des nuages. A tendance anticyclonique.



C'est peut-être la partie poétique de l'activité scientifique qui se fait jour ici. On analyse, on rend compte du réel et de son observation. Sans rien ajouter ni retrancher. le rendre dans sa gloire la plus pure. Sa quintessence.



Les personnages rencontrés sont en cela des objets d'étude, que l'on surplombe un peu mais sans aucune condescendance. Des vies, des trajectoires comme des déplacements de fronts d'airs, d'alto-cumulus qui se changeraient en cirrus vers la fin, épuisés par leurs aléas particuliers.



J'avoue que depuis mon enfance et ses prés, la trace des nuages s'était effacée dans le canyon de la ville et de ses immeubles.



J'ai donc apprécié renouer avec ces monstres évanescents et suivre certaines des hommes qui les ont le plus aimé. Je sors de cette lecture avec l'envie de leur faire l'aumône de plus d'attention, d'un intérêt plus manifeste. Ne pas faire comme si ils devaient toujours être là dans une attente éternelle dont je pourrais jouir indéfiniment.



On alterne dans ce roman l'observation de tous leurs états et de toutes les valeurs que l'homme leur a attribué : de l'objet poétique à la nuée meurtrière, de la brume mystèrieuse à la puissance naturelle et gratuite, économiquement nécessaire, potentiellement terrifiante.



A différentes époques, du jeune 19ème siècle jusqu'à nos jours, des hommes et des femmes ont vécu sous leurs ombres immenses. Et c'est l' enchâssement de leurs récits que nous livre un grand couturier d'origine japonaise, Akira Kumo, retiré dans son hôtel particulier parisien, ainsi qu' à une jeune bibliothécaire devenue son assistante, Virginie Latour.



Akira Kumo c'est le pivot de ce roman. Son nom signifie d'ailleurs et entre autres, nuage en japonais. On le découvre en train de trier, inventorier, classer . Il rassemble des artefacts, des livres, tout ce qui s'est fait ou qui s'est écrit sur les nuages et leur étude. La collection comme un lien subtil à son ancien métier et à son rôle olympien d'assembleur de nuées. Cumulus accumulateur compulsif. Là où le nuage aspire de l'eau, des particules fines, lui aspire des objets, crée des séries, se perd dans une consommation de prostituées effrénée. Mélange de Zeus obsédé et de Shéérazaade perpétuelle.



Depuis sa bibliothèque vitrée dominant la capitale, il paraît habiter une station météorologique depuis laquelle en regardant le ciel, il convoque en les évoquant, des hommes-nuages, sans poids, dérivant dans l'air du temps.



Luke Howard tout d'abord, nouvel Adam qui va nommer ces amas vaporeux, leur donner vie dans le Verbe. C'est l'amoureux. Celui qui dans un même mouvement tourne son visage vers les hauteurs et vers son Seigneur qui doit s'y trouver. Forcément. Quaker, trembleur devant Dieu.



Carmickael, le peintre rendu fou par l'effort impossible de saisir la toile nuageuse et l'instant toujours annihilé par le suivant. C'est Don Quichotte à l'envers, qui défend les moulins du vent et qui a le vertige d'être au sol.



Le mensonge de sa naissance qu'il découvre. Sa source voilée. L'origine des nuages, là encore. Longtemps, leur formation fût une énigme, un mystère pour les hommes. Carmichael est un cumulo-nimbus, noir et haut. Le passionné. Le tourmenté.



Puis par petites touches, Kumo va se révéler peu à peu à travers des lettres cette fois qu'il envoie à Virginie Latour. Sa biographie, son secret. Ce passé qui ne passe pas. Au fur et à mesure de leurs rencontres et du fil de son récit, à la moitié du roman, ses histoires vont se faire de plus en plus courtes et de plus en plus tristes.



On se rapproche du 20ème siècle et du temps présent. Le ciel s'assombrit. Il est noir, mortifère, diabolique. On s'éloigne du nuage au singulier proprement dit pour aller vers le général et la météorologie, l'hygrométrie, l'anémométrie. La science se durcit et les hommes avec elle.



C'est également là qu'on aborde le serpent de mer de ce livre, l'histoire dans l'histoire, "Le protocole Abercrombie".



Richard Abercrombie est un gentleman anglais, issu d'une des plus célèbres familles britanniques et néphologue passionné de cette fin de 19ème siècle. Déçu de la communauté scientifique et de sa mesquinerie, il entreprend un voyage homérique à travers le monde, chambre photographique sous le bras, pour établir ce qui doit devenir l'instrument de sa vengeance : les bases, les fondations d'une étude magistrale, un protocole d'observation définitif.



Il part donc vérifier ou infirmer le postulat selon lequel les nuages sont les mêmes sous toutes les latitudes. Mais il va être confronté à son propre phénomène climatique et va se voir, lui et son but initial, s'étioler au contact des hommes et surtout des femmes. Il va s'évaporer, perdant toute solidité, toute consistance et tout esprit scientifique. Il va s'ennuager.



Je ne suis pas arrivé à me représenter Richard Abercrombie autrement que sous les traits d'Edgar Allan Poe. Fluet, aux yeux fiévreux. Sa dérive à travers le monde et plus particulièrement l'Asie m'a paru fabuleuse.



Arrêté net dans sa quête. Frappé par le monde, la mort et l'érotisme. Il en est venu à développer une intuition qu'il n'aura plus de cesse de poursuivre : la puissance de l'analogie. De mers en mers, de femmes en femmes, il n'arrêtera plus de voir un même motif unique se répéter, partout et toujours en écho. Il se dilue ainsi dans cette idée qui l'engloutit pour devenir à son tour un objet flottant non identifié, non localisable. Infini.



Et je m'aperçois que c'est cela qu'est ce livre. Une expérience métaphysique qui ouvre nos yeux vers cette affinité magique entre les choses, les êtres et les évènements que nous rencontrons si souvent dans nos vies. Ce sentiment étrange qui nous fait penser à un chemin écrit, une arrière-pensée du monde qui nous montrerait un itinéraire à travers la nuit. Un sens.



Les portes sont si nombreuses dans ces pages, la fluidité, les nuages, la naissance, la fécondité, le sexe, les accords, la transformation, la mort, l'attention au monde, la beauté, le renouveau, la mémoire, l'antithèse et l'histoire avec une grande hache.



Je ressors de ce livre avec plein de questions auxquelles je vais bien m'abstenir d'essayer de répondre : Quand pense-t-on aux nuages ? Lorsqu'on les voit seulement ? Et encore, les perçoit-on vraiment comme dignes d'intérêt ou simple décor mouvant ? Notre cerveau n'est-il pas ce nuage organique et changeant qui influe sur notre météo personnelle ?



La fin du récit de Kumo m'a ému de manière intense et inattendue et termine ainsi la poursuite des nuées dans ce vingtième siècle génocidaire.



La course entre les nuages et ceux qui les chassent, les rattrapent, les capturent, les enchaînent. Métamorphoses. O vide.



C'est une relecture qui m'a explosé à la figure. Je l'avais aimé et désormais je l'adore. Je veux reprendre l'air. Et ne plus le lâcher.



A noter aussi, les clés disséminées un peu partout par Audeguy. Les clins d'oeil à l'histoire de l'art, aux pareidolies de Vinci, à Hubert Damisch, à Constable. A l'histoire des sciences, à Lamarck. A la culture chinoise taoïste et à T'un Y'un (Tun Yong), divinité priapique des nuages, signifiant "le fourre-nuage". Des allusions légères sur un fond lourd, à l'image de ces pachydermes graciles.

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Histoire d'amour

Stéphane Audeguy, reconnu comme un romancier inventif et doté d'une très jolie plume depuis "La théorie des nuages" en 2005 propose pour cette rentrée de l'hiver littéraire 2020 un texte assez surprenant en imaginant les vies imaginaires d'un critique d'art quinquagénaire contemporain, Vincent à qui il revient à la conscience des bribes d'existences du passé, faisant résonner sa propre histoire d'amour avec la plasticienne Alice avec d'autres personnages de l'histoire,



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Vincent se retrouve ainsi tour à tour dans l'esprit de Nino, un juif répudié de Lisbonne qui part au 15e siècle qui tombe sous le charme de la beauté locale, Souaragui… ou bien dans celui d' Actéron, chasseur mythologique transformé en cerf pour avoir contemplé la nudité de la déesse Diane.



Le fil d'Ariane de toutes ces histoires d'amour est les relations entre Vincent et Alice, particulièrement sous le charme des peintres de la renaissance italienne .



Par la grâce et la folie de Stephane Audeguy, toutes ces histoires se retrouvent reliées entre elles et trouvent une correspondance entre les époques .



Stéphane Audeguy ose en effet tous les possibles dans ce récit libre et en même temps parfaitement construit : personnages imaginaires dialogues avec des héros mythiques ou romanesques dans un grand labyrinthe littéraire particulièrement érudit et audacieux.



"Depuis plus de trente ans Vincent se rend une fois par semaine au musée du Louvre, toujours en nocturne pour éviter la foule, le mercredi ou le vendredi. Sous la Pyramide, une chorale d’hommes vêtus de costumes écrus hésitant entre la soutane et le pyjama chantent quelque chose qui doit être médiéval, mais dont l’acoustique du lieu ne permet pas de saisir le détail."



Stéphane Audeguy se joue du temps de l'espace, de la rationnalité, en embrassant les histoires d'amour et mélangeant petite et grande histoire.



Le lecteur qui acceptera de se laisser happer par ce grand puzzle émotionnel, qui parait de prime abord décousu mais qui est pleinement maitrisé, sera récompensé par ce voyage hors normes totalement surprenant et dont la légèreté de la plume et la délicatesse de l’écriture nous emportent.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Histoire du Lion Personne

C'est l'histoire de l'arrivée du premier lion à la ménagerie du jardin des plantes de Paris pendant la révolution française. Récit riche en rebondissements. L'histoire commence sur les bords du fleuve Sénégal où un enfant trouve un lionceau abandonné qu'il va apprivoiser. Les personnages sont très bien décrits et l'on sent que l'auteur s'est longuement documenté sur les premiers établissements européens au Sénégal. Les péripéties du lion Personne s'apparentent parfois à un très joli conte en dépit d'une histoire pas toujours très heureuse pour le félin. Un livre qui se lit rapidement et nous plonge dans les derniers soubresauts de la royauté. Un livre qui intéressera petits et grands.
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Les monstres : Si loin et si proches

Monstrueuses sont les archives dans lesquelles Stéphane Audeguy s’est faufilé pour extirper quelques fringants morceaux qu’il expose entre les pages de son livre sobrement intitulé Les Monstres. Avec délectation, on découvrira des illustrations, reliques et sculptures assez rares pour captiver une attention qui se croyait déjà aguerrie aux prototypes monstrueux les plus grotesques qu’il soit ; on se surprendra à (ré)apprécier les figures monstrueuses des temps anciens, avant de retrouver nos plus récents monstres modernes.





Dommage que le texte des Monstres ne suive pas cette tendance horrifique et ne se perde pas sur mille chemins le long desquels nous attendent des créatures contre-nature. Les propos de Stéphane Audeguy exaltent moins que les illustrations et se contentent de retracer un parcours très conventionnel de l’image du monstre dans l’histoire. On n’évitera malheureusement pas de toucher au fameux point Godwin, digression de mauvais goût et raccourci politique évident dont l’ouvrage aurait pu se passer. Stéphane Audeguy semblait surtout vouloir nous présenter ses découvertes artistiques monstrueuses ; le texte n’est qu’un pardessus nécessaire destiné à rendre l’ouvrage présentable sur les rayonnages des magasins.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Histoire d'amour

Stéphane Audeguy est un esthète : il a le goût de la beauté et du plaisir. Aussi, chacune de ses phrases revêt les beaux atours de la grâce et ses pages ressemblent à de charmants tableaux devant lesquels on s'attarderait volontiers. Pas de doute, c'est la classe. Ajoutez à cela une pensée originale, libérée, je dirais même insubordonnée, qui a su ne pas s'embourber dans la norme sociale et le carcan du conformisme, un rapport au monde à la fois poétique et extrêmement critique, enfin une érudition et une culture telles que l'on se sent bien petit quand on rédige une chronique sur le travail d'une telle pointure.

Oui, je suis impressionnée, vous l'aurez remarqué et ça me coupe un peu l'herbe sous le pied. J'admire toujours en me taisant. Mais bon, comme je suis là pour parler de son livre, alors je vais le faire !

Abordons le sujet : Vincent, (double de l'auteur?) 53 ans, critique d'art parisien, amoureux d'Alice, une artiste plasticienne, a été témoin d'un attentat qui a eu lieu près de chez lui. Depuis, il a des malaises fréquents et s'imagine (se rêve?) dans le corps d'autres personnes d'époques antérieures ou de lieux divers : il est Actéon, le chasseur, qui découvre Artémis nue se séchant délicatement au soleil. Il est aussi Philippe, jeune Juif new-yorkais qui quitte en 1942 les États-Unis pour devenir soldat et participer à la Seconde Guerre Mondiale en Italie. Il se métamorphose aussi en un peintre florentin de la Renaissance : Pierre de Côme ou en un jeune marin lisboète, Nino Caceres, qui va s'embarquer pour les côtes du Brésil au XVIe siècle… Il est aussi lui-même et revit, dans ses moments d'absence (ou de présence dans un ailleurs enfoui au plus profond de son être) son enfance dans une fade banlieue, la découverte de la sensualité, de la sexualité, ses années d'étudiant…

Concrètement, cela donne lieu à un récit dans lequel vont alterner différents personnages (qui n'en sont peut-être qu'un seul… des doubles de Vincent), différentes époques. Le fil conducteur ? Il est annoncé dans le titre : l'amour, la relation au corps de l'autre, le désir, la mort, la liberté…

Le titre étant au singulier, est-ce à dire que finalement, Vincent est multiple, indéfinissable, inclassable, qu'il tient d'Artémis et de Philippe, de Pierre et de Nino, qu'il est « homme et femme, pauvre et riche, inconnu et célèbre… » à la fois, qu'il porte en lui le désir de l'un, la féminité et la violence de l'autre ?…

« Ces vies qui assaillent Vincent sont si différentes qu'un jour il saisit, en souriant de sa naïveté, cette évidence : il n'y a aucune raison valable de considérer que celle qui jusqu'à maintenant dominait son présent est la plus importante. »

Toutes les histoires d'amour n'en sont qu'une aussi peut-être, comme l'indique le titre, dans son apparente banalité… Une sous différents visages… Qui sommes-nous au fond ? Sommes-nous réduits à n'être qu'un genre, qu'un sexe, qu'une fonction, qu'une vie ? Les personnages évoqués ont en commun le fait d'être libres : ils suivent leur destin et soudain, au détour du chemin, s'offrent l' audace du pas de côté, du coup de folie. Ils font soudain une pause dans leur histoire : ils ne sont plus chasseur, marin, peintre, soldat mais amoureux, fous de sensualité et ivres de jouissance, de beauté et de lumière, prêts à entraîner l'autre (ou à se laisser entraîner) dans des espaces inconnus, interdits, comme suspendus dans le temps...

D'un personnage à l'autre, d'une situation à l'autre se forme un maillage étroit d'échos et de thèmes récurrents qui tissent les histoires entre elles, créent des correspondances entre les hommes, les époques, le réel et le mythe, la réalité et la fiction.

En tout cas, si j'ai admiré l'écriture de ce roman et dans une certaine mesure sa construction, j'ai trouvé que les parties « historiques », notamment celles concernant Philippe, par leur longueur, déséquilibrent et cassent le rythme de l'ensemble. Peut-être eût-il été nécessaire (le débat reste ouvert) d'accorder moins de pages (et donc de laisser au second plan) des personnages auxquels le lecteur ne s'attache pas vraiment. Autant les réflexions de Vincent m'ont passionnée, autant j'ai parcouru les passages historiques en traînant un léger ennui.

C'est dommage parce que ça risque de détourner d'un bel ouvrage un certain nombre de lecteurs...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Une mère

L'auteur a pris sa plume suite à la disparition de sa mère, une façon de lui rendre hommage, de laisser trace d'une vie. Il revient donc sur les souvenirs de sa mère, de ses origines, mais aussi de sa condition de mère, femme. On parcourt les années, on sourit aux souvenirs de cette époque pour ceux qui les ont connus évidemment.

C'est aussi un bel hommage à la femme, sa place au sein d'une famille, son importance, tout ce qu'elle peut endurer pour l'amour de ses enfants, ses sacrifices, mais aussi son besoin de s'émanciper (à l'époque relatée).

Beaucoup de souvenirs d'enfance donc à Tours, des souvenirs de famille d'origine polonaise également, la vie d'une famille en somme.

Une belle écriture fluide, juste, sensé, et beaucoup d'amour pour sa mère.



Une belle découverte que cet auteur.
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Dejima

Ce livre débutait très bien, avec l'histoire d'une femme ayant passé une partie de sa vie au Japon, qui alterne avec des passages explicatifs sur l'Histoire de ce pays.



Page 139, tout bascule : la vie de cette femme, et surtout le genre dans lequel s'inscrit ce roman, genre que j'aurais de la peine à qualifier, hésitant entre le délire mystique, ou le fantastique.



J'ai cependant poursuivi ma lecture jusqu'à la fin, en tentant de faire abstraction d'une grossière construction, aidé en cela par la qualité de l'écriture.



Je vous recommande la lecture des 139 premières pages de ce roman, puis vous pourrez aviser sur la suite à donner (même si vous vous arrêtez en chemin, vous aurez découvert des pans intéressants de l'histoire du Japon).
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Histoire du Lion Personne

Histoire du lion Personne est un conte animalier et une fable amère et triste sur l'exploitation de l'Homme par l'Homme, sur l'asservissement de l'animal par l'Homme qui "ne considérait les animaux que comme des êtres soumis à l'homme, à ses besoins, à ses fantaisies."



C'est aussi une histoire "sur les leçons qu'il conviendrait, en certains points, de recevoir des bêtes."



Et qui en conclusion nous rappelle ce que nous ne savons que trop "la bêtise humaine est d'une prodigieuse étendue; sa plasticité est inépuisable."



Une très belle histoire, mais profondément triste.
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Histoire du Lion Personne

Une jolie fable qui se passe dans les années 1700. On s’attache à ce lion au travers de son parcours qui débute au Sénégal pour se finir à Paris et surtout par sa belle amitié avec un chien. On suit ses rencontres, d’abord avec l’enfant qui l’a recueilli, puis des humains, certains bons, certains mauvais. Ecriture, histoire et construction à rugir de plaisir. Un roman qui change des clichés. Stéphane Audeguy, en donnant le rôle principal à un animal, m’a souvent fait penser aux chansons de Thomas Fersen dont je conseille l’écoute durant la lecture et surtout ‘Les malheurs du lion’.
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Histoire du Lion Personne

Quand j'étais étudiante, ma chambre donnait sur le jardin botanique  de Tours, la ville natale de Stéphane Audeguil , j'étais intriguée par un rugissement puissant provenant d'une serre : celui d'un lion écoulant ses vieux jours dans une cage après avoir passé ses années de jeunesse dans un cirque . Il me plait d'imaginer que ce fauve captif était peut-être l'un des descendants du lion Personne ... à condition que ce lion ramené à Versailles après moult péripéties ait eu l'opportunité de conter fleurette à Dame Lionne .



Ce court roman  a l'apparence d'un conte mais sous des contours merveilleux , celui de l'adoption d'un lion orphelin et de son arrivée en France à la veille de la Révolution ,  il aborde des sujets plus profonds car chaque individu croisant le chemin du fauve a un destin et une personnalité hors du commun .



Yacine, le jeune noir qui recueille le lionceau quitte son village pour aller étudier et offre l'animal au directeur royal de la Compagnie du Sénégal, Jean Gabriel Pelletan, un humaniste bien différent de la bonne société blanche et colonialiste de Saint Louis .



Personne est envoyé en France , accompagné de son fidèle compagnon , le chien Hercule sous l'escorte de Jean Dubois, un jeune naturaliste , élève de Buffon .



Logés d'abord à la ménagerie royale de Versailles, les amis subissent indirectement les affres de la révolution, et l'avenir du roi des animaux est peu brillant car il finit ses jours tristement enfermé au futur jardin des plantes comme mon vieux lion dans sa serre .



Stéphane Audeguil emploie une belle langue , à la limite parfois du précieux , jouant sur l'ambiguïté du nom de son lion : Personne et en peu de pages , il décrit un monde en mutation, que ce soit en Afrique d'abord puis en France .



Très bon moment de lecture .
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La théorie des nuages

Improbable et compliqué à souhaits



20 août



Je me lance dans la lecture de la « théorie des nuages », tout fier de l’avoir dégotté à la librairie du bleuet, vous savez le lieu improbable qui se trouve là où on était sûr de ne surtout pas le trouver…

Rapidement je comprends que le thème sera bien celui des nuages, une improbabilité qui me sourit.

Puis je rencontre des personnages un peu curieux, improbables eux aussi ; certains réels d’autres non.

Bref, tout cela semble annoncer un roman original (je vous fais grâce de l’ultime « improbable »)



Mais en fait il s’agit plutôt d’une histoire des sciences romancée…

Et là où je dis romancée, je devrais dire, compliquée gratuitement :

Compliquée par des personnages sans rapport aucun avec le thème, des personnages à la sexualité compliquée, surprenante et surtout dont l’étalage n’a absolument rien à voir avec le roman et ne lui apporte rien.

Compliqué par une syntaxe lourde, confuse, difficile.



(Je vous en donne quelques exemples plus bas).



20 septembre



A relire certaines phrases deux ou trois fois, à parfois m’endormir sur l’ouvrage (ben voui ...), je me suis retrouvé, vingt jours après à la page 141 et avec de gros doutes. Car, outre la lourdeur du style, en avançant laborieusement dans l’histoire de nouvelles pistes apparaissent, mais toutes font Flop ne menant vraiment vers rien de constructif.

Alors je prends sur moi en me disant que cela va s’éclaircir plus loin, que des liens vont unir tout cela et je commets l’erreur fatale : je vais sur notre cher Babelio et là je vois que même la toute nouvelle piste que l’auteur a avancée et sur laquelle je fonde encore quelque espoir s’avère être une Farce grotesque !



22 septembre :



Aller hop, c’est décidé ! Vue ma pile à lire si lourde de promesses et des appétits que je nourris, je décide de souffler sur ces nuages à la page 141 et de passer à autre chose.



Pfffft ...



Comme promis : quelques exemples de citations improbables et compliquées :





Richard Abercrombie l’entend arriver, lui sourit, l’arrête d’un geste, et, la poussant légèrement devant lui, il fait un geste large du bras...

(Pardon ?)





Mais il est épuisé ; et, comme une nappe d’eau qui a passé le point où elle peut se renouveler, avec le temps, Akira Kumo se tarit, sûrement et lentement.

(Vous pouvez répéter ?)



Diverses sociétés savantes ont fait envoyer [...] des couronnes mortuaires et des messages de condoléances, longs et vagues.

(Ben oui, comme votre roman)



Quand elle jouit, elle se cramponne à son mari comme une noyée. Sinon elle reste tranquille, heureuse comme un paysage.

(Image poétique ?)



Elle n’est pas belle, c’est autre chose en elle qui le chavire. De toute façon la beauté des femmes ne présente aucun intérêt pour Carmichael. Mais lorsque Mary Bickford entre dans un lieu public, il faut faire un effort pour ne pas la regarder, on pense à des choses douces et belles, on se sent vaguement triste aussi.

(Euh, elle est comment finalement ?)



...Dans un éclair la vérité lui revient, irréfutable : il n’est pas né en 1946, mais à la fin de l’année 1933. Et du moment où il a tiré ce fil minuscule, Toute l’étoffe ne vient pas d’un coup, naturellement ; mais bientôt il n’en restera rien.

(Plait-il ?)

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Histoire d'amour

Une belle découverte.Le titre paraît banal. le début du livre nous amène, sans un style beau et limpide , dans l'Antiquité et ses mythologies.Une histoire de chasse et d'amour.Nous changeons brusquement d' époque.Le lecteur un peu assidu connaît cette construction romanesque qui peut vite virer à la confusion. Un exemple récent avec Laurent Gaudé, Écoutez nos défaites où les changements historiques dans dans le temps et l'espace nuisent à la force du livre

Avec Stéphane Audeguy, l'impression est tout autre .On comprend rapidement l'intention de l' auteur et le titre de l' ouvrage

Le texte labyrinthique, fluide et envoûtant nous amène chez les Médicis,en Italie pendant la seconde guerre mondiale, au Brésil avec les colonisateurs et dans la mythologie qui reste présente tout au long du livre

L' histoire est celle de Vincent, critique d'art, libertin des années 1980 dont la vie tourne autour de l'art et de l' érotisme. il rencontre Alice plasticienne , amoureuse de la beauté et de la peinture. Leur histoire de amour se fera à travers l'art

Vincent rêve à des vies antérieures toujours avec le thème de l' amour mais aussi de la chasse , de la violence et de la mort qui ne sont jamais bien loin

Certes le livre n'est pas facile.Vincent Audeguy est très cultivé et le texte pourrait paraître ardu pour un lecteur avec une culture générale solide

mais pas forcément spécialiste des époques évoquées dans le livre,J'ai pensé à deux très beau livres: Mathias Enard et Boussole et Stephen Greenblatt et son Quatroccento, deux livres magnifiques et érudits mais qui demandaient t l'aide d' un dictionnaire pour comprendre la subtilité des textes

Stéphane Audeguy évite cet écueil souvent rédhibitoire et nous livre un très beau texte fluide , original et surprenant

Un texte très construit, très travaillé. Ce qui paraissait troublant , voire confus , au début du livre apparaît de plus en plus limpide au fil des pages

Une histoire d'amour bien belle . Un écrivain exigeant qui écrit avec une délicatesse infinie un bien beau livre sur un sujet éternel.

Beau travail

C' est le premier livre que je reçois, à ma grande surprise, dans ma boîte aux lettres .Merci à Babelio et aux Éditions du Seuil pour cette belle surprise

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Dejima

Elles s’appellent Mabel, Kumiko ou Alice, elles sont américaine, japonaise ou française. Leurs vies s’échelonnent au long du 20e siècle, mais elles ont en commun un fort attachement au Japon. Un roman tour à tour historique, fantastique, érotique ou romanesque, par moments envoûtant, à d’autres trop didactique, pas entièrement convaincant et qui laisse sur sa faim.
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