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Citations de Sylvain Prudhomme (412)


J'ai songé au mot qui servait communément à nommer les M. et les Franz : des bâtards. J'ai écouté le son glorieux que faisaient ces deux syllabes. J'ai pensé que naître bâtard c'était savoir d'avance que les autres ne vous feraient pas de cadeau. C'était apprendre d'emblée le grand partage entre ceux qui osaient nommer les choses et ceux qui préféraient les taire. Naître bâtard c'était gagner du temps, mûrir à vitesse accélérée, apprendre à composer dès les premiers pas avec le boitement inévitable de la vie. C'était grandir plus courageux, plus honnête avec soi-même et avec la vie, tout simplement plus vrai. N'était-ce pas ce que l'on disait des chiens bâtards : qu'ils étaient beaucoup plus intelligents que les chiens de race. Que pour eux la débrouille était une question de survie.
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La moitié de notre existence est là, en arrière, déroulée, racontant qui nous sommes, qui nous avons été jusqu’à présent, ce que nous avons été capables de risquer ou non, ce qui nous a peinés, nous a réjouis.
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Que pour moi c'est le critère suprême de l’hospitalité : être capable d'ouvrir sa portière au parfait inconnu. Ne pas craindre de se retrouver soudain à 30 centimètres d'un étranger dont ils ignorent s'il sera agréable, s'il partagera leurs idées, s'il sentira bon, si la présence de ses 70 kg assis là, sur le siège passager, seulement séparés d'eux par la tige du frein à main, leur sera plainte ou les importunera. Je leur dis que je veux rencontrer un maximum de gens comme eux, capables de ce geste-là.
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Je suis heureux que tu te sois trouvé sur ma route. Parole de voyageur. Parole d'habitué des routes, des carrefours, des rencontres. Parole de vrai amoureux de la vie, reconnaissant aux surprises qu'elle réserve. (Léonard Cohen)
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Il était comme une terminaison de nous-mêmes envoyée à l'aventure, une sonde par laquelle de bouts du monde nous étaient rapportés. Il était notre explorateur. Un compagnon aux fantaisies duquel nous assistions avec tendresse, amusement. Un double fantasque, présence amie que nous savions à la fois lointaine et proche, trop distante pour que nous nous reposions sur lui, suffisamment proche malgré tout pour nous accompagner. Il voyageait pour nous, découvrait pour nous, rencontrait pour nous. Partout où il allait, il glanait. Il était comme un tisserin qui fait son nid de ce qu'il rencontre, mêle feuilles et branches et brindilles et bouts d'étoffe à son ouvrage. Infatigablement, il amassait.
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Certains jours j’allais prendre le train. Il faisait froid désormais et les salles d’attente des gares avaient ce côté cour des miracles qu’elles prennent l’hiver, havres d’air chaud où viennent se réfugier tous les congelés de la ville. Parmi les sans-toit qui étaient là, engourdis, somnolents, entourés de cabas Monoprix ou Leclerc, enveloppés de châles, de couvertures, amas de tissus eux-mêmes, boules de linge serrées contre d’autres boules de linge qui étaient leurs enfants, leurs affaires, leurs caddies, leurs chiens – au milieu de ceux-là je reconnaissais des silhouettes venues d’un autre monde, dormeurs-à-même-le-sol par choix, rouleurs-de-bosse par vocation, pareils à celui que j’avais été autrefois. Voyageurs fatigués mais en chemin, poussés par le besoin de se frotter à la vie, aux épreuves, au bitume. La plupart seuls, chevelus, hirsutes, sans le sou. Certains en couple. Presque tous joviaux malgré leur crasse. Aisément repérables à leur vitalité, au milieu des autres, les vrais immobiles, les sans-issue, les coincés-là, entre les murs de ces limbes. Plus encore que leurs cheveux longs et leurs habits sales, c’était leur rapport au sol qui me frappait. Leur habitude du contact avec le bitume et le carrelage. Leur affranchissement de toute gêne. Comme une rupture consommée avec l’exigence de station debout. Une délivrance des interdits habituellement incorporés à notre insu, ne pas s’affaler, ne pas se répandre, ne pas encombrer, toute une morale du quant-à-soi, du non-étalement, du corset. Morale du respect du voisin et des bornes, du découpage du sol en parcelles aux frontières bien délimitées. Eux indifférents à tout ça. Comme déverrouillés. Émancipés. Leur corps désentravé, devenu maître dans l’art d’occuper l’espace, de s’y nicher, de s’y lover. Je les regardais étalés au sol et je me rappelais brusquement ce que j’avais parfaitement su jadis : qu’être sur la route, c’était ça. Cet affalement. Ce lâcher-prise.
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L'autostoppeur était parti, et pourtant il était là.Nous pensions à lui. Ses envois nous disaient qu'il pensait à nous. Nous savions à peu près où il était. Il nous surprenait parfois, réapparaissant à plusieurs centaines de kilomètres de là où nous l'avions cru, comme une baleine qui a plongé et refait surface plus loin qu'on ne l'imaginait.
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J'ai fini par viser mes sacs. J'ai regardé la totalité de mes possessions étalées devant moi dans la lumière, ordonnées, prêtes à l'emploi, volontairement réduites à l'exact nécessaire, pareilles aux instruments d'un chirurgien avant l'opération. J'ai pensé: on voit mieux dans le peu. On vit mieux. On se déplace mieux, on conçoit mieux, on décide mieux. J'ai savouré la pensée que ma vie était là désormais. Le fatras de mes quarante années d'existence réduit à cette somme d'objets sur une étagère.
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La moitié de notre terme est passée. La moitié de notre existence est là, en arrière, déroulée, racontant qui nous sommes, qui nous avons été jusqu’à présent, ce que nous avons été capables de risquer ou non, ce qui nous a peinés, ce qui nous a réjouis. Nous pouvons encore nous jurer que la mue n’est pas achevée, que demain nous serons un autre, que celui ou celle que nous sommes vraiment reste à venir – c’est de plus en plus difficile à croire, et même si cela advenait, l’espérance de vie de ce nouvel être va s’amenuisant chaque jour, cependant que croît l’âge de l’ancien, celui que nous aurons de toute façon été pendant des années, quoi qu’il arrive maintenant.
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J'ai regardé l'heure à mon portable. Constaté que les enfants ne rentreraient pas avant un moment. Que je pouvais Même encore paresser deux bonnes heures si je voulais. Je me suis dit que j'aimais ça. Que je voulais que ma vie soit toujours faite de ça: de moments ouverts, remplis d'interrogation, de vertige. Moments où chaque chose alentour vibrait, chaque terrasse m'appelait, chaque panneau semblait devoir me conduire vers un endroit désirable. ( p 177)
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Il lui arrivait d'en formuler explicitement le vœu : aller plus loin que le moment partagé en voiture. Faire en sorte que le lien perdure. Qu'un fil demeure. À présent il ne notait plus seulement l'adresse des automobilistes qui le prenaient. Il leur donnait la sienne - la nôtre. Il insistait pour que les gens écrivent, passent, s'arrêtent quelques jours si le cœur leur en disait. Des lettres arrivaient parfois, de Bretagne, d'Alsace, de Bourgogne, des Pyrénées. Nous les déposions avec les photos dans le grand carton à trésors, cela jusqu'à nouvel ordre, jusqu'au jour où l'auto-stoppeur repasserait, car nous ne doutions pas qu'il repasserai tôt ou tard.
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Je sais qu'en partant j'abîme mon histoire avec Marie. Et pourtant je pars. Je ne devrais même pas dire "et pourtant". C'est presque le contraire : je pars précisément parce qu'il ne faut pas. Avec la conscience très claire de faire une bêtise. C'est complètement tordu et pourtant. Tout me dit qu'il ne faut pas, que c'est idiot - alors je le fais. Je le fais parce que je sens que c'est grave. Parce que. Tout va trop bien. Tout est trop parfaits. Quelque chose en moi veut casser ça. S'en libérer. Quitte à décevoir. Quitte à tout foutre en l'air.
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Et il lui fait cette déclaration dont je ne pense pas que beaucoup de longs poèmes l'égalent en beauté, en justesse, en conscience de l'impermanence des choses en ce bas monde : Je suis heureux que tu te sois trouvé sur ma route. Parole du voyageur. Parole d'habitué des routes, des carrefours, des rencontres. Parole de vrai amoureux de la vie, reconnaissant aux surprises qu'elle réserve.
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L’esseulement ne m’effrayait pas. J’ai toujours eu, dans la solitude, d’intenses moments de joie, qui alternent bien sûr avec d’intenses moments de tristesse, mais tout de même : je suis d’une nature globalement disposée au bonheur.
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Le temps va et vient et vire
Par jours par mois et par années.
Moi je ne sais plus que dire:
J'ai toujours le même désir
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Toutes ces églises bâties par des hommes pendant tous ces siècles. À présent m'étonnait ce qui m'avait toujours paru aller de soi : que même sur la place des villages les plus perdus, même au fin fond des plus dérisoires patelins, se soient trouvés des hommes pour bâtir une maison de Dieu.
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Certains jours j'allais prendre le train. Il faisait froid désormais et les salles d'attente des gares avaient ce côté cour des miracles qu'elles prennent l'hiver, havres d'air chaud où viennent se réfugier tous les congelés de la ville.
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P. 125 J’ai réalisé qu’il ne passerait rien. Qu’il n’y avait rien à attendre. Que toujours ainsi les semaines continueraient de passer, que le temps continuerait d’être cette lente succession d’années plus ou moins investies de projets, de désirs, d’enthousiasmes, de soirées plus ou moins vécues. De jours tantôt habitués avec intensité, imagination, lumière, des jours pour ainsi dire pleins, comme on dit carton plein devant une cible bien truffée de plombs. Tantôt abandonnés de mauvais gré au soir venu trop tôt. Désertés par excès de fatigue ou de tracas. Perdus. Laissés vierges du moindre enthousiasme, de la moindre récréation, du moindre élan véritable. Jour sans souffle, concédés au soir trop tôt venu, à la nuit tombée malgré nos efforts pour différer notre défaite, et résignés alors nous marchons vers notre lit en nous jurant d’être plus rusés le lendemain – plus imaginatifs, plus éveillés, plus vivants.
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J'ai vu peu de gens, dans ma vie, pour lesquels autrui n'était jamais un poids, jamais une fatigue, jamais un ennui. Toujours au contraire une chance. Une fête. La possibilité d'un supplément de vie. L'autostoppeur était de ces êtres. C'était comme s'il avait constamment à l'esprit la pensée que chaque être placé sur sa route ne le serait peut-être plus jamais. La conscience que s'il voulait le connaître, c'était maintenant.
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Certains jours j'allais prendre le train. Il faisait froid désormais et les salles d'attente des gares avaient ce côté cour des miracles qu'elles prennent l'hiver, havres d'air chaud où viennent se réfugier tous les congelés de la ville.
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