Depuis toujours, j'aime l'atmosphère des romans de
Sylvain Prudhomme, tout en finesse et en mélancolie et son dernier roman ne déroge pas à la règle.
Dans «
L'enfant dans le taxi », l'auteur soulève ce coin du tapis sous lequel se dissimile un secret de famille.
C'est lors des funérailles de son grand-père Malusci, patriarche d'une grande famille, que Simon entend parler de ce fils illégitime. Ce M serait né des amours d'une allemande avec Malusci alors militaire en Allemagne occupée à la fin de la seconde guerre mondiale.
Simon raconte avec sincérité ce cheminement pour découvrir l'homme derrière ce M inconnu. Il aimerait le rencontrer mais sa grand-mère Imma s'y oppose farouchement
« Si tu t'obstines je te bannis Simon c'est compris.
Comme si elle avait longtemps cherché l'avertissement le plus impressionnant qu'elle puisse m'adresser. »
Passant outre l'avertissement d'Imma, Simon va faire sa propre enquête.
Tout le récit est écrit à la première personne et, à travers la vie intime et les confidences de Simon, écrivain quadragénaire qui vit une séparation douloureuse avec sa compagne, on découvre une famille soudée autour des grands-parents mais qui garde le silence sur ce passé dérangeant. Que s'est-il vraiment passé près du lac de Constance ? Et Simon de raconter cette belle et fulgurante rencontre amoureuse entre Malusci et cette femme inconnue, une rencontre née de son imagination pour la sortir du silence, « scène primitive, à jamais manquante. »
« Je sais que de ce plaisir naquit un enfant, qui vit toujours, là-bas, près du lac. Et que ce livre est comme un livre vers lui. »
Malusci a épousé Imma avec laquelle il aura quatre enfants parmi lesquels un fils dont il célèbrera la naissance.
« Un fils Imma tu m'as donné un fils, avec la même joie la même incrédulité qui si M n'existait pas, comptait pour rien, n'était pas lui aussi son fils, né des années avant le second. »
A pas comptés, Simon va tirer sur ce fil fragile pour dérouler cette vie inconnue, cachée durant tant d'année, il va lui donner du souffle, lui inventer une histoire et la rendre importante.
En s'emparant du destin de M, c'est aussi une facette peu connue de l'histoire franco-allemande que nous raconte l'auteur, la tragédie de ces milliers d'enfants de guerre nés des amours illicites et condamnables entre un soldat allemand ou français et une française ou une allemande.
Simon va tâtonner, tenter de lever le silence. Il va emprunter de fausses pistes, mais s'obstiner à rendre sa place à cet oncle inconnu. Il finira par trouver une aide inespérée auprès du compagnon allemand de sa tante, lequel est aussi un de ces enfants nés de la honte.
Peu à peu, ce flou qui entoure M va devenir plus précis, on va voir se dessiner l'image de la mère et l'histoire de ce fils qui a tout tenté pour connaitre son père disparu mais que celui-ci a rejeté.
C'est un roman émouvant qui parle de la filiation, de la quête d'un enfant privé de père et de sa réhabilitation au sein d'une famille qui l'avait rayé de l'arbre généalogique.
Magnifique récit empreint d'humanité et qui sonne tellement juste.