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Citations de W. G. Sebald (167)


J'ai d'emblée été étonné de la façon dont Austerlitz élaborait ses pensées en parlant, de voir comment à partir d'éléments en quelque sorte épars il parvenait à développer les phrases les plus équilibrées, comment, en transmettant oralement ses savoirs, il développait pas à pas une sorte de métaphysique de l'histoire et redonnait vie à la matière du souvenir.
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Face à la Gravure des yeux du chien Maurice
(Et on ne peut citer une image : c’est dommage)


Envoie-moi s’il te plaît
le manteau marron
du Rheingau
dans lequel autrefois
je faisais mes promenades
nocturnes
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C'est pourquoi le regard que Kluge pose sur sa ville natale détruite est aussi, en dépit de toute détermination intellectuelle, celui, figé d'effroi, de l'ange de l'histoire, dont Walter Benjamin a dit que, les yeux écarquillés, il ne voit "qu'une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si violemment que l'ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l'avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s'élève jusqu'au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès."
p. 75
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Dans un essai qu'il dédie au journal du Dr Hachiya, d'Hiroshima, Elias Canetti se demande ce que signifie survivre à une catastrophe d'une telle ampleur ; et il répond qu'on ne peut s'en faire une idée qu'en lisant un texte qui, comme les notes de Hachiya, se caractérise par la précision et le sens de la responsabilité. "S'il n'était pas absurde, écrit Canetti, de se demander quelle forme de littérature est aujourd'hui indispensable, je dirais : celle-ci." On pourrait en dire autant de cette relation de Nossack, qui occupe une place singulière dans son oeuvre. L'idéal de vérité qui, dans son récit de l'effondrement de Hambourg, se dégage du texte, ou pour le moins d'amples passages du texte écrits avec une objectivité dénuée de toute prétention, s'avère, au vu de la destruction totale, la seule raison légitime de continuer à faire oeuvre de littérature. A l'inverse, tirer des ruines d'un monde anéanti des effets esthétiques ou pseudo-esthetiques est une démarche faisant perdre à la littérature toute légitimité.
p. 61
Elias Canetti, Die Gespaltene Zukunft, L'avenir divisé, 1972.
Nossack, Interview avec la mort.
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Tout est sur le point de flétrir, seules les mauvaises herbes continuent de pousser, le liseron étrangle les buissons, les racines jaunes des orties rampent infatigablement sous terre, les touffes de bardane vous poussent par-dessus la tête, le mildiou et les acariens se propagent, et même le papier, sur lequel on aligne péniblement les mots et les phrases a l'air de se couvrir d'une pellicule d'oïdium.
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Que savons-nous au juste, et comment faisons-nous pour nous souvenir , et que de choses ne déterrons-nous pas en définitive ?
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J'ai de plus en plus l'impression que le temps n'existe absolument pas, qu'au contraire il n'y a que des espaces imbriqués les uns dans les autres selon les lois d'une stéréométrie supérieure, que les vivants et les morts au gré de leur humeur peuvent passer de l'un à l'autre, et plus j'y réfléchis, plus il me semble que nous qui sommes encore en vie, nous sommes aux yeux des morts des êtres irréels, qui parfois seulement deviennent visibles, sous un éclairage particulier et à la faveur de conditions atmosphériques bien précises.
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Que pouvait-il en effet y avoir de pire que de rater la fin d'une vie malheureuse ?
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Même maintenant où je m'efforce de me souvenir, où j'ai repris le plan en forme de crabe de Breendonk et lis en légende les mots "ancien bureau, imprimerie, baraquements, salle Jacques-Ochs, cachot, morgue, chambre des reliques et musée", l'obscurité ne se dissipe pas, elle ne fait que s'épaissir davantage si je songe combien peu nous sommes capables de retenir, si je songe à tout ce qui sombre dans l'oubli chaque fois qu'une vie s'éteint, si je songe que le monde pour ainsi dire se vide de lui même au fur et à mesure que plus personne n'entend, ne consigne ni ne raconte les histoires attachées à tous ces lieux et ces objets innombrables qui n'ont pas, eux, la capacité de se souvenir des histoires comme par exemple celle qui, pour la première fois depuis cette époque, me reviens à présent à l'esprit tandis que j'écris, l'histoire de ces paillasses fantomatiques recouvrant le bois des châlits superposés et qui, leur bourre s'étant décomposée avec les ans, avaient perdu volume et épaisseur, s'étaient ratatinées comme si elles étaient les enveloppes mortelles - oui, c'est, il m'en souvient, ce que je m'étais dit à l'époque-, les enveloppes mortelles de ceux qui gisaient naguère en ce lieu, au milieu des ténèbres.
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Si l'on considère la langue comme une vieille ville avec son inextricable réseau de ruelles et de places, ses secteurs qui ramènent loin dans le passé, ses quartiers assainis et reconstruits et sa périphérie qui ne cesse de gagner sur la banlieue, je ressemblais à un habitant qui, après une longue absence, ne se reconnaîtrait pas dans cette agglomération, ne saurait plus à quoi sert un arrêt de bus, ce qu'est une arrière-cour, un carrefour, un boulevard ou un pont. L'articulation de la langue, l'agencement syntaxique de ses différents éléments, la ponctuation, les conjonctions et jusqu'aux noms désignant les choses les plus simples, tout était enveloppé d'un brouillard impénétrable.
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[...] car l'une d'entre elles, au moins, à savoir une robe de mariée suspendue à un mannequin de tailleur sans tête, faite de centaines de morceaux de soie assemblés et brodée ou, plutôt, brochée comme une toile d'araignée de fils de soie, était une véritable oeuvre d'art, si haute en couleur qu'elle en devenait presque vivante, un ouvrage d'une splendeur et d'une perfection telles que j'eus à l'époque, en le découvrant, autant de mal à en croire mes yeux que je n'en ai aujourd'hui à en croire ma mémoire.
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Marie, s'approchant de moi, me demanda si je savais qu'on était à la veille de mon anniversaire. Demain dit-elle, au réveil, je vais te souhaiter tout plein de bonne choses et se sera comme si l'on souhaitait à une machine dont on ignore le mécanisme de bien fonctionner.
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Au cœur de l'été 1943, durant une longue période de canicule, la Royal Air Force, soutenue par la 8ème flotte américaine, effectua une série de raids sur Hambourg. Le but de l'opération "Gomorrah" était d'anéantir la ville en la réduisant entièrement en cendres. Au cours du raid qui eut lieu dans la nuit du 28 juillet et débuta à une heure du matin, dix mille tonnes de bombes explosives et incendiaires firent larguées sur la zone urbaine densément peuplée de la rive de l'Elbe...
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L'aptitude des hommes à oublier ce qu'ils ne veulent pas savoir, à détourner le regard de ce qu'ils ont devant eux, a rarement été mise à l'épreuve comme dans l'Allemagne de cette époque.
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Lorsque nous nous observons de là-haut, il est terrifiant de constater combien peu de choses nous savons sur nous-mêmes, sur notre raison d'être et notre fin, pensai-je tandis que nous laissions la côté derrière nous et volions par-dessus la mer d'un vert gélatineux.
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C’était toujours comme si toutes les traces se perdaient dans le sable
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Derrière un cadre de métier à tisser vertical sont assises trois jeunes femmes de peut-être vingt ans. Le tapis qu'elles nouent a un motif géométrique irrégulier qui jusque dans ses couleurs me rappelle celui de notre canapé à la maison. Qui sont ces jeunes femmes? Je ne sais. A cause du contre-jour qui tombe de la fenêtre à l'arrière-plan, je ne peux voir exactement leurs yeux, mais je sens qu'elles regardent dans ma direction, car je suis à l'endroit où se tenait Genewein le comptable avec son appareil photo.
La jeune femme du milieu a des cheveux blond clair et un faux air de jeune mariée. La filandière à sa gauche tient sa tête légèrement penchée sur le côté tandis que celle de droite fixe sur moi un regard si impitoyable que je ne saurais le soutenir longtemps. Je me demande quels pouvaient être leurs noms - Roza, Lusia et Lea, à moins que ce ne soit Nona, Decuma et Morta, les filles de la Nuit et leurs attributs, le fuseau, le fil et les ciseaux.
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L'être-hors-du-temps qui naguère encore était le mode d'existence dans les contrées reculées et oubliées de notre propre pays, comme sur les continents non encore explorés d'outre-mer, se retrouvait aussi, dit Austerlitz, dans les métropoles régies par le temps, Londres par exemple. Les morts n'étaient-ils pas hors du temps ? Les mourants ? Les malades alités chez eux ou dans les hôpitaux ? Et non seulement eux, car il suffisait d'avoir son content de malheur personnel pour déjà être coupé de tout passé et de tout avenir.
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Nous nous sentions épiés par ce témoin muet et c'est ainsi que nous découvrîmes – au coeur de la nuit de telles découvertes sont presque inévitables – que les miroirs ont quelque chose d'effroyable. Bioy Casarès rappela à cet égard que l'un des hérésiarques d'Uqbar avait expliqué que le caractère terrifiant des miroirs mais aussi de l'acte de copulation tenaient au fait qu'ils multiplient le nombre des humains. Je demandais à Bioy Casarès – ainsi poursuit l'auteur – où il avait lu cette sentence pour le moins mémorable et il m'apprit qu'elle était citée dans un article de l'Anglo-American Cyclopoedia consacré à Uqbar. Mais cet article, ainsi qu'on l'apprend dans la suite du récit, ne figure pas dans l'encyclopédie susnommée ; ou plutôt, il ne se trouve que dans l'exemplaire acquis par Bioy Casarès des années auparavant, un exemplaire dont le vingt-sixième volume copte quatre pages de plus que tous les autres exemplaires douteux de cet ouvrage édité en 1917.
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A la place, c'est l'autre phénomène naturel qui se réveilla avec une promptitude étonnante : la vie sociale. L'aptitude des hommes à oublier ce qu'ils ne veulent pas savoir, à détourner le regard de ce qu'ils ont devant eux, a rarement été mise à l'épreuve comme dans l'Allemagne de cette époque.
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