AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de W. G. Sebald (167)


...le malheur accumulé en lui avait détruit sa foi au moment même où il en avait le plus besoin.
Commenter  J’apprécie          20
Dans les décennies qui ont suivies 1945 en Allemagne, il est une question qui, à ma connaissance, n'a jamais fait l'objet d'un débat public. C'est celle de savoir si - et le cas échéant dans quelle mesure - le projet de bombardements aériens illimités, approuvé depuis 1940 par les différentes fractions de la Royale Air Force et mis en pratique depuis février 1942 au prix d'un déploiement inouï de ressources militaires et humaines, était stratégiquement et moralement justifiable. La raison de cette absence de débat est sans doute qu'un peuple qui avait assassiné et exploité jusqu'à la mort des millions d'hommes était dans l'impossibilité d'exiger des puissances victorieuses qu'elles rendent des comptes sur la logique d'une politique militaire ayant dicté l'éradication des villes allemandes. De plus, il n'est pas à exclure que nombre de ceux qui avaient subi les attaques aériennes, en dépit de toute leur colère impuissante face à cette évidente folie, aient vu dans les gigantesques brasiers, comme le laisse entendre Hans Erich Nossak dans sa relation à la destruction de Hambourg, une juste punition, si ce n'est même l'acte de représailles d'une instance supérieure contre laquelle il n'est point de recours.
Commenter  J’apprécie          20
Je crois, me dit Véra, dit Austerlitz, que durant ces années où une victoire chassait l'autre, même les derniers sceptiques parmi les Allemands finissaient par être atteints d'une sorte de vertige des cimes, tandis que nous, les opprimés, nous vivions en quelque sorte au-dessous du niveau de la mer et voyions une entreprise après l'autre passant aux mains de commissionnaires allemands, assistant, impuissants, à l'infiltration de l'économie de notre pays par la ss.
Commenter  J’apprécie          20
Par dessus cette couche de terre ainsi parsemée de la poussière et des os de cadavres décomposés, la ville, aux XVIIe et XVIIIe siècles, s'était développée en un enchevêtrement de plus en plus dédaléen de ruelles et de maisons malsaines, bousillées avec les poutres, le torchis et tous les matériaux dont on pouvait disposer, afin d'abriter les couches les plus viles de la population londonienne.
Commenter  J’apprécie          20
Durant toutes les années que j'ai passées au presbytère de Bala, le sentiment ne m'a jamais quitté que restait dérobé à ma vue quelque chose de très proche et de très évident. Parfois, c'était comme si j'essayais à partir d'un rêve de saisir la réalité ; puis j'avais l'impression que marchait à mes côtés un frère jumeau invisible, le contraire d'une ombre en quelque sorte. Et aussi, derrière les histoires bibliques qu'à l'école du dimanche j'avais eu à lire depuis ma sixième année, je soupçonnais un sens qui se rapportait à moi, totalement distinct de celui se dégageant de l'écriture à mesure que je parcourais les lignes de mon index.
Commenter  J’apprécie          20
Le malheur de ma jeunesse et de ma période de formation s'était si profondément enracinée en moi qu'il a pu resurgir plus tard, produire des fleurs malignes, tisser au-dessus de ma tête cette voûte de feuillage vénéneux qui a tant assombri et obscurci mes dernières années.
Commenter  J’apprécie          20
Voilà donc comment ils reviennent, les morts. Parfois, après plus de sept décennies, ils sortent de la glace et gisent au bord de la moraine, un petit tas d'os polis, une paire de chaussures cloutées.
Commenter  J’apprécie          20
Quant au bénitier situé à côté de la porte, et qui représentait le flambant Cœur de Jésus, Paul, comme j'eus à plusieurs reprises l'occasion de le voir, le remplissait à ras bord juste avant l’heure de religion, avec l'arrosoir qui servait d'ordinaire pour les pots de géraniums.
Commenter  J’apprécie          20
Incipit

En août 1992, comme les journées du Chien approchaient de leur terme, je me mis en route pour un voyage à pied dans l'est de l'Angleterre, à travers le comté de Suffolk, espérant parvenir ainsi à me soustraire au vide qui grandissait en moi à l'issue d'un travail assez absorbant. Cet espoir devait d'ailleurs se concrétiser jusqu'à un certain point, le fait étant que je me suis rarement senti aussi libre que durant ces heures et ces jours passés à arpenter les terres partiellement inhabitées qui s'étendent là, en retrait du bord de mer.
Commenter  J’apprécie          20
Il n'est aujourd’hui plus possible de balayer d'un revers de main la constatation de Kafka écrivant que toutes nos inventions ont été faites une fois la chute déclenchée. Le dépérissement d'une nature qui continue de nous maintenir en vie en est le corollaire chaque jour plus évident. Mais la mélancolie, autrement dit la réflexion que l’on porte sur le malheur qui s'accomplit, n'a rien de commun avec l'aspiration à la mort. Elle est une forme de résistance. Et au niveau de l'art, éminemment, sa fonction n'a rien d'une simple réaction épidermique, ni rien de réactionnaire…
Commenter  J’apprécie          10
le soir j'étais hanté par les plus effroyables angoisses, des états d'anxiété qui parfois pouvaient durer des heures et des heures et ne faisaient qu’empirer. Il ne m’était visiblement pas d’un grand secours d’avoir découvert les sources de ma perturbation ni d’être capable de me voir moi-même avec la plus grande acuité, tout au long de ces années révolues, en petit garçon coupé du jour au lendemain de sa vie familière ; la raison ne prenait pas l’ascendant sur le sentiment que j’avais de tous temps réprimé et qui maintenant se frayait avec violence un chemin pour sortir au grand jour, le sentiment d’être été rejeté et effacé de sa vie. Cette angoisse terrible me surprenait au milieu des gestes les plus simples, quand je laçais mes chaussures, rinçais les tasses à thé ou attendais que l’eau frémisse dans la bouilloire. (p. 273)
Commenter  J’apprécie          10
j’ai à présent de plus en plus l’impression, quand je tombe sur une photographie de Wittgenstein, que c’est Austerlitz que j’ai devant moi, ou quand je regarde Austerlitz, que je vois le penseur malheureux, autant prisonnier de la clarté de ses réflexions logiques que de la confusion de ses sentiments, tant sont évidentes les ressemblances entre les deux hommes, la stature, la manière qu’ils ont de vous étudier en franchissant une frontière invisible, leur vie installée dans le provisoire, le désir de se suffire d’aussi peu que possible, et cette incapacité, propre autant à Austerlitz qu’à Wittgenstein, de s’embarrasser de préliminaires. C’est ainsi qu’Austerlitz ce soir-là, au bar du Great Eatstern Hotel, sans perdre le moindre mot sur notre rencontre purement fortuite après une aussi longue absence, a repris la conversation presque là où nous l’avions laissée. (p. 53)
- C’était comme si une maladie me rongeant depuis longtemps cherchait à se déclarer, comme si une hébétude, une prostration s’était installée en moi, qui graduellement allait me paralyser tout entier. J’éprouvais déjà sous mon front cette stupeur horrible qui annonce la dégradation de la personnalité, je pressentais qu’en réalité je ne possédais ni mémoire ni capacité de réflexion ni existence propre, que tout ce que j’avais vécu n’avait jamais fait que m’anéantir et me détourner du monde et de moi-même. (p. 149)
Commenter  J’apprécie          10
Personne ne saurait expliquer exactement ce qui se passe en nous lorsque brusquement s'ouvre la porte derrière laquelle sont enfouies les terreurs de la petite enfance. (p. 34)
Commenter  J’apprécie          10
Mais, ceci dit, il n’était pas rare que nos projets les plus grandioses révèlent le degré de nos inquiétudes. (p. 22)
Commenter  J’apprécie          10
Je ne sais pas ce qui préside à mon choix d'un restaurant dans une ville étrangère. D'un côté je suis très difficile et parcours pendant des heures les rues et les venelles avant de me décider ; de l'autre, je finis le plus souvent par entrer n'importe où, pour absorber, mal à l'aise dans une ambiance sinistre, des mets qui ne me disent absolument rien qui vaille.
Commenter  J’apprécie          10
Et ne serait-il responsable (...) que nous ayons aussi des rendez-vous dans le passé, dans ce qui a été et qui est déjà en grand parte effacé, et que nous allions retrouver des lieux et des personnes qui, au-delà du temps d'une certaine manière, gardent un lien avec nous?
Commenter  J’apprécie          10
Il semblait assurément que notre espèce avait fait place à une autre ou du moins que si nous continuions à vivre, c'était dans une sorte de captivité.
Commenter  J’apprécie          10
Des vols infinis
d’oiseaux crieurs qui frôlaient
la surface de la mer
ressemblaient de loin à des îles
flottant au ras de l’eau. Des baleines tournaient
autour du navire et crachaient
aux quatre coins de l’horizon
des jets d’eau jaillissant très haut dans les airs.
Chamisso, qui plus tard, lors de l’expédition
de Romanzoff s’ébahit
devant ce même tableau gigantesque, caressa alors
l’idée qu’on pourrait peut-être
domestiquer ces animaux et – comme
des oies sur une friche – en quelque sorte les mener en troupeau
sur la mer, une baguette à la main.

(... Et que j'aille tout au bout de la mer, XII)
Commenter  J’apprécie          10
À l’Art Institute de Chicago
se trouve l’autoportrait d’un jeune
peintre inconnu, œuvre qui, en Suède jusqu’en 1929,
apparut alors sur le marché de l’art de Francfort.
Le petit panneau d’érable présente
un homme âgé d’à peine vingt ans
dans une pièce exiguë, à la fenêtre.
Derrière lui, sur une étagère
à la perspective pas très juste, des godets de peinture,
une râpe à pigments, un coquillage et un précieux
verre de Venise plein d’une essence translucide.
Le peintre tient à la main un couteau
en os joliment sculpté et taille
la plume à dessin, pour tantôt reprendre
le nu féminin, lequel est posé devant lui
à côté du petit encrier.
Par la fenêtre à sa gauche on voit
un paysage avec montagne et vallée
et le ruban d’un chemin. Celui-ci,
expose doctement Zülch, est le chemin qui mène au monde,
et nul autre ne l’a emprunté
que l’homme disparu sans laisser de traces,
sur qui portent ses recherches et dont il croit
reconnaître l’art dans ce tableau anonyme.

(Comme la neige sur les Alpes, IV)
Commenter  J’apprécie          10
Un jour, plus tard, j’ai vu dans un film documentaire en noir et blanc sur la vie de la Bibliothèque nationale les messages circuler à grande vitesse par courrier pneumatique entre les salles de lecture et les réserves, le long de trajets nerveux, pour ainsi dire, et j’ai constaté que la communauté des chercheurs reliés à l’appareil de la Bibliothèque forme un organisme extrêmement compliqué, sans cesse en évolution, consommant comme aliment des myriades de mots qui lui permettent de générer à son tour des myriades de mots. Je me rappelle que ce film que je n’ai vu qu’une seule fois mais qui, dans mon imagination, est devenu de plus en plus fantastique et monstrueux, était signé d’Alain Resnais et intitulé Toute la mémoire du monde.
Commenter  J’apprécie          10



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de W. G. Sebald (662)Voir plus

Quiz Voir plus

Jouons avec John Ford

John Ford adapte en 1935 l'écrivain républicain irlandais Liam O'Flaherty. Victor McLaglen incarne Gypo Nolan, un ivrogne qui dénonce son ami membre de l'IRA pour 20 £ de récompense . Le film s'intitule:

L'Homme tranquille
Le Mouchard
Quand se lève la lune

13 questions
29 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinéastes , cinema , cinéma americain , realisateur , hollywood , adaptation , adapté au cinéma , littérature , western , romans policiers et polars , roman noirCréer un quiz sur cet auteur

{* *}