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Citations de Yann Queffélec (604)


"Nicole avait refusé son lait ; le boulanger refusait son pain." (p. 30)
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Nous habitions Paris, trou puant, Ben. Des corps humains gisaient sur les trottoirs, morts ou vifs. Nous ressentions pour eux la même sympathie que pour des excréments canins. Nous nous changions en prédateurs. Je m'explique : nous avons atteint notre seuil critique en tant que bons citoyens, et plutôt que d'entrer en divergance nous partons, nous allons au vert, nous naturaliser. Outre les yeux, contemple cet océan végétal à perte de vue, respire un peu cet Eden. De l'herbe et du vent.

- C'est la clime qu'on respire. Et personnellement j'aime mieux fumer l'herbe que la brouter, on est d'ailleurs quelques uns...

- ...à saigner nos parents, à leur vider les poches, à les désespérer. Et vous en crevez, les gars, vous donnez la becquée aux milliardaires, vous allaitez goulûment les aigrefins de la haute finance et en retour ils vous font la loi, la morale, ils vous accusent de saboter leur petit business mondialisé. La moitié du temps vous la passez chez le psy, l'autre moitié dans les commissariats. A quinze ans c'est cuit, emballé, il n'y a plus qu'à vendre vos corps bousillés aux fast-foods pour qu'ils en fassent du bio, du big-mac labelisé pur boeuf de plein air, deux pour le prix d'un, traçabilité garantie, je continue ?
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Il y a des heures, la vie retient son souffle, la fatalité vous cherche à tâtons, c'est ton tour, ma vieille, allez viens. il y a des heures, il est midi, c'est si long. Il y a des heures il est minuit, on a tout le temps. On reste allongé dans l'herbe noire auprès du ciel étoilé. On regarde Mario dormir, on parle, et même s'il est un peu dur d'oreille, l'histoire entre en lui jusqu'au souvenir. Il y a des heures on n'est personne, on respire à même les parfums du vent, on est en vie sous les étoiles et plus un mot, chut.....La belle histoire si l'on pouvait dire à la fin : plus un mot.
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C’était un soir de mai languide et chaud. Le soleil déclinant pavait l’horizon d’écailles rosées.
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Une petite pluie butinait l’obscurité silencieuse.
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Dehors une brise fraîche le saisit. Le froid sec irriguait la nuit comme une odeur. Le ciel et la terre baignaient dans un océan lunaire où mugissait la forêt couleur de récif.
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L’orage au ciel moutonnait sans éclater, noir et cuivreux sur une mer exsangue oubliée du vent.
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Le brouillard d’hiver jeta son désarroi sur les couleurs et les âmes.
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Les jours allongeaient. Les premières chaleurs libéraient le parfum des pins. L’air avait un goût de miel et d’océan, les cigales crissaient. La mer d’un bleu turbulent croustillait sur le rivage. Le soir, des vols de grues à la débandade égratignaient l’azur d’un bleu violet.
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Il restait comme autrefois l’émigrant d’un voyage immobile, mais déjà par les yeux s’abreuvait à la mer, cet immense lait natal. A l’horizon, des cargos céruléens semblaient taillés dans la transparence.
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Trois jours qu’il pleuvait. Trois jours que la maison n’était plus qu’une éponge et le cœur une mélasse d’ennui.
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L’aurais-je écrit si le temps ne s’était détaché de l’avenir comme une feuille usée d’un arbre d’automne.
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On ne fut pas déçu quand le soleil enfila son millième pyjama sergé d’or et de grenadine, avant d’opter pour un simple caleçon violet qui voulut effacer la mer et disparut en l’effaçant.
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Eddie était seul, la plupart du temps, livré à lui-même, à ses questions et vadrouilles. Quand on cherche sa mère on est seul au monde, et personne n’y peut rien. On marche beaucoup, beaucoup trop.
La nuit aussi, il y pensait, faisait des colères. Et regardait la lune, il s’emportait contre elle : « Non, maman, t’es pas là-haut ! Pas là-haut ! Quand c’est que tu seras là ? T’auras qu’à me réveiller si je dors, y faut pas que je dorme, y faut pas. »
[…]
On l’applaudissait, on tremblait, on riait. Imite le canard, Eddie. Imite l’écrevisse, imite le hibou, imite la chèvre. Imite Célestin quand il s’endort à table. Et par ses mimiques et sa voix, Eddie se faisait canard, hibou, chèvre, écrevisse… se faisait Célestin.
Célestin en pleurait de rire, sa manière à lui d’exprimer son amour envers un pitio que n’avais jamais vu sa mère, sa maman, et n’en parlait jamais. Et sans doute ne la verrait jamais.
Eddie n’en parla plus. Il en avait parlé à Toï et Toï lui avait répondu en catalan. Il en avait parlé à sa grand-mère et sa grand-mère en avait pleuré. A son grand-père et célestin l’emmena voir les pensées.
Ils s’assirent sur le muret : « Regarde ces fleurs, pitio,.. Elles courent sans bouger, elles s‘inclinent au vent, se redressent, elles se redressent toujours. Et jamais elles n’ont peur de la vie. » Il ne savait pas pourquoi il disait ça, Eddie l’écoutait. « Elles ne disent rien, pitio, elles savent tout ce qu’il faut savoir du vent qui sait tout, lui. » Eddie l’écoutait. « Elles ont l’air de partir, de revenir, comme le vent. » Eddie l’écoutait, regardait les pensées. « Ta maman, pitio, elle est aussi belle que ces fleurs, belle comme le vent. Si quelqu’un sait où elle est, où elle va, c’est lui. » Célestin lui prit la main. « N’aie jamais peur de la vie, pitio, redresse-toi »
Ils remontèrent au mas. « Un moment viendra, pitio, il faudra bien me mettre quelque part. Le chêne est creux, penses-yµ. La simplicité des fleurs et du vent, c’est pour moi, penses-y. »
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Appuyée au muret, Muriel regardait l’horizon s’enténébrer, les Berman n’allaient plus tarder. Que savaient-ils d’eux ? Rien. Ni quelle langue ils parlaient, ni de quel pays ils sortaient, ni dans quel pays devait finir leur évasion. Ils avaient oublié leurs prénoms. C’étaient les Berman, des étrangers, ils seraient trois. Ils auraient été dix ou vingt que le mas n’aurait pas fait la différence et la soupe non plus, excepté le talon de jambon. Le mas était aussi grand et cachottier qu’on désirait qu’il fût, et la Terre entière pouvait tenir dans le chaudron quand celui-ci pendait à la crémaillère au-dessus du feu. Et le feu parfumé d’herbes de lave était bien le digne fils d’un volcan du Bon Dieu. Les Berman pourraient demeurer aux Fabrègues aussi longtemps que la guerre les pourchasserait, dût-elle ne jamais s’arrêter. Bienvenue aux étrangers, bienvenue aux Berman.
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En salopette à l’entrée d’un hangar de bois ouvert sur l’eau dormante de l’étang, Pierre Poujol soliloquait à voix basse, à voix haute, une peau de chamois trempée dans les mains. Il disait « Samuel » comme il aurait dit : « J’ai peur. », il se rongeait les sangs malgré Dieu, se prenait à douter. Est-ce qu’il avait parlé ? L’officier Müller ne serait-il pas déjà là s’il avait parlé ? L’officier Müller pouvait s’en remettre à la nuit pour faire d’une pierre deux coups, et prendre la main dans le sac les Juifs et les passeurs de Juifs, vouloir les abattre tous au clair de lune.
Il ferma les yeux. Est-ce qu’il aurait parlé, lui ? Marie, ma chère Marie, est-ce que je parlerai si l’officier Müller me tombe dessus ? est-ce que je tiendrai ma langue ?... Du silence d’un seul dépendait l’ensemble du réseau « Guadalquivir » à travers l’Europe. Les avait-il dits et répétés à Samuel ces mots terrifiants… Il fut secoué d’un frisson nerveux, entendit ses os craquer. Il détesta cette musique funèbre, demanda pardon en regardant la beauté du ciel mauve autour de lui, pur de tout nuage. Merci.
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Son père lui avait confié une mission d’envergure historique, Samuel exultait. Il n’était plus le simple fils à papa d’un résistant insaisissable : il était un résistant lui-même, un vrai, un homme du secret auquel on avait dit tout bas : Je ne voudrais pas qu’ils touchent à un seul de tes beaux cheveux, beaux et lisses comme les avait ta mère, mon garçon, mais s’ils portant la main sur toi, sache qu’il te faut tenir ta langue la première minute, la seule qui te donnera envie de parler, de tuer ta mère, de tuer Dieu, et de mourir. Après une minute la douleur te fera rire aux larmes et tu seras dans la joie d’avoir sauvé les autres, des milliers… Pour le moment tu ne sais rien, mais le jour venu je t’en dirai plus, chaque chose en son temps, dit l’Ecclésiaste. Va en paix, va en guerre, va sans crainte, va.
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Une mare apparut bientôt, miroir de tranquillité parmi les arbres. Rachel quitta ses vêtements et s’y plongea, veillant à ne pas mouiller son chignon. Elle ferma les yeux. Est-ce que Maud avait pu voir Samuel ? Comment lui dire, pour son pitio ? Est-ce qu’une maman peut vivre sans l’enfant qui vient d’elle, sa chair ? Est-ce qu’elle a mal ? Est-ce que Dieu savait ce qu’il faisait en créant la femme ? Cette machine à souffrir plus mystérieuse qu’un volcan ? … Même une fausse couche, Mère Nature l’en avait privée.
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Neuf mois plus tard, le paquebot Normandie a pris feu dans le port de New York et Maud a perdu de vue Michèle Morgan. Entre-temps elle a connu la guerre, au Vigan, la peur et les aléas d’une virginité sujette aux métamorphoses. Elle aurait dû s’en douter, mais l’amour est plus fort que la vie, n’est-ce pas, jusqu’à la seconde fatale où la vie se mélange à l’amour et dit : Maud, Maud, réveille-toi, je suis là.
Elle est enceinte, mon Dieu ! Elle n’y croit pas, elle oublie, elle aime trop, les mois passent, bientôt sept…bientôt l’heure d’aller accoucher aux Fabrègues, avec Toï. Vu qu’elle ne sait pas où aller et qu’elle n’a rien dit aux autres, à personne, ah non ! Surtout pas à l’amoureux qui lui a fait ça, non non non ! Des fois qu’il aille dire qu’elle ment, que c’est pas lui, qu’elle l’a trompé. Et qu’elle se fasse virer du boulot comme une pestiférée. Et qu’il ne l’aime plus.
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Un jour, il fut question d’avenir, en classe, des métiers qu’elles feraient plus tard, ouvrière, dactylo, postière, comptable. « Et toi ? …. Comme tes parents ? »
Et c’est à moi qu’elle demande ça, pensa Maud, comme par hasard !
Ses parents ? Sûr que non ! Ses parents tressaient l’osier à se déchirer les doigts, ses parents se cassaient la nénette sur les traversiers du volcan à longueur d’année. Ils ramassaient des topinambours et des patates plus noires que du charbon, des oignons roses, des aubergines, des cèpes. Les meilleurs du monde, qu’ils disaient, et il fallait dire comme eux, ne pas se demander où il pouvait bien être, le monde, au-delà du volcan, et s’il existait à l’avant du paquebot Normandie. Le monde c’était Dieu fils de Marie, pour ses parents. « Sûr que j’suis pas inquiète, éluda-t-elle avec feu, du cinéma plein les prunelles. Pas inquiète du tout ! », et la classe partit d’un rire charmé.
S’inquiéter pour Maud, et puis quoi encore ! Elle était si jolie, à quinze ans, qu’on avait l’impression d’aller en classe avec une princesse de conte oriental, une vedette inconnue, et d’embellir soi-même à vue d’œil en étant sa copine. Toutes les filles lui tournaient autour, Maud par-ci, Maud par-là, lui demandaient conseil. Si l’une d’elles ferait un beau mariage avec demoiselles d’honneur et gala, plus tard, c’était Maud. On savait bien qu’elle était pauvre, mais est-ce qu’on est pauvre quand on est jolie, et qu’on plaît aux garçons ?
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