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Critiques de Young-Ha Kim (146)
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Ma mémoire assassine

Un roman dérangeant et qui fait froid dans le dos. Un roman qu’on ne peut pas aimer tant il est chargé de fiel et de dédain, mais qu’on lit jusqu’au bout, emporté par son incroyable vigueur. Il parle de la terreur des temps modernes ; celle de la disparition de la mémoire, de la perte totale d’identité, de la vieillesse tremblotante : la maladie d’Alzheimer. Avec un style froid et caustique, Kim Byeong-su, sud-coréen de soixante-dix ans, raconte sa lente dérive et ses tentatives vaines et pathétiques pour résister contre l’effacement progressif de son moi. En premier, c’est la mémoire récente qui s’estompe, s’effiloche, se décolore… Ces gens qui lui parlent, cette rue qu’il traverse, ces objets qui l’entourent ont un rapport intime avec lui. De toutes les fibres de son corps, il le sait, mais il ne parvient pas à s’en souvenir. Quoi de plus effrayant ? Mais Kim Byeong-su n’est pas un homme comme les autres : c’est un tueur en série qui, toute sa vie durant, a tué sans relâche avec un plaisir morbide. Ses crimes ont accompagné l’histoire mouvementée, brutale et sanglante de la péninsule coréenne. Dans ses mots, dans ses souvenirs épars, de plus en plus fragmentés, l’homme se montre cruel et arrogant. Malgré son déclin, il se dégage encore de lui une force inquiétante et maléfique. Il jette sur ses congénères, tous de potentiels victimes, un regard de grand fauve solitaire et considère cette maladie comme une punition divine.

Un roman fort, perturbant et angoissant.

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Ma mémoire assassine



En littérature on retrouve habituellement deux sortes de tueurs : d'un côté les psychopathes dont les crimes se nourrissent le plus souvent d'évènements traumatiques liés à l'enfance, pénalement responsables ils sont conscients de leurs actes, organisent méticuleusement leurs crimes, infligent sévices et tortures, enterrent leurs victimes ; de l'autre les psychotiques, qui à l'inverse ne préméditent pas leurs crimes, n'ont pas conscience de leurs actes puisqu'ils répondent à une pulsion violente et désorganisée. Mais alors à quelle catégorie appartient Kim Byeong le narrateur de ce récit ? Je vous avoue qu'au commencement de ma lecture j'avais opté pour la première catégorie, me disant, oui, Kim Byeong est un tueur psychopathe, du moins il l'était, comme on peut l'être quand on découpe en petits morceaux l'amant de sa femme et qu'on le balance dans une porcherie ou que l'on tue froidement la mère de sa fille adoptive mais à l'issue de ma lecture je ne sais plus, je suis pleine de compassion et d'indulgence envers le personnage.



Dans ce récit qui fait moins de 200 pages Kim Young-ha nous livre les confessions d'un tueur pas comme les autres, il donne la parole à un homme vieillissant et fragilisé par la maladie qui pourrait être votre voisin, votre père, votre grand-père si ce n'est qu'il a commis son premier crime à l'âge de 15 ans en étouffant son géniteur avec un oreiller pour protéger sa mère et sa soeur, prémices d'une pulsion meurtrière qui ne le quittera plus durant près de trente ans.



Mais aujourd'hui Kim Byeong a 70 ans, il aspire à une retraite paisible, l'art de la poésie a remplacé l'art du meurtre depuis près de deux décennies, il ne tue plus, il compose des poèmes, nous cite le Sûtra du Coeur, nous conte Ulysse. Une retraite bien méritée, pourrait-on dire cyniquement, pour celui qui était pris des années durant d'une frénésie de nettoyage et faisait disparaître les cadavres de ses victimes en les enterrant dans le petit bois dont il a la propriété situé juste derrière sa maison en contrebas de la montagne, les cadavres de tous les malheureux qui ont eu la malchance de croiser son chemin, devenus désormais le terreau fertile dont se nourrissent les hauts bambous dont les tiges trônent fièrement vers le ciel comme dans une dernière prière à la mémoire des trépassés dont les meurtres sont restés non élucidés à ce jour, certains ayant même été attribués aux espions nord-coréens dans les années 80.



De ses motivations à tuer nous saurons peu finalement si ce n'est une certaine foi et une certaine recherche du bonheur dans l'acte meurtrier car l'ancien tueur froid et insensible, peu enclin aux remords, perd ses mots, perd peu à peu sa raison d'être et d'exister, il est atteint de la maladie d'Alzheimer qui ronge sournoisement sa mémoire, faisant de lui un être sans passé et sans futur et ce qu'il redoute le plus encore : un être dépendant, un poids pour sa fille adoptive Eun-hee qui ne le reconnait plus et envisage de le placer dans une structure adaptée. Alors pour la première fois de sa vie Kim Byeong doute. Il doute quand il se réveille le matin en un lieu inconnu, il doute quand il cherche le chien de la maison qui n'existe pas, il doute car sa fille fréquente depuis peu un individu louche répondant au nom de Pak Ju-tae qui pourrait bien être le tueur en série qui sévit depuis peu dans la région. évènement qui va le pousser à se battre contre un ennemi silencieux et redoutable qui n'est autre que lui même avec un seul but, chaque jour, celui de parvenir à recoller les morceaux de sa mémoire défaillante qui filent pareils à des petits bouts de papier dans un tourbillon de vent, le laissant sans cesse essoufflé de sa course effrénée à les rattraper.



Un récit sombre empreint d'une belle poésie, duquel parviennent à s'échapper quelques rais de lumière, qui nous est narré sous la forme d'une confession et dont la force réside dans la dualité et le caractère ambigu de son personnage principal qui dès les premières pages nous entraîne avec lui dans un jeu de piste troublant dont les indices et l'itinéraire se brouillent au fur et à mesure que nous progressons dans la lecture. Un juste retour des choses, une punition divine nous dit-il, résigné à accepter son sort. Peut-être bien car semble venu le temps des aveux et de la rédemption.



Bien évidemment le personnage qui m'a touchée dans ce récit n'est pas le tueur impassible qui ne connaît pas le remord mais l'homme fragilisé par la maladie, emmuré dans son présent, peinant à discerner la réalité, semant le trouble et la confusion chez le lecteur qui, arrivé en fin de lecture, n'aspire plus qu'à une seule chose : sortir du brouillard dans lequel il s'est empêtré et voir enfin apparaître la vérité. Mais quelle vérité ? Celle d'un tueur indifférent au sort de ses victimes ou celle d'un homme confus qui n'a plus toute sa raison ?



Un excellent polar noir dont le dénouement est particulièrement réussi, adapté sur grand écran par Won Shin-yeon en 2017 (je visionne le film ce soir) mais surtout une belle réflexion sur la maladie d'Alzheimer que je vous invite vraiment à découvrir.







* Merci à Sandrine (HundredDreams) et à la dame Michka (Mh17) dont les critiques ont motivé ma lecture.

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Ma mémoire assassine

Vieillard paisible, Kim Byeong-su profite de sa retraite pour lire les grands philosophes et composer des poèmes. Il vit avec sa fille adoptive Eun-hee, dans une maison isolée de la campagne coréenne. Mais depuis un moment, sa vie est perturbée par des absences et des pertes de mémoire. Le verdict est sans appel : Byeong-su souffre de la maladie d'Alzheimer. Alors il écrit, il enregistre, il tente de gérer le quotidien et sa mémoire à court terme qui disparaît. Parce qu'en ce qui concerne le passé le vieil homme n'a rien oublié, il se souvient parfaitement de son ancien hobby : tuer. Depuis son premier meurtre, à l'âge de 15 ans, jusqu'à l'interruption de sa ''carrière'' de tueur en série quand il en avait 44, Byeong-su n'a cessé de tuer des hommes, des femmes, des enfants sans jamais attirer l'attention de la police. Mais malgré l'âge et la maladie, les souvenirs qui s'effacent et se mélangent, il est contraint de reprendre du service. Un autre tueur sévit dans la région et il rôde autour de Eun-hee. Byeong-su le sait, il doit tuer cet homme avant qu'il ne s'en prenne à sa fille.



Peut-on prendre en pitié en tueur en série ? Oui quand il est faible, vieillissant et tourmenté par une mémoire défaillante. Oui quand il se bat avec ses lambeaux de souvenirs dans le seul but de sauver sa fille. Oui quand il use de toutes les ficelles de la mauvaise foi pour justifier sa vie et ses actes. Oui quand on le voit sombrer dans le trou noir de la maladie d'Alzheimer.

Mais bien sûr cela ne va pas sans un sentiment de malaise, grandissant à mesure que l'on découvre ses ''exploits'', au fil de son récit qui se découd, qui n'est pas fiable, qui jongle entre le réel et les souvenirs modifiés par une mémoire défaillante. Car Young-ha Kim se joue de son lecteur. Après l'avoir amadoué avec cette histoire d'un pauvre vieux diminué par l'âge et attaché à sauver sa fille en danger, il le retourne en lui montrant la vérité, l'horreur et la mort.

Maître du suspense et de la manipulation, Kim livre ici un roman noir et anxiogène, teinté de poésie et de réflexions sur la vie, la vieillesse, la maladie et la mort. Une belle découverte, originale et cruelle.
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Ma mémoire assassine

J’ai la mémoire qui flanche j’me souviens plus très bien… aurait pu chanter Kim Byeongsu. Ce brave pépé de 72 balais amoureux de poésie et de philosophie écrit des poèmes à ses heures perdues et surtout, il perd la mémoire à cause du célèbre et pénible mister Alzheimer. Vu comme ça je vous entends d’ici : booouuuuuu il est nul ton bouquin des histoires comme celles ci il y en a plein les EHPAD.



Et bien je n’espère pas ! Parce que notre pépé Kim a une petite particularité, même s’il a pris sa retraite il a longtemps été (peut-on cesser de l’être) un tueur en série. Pendant des années il a tué pour le plaisir et sans aucun remord des dizaines de personnes sans jamais s’être fait prendre. Mais voilà qu’aujourd’hui il semble victime de la farce de l’arroseur arrosé ! Sa fille adoptive qu’il chéri plus que tout semble être la prochaine proie d’un tueur en série. C’est quand même pas de bol vu les statistiques de la profession, ils ne sont pourtant pas si nombreux.



Toujours est-il que pépé Kim qui en a encore sous le pied n’a aucune envie de laisser sa fille adorée subir le sort qu’ils réservait lui même à ses victimes. Bon il l’aime bien et puis surtout il a sa fierté on mais oh ! Eh oui on peut être un tueur sanguinaire et avoir des principes tout de même. Il décide donc que le chasseur va devenir sa proie mais il y a un hic : mister Alzheimer est un tueur en série bien plus redoutable que les autres, et lui, rien ne l’arrête !



Une course contre la montre s’engage alors entre Kim et sa mémoire. Plongé dans l’esprit tortueux de Kim et perdu dans les limbes ce passé qui se défile, le lecteur peine à assembler les pièces du puzzle de cette histoire. Plongé dans la mémoire défaillante de Kim qui se dérobe, se réinvente, se souvient de travers, se souvient parfaitement, mais de choses qui ne font pas avancer la traque qui nous occupe, le lecteur est aussi déstabilisé que Pépé Kim.



Et si au final… ? A moins que… ? Non !!!? Si ? Ah oui mais non ! Rhoooo.
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Ma mémoire assassine



Pourquoi Œdipe assassine-t-il son père biologique, qui l’avait abandonné ? Parce qu’à un carrefour, le vieux lui avait coupé le passage.

Pourquoi épouse-t-il sa mère ? parce qu’il est devenu un mythe, et qu’elle a besoin de lui, peu importe l’âge .

A-t-il tué par plaisir ? par nécessité ? par haine ? non, rien de tout ça, les circonstances, le destin.

Car, dit Kim Young Ha, « il arrive souvent que le malheur soit le fait du hasard ».

Serait-ce le cas de Kim Byeong-su, son personnage , cherchant un plaisir éphémère dans le fait de tuer, ayant commencé par le père, comme Œdipe, ne trouvant pas la satiété, et continuant…. Jusqu’à ce qu’une opération du cerveau l’en empêche. Il retrouve alors le train-train de la vie, pas folichon, et cet enfoiré de chirurgien lui a sûrement greffé une pilule pour qu’il oublie.

Tiens, comme Œdipe, qui s’est aveuglé lui-même et qui a préféré tout oublier : Œdipe atteint par Alzheimer ?

En ce cas, comme Kim, voilà.

Qui a le temps de réfléchir sur le temps : si la mémoire doit programmer « mémoire du futur »= il ne pas oublier de prendre mes médicaments, elle est aussi mémoire du passé ( les différents meurtres que le narrateur a commis, dont il essaie de se souvenir, et en a par prudence écrit les épisodes).

Par prudence, parce qu’il risque d’oublier.

Sans danger, il y a prescription.

Notre narrateur est donc condamné au présent. Il ne peut anticiper, il ne peut se souvenir, le présent est pire qu’une prison de métal, qu’il souhaiterait presque.

Parce qu’Alzheimer, c’est pire qu’une prison.

A-t-il un chien ? Comme sa fille adoptive semble le dire ?et parfois aussi, le nier ? Comme Ulysse, qui lui aussi avait sans doute été atteint durant dix ans de cette maladie de l’oubli et avait été reconnu par son chien?

Ecrit à la première personne, sur un ton enlevé, supérieur, se moquant de beaucoup de locutions comme « attention, vous pouvez risquer de vivre trop longtemps »(de la part d’une démarcheuse en assurance –vie, !) il rumine aussi, oublie que contre son alz( oups, j’ai oublié le nom exact de cette maladie) il doit prendre des médicaments, mais justement, il oublie, au lieu de ne pas oublier.



Comme si le Dieu qui pilote avait lâché la manette de contrôle, et ça, de plus en plus.



Pour Kim Young Ha, l’auteur, non pas des meurtres mais du livre, rester emmuré dans le présent revient à réduire son existence à celle d’un animal .Il est prisonnier d’un temps erroné.

Son mot de la fin, où il revendique être l’auteur du livre, où il montre la difficulté du fait d’écrire, où il le dédie à son père luttant contre la maladie, donne un singulier relief d’après la jubilation, car « Ma mémoire assassine » est drôle, la réflexion philosophique sur le présent, l’interrogation sur le mal et nous submerge d’émotion : un fils qui rend hommage à son père.

Après quadruple incitations, dans le désordre : Sandrine, mh17, Gaëlle, Sandrine57, bonheur de cette lecture

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Ma mémoire assassine

Voici les premières lignes de ce roman singulier :



« Mon dernier meurtre date d'il y a vingt-cinq ans. Ou vingt-six ? En tout cas c'est à peu près ça. Je n'ai pas tué mes proies sous le coup d'une pulsion ou à cause d'une quelconque perversion sexuelle, contrairement à ce que les gens croient en général. J'étais plutôt mû par un sentiment de regret, ou par l'espoir d'éprouver un plaisir toujours plus entier. Chaque fois que j'enterrais une nouvelle victime, je me disais : « Je ferai mieux à la prochaine. » Si j'ai cessé de tuer, c'est parce que cet espoir a disparu. »



L'histoire est particulièrement originale car nous entrons dans la tête de Kim Byeong-su, un ancien tueur en série, amateur de poésie et de philosophie, souffrant de la maladie d'Alzheimer.



« Les mots disparaissent. Mon cerveau me fait de plus en plus penser à un concombre de mer, gluant et percé de petits trous. Tout s'en échappe. le matin, je parcours le journal de la première à la dernière page, mais une fois que j'ai terminé, j'ai l'impression d'avoir oublié plus de choses que je n'en ai lu. Malgré tout, je lis, même si déchiffrer une phrase est pour moi aussi ardu que d'essayer de monter un meuble dont il manque les principales pièces. »



Son dernier meurtre remonte à 25 ans, mais lorsque plusieurs femmes sont assassinées près de chez lui, il est persuadé qu'un nouveau tueur en série sévit dans la région. Convaincu d'avoir identifié l'homme comme étant le petit ami de sa fille, il décide de reprendre du service et de l'éliminer avant que la maladie ne l'en empêche.



« Il rôde autour de moi comme un loup autour de sa proie et surveille tous mes faits et gestes. Quand j'essaie de m'approcher de lui pour lui adresser la parole, il disparaît en un clin d'oeil. »



*

Raconté sous la forme d'un journal intime relatant ses crimes, ses sentiments, ses craintes, nous sommes pris dans l'engrenage de sa mémoire défaillante. Au fur et à mesure, le récit se fragmente, se désagrège, la réalité, les souvenirs anciens et fabriqués se mélangent et il est de plus en plus difficile de faire le tri entre le réel et l'illusion.



L'écriture très immersive permet de se glisser aisément dans la peau de cet homme atteint de démence. On perçoit l'altération graduelle de sa mémoire défaillante et la confusion de sa pensée. C'est intelligent et très bien amené.



« Les hommes sont tous prisonniers du temps. Et ceux qui sont atteints d'Alzheimer sont enfermés dans une prison dont les cellules rétrécissent de plus en plus vite. J'étouffe. »



*

Kim Byeong-su n'a rien de particulièrement sympathique, mais, étrangement, on s'attache à ce vieil homme malade et diminué. On ressent de l'empathie envers lui alors qu'il n'en a aucune envers ses nombreuses victimes. Est-ce parce que l'histoire est racontée à la première personne du singulier ? Toujours est-il que son récit est froid, sobre, dépourvu de chaleur humaine.



« Au fait, c'est quoi le bonheur ? Se sentir vivant, c'est ça ? Dans ce cas, mes moments les plus heureux ont été ceux où, chaque jour, j'envisageais et planifiais un meurtre. En ce temps-là, j'étais tendu comme les cordes d'un instrument de musique. Tout comme aujourd'hui, seul existait le présent. Il n'y avait ni passé ni futur. »



Mais l'auteur arrive tout de même à nous transmettre des émotions par sa relation avec sa fille qu'il veut protéger de ce prédateur. C'est un combat à mort que se livrent ces deux hommes, l'enjeu étant la jeune femme.



Le dénouement, très surprenant et totalement inattendue, nous laisse nous interroger sur ce qui s'est réellement passé. C'est assez troublant, je dois dire.



*

Sombre, macabre, intense, cette petite nouvelle offre une réflexion intéressante sur la mémoire, la maladie, la nature humaine dans son aspect le plus méprisable et la jouissance dans le meurtre.
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La mort à demi-mots

Il est discret, mystérieux, cultivé, mais aussi méticuleux, doué dans sa partie. Toujours prêt à tout pour faciliter la vie de ses clients. Ou plutôt la mort. Car oui, il permet à ses clients de passer de vie à trépas, un aide au suicide en quelque sorte. Mais ce qu'il aime le plus, c'est raconter par écrit ses missions réussies. Un jour, il publiera anonymement le récit de ses exploits. Des histoires de vie, des histoires de mort. Le portrait d'une jeunesse coréenne désemparée. Une artiste performeuse qui refuse photos et vidéos par peur de se faire voler son âme. Une fille facile qui fait l'amour en suçant des chupa chups, couchant avec deux frères, l'un chauffeur d'un taxi ''balles-de-revolver'' qui fonce à 200 à l'heure sur les autoroutes séoulites, l'autre artiste vidéaste. Des destins croisés qui ont pour point commun l'homme qui leur donne le droit et les moyens de se détruire.



Un roman déroutant, dérangeant même, pas facile d'accès en tout cas. La quatrième de couverture parle de polar mais il n'y a ni crime véritable, ni enquête, ni flic. C'est plutôt un conte moderne où la méchante fée serait cet homme énigmatique qui profite de la faiblesse de ses contemporains pour les pousser au suicide. Et il ne manque pas de candidats dans une société qui a perdu ses repères. La dictature renversée, la Corée des années 90 se cherche un idéal, entre boum économique et modernisation. La jeunesse veut tout, tout de suite, très vite, puis se rend compte qu'elle n'a rien à combattre, rien à protéger, plus rien à désirer...

C'est cette société, en manque de luttes, d'engagements, de raisons de vivre que décrit Young-ha KIM dans un roman rageur, pessimiste, étrange et inquiétant. A découvrir.
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Fleur noire

Le titre énigmatique de ce roman fait référence à la floraison, très rare, du sisal, une plante dont l'exploitation a fait la fortune des propriétaires terriens du Mexique au début du siècle dernier. Le livre retrace de manière romancée une histoire vraie qui a laissé peu de traces matérielles, et donc fort méconnue. Nous sommes en 1905, au départ d'une Corée envahie par les japonais et qui s'apprête, pour un temps, à disparaître. 1 033 coréens vont fuir le pays, pour une destination ultramarine lointaine, le Mexique, où ils pensent, mais sans trop savoir finalement, travailler dans des plantations contre une rémunération décente. Tout une société est reconstituée, il y a beaucoup de paysans, des militaires, des religieux, des nobles, des colporteurs et des voleurs ! Mais le voyage en bateau dure des semaines, dans des conditions d'hygiène déplorables, et dans la promiscuité. La hiérarchie sociale est abolie, au grand dam d'un membre de la famille impériale coréenne, dont justement la fille, Yeon-su, d'une grande beauté, va croiser le regard d'un jeune homme de rien, I-Jeon. C'est le coup de foudre et ils deviennent vite amants clandestins. Arrivés à destination, tous ces expatriés ne vont pas tarder à déchanter. Ils ont en fait été vendus pour travailler pendant quatre ans dans des haciendas à couper du sisal. La chaleur est étouffante, les feuilles de sisal sont coupantes, la rémunération est très maigre, ils sont battus. Répartis entre différentes haciendas, certains opportunistes cherchent à tirer leur épingle du jeu pour bénéficier de conditions avantageuses comme Kwon qui se fait interprète, Choi qui continue à voler ses compatriotes, pendant que le paksu, ce chamane bien dans la tradition ancestrale coréenne continuera à produire ses impressionnantes cérémonies. Les Mexicains catholiques n'apprécient pas, et ne croient même pas en la foi du prêtre catholique coréen Pak, trop proche du paksu pour ne pas être possédé par le démon. Mais les Coréens ont la peau dure, ils s'adaptent tant bien que mal, et mieux finalement que les Mayas eux aussi exploités. Des rébellions éclatent, matées dans la violence et plus rarement des négociations aboutissent avec des propriétaires qui sentent que les temps changent…C'est que la Révolution mexicaine zapatiste s'annonce…Au terme des quatre ans de contrat, les destins individuels sont très divers. Yeon-su a eu un enfant de I-Jeon, mais les deux amants ont été vite séparés. Pour tenter de s'en sortir dignement et protéger son fils, elle finira un temps par céder aux avances de Kwon, le roulera dans la farine, échouera à Véracruz, achetée par le tenancier d'un restaurant chinois, pendant qu'I-Jeon s'engage avec exaltation dans la fièvre révolutionnaire. Un autre coréen plus âgé, plus sage et plus aisé financièrement se rendra à Véracruz, et permettra à Yeon-su de récupérer son fils…

Au terme d'une sorte de rendez-vous manqué avec la femme qu'il n'a pas oublié, I-Jeon se lancera avec une poignée des coréens du début, dans une folle aventure jusqu'au boutiste, face à l'armée gouvernementale mexicaine, cherchant à créer un micro-état à Tikal, sur le site de la fameuse cité Maya.



Ce livre est un grand livre d'aventure, et comporte plusieurs personnages intéressants. Il y a du rythme, et beaucoup d'ingrédients de l'épopée historique sont là, on a l'histoire d'amour (avec interdits, séparations, rivaux…), dans un contexte de mutations économiques et sociales, puis de guerre. L'histoire, fondée sur des faits réels est passionnante, d'autant qu'elle m'était absolument inconnue. L'écriture est vive, et incontestablement de qualité, les dialogues sont réussis, il y a des retournements de situation et des surprises. L'auteur a procédé à un remarquable travail de recherches historiques, son érudition est impressionnante sur l'histoire du Mexique à cette époque, sur la compréhension des influences extérieures, anglaises, françaises, notamment. Il prend soin très régulièrement tout au long du roman de rappeler ce contexte historique. Peut-être trop. Car si c'est globalement précieux et salutaire, j'ai parfois trouvé quelques longueurs qui cassent un peu le rythme. Je me suis surpris à sauter quelques pages exposant les luttes entre les figures légitimistes et révolutionnaires du Mexique d'alors, qui auraient peut-être été mieux employées à nous dépeindre davantage les pensées et caractères de nos héros, très peu traités. D'un côté, cela aurait ralentit le rythme et cassé ce souffle épique.



C'est pour moi un très bon livre de cet auteur majeur de la littérature coréenne.

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Deux personnes seules au monde

Young-ha Kim est un talentueux écrivain coréen né en 1968. Les trois nouvelles ont en commun la thématique de la perte et ses conséquences. Elles sont aussi magistralement construites avec des méandres surprenants et des fins toujours imprévisibles. Mais le ton des trois récits est très différent.



1) Deux personnes seules au monde

C'est une lettre que Hyeonju entame quand elle est au chevet de son père mourant. Elle fait le récit de leur relation fusionnelle de plus en plus addictive qui l'a séparée des siens et l'a empêchée de vivre sa vie. La mort du père va-t-elle la délivrer ?



2) Je ne suis pas un épi de maïs

Cela commence par une bonne blague sur un fou qui se prend pour un épi de maïs poursuivi par des gallinacés (voir citation). Et puis on comprend bien vite que l'épi de maïs c'est le narrateur, un écrivain coréen en panne d'inspiration poursuivi par son ex, son boss (un agent qui a fait fortune en Amérique) et plus...La nouvelle est bien barrée, pleine d'humour et comme ce brave écrivain nous sommes menés en bateau de A à Z.



3) Je cherche mon enfant

Yunseok et Mira perdent leur petit Seongmin âgé de deux ans au supermarché. Il a été enlevé. Les dégâts sont immenses, Mira est brisée et Yunseok déclassé dans son travail et seul. Dix ans plus tard, le gamin réapparaît. Ils ne se reconnaissent pas. Une nouvelle poignante avec une fin pleine d'espoir toutefois.
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Deux personnes seules au monde

«  L'ignorance enferme l'homme dans les ténèbres » ..



«Hum…   Un roman de mille pages…..désordonné , expérimental, obscène et en même temps déconstructif,,…. » .



Deux extraits de ces nouvelles , oui, l'auteur renoue avec ce genre si particulier, il nous en offre trois: la deuxième , la plus piquante , burlesque présente un écrivain en mal d'inspiration, enclin à la paresse , dépressif et morose.

Il finit par trouver son pied dans le sexe débridé, exacerbé, quelque peu délirant un remède miracle …..



La première met en scène une «  fille » à son papa , relation plus ou moins malsaine mais sans connotation sexuelle «  Rien de tel avec mon père. Il est ma langue maternelle . Nous nous comprenons sans même nous parler . Il n'est question ni de bien ni de mal. C'est juste un destin partagé » , des rapports bizarres destructeurs —- abusifs ——entre un père et sa fille .

C'est celle que j'ai le moins aimée .



La troisième , un véritable cauchemar, met en scène un couple de jeunes parents qui vivent avec stupeur et douleur —— une vraie descente aux enfers —— l'enlèvement de leur fils , âgé de deux ans lors de leurs courses dans un supermarché. .



Suivront des événements dramatiques, recherche à l'aide de centaines de flyers par le père, folie de la mère , abandon progressif de leurs repères.



Pire : lors des retrouvailles , dix ans après , leur fils est si différent de l'image qu'ils avaient gardée de lui précieusement que les angoisses augmenteront jusqu'au final éprouvant, triste, fort, surprenant .



Ces trois nouvelles sont bien ficelées , les portraits incisifs, les dialogues amusants ,mordants , les situations cocasses , drôles , burlesques entre la morosité de l'écrivain dépressif au remède miracle qu'est pour lui le sexe, rencontres embarrassantes entre lecteurs et auteurs en panne, et le tourbillon de folie à travers rires et larmes ,tromperies , cocasseries et fantasmes .



Le style est habile, alerte , la solitude omniprésente:: des affres et des déboires de la vie jusqu'aux failles béantes et aux angoisses profondes .que génère l'absence de l'être aimé .



On oscille entre désastre et burlesque , on y reconnaît nos failles , nos amours bancals , défaillances, consolations , pertes , arrangements avec nous- mêmes , désillusions …..déconvenues …



«  Oui, on se sent seul au monde comme si on avait perdu quelqu'un que l'on aimait plus que tout , comme un père, pour sa fille préférée » …



«  Tu penses que Papa m'a abandonnée.

Comment te dire?

C'est moi qui suis partie . Tu penses que je souffre d'un manque d'amour paternel .

Celui qui a besoin d'être pardonné , c'est lui, pas moi » …



Un livre court, dense , magnifiquement écrit dont les images chocs resteront longtemps dans mon esprit.

Pas facile à décrypter .

Un grand plaisir de lecture !

Nouvelles traduites du coréen par Choi kyungran et Pierre Bisiou .
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L'Empire des lumières

''Au fond de la jarre

sous la lune d'été

une pieuvre rêve.''

Un haïku de Bashô, simple en apparence, et pourtant, il va bouleverser la vie de Kim Kiyeong. Ce quadra, marié et père de famille, mène à Séoul une vie sans histoires, occupé à gérer sa petite entreprise d'importation de films étrangers. Mais pour lui, ce haïku, reçu dans sa boîte mail, est un choc car il recèle un sens caché. Oui, pour Kim Kiyeong, espion nord-coréen installé au Sud depuis plus de 20 ans, ce haïku correspond à l'ordre n°4 : ''Abandonne tout et rentre immédiatement. Cet ordre est irrévocable.'' Après 10 ans sans nouvelles, le coup est rude. Il a 24 heures pour faire un choix : rentrer au Nord sans savoir pourquoi on le rappelle, rester à Séoul au risque d'être éliminé par Pyongyang, s'enfuir à l'étranger et essayer de se faire oublier. Les questions tournent dans sa tête et, avec elles, l'angoisse du faux pas, de la mauvaise décision et le retour de ses réflexes d'espion.



En plus d'être un roman d'espionnage avec sa dose de filatures, de messages codés, d'angoisse, de paranoïa, L'empire des lumières est surtout une réflexion sur la vie, celle qu'on mène et celle dont on rêvait, les idéaux pour lesquels on se bat et, bien sûr, un portrait des deux Corée, la complexité de ce qui les unit, leurs différences et leurs ressemblances. Au travers de cette journée particulière dans la vie d'un homme à cheval sur le 38è parallèle, Young-ha Kim raconte la dureté du régime des Kim au Nord mais aussi les profondes mutations du Sud qui ont conduit le pays de la misère et la dictature à la modernité et au capitalisme le plus débridé. Infiltré dans les milieux contestataires étudiants des années 80, l'espion découvre l'adhésion d'une partie de la jeunesse à l'idéologie du Juche d'une société sans classes et auto-suffisante en vigueur au Nord. Une raison de plus de penser qu'il est dans le vrai et qu'il agit pour le bien du Nord et du Sud. Le sentiment patriotique qui l'anime et qu'il retrouve d'ailleurs à Séoul s'en trouve renforcé. Mais au fil des ans, oublié de Pyongyang, il a évolué e même temps que la société coréenne. Il s'est implanté dans son nouveau pays, a profité du confort, de l'opulence, de la liberté. Tout n'est pas rose évidemment, l'argent a pris le pas sur d'autres valeurs plus essentielles. Dans son couple, il n'y a plus d'amour. Sa femme le trompe et oublie dans le sexe qu'elle n'aime pas sa vie. Sa fille, adolescente, vit ses propres expériences et prend son autonomie. Dans ces conditions, rentrer au pays pourrait être le bon choix s'il n'y avait le doute sur ce que lui réserve les services secrets. A-t-il commis une faute sans le savoir ? Va-t-il être exécuté ? Où est son devoir ? Au Nord pour le bien de la patrie comme il a été conditionné à le croire ? Au Sud en se préoccupant de son seul bien-être comme le Sud le lui a enseigné ?

Une journée racontée heure par heure sur un rythme haletant, un homme pris entre deux feux, une histoire passionnante qui va bien au-delà du simple roman d'espionnage. L'auteur se garde bien de porter un jugement sur les deux pays ennemis, préférant axer sa réflexion sur la méconnaissance mutuelle de ces deux états qui se côtoient sans communiquer. Une lecture captivante.
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Ma mémoire assassine

Son dernier meurtre date d'il y a vingt cinq ans. Ou vingt six ? Il n'a pas tué ses proies sous l'emprise d'une perversion sexuelle quelconque. Non simplement parce qu'il était animé de l'espoir d'éprouver un plaisir plus entier à chaque fois. L'espoir a disparu. Depuis il s'est mis au bowling.

Il coule des jours paisibles dans une petite maison à la campagne en compagnie de sa fille adoptive dont il a tué les parents. C'est un fin lettré qui écrit des poèmes, s'adonne à la poésie et à la philosophie. Il n'éprouve aucun remord. Son souci c'est qu' on vient de lui diagnostiquer la maladie d'Alzheimer. S'il se souvient encore de son premier meurtre et des dizaines d' autres, ses souvenirs récents s'effacent. Il a peur de vivre un présent perpétuel comme un animal. Peur de perdre son identité. Et puis il s'inquiète pour sa fille. Un tueur en série rôde dans son secteur. Elle fréquente un type douteux à tête de rat. Le vieux Kim Byeong-Su s'est mis en tête de l'éliminer avant que le jeune ne s'en prenne à elle.

Le livre est plaisant. C'est un policier efficace et bien construit. Mais surtout un livre sur la mémoire et l'oubli, la compassion et la manipulation. Le héros est un tueur froid qui revendique son absence de remords mais il réussit à se rendre sympathique. il se confie à nous dans son journal, écrit en poète-philosophe de belles pages sur Ulysse ou Œdipe . Peu à peu les chapitres deviennent des fragments, les personnages s'effacent dans le brouillard et le lecteur est comme hypnotisé...
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La mort à demi-mots

Ambiance crépusculaire et mortifère avec La mort à demi-mots. J'ai découvert Kim Young-ha avec Qu'est devenu l'homme coincé dans l'ascenseur puis Ma mémoire assasine. On peut dire qu'il a un style et une vision bien à lui, faits de mordant et de constat sur la société sud-coréenne. Né après la fin de la dictature militaire en Corée du Sud, il est l'un des représentants les plus marquants d'une nouvelle génération d'écrivains.



Le roman nous ramène dans les années 1990. La démocratie l'a emporté sur l'autoritarisme; la jeunesse coréenne s'ouvre à la liberté, à la consommation, à l'envie de vouloir tout... au risque de ne plus rien ressentir véritablement. Désabusée, perdue, ne trouvant plus ni repère ni valeur, une sombre désespérance plane sur beaucoup d'entre eux.



Le narrateur est un homme à la vocation et à la personnalité singulières. Esthète criminel, criminel esthète? Je n'arrive pas à déterminer quel est l'ordre le plus exact. Il "aide'' ses clients, avec beaucoup de perfectionnisme, d'écoute et même de vraie compassion, à en finir avec la vie. Entre deux contrats, il voyage et, entre autre, visite les musées d'art. La peinture, avec Klimt, Van Gogh, David, etc, occupe une partie de ses pensées et offre cette tournure si particulière à sa personnalité.



Kim Young-ha opte pour un récit non linéaire qui déroute un peu au départ, passant de la narration directe du tueur à l'histoire de deux frères juste nommés K et C et d'une jeune femme Seyoun amante des deux, ce qui ne va pas sans provoquer de frictions. A noter que seules deux femmes portent un prénom clairement énoncé dans le roman. Non sans raison.



La mort à demi-mots dressent également le portrait de divers personnages qui semblent tous sur la marge, comme prêts à tomber dans un précipice. Il n'y a guère de joie dans ce roman. Les relations entre les êtres se heurtent à des obstacles paraissant insurmontables, en dépit de l'amour qu'ils font parfois. Èros et Thanatos dans le Séoul des années 1990, c'est ainsi que définit lui-même l'auteur son histoire, comme l'apprend la préface. A noter que je conseille plutôt de lire celle-ci après le roman, du fait de la manie désagréable des auteurs de préface de dévoiler une partie non négligeable de l'intrigue. C'est très énervant; qu'on les colle en postface à la fin!



Ce que je découvre au fil de mes lectures coréennes m'incite à en lire toujours plus. La mort à demi-mots ne vient pas contrarier cette envie. Il est néanmoins un roman sombre et dérangeant. Pour la vie en rose, on repassera. Mais il a de grandes qualités de fond et de forme. Je suis contente que les éditions Picquier publient plusieurs autres titres de Kim Young-ha car voilà un écrivain fascinant.
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Qu'est devenu l'homme coincé dans l'ascenseur..

Voilà quatre nouvelles sympathiques de l'écrivain coréen Kim Youg-Ha, né en 1968. Le recueil date de 1999. La première est un petit bijou burlesque. Les trois autres sont intéressantes et originales.



1) Qu'est-devenu l'homme coincé dans l'ascenseur ?

Je ne vous le dirai pas, ne comptez pas sur moi.

Le narrateur, un jeune cadre dynamique est à la bourre. Les tuiles s'enchaînent tout au long de sa journée et il est sans arrêt empêché de prévenir les secours concernant ce pauvre gars coincé dans l'ascenseur. La nouvelle est rythmée, burlesque, on se croirait, c'est très vrai, dans un film de Buster Keaton. Kim young-Ha dénonce la vie moderne absurde et indifférente, l'aliénation du Coréen à son travail, à la technologie mais aussi l'extrême individualisme des gens.



2) Vampire

Une femme ( une fan) écrit au narrateur (qui a le même nom que l'auteur) pour lui raconter ses déboires amoureux. Après avoir fréquenté un écrivain macho qui la trompait, elle a épousé le poète qui l'en a délivré. Mais le poète devenu mari se révèle insensible et froid. Il semble avoir perdu tout son mordant. Une petite nouvelle fantastique à prendre au second degré. Je suppose que l'auteur se moque des écrivains ou scénaristes à succès, peut-être de lui-même, mais aussi des séries télé des années 90 style Buffy et les vampires .



3) L'amour à haute tension

Un devin avait prédit à un homme qu'il disparaitrait s'il tombait amoureux. Cet homme est marié mais le couple doit cohabiter avec sa mère très pénible. Il est employé dans une banque qui procède à des restructurations. Un jour une ancienne connaissance de la fac se présente au guichet...Ce conte fantastique est très réussi. Il dénonce la déshumanisation de la société et les mariages de convenance. Il m'a fait penser à la nouvelle de H.G Wells ( L'homme invisible) mais aussi aux nouvelles de Mishima.



4) L'homme qui n'avait pas d'ombre

Le narrateur angoissé est un écrivain solitaire qui doit rendre un manuscrit. Soudain, il reçoit deux appels téléphoniques. Deux anciens copains de fac. Paolo, le préféré des filles, était rentré au séminaire et Maekong qui était amoureuse de Paolo avait épousé un autre copain devenu expert comptable. La nouvelle est mélancolique et romantique, mêle rêve et réalité un peu comme chez Murakami.



Je poursuivrai ma découverte de cet auteur fort intéressant.



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L'Empire des lumières

L'empire des lumières est une lecture captivante. La construction du roman est une réussite puisqu'elle se déroule sur 24h a la manière d'un compte a rebours. Chaque chapitre s’égraine avec trois personnages principaux : le père de famille Kim Kiyeong, espion nord coréen, infiltré depuis 20 ans en Corée du Sud, sa femme Mari, qui ne sait rien de la double vie de son mari et leur fille, une adolescente de 15 ans. Autour d'eux gravitent plusieurs personnages secondaires qui au final on leur importance a la fin du récit.

Or cette journée n'est pas ordinaire car Kim Kiyeong reçoit un ordre bien particulier :

"Enfin le message décisif apparaît :

Au fond de la jarre

sous la lune d’été

une pieuvre rêve

Kiyeong ravale sa salive. En fait, il serait plus exact de dire que chaque particule de sa salive se fraie difficilement un chemin dans sa gorge. Il boit d’un trait son café qui est en train de refroidir à côté de la souris. Si sa mémoire est bonne, ce haïku doit être le message codé signifiant l’ordre n°4."

L'ordre n°4 signifie, retourner immédiatement en Corée du nord. Mais dans ce pays qu'il a quitté 20 ans plus tôt, il ne sait pas ce qu'il l'attend...... Et je vous certifie que le suspense est la, jusqu'à la dernière page !



J'ai beaucoup aimé découvrir le visage de ces deux Corée. L'auteur ne fait pas l’apologie d'une au détriment de leur mais montre les défauts de chacune d'elle. C'est un roman avant tout, mais tout est vraiment richement documenté pour les lecteurs, comme moi, qui au final ne connaissent pas grand chose de ces deux pays.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Ma mémoire assassine

Je termine ce mois de Janvier en beauté avec cette lecture coréenne, qui est un vrai coup de cœur.



On fait la connaissance d’un homme, ancien tueur en série, qui vit aujourd’hui paisiblement dans un petit village avec sa fille adoptive. Il a soixante-dix ans et vient d’apprendre qu’il a la maladie d’Alzheimer. Il tient donc un journal ou il note ses souvenirs avant qu’il ne lui échappe.



Ce qui m’a le plus plu c’est que l’on passe par tous les sentiments possibles au fil de cette lecture : la pitié pour ce vieil homme malade, le rire parce que c’est un sacré personnage, le frisson et la peur parce qu’il peut être sans pitié et enfin l’exaspération fasse a la maladie.



Le suspense est omniprésent, on a hâte de connaitre le fin mot de l’histoire et je dois dire que je n’ai pas été déçu. Le récit est habillement menée, l’intrigue très bien écrite.



Je suis ravie de retrouver l’auteur Young-Ha Kim que j’avais découvert avec L’empire des lumières. J’avais déjà passé un excellent moment et je me suis à nouveau régaler avec cette lecture. Fleur Noire est également dans ma PAL et j’ai hâte de le lire.



Enfin j’ai trouvé que la maladie du vieil homme était bien expliquée, et tout ce qui tourne autour comme la méfiance des autres, le sentiment d’avoir été cambriolé et tous ces petits exemple qui ponctue le récit. J’ai aimé aussi découvrir la Corée et son histoire qui est évoqué par petite touche avec les souvenirs de notre héros.


Lien : https://missmolko1.blogspot...
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Ma mémoire assassine

Ça pourrait être une version polar du quatuor d'Alexandrie : quatre fois la même histoire. Mais avec deux narrateurs seulement, le premier ne sachant plus laquelle de ses trois versions est la bonne.

La seule chose claire en lui, c'est son passé de tueur en série, interrompue par un accident. Maintenant, il voit Alzheimer le ravager peu à peu. Toujours sûr du passé lointain, souvent aussi de souvenirs plus récents qui se révèlent faux, il souffre de ne plus pouvoir se faire confiance.



Kim Young-Ha promène son lecteur où il veut, le tient en haleine et lui fait faire demi-tour, le perd sans lui bander les yeux, c'est d'une maîtrise magnifique, souvent d'un comique froid. Et c'est aussi le portrait poignant d'un homme malade et qui doute, d'un homme traqué qui voudrait encore tuer une dernière fois avant de sombrer dans la démence, et sauver la vie d'un être cher.



Suspense absolu, réflexions sur la vie, la poésie, la maladie et la mort, et aussi des scènes incroyables du temps de la dictature soutenue par les américains.
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Ma mémoire assassine

Alzheimer.



Ce vieil homme est inquiet. Un individu suspect rode autour de sa fille adoptive. C'est l'occasion pour notre "héros" de reprendre du service, il a de nombreux meurtres à son actif. Toutefois, on vient de lui diagnostiquer Alzheimer.



C'est un roman atypique que j'ai apprécié lire. Nous y suivons un vieil homme qui sous un aspect ordinaire s'avère être un froid tueur en série. De plus, la maladie d'Alzheimer commence à lui ronger la mémoire. Ces divers éléments rendent la lecture intéressante. Le personnage principal est le narrateur. Ses réflexions sur la vie, la poésie et la philosophie sont teintées d'humour noir.



Lorsqu'un homme suspect commence à tourner autour de sa fille, le narrateur le soupçonne de vouloir la tuer. Nous allons le suivre dans ses préparatifs pour le tuer et combattre sa maladie. C'est également l'occasion d'avoir un petit aperçu de la société sud-coréenne. J'ai également bien aimé cet aspect du roman. Ce fût l'occasion de découvrir un peu une société qui m'est inconnue.



Au final, un petit roman bien sympathique à la construction atypique.
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Ma mémoire assassine

On pourrait l'intituler journal d'un tueur en série sur le déclin. Un serial killer à la retraite décide de reprendre du service pour éliminer l'homme qui tourne autour de sa fille adoptive. Ancien vétérinaire, adepte de poésie, Kim Byeong-su a tué sans émoi,. dans sa vie des dizaines de personnes. Son seul problème est qu'on vient de lui déceler la maladie d'Alzeimer. Sa mémoire s'effrite, ses souvenirs sont troubles et faussés. Il doit faire vite pour éliminer sa dernière victime et être plus rapide que cette maudite maladie qui lui dévore les neurones, le rend prisonnier d'un monde, d'un espace temps où il ne peut vivre qu'au présent. Il écrit et enregistre ce qu'il fait et doit faire pour palier à sa mémoire défaillante.

C'est une course qui s'engage entre la maladie qui lui prend sa mémoire et lui.

Ce roman teinté d'humour noir est une réflexion sur la vie, la maladie qui diminue l'humain et fait du plus redoutable tueur, un pauvre vieillard pitoyable et sans défense.
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Ma mémoire assassine

Ce petit livre, vite lu, raconte les dernières années d’un tueur en série, tueur en série qui a appris récemment qu’il avait la maladie d’Alzheimer.

On retrouve au cours de la lecture les différentes situations dans lesquelles peuvent se retrouver les personnes atteintes de cette maladie : elles oublient certaines choses bien-sûr, mais elles peuvent également oublier comment fonctionnent les objets du quotidien comme un téléphone. Ou elles peuvent se perdre et avoir besoin qu’on les ramène chez elle, grâce à leurs papiers d’identité. Tous ces oublis génèrent de la frustration qui s’accompagne de moments d’énervement et de violence. Les tests neuropsychologiques sont particulièrement éprouvants en début de maladie pour la personne qui prend conscience de son état. Et, l’entourage ne comprend pas les changements subit par la personne malade qui peut en fonction du moment, soit avoir l’air normale, soit pose cinquante fois de suite les mêmes questions.

L’assassinat de 3 femmes dans les environs de l’endroit où habite le narrateur va l’amener à se demander si ce n’est pas lui l’auteur de ces crimes. Mais normalement, cela fait 25 ans qu’il a arrêté de tuer.

Et il ne sera plus préoccupé que par une chose : tout faire pour que sa fille, Eun-hee, ne se fasse pas assassiner…

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