On connaît plusieurs romans de
Jean Diwo dont l'intrigue se situe dans le monde des artisans du meuble du Faubourg Saint-Antoine. Cette fois, il s'agit d'une « presque » autobiographie, un peu revisitée mais sans doute proche du vécu de l'auteur. Fils d'un sculpteur sur bois, ces maîtres du ciseau et de la gouge, il raconte la vie de
Jean Benoist, de sa naissance à l'âge presque adulte.
Je retrouve avec bonheur ce quartier et ces artisans que je connais bien pour y avoir vécu dans un monde où la perfection du travail d'artisan est une quête quotidienne. En revanche, il me semble que
Jean Diwo passe un peu trop sous silence les difficultés de ces artisans, victimes de la massification de la production (merci Ikéa et consorts), des difficultés financières des clients, partant, des artisans eux-mêmes, du désintérêt pour « la belle ouvrage » au profit de réalisations fonctionnelles et peu onéreuses.
Jean vit entre des parents attentifs, bienveillants, des frères gentils et soucieux de son bien-être, une famille chaleureuse et désireuse de réussir, ce qui n'implique pas seulement une certaine ascension sociale mais aussi l'accomplissement d'une vie intéressante et utile. Ainsi, le père, dit « le chef » par les aînés, ne conçoit pas la vie sans lecture, sans musique (il ira jusqu'à acheter un violoncelle mis en scène avec support, archet et partition devant la fenêtre!). Il fait aussi donner des cours de violon à Jean, sans grand succès.
Ce qui frappe aussi, outre le clan familial, c'est la notion d'immeuble, lieu de toute une vie sociale : on se connaît, on se parle, le voisin M. Laurent guette Jean tous les soirs pour lui raconter des histoires, la gardienne sent fort et est revêche comme une vraie Pipelette mais on l'aime bien quand même. C'est tout un petit monde qui vit là. le quartier lui-même est dépeint comme une collectivité spécifique : il y a à droite ou à gauche quand on sort de l'immeuble, direction Nation ou Bastille, ce n'est pas la même chose. les boutiques insipides d'un côté, les ateliers d'artisans de l'autre.
A l'heure de l'hyper communication via les réseaux sociaux, il me semble que les relations sont bien plus frileuses entre les êtres humains. Quand on pense que les « gilets jaunes » affirment adorer trouver des contacts et de la chaleur humaine avec leurs congénères sur les ronds-points !
Nous sommes en 1920, l'Art Déco s'empare du milieu artistique, les ébénistes parviennent à suivre, les sculpteurs sur bois beaucoup moins puisque les lignes s'épurent et qu'on cherche un retour à la simplicité classique. Leleu et Ruhlmann s'imposent tandis que Riesener et Oeben, créateurs du superbe bureau de Louis XV, sont relégués au musée du Louvre.
Les Benoist vivent bien cependant : électricité dans la maison (un grand jour que celui du branchement!), résidence secondaire pour les week-end et les étés à La Varenne (aujourd'hui, banlieue peuplée de Parisiens qui font deux heures de RER chaque jour).
Dans ce milieu chaleureux, Jean réussit bien à l'école, au collège
Charles Baudelaire (que j'ai fréquenté, enfin, celui des filles, évidemment), puis au lycée Arago. Il fait des études correctes et aura sans doute une bonne situation.
Un livre qui forcément m'a touchée, mais aussi qui est intéressant par la restitution d'un monde qu'il propose, monde aujourd'hui presque disparu mais pas tout-à-fait. Il reste encore des artisans du meuble dans le faubourg, même si les ateliers se sont souvent métamorphosés en lofts pour Parisiens de fraîche date.