[Parmi les nombreux textes présentés dans ce tome de la Pléiade, je n'ai lu que
La France contre les robots]
Je découvre
Georges Bernanos avec ce texte car un ami m'a conseillé ses livres récemment. Je n'avais pas connaissance de cet essai politique riche, incisif et drôle - à l'ironie mordante ; on y découvre un auteur engagé et radical, l'histoire se mêlant ici, de manière romantique, aux idées politiques.
Bernanos est un catholique patriote exilé au Brésil durant la Seconde Guerre mondiale et il observe avec exaspération les français se soumettre à une menace qu'il estime plus dangereuse que toute autre : la société de consommation et le système technologique et industriel qui la soutient, qui privent l'homme (le français) de sa liberté et de ses droits fondamentaux en l'aliénant et en le réduisant à l'esclavage de ses propres désirs indomptés.
Il y a donc tout cet emballage patriotique, qui est à remettre dans son contexte, mais l'exposé historique de l'avènement de la société de consommation est très convaincant, d'autant que, comme je l'ai dit plus haut,
Bernanos ne manque pas d'humour et d'ironie (voir combien de fois est utilisée l'apostrophe : "Imbéciles !" pour qualifier ses compatriotes qui promeuvent et défendent
Le Progrès technique sans en comprendre les implications.)
Ci et là sont glissées des allusions aux catastrophes écologiques causées par la "Technique".
Écrit en 1944 et publié en 1946,
Bernanos propose une analyse fine de la guerre totale, de la construction des États modernes, il perçoit que les idéologies politiques du XIX-XXe siècles ne remettent au final pas en question la dépendance de l'humain à la Technique. Il récuse les accusations de "passéisme" qui sont systématiquement opposées à la techno-critique.
Il estime toutefois son essai comme étant trop tardif, relevant simplement du "bon sens" alors que s'il l'avait écrit cinquante ans plus tôt, début XXe donc, il aurait pu être qualifié de "génie protecteur de l'humanité". (p. 1046) Que penserait-il aujourd'hui, alors que le mouvement s'est accéléré et amplifié dans des proportions quasi-inimaginables ...
Un court texte qui ne peut laisser indifférent tant il est brûlant d'actualité.
(Un mot sur le titre, tout de même, qui pourrait faire sourire aujourd'hui pour le côté "kitsch/vieux mauvais film de
Science-fiction" :
Bernanos voulait à l'origine appelé son livre Hymne à la liberté, ça fait plus sérieux quand même. C'est quelqu'un d'autre qui a suggéré "
La France contre les robots" ! pp. 1727-1728)