Le livre est longtemps resté dans les en-cours....car j'ai eu du mal. Il y a de très beaux passages dans cette autobiographie (de l'enfance aux années d'étudiante) à travers les cafés... mais aussi beaucoup de longueurs. Je me suis sentie plus à l'aise dans la dernière partie, parisienne, mais il m'a fallu m'accrocher pour arriver jusque là. J'ai vu passer dans les sorties de la rentrée son nouveau livre. Il me disait bien.... mais maintenant, j'hésite...
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"Regarde me dit-il, tu crois voir des verres posés sur la table, en fait ce sont des clepsydres. Chacun a devant soi un récipient personnel qui lui montre en transparence le temps qui s'écoule, sa vie qui passe et va bientôt finir" Il y eu un silence. Elles sont dangereuses, ces soudaines montées de présence au monde. On risque de s'y blesser d'un coup de vérité, presque rien, un éclat qui vous saute aux yeux ou au coeur, et vous fait mesurer l'étendue du désastre. Et, c'est trop tard, vous êtes plongé dans l'horreur du bilan. Eric avait une telle pratique de la soûlerie continue et tant de ruses d'histrion que, normalement, il échappait au désastre moral des retombées du côté de la pure évidence. Mais ce soir là, l'image de la clepsydre l'avait abattu, sa terrible netteté. Ou bien les quelsques répliques spirituelles qu'il s'était arrachées. L'effort avait été trop violent. Ensuite, il n'avait pu rentrer en douceur dans sa confusion habituelle.
- Et toi, tu vois de belles choses dans ta tête ?
- Je ne sais pas, je n'y ai jamais consacré beaucoup de temps, je n'ai pas comme toi une existence intermittente
- Ca c'est ce que tu crois...fais un effort, dis moi...
- Il me semble que ce qui a le plus compté pour moi, c'est précisément ce qu'il est le plus difficile de se rappeler, ce qui se perd dans les brumes et s'envole, les baisers, les caresses, les paroles pour rire, le soleil de la plage, le sommeil et ses rêves, tout ce qui n'entre pas dans un currilum vitae.
Que faire ? si je restais j'aurais mon existence pourrie par la constante menace de ma propirétaire, un condensé de tous les gardiens, surveillants, censeurs qui avaient croisés mon chemin. Si je partais, je devais l'affronter, avoir une discussion. Et il était clair, d'après les quelques mots échangés à mon arrivée, que la vieille dame me dépassait de beaucoup dans l'autorité du discours et la complexité de sa syntaxe, deux traits que j'avais appris à reconnaître comme l'apanage d'une domination. Si je restais, elle m'obligerait peut-être un jour à la tuer... Si je partais... Je n'en pouvais plus d'hésiter, mon coeur battait la chamade... J'ai ramassé mon bagage et me suis enfuie.
Mais dans la continuité de ces façades closes, j'ai entrevu une ouverture lumineuse, un mince panneau de lumière : c'était un café minuscule, tout en longueur, magnifiquement éclairé d'une quantité de petites bougies blanches. Assis au fond, devant le bar, un homme jeune, élégant (mais d'une élégance qui, comme sa pâleur, avait quelque chose de désuet : il portait un pantalon noir et un gilet de soie, où brillait une montre), ses jambes étendues sur une chaise recouverte de velours violet, lisait. Il était absorbé par sa lecture.
Dans le bonheur de se trouver au Grand Café de Turin il y a, conscient ou non, le fait qu’il appartient à l’espace voûté des arcades, à leur protection…
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Ah, le plaisir d'un moment passé à la terrasse d'un café. La terrasse, ou l'arrière-salle. le café, comme refuge et comme aventure. Voici un livre réjouissant qui fait l'éloge de ce lieu unique puisqu'il est à la fois celui du partage et de la solitude.
« Café Vivre » , de Chantal Thomas, c'est aux éditions du Seuil.
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