Conversations intimes

- Monsieur Jacquard, je suis très impressionnée de vous parler, et je veux vous dire que je vous lis depuis des années ... J'ai une question simple, croyez vous en Dieu ?
- Le verbe croire ne fait pas partie du vocabulaire du scientifique. Le mathématicien ne croit pas que deux plus deux font quatre. L'astronome ne croit pas à l'attraction gravitationnelle ni à l'expansion de l'univers. Le scientifique n'est jamais en position de croire, il est en position de s'interroger sur le monde réel, de faire des expériences et de constater leurs résultats. Pour lui, il y a un en deçà qu'il connaît et un domaine dont il ne connaît rien : l'au-delà. Est-ce que, dans cet au-delà, il existe un personne qu'on appelle Dieu et qui s'intéresse à moi ? Pourquoi pas ? Je n'ai aucune raison de dire non, mais j'ai l'impression que je n'ai aucune raison de dire oui. Je reste là pour ma part avec mon point d'interrogation !

Ce qu’a fait François (d’Assise) ne serait plus possible dans le monde actuel. Il a été capable de bouleverser les foules. Aujourd’hui, il deviendrait un produit médiatique dont le message serait submergé par la cacophonie des slogans politiques et des publicités commerciales. Son Cantique des créatures serait produit par une chaîne de télévision, découpé en séquences rythmées par des pauses de pub. Pire encore, le tapage orchestré autour de lui en ferait un gourou, un patron de secte idolâtré !

- J'en fais partir, je ne dis pas que c'est beau, car on ne fait que la moitié du chemin en disant cela. Je regarde et c'est formidable, fabuleux. Mais si je m'arrête à ce constat de la beauté du monde, oui, je n'ai fait que la moitié du chemin, il me reste à revenir sur moi-même et à m'apercevoir que ce qu'il y a de plus beau, ce n'est pas l'étoile, c'est moi ! Il faut bien le dire aux enfants : toi, tu mérites d'être admiré par toi-même et par les copains, et il faut les admirer eux. Le monde est beau, d'accord, mais j'y suis, et c'est encore plus beau.

Comprendre ne peut être qu'une longue construction ; dire que l'on n'a pas compris, c'est faire preuve d'une vive intelligence. Comprendre qu'on n'a pas compris, c'est ce qu'il y a de plus difficile à admettre.

Moi je peux vous donner tout simplement la leçon que j'ai tirée des horreurs du vingtième siècle. Il me semble, c'est une façon de voir, que ces horreurs ont une racine commune : le mépris des autres.