Discours sur l'origine de l'univers/Étienne Klein
Commenter un tel discours n'est pas chose facile quand on n'est pas vraiment un spécialiste. Que ce soit dans la louange ou dans la critique, on risque d'être excessif ou insuffisant.
Ce que je peux dire, c'est j'ai eu beaucoup de plaisir et de facilité pour lire ce discours très novateur par rapport à ce que j'avais lu par ailleurs chez divers auteurs abordant ce sujet.
Ce qu'il faut noter en particulier, c'est l'ouverture d'esprit d'Étienne Klein et son absence de sectarisme. Et ses explications sont claires, sans aucune formule mathématique qui alourdissent ou compliquent le débat.
En vérité il m'a semblé qu'il savait simplifier le problème posé par l'origine de l'univers et le ramener in fine à sa juste dimension qui reste métaphysique pour ne pas dire philosophique après avoir fait le tour de la question en se servant de la physique, des mathématiques et de la cosmologie.
Car les obstacles de toutes sortes surgissent dès lors que l'on veut simplement parler de l'origine, et d'emblée des difficultés sémantiques, car le langage nous montre rapidement ses faiblesses quand il cherche à atteindre une réalité qui se disperse. On débouche très vite sur une aporie. Comme dit l'auteur avec humour, avec les mots dont on dispose comme munitions, on risque fort de manquer la cible.
Sans parler du conflit qui couve depuis des siècles entre la cosmologie scientifique et la religion pour voir « entrer en rivalité les ordres du croire et du savoir. »
Mais voilà : il faut pour avoir une idée de ce que fut le tout début de l'univers franchir le « mur de Planck » qui se dresse après que l'on a réussi à remonter jusqu'à 13,7 milliards d'années pour l'âge provisoire de l'univers, et en amont duquel les théories physiques actuelles sont impuissantes à décrire ce qui s'est passé.
Les chercheurs ne désespèrent pas de franchir ce pas grâce au grand accélérateur de particules (LHC) du CERN à la frontière suisse.
Deux grandes questions viennent automatiquement à l'esprit : Comment et pourquoi est apparu l'univers si tant est qu'il est apparu un jour= y a-t – il eu vraiment un commencement ? Quelle est sa finalité ?
Ce qui est certain, c'est que l'univers n'est pas statique : il se dilate, il se dilue, il se refroidit. L'espace s'étend emportant les galaxies qui donnent l'impression de se déplacer. Les travaux de Hubble et Einstein ont prouvé ce fait. Alors, si l'on remonte
le temps en enroulant le film en sens inverse, on doit parvenir à un univers de volume nul et de densité infinie, ce que l'on appelle la « singularité initiale ». Étrange quand même !
Autre certitude : depuis
Galilée, on considère que l'univers est constitué par une seule sorte de matière et que les lois qui la régisse sont universelles, invariables dans
le temps et l'espace et exprimée en langage mathématique.
Peut-on affirmer que le contenant de tous les objets physiques est lui-même un objet physique ? Einstein le premier dans sa théorie de la relativité générale le pense. Mais attention, si les objets contenus ont une histoire, il ne va pas de soi que le contenant en ait une similaire. « L'histoire de l'univers ne se réduit pas à celle de ses constituants. »
Malheureusement la magnifique théorie de la relativité générale d'Einstein ne va pas nous permettre de comprendre l'univers primordial, car elle ne prend pas en compte les trois forces que sont l'interaction électromagnétique de Maxwell, l'interaction nucléaire faible et l'interaction nucléaire forte, mais seulement la gravité. Seule
la physique quantique permet d'élaborer des suppositions, elle qui s'applique au monde de l'infiniment petit, celui des particules. En fait il faudrait inventer une théorie quantique de la gravitation.
E.Klein le dit : « le big bang ne correspond nullement à la création proprement dite de l'univers, mais simplement à un épisode particulier qu'il a traversé…
Le temps zéro est une construction purement théorique.
Il faudrait bien trouver quelque chose pour aller voir derrière le mur de Planck : c'est ici que la belle théorie des supercordes de Veneziano entre en jeu, qui offre des perspectives d'unification de
la physique quantique avec la relativité restreinte : en effet selon Veneziano, toute particule est une corde vibrante obéissant aux lois de la relativité restreinte et de
la physique quantique. Et l'on reparle aussi des fameux espaces ou variétés géométriques de Calabi-Yau qui conçoit un univers où le nombre de dimensions cachées est multiple. Par voie de déduction, « si la théorie des supercordes est exacte, le big bang tel que nous le concevons ordinairement n'a pas pu se produire. »
La théorie des univers miroirs va venir compléter cette vision des choses avec les branes qui va déboucher sur un « modèle d'univers ekpyrotique (Steinhardt et Turok) qui est un feu qui naît, s'embrase, s'éteint puis renaît à nouveau. »Conception défendue au V é siècle avant JC par
Héraclite !!
L'idée séduisante de
Stephen Hawking est reprise ici : l'univers est de volume fini mais n'a pas de limite, ce qui implique qu'il n'a pas eu de commencement.
Ainsi donc on découvre un univers qui n'a en aucun cas pu être créé ex nihilo. « le big bang n'est qu'une transition de phase entre deux périodes de l'univers. »
La récente théorie de la gravité quantique à boucles confirme que l'instant zéro n'a pas existé.
Plus loin E.Klein nous explique qu'en physique quantique le vide n'est pas vide ; il contient de l'énergie et des particules virtuelles en situation d'hibernation ontologique.
Le vide peut prêter de son énergie à ces particules virtuelles pour les actualiser temporairement. « le vide apparaît comme l'état de base de la matière, celui qui contient sa potentialité d'existence. …Le vide quantique contient des particules virtuelles et sous l'effet d'une expansion de l'espace extrêmement rapide (inflation), comme cela pourrait avoir été le cas dans la phase primordiale de l'univers, ces particules gagnent de l'énergie ce qui leur permet de se matérialiser, donc de devenir réelles. L'expansion de l'univers joue donc là le rôle de réservoir d'énergie interne : elle permet au vide quantique de créer de la matière qui jaillit hors de lui. L'univers apparaît dès lors comme un système très particulier : il n'a pas d'extériorité et c'est sa propre expansion qui lui apporte de l'énergie… Dans cette optique, l'histoire cosmologique devient l'aventure temporellement infinie d'un univers qui se réplique inlassablement, se renouvelle périodiquement en réémergeant de lui-même. »
Il apparaît alors que « le mariage de
la physique quantique et de la relativité générale aboutit à l'abolition de la création de l'univers. »
Pour être complet, E.Klein aborde aussi la notion de matière noire et d'énergie noire, invisible et transparente mais représentant tout de même les 9/10 de la masse de l'univers. Sans oublier le furtif boson de Higgs, particule responsable de la masse des particules ! Il aborde aussi l'idée de transcendance ou immanence des lois physiques, conception platonicienne ou formaliste pure.
Comme dit E.Klein pour conclure : « le début, une question sans fin ! »
Mais je dois dire que ce discours annonce des réponses à la question et permet d'entrevoir quelque chose derrière le mur de Planck.
A moins qu'il n'y ait rien et que ce mur ne soit qu'une vue de l'esprit.