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EAN : 9782213678863
288 pages
Fayard (05/11/2014)
3/5   2 notes
Résumé :
Récit en vers traduit du russe par Hélène Henry Composé au bagne entre 1948 et 1952 ce long poème autobiographique constitue une étape essentielle dans l'édification de l'?uvre en prose qu'entreprendra Soljénitsyne une fois libéré. À l'origine, la forme versifiée était destinée à favoriser la mémorisation : le texte sitôt composé était appris par c?ur, puis détruit. Le poème suit le « chemin » emprunté par son jeune héros : son enfance à Rostov-sur-le-Don dans une f... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Soljénitsyne est un auteur russe dont les ouvrages témoignent de manière autobiographique de la situation politique de son pays. Prix Nobel de littérature en 1970, contraint de s'exiler aux Etats Unis, il est notamment l'auteur du « Pavillon des cancéreux » dont vous avez peut-être entendu parler, ou de l' « Archipel du Goulag ».


J'a rencontré « le Chemin des forçats » par hasard, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est d'actualité ! Quand SOLJENITSYNE compose ce texte, dans les années 1950, il vient d'être transféré au bagne parce que certaines de ses correspondances, jugées dissidentes, ont été interceptées. Retenant la leçon, il formule alors cet immense poème en prose pour raconter son histoire… Ce récit est destiné à être retenu et transmis, sans comporter pour lui le risque de laisser une trace écrite compromettante.


Par son contenu autant que par sa forme, ce texte démontre donc entre autres choses les dérives d'un Etat de censure, et constitue finalement la résistance de son auteur au nom de sa liberté d'expression et de la liberté d'informer le monde de ce qui se passe sous ses yeux. Lire SOLJENITSYNE, c'est donc encore méditer sur cette liberté d'expression que nous défendons en France aujourd'hui, celle qui fonde la démocratie car elle permet non seulement d'exprimer ce que nous voulons (et ne voulons pas), mais aussi de faire ses choix en son âme et conscience en sachant ce qui se passe, et surtout en comprenant ce qui nous entoure. Rien que pour sa démarche, la forme et l'authenticité de ses propos, l'auteur mérite ainsi toute notre attention :


« Qui saura tout cela, qui pourra
Jamais l'écrire ?
Il faut l'écrire. Avec clarté, pondération, sans haine,
Maintenant ! (...)
Je le ferai en vers :
Peut-être grâce à la mesure et la musique je saurai
Sauvegarder en moi la parole apparue !
Alors libre à vous de me fouiller au corps :
Me voici, tout à vous. Pas un papier, pas une ligne !
En ce miracle de Dieu, notre mémoire indestructible,
Sera hors de portée de vos mains de bourreaux ! »


La lecture est évidemment très différente de celle d'un roman, elle demande un peu plus d'attention. Mais, en plus du symbole profond de ce texte en vers, cette gymnastique de lecture m'a attirée (j'avais déjà aimé la lecture d'un roman en sonnets intitulé « Golden Gates »). Assez vite, nous parvenons à saisir l'essence de cette vie russe pendant la seconde guerre mondiale, l'auteur remontant pour cela à son enfance. Chrétien et communiste à la fois, il nous raconte son pays par petites touches, ténues mais sans concession. Il sait, en quelques vers, quelques mots, dépeindre une ambiance, un état d'esprit, suggérer les actes qui ont été commis, nous parler des ordres et de la censure, de la méfiance et des espions, de la camaraderie et de la vie dans l'armée… Mais aussi de la vengeance envers les allemands, des actes de guerre, des actions et exactions commises volontairement ou ordonnées (vols, viols, dénonciations…), de la ligne de conduite qui peine à rester droite :


« Où êtes-vous, lumières de l'enfance pure ?
Frisson de lampe sous l'icône, argent du sapin ?...
Qui prend la plume qui ne soit
Un assassin, un violeur ?...
Tenté par le pouvoir sur la foule servile,
Ou sur le chemin des forçats,
Nulle part je n'ai vu ni malfaiteurs sinistres
Ni coeurs de cristal.
Entre les armées, les partis, les sectes
On trace la ligne du bien et du mal,
Mais c'est dans le coeur de chacun qu'elle passe
Cette ligne de partage-là.
Je viens sur la place publique
Me repentir, accepter le mépris :
Amis ! Chercher la joie ? Elle est impitoyable.
le triomphe ? Il n'existe pas sans le mal. »


Parce que les vers sont forcément plus synthétiques et sinueux que notre prose habituelle, et qu'ils ont vocation à fixer simplement certains actes et moments, il est plus facile de tout comprendre si l'on connaît au préalable l'histoire de la Russie. Mais nous sommes aidés par les notes de bas de page, et l'on peut également se laisser juste porter par le sens général de ces paroles : Un chemin se trace alors sous nos yeux, celui qu'a suivi Alexandre SOLJENISTYNE pour en arriver à ce bagne d'où il nous écrit. Il vit son arrestation comme injustifiée mais ne cesse d'aimer son pays pour autant car, comme il le rappelle, chacun a une part de responsabilité dans l'Etat qu'il habite :


« Russie ! Nous avons, pour te rendre gloire,
Des chansons tendres ou des injures.
Mais nous ? et nous ? Où sommes-nous ?
Que sommes-nous en Russie ? Des hôtes ?...
"Russie" - On a trouvé le mot ! -
Où sont-ils ceux qui vivent en Russie ?
Ces jeunes gens qui, comme moi,
L'ont entraînée sur la mauvaise pente ?
Nous balbutions des fragments de réponse -
Quoi ? Et quand ? Et où ?
Et nous cachons sous le mot "Russie",
Traîtreusement, notre insuffisance à nous.
Qu'on nous expose à la tempête,
Nous piaillons : "A qui dire ma peine..." -
Nous blâmons la mère Russie, sans rien lui apporter nous-même.
La corde qui nous ligote ne peut être éternelle, elle doit être défaite un jour -
Ah jeunes gens à la pensée conforme !
N'avons-nous pas aidé à la tresser ? »


Comme l'explique l'après-dire extraordinaire de cette publication, ce récit n'est pas parfait au vu des conditions de sa création ; Mais il est riche de son existence-même qui est un miracle, et qu'il faut apprécier à sa juste valeur :


« (....) J'ai voulu te faire embrasser tant de choses, puisant à mon bol de terre le brouet répugnant du bagne (...) - et tu n'as rien su retenir en toi (...) tu m'a épuisé bien avant la fin, j'ai maudit ton rythme lorsqu'il était mon unique rythme vital, j'avais alors cessé de te faire grandir, je me contentais de te répéter en m'aidant de ma mémoire défaillante.

Mais même ainsi je m'étonne, chanceux que tu es, que tu aies survécu, que tu existes. Dans les profondeurs d'épuisement où tu as pris racine, sous les couches de quatre décennies de Russie soviétique, d'autres semences, nombreuses, ont péri asphyxiées, pareilles à toi et meilleures que toi.

Tu aurais pu grandir dans une forêt au milieu de tes semblables.

Tu as grandi sur des tombes. »


De cette lecture il vous restera quelques images, celles d'une bobine qui se déroule, des bribes de film en noir et blanc. Quelques trous noirs aussi, et une furieuse envie de découvrir la suite de son oeuvre, le reste du message que cet auteur tient tellement à nous délivrer. C'est ce que je vais m'empresser de faire.

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Russie ! Nous avons, pour te rendre gloire,
Des chansons tendres ou des injures.
Mais nous ? et nous ? Où sommes nous ?
Que sommes-nous en Russie ? Des hôtes ?...
"Russie" - On a trouvé le mot ! -
Où sont-ils ceux qui vivent en Russie ?
Ces jeunes gens qui, comme moi,
L'ont entraînée sur la mauvaise pente ?
Nous balbutions des fragments de réponse -
Quoi ? Et quand ? Et où ?
Et nous cachons sous le mot "Russie",
Traîtreusement, notre insuffisance à nous.
Qu'on nous expose à la tempête,
Nous piaillons : "A qui dire ma peine..." -
Nous blâmons la mère Russie, sans rien lui apporter nous-même.
La corde qui nous ligote ne peut être éternelle, elle doit être défaite un jour -
Ah jeunes gens à la pensée conforme !
N'avons-nous pas aidé à la tresser ?
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Où êtes-vous, lumières de l'enfance pure ?
Frisson de lampe sous l'icône, argent du sapin ?...
Qui prend la plume qui ne soit
Un assassin, un violeur ?...
Tenté par le pouvoir sur la foule servile,
Ou sur le chemin des forçats,
Nulle part je n'ai vu ni malfaiteurs sinistres
Ni coeurs de cristal.
Entre les armées, les partis, les sectes
On trace la ligne du bien et du mal,
Mais c'est dans le coeur de chacun quelle passe
Cette ligne de partage-là.
Je viens sur la place publique
Me repentir, accepter le mépris :
Amis ! Chercher la joie ? Elle est impitoyable.
Le triomphe ? Il n'existe pas sans le mal.
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Qui saura tout cela, qui pourra
Jamais l'écrire ?
Il faut l'écrire. Avec clarté, pondération, sans haine,
Maintenant ! (...) Je le ferai en vers :
Peut-être grâce à la mesure et la musique je saurai
Sauvegarder en moi la parole apparue !
Alors libre à vous de me fouiller au corps :
Me voici, tout à vous. Pas un papier, pas une ligne !
En ce miracle de Dieu, notre mémoire indestructible,
Sera hors de portée de vos mains de bourreaux !
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Histoire de la conception, du parcours...jusqu'en France en 1968 du livre . Nombreux témoignages de personnalités en France et aussi en URSS.
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