Et voilà, j'ai enfin lu ce livre qui trainait dans ma PAL depuis une éternité. Et c'est grâce à mes amies Fifrildi, Nadou68 et Srafina que cela a pu se faire en LC. Merci à elles. Nos échanges et conversation furent nombreux, utiles et amusants 😊.
Je n'ai pas encore lu grand-chose de
Laurent Genefort. Mais ces lectures – la trilogie Spire et le recueil
Colonies – se situent toutes dans l'univers des « Portes de Vangk », ces fameuses portes des étoiles qui permettent à l'humanité d'essaimer dans la Galaxie. L'auteur offre par ce biais des possibilités infinies à son imagination, autant que
Jack Vance pour la sienne. Pourtant, de ma courte expérience, je ferais avec lui une analogie avec Haydn en musique classique : c'est agréable et parfois même vibrant, mais ça ne reste pas vraiment en tête ; ça n'imprime pas comme Beethoven ou Schubert.
Lum'en est une sorte de fix-up qui conte le court passage de l'humanité sur la planète Garance, depuis les pionniers de la colonisation au déclin en passant par la production industrielle. La difficulté essentielle à laquelle se heurte les humains est que l'écosystème de cette planète, s'il n'est pas léthal pour l'homme, ne lui permet aucune adaptation simple. Impossible de se nourrir des organismes autochtones qui sont purement incompatibles avec notre physiologie par exemple. L'homme semble donc condamné à rester en marge de l'environnement qu'il colonise.
Laurent Genefort fait dans ces nouvelles un portrait peu flatteur – c'est un euphémisme – de l'humanité. Peu flatteur mais probablement réaliste malheureusement. Comme dans Spire, il projette le capitalisme mis à l'honneur en Occident à l'échelle de la Voie Lactée. J'ai ainsi souvent eu l'impression de lire un Dallas (la série TV) cosmique. Partout la quête du profit, des richards et des laissés pour compte, des dirigeants autoritaires et des résistants sans le sou ou embrigadés dans une religion quelconque. du coup, la partie humaine de l'histoire a manqué « d'exotisme social » pour moi (un ingrédient primordial des romans de
Jack Vance, et paf !).
En revanche,
Genefort est vachement fort pour créer des décors planétaires exotiques. La planète Garance est proprement fascinante, avec ces arbres caliciers véritables écosystèmes riches en matières premières, ces vers pâles fourrageant le sous-sol et ces pilas, minuscules octopodes arboricoles et intelligents. Les nouvelles qui mettent la vie autochtone de Garance à l'honneur sont les meilleures selon moi. Celles qui s'intéressent plus à l'humanité, malheureusement majoritaires, montrent généralement une interaction violente avec cette vie locale inaccessible. A une exception près, car l'auteur imagine une certaine diversité de comportement humain dont une faible proportion essaie de « se rapprocher » de la vie de Garance via la génétique.
A ce décor de planet-opera vient se greffer un élément cosmique, une sentience transcendantale très supérieure, des êtres qui se nomment les Dépositaires et dont la nommée
Lum'en fait partie. Que fait-elle dans cette histoire ? Je n'ai pas envie de vous le dire. Mais son existence au sein de Garance sert de lien aux nouvelles et elle apporte aussi une dimension exotique très agréable. Peut-être peut-on regretter de ne pas en apprendre plus sur elle et son « espèce ». L'occasion pour
Genefort d'écrire d'autres nouvelles ou romans ?
Les premières nouvelles m'ont laissé un peu mitigé, surtout la troisième qui est assez frustrante, se concentrant sur des « artistes réactionnaires » locaux, extrapolation de nos tagueurs, très réductrice par rapport aux possibilités offertes par le décor. Mais les choses s'améliorent ensuite, dès lors que l'on donne voix à la vie locale. J'ai beaucoup aimé la fin, SPOIL :
qui réduit finalement l'épopée humaine sur Garance à un rôle de catalyseur – à son corps défendant – à l'explosion de la vie intelligente autochtone et à sa propre dissémination dans les étoiles. Cette fin réduit à néant n'importe quelle arrogance humaine qui se croirait vraiment élue.
Le fait d'avoir une bonne fin (de mon point de vue) rattrape une sauce agréable autant que frustrante. J'ai passé de bons moments et pourtant je suis un peu surpris de l'ensemble des prix qu'à gagné ce livre. J'ai pas mal d'autres romans de l'auteur à lire encore. J'espère qu'il passera à un moment de Haydn à Beethoven 😊