Dans la fascinante mais sombre construction du post-exotisme, je ne sais pas vous, mais moi je ne m'attendais pas forcément à tomber sur une série « jeunesse ». Je n'y croyais même qu'à moitié. le post-exotisme, c'est génial, mais pour ce que j'en connais, c'est terrible. Et complexe.
Et pourtant la magie post-exotique opère fort bien dans un monde certes moins dur, moins âpre, mais bien sûr en déliquescence, avec ses orages cosmiques, ses étoiles filantes qui finissent de pétiller sur le trottoir mais ne diffusent plus aucune lumière, son eau qui coule des robinets compliquée d'aiguilles croustillantes, ses pommes de douches qui crachent une bave bruyante et glacée…
Dans ce monde, la police n'existe plus, elle est partie quand on s'est rendu compte qu'on n'en avait plus besoin. Mais quand même, des fois il y a des choses bizarres, et c'est Lili Nebraska qui est chargé d'enquêter, assisté de Bobby Potemkine. Bobby n'est pas très bon en police en fait, et Lili, on peut dire qu'elle assure carrément bien, mais c'est plutôt en musique qu'elle excelle:
« Quand on est dans la musique de Lili, on oublie le froid, la peur et toutes les bizarreries inquiétantes du monde. On a des larmes qui ruissellent le long des joues et on tremble, mais, en même temps, on oublie tout ce qui autour et ailleurs peut effrayer et faire du mal. »
Remarquez, la musique, c'est plus utile qu'on ne croit dans les enquêtes sur les choses bizarres. Et de toutes façons, il faut bien que quelqu'un s'y colle. On parle d'un mystérieux retour des mammouths, et d'un gros problème à la Maison du peuple où la directrice se serait fait écraser par un des pachydermes. Mais Bobby a l'impression d'être rêvé par un autre, et de tenir dans ce rêve le rôle de quelqu'un qui ne comprend pas grand chose. C'est embêtant quand on cherche à résoudre une énigme.
« Dans cette histoire, je ne sais pas qui existe et qui n'existe pas, ai-je dit. J'ai sommeil et il n'y a qu'une personne qui compte pour moi: et cette personne, c'est toi, Lili. »
Si vous cherchez une enquête trépidante, au suspens insoutenable, pleine de rebondissements, ça ne va pas être le bon choix. Mais si vous êtes sensibles au charme de l'univers étrange, poétique, de cette « littérature de l'ailleurs qui va vers l'ailleurs », ce livre pourrait bien vous plaire.
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Rencontre animée par Pierre Benetti
Depuis plus de trente ans, Antoine Volodine et ses hétéronymes (Lutz Bassmann, Manuela Draeger ou Eli Kronauer pour ne citer qu'eux), bâtissent le “post-exotisme”, un ensemble de récits littéraires de “rêves et de prisons”, étrangers “aux traditions du monde officiel”. Cet édifice dissident comptera, comme annoncé, quarante-neuf volumes, du nombre de jours d'errance entre la mort et la réincarnation selon les bouddhistes. Vivre dans le feu est le quarante-septième opus de cette entreprise sans précédent et c'est le dernier signé par Antoine Volodine. On y suit Sam, un soldat qui va être enveloppé dans les flammes quelques fractions de seconde plus tard, quelques fractions de seconde que dure ce livre, fait de souvenirs et de rêveries. Un roman dont la beauté est forcément, nécessairement, incandescente.
À lire – Antoine Volodine, Vivre dans le feu, Seuil, 2024.
Son : Axel Bigot
Lumière : Patrick Clitus
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Claire Jarlan
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