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EAN : 9782370552211
271 pages
Le Tripode (06/02/2020)
3.41/5   16 notes
Résumé :
La Clef des ombres est considéré comme le troisième roman du Cycle. Jacques Abeille nous emmène à Journelaime, ville provinciale de l'Empire de Terrèbre, dans les pas d'un homme sans qualités : Brice est un modeste fonctionnaire, simple d'esprit et au physique ingrat, un rêveur qui mène sa vie d'archiviste avec rigueur et monotonie... Mais son existence prend une autre tournure lorsqu'il se rend compte que chaque nuit, au jardin de la sous-préfecture, tel un somnamb... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Se plonger dans la lecture d'un roman de Jacques Abeille c'est, le temps d'une parenthèse, ne plus avoir tout à fait les pieds sur terre.
Avec LA CLEF DES OMBRES, il nous emmène un peu plus loin encore dans ce monde parallèle qu'est l'Empire de Terrèbre où l'on côtoie des personnages et des aventures décalés. Ni vraiment d'aujourd'hui, ni vraiment d'hier.
Brice est archiviste à la sous-préfecture de Journelaime. Il reclasse et emballe quotidiennement de vieux documents et tente de faire de son mieux son travail de modeste fonctionnaire.
Le soir, il rentre chez lui dans un quartier excentré de la ville où il habite un petit appartement. Il a peu d'amis et on ne lui connait d'autres passions que la consultation de son encyclopédie à ses heures perdues et le dessin qu'il pratique à la mine de plomb lors de ses heures de travail à des fins d'archivage. Un matin au réveil, il s'aperçoit que ses bas de pantalons sont trempés et commence à craindre qu'il est frappé de crises de somnambulisme régulières et que sa tranquillité d'esprit risque bien d'en pâtir.
Les romans de Jacques Abeille sont chaque fois l'occasion de franchir le lourd rideau qui dissimule l'âme humaine et ses infinies circonvolutions. Ce sont aussi des recueils de poésie où les mots et les phrases s'enroulent comme une écharpe autour de votre col. Longtemps, leur fragrance ténue mais voluptueuse résiste au temps comme celle de la fleur de jasmin. Alors on pénètre doucement dans ces contrées pour marcher avec plaisir vers une étrange destination, comme on ferait une promenade dans un jardin abandonné qu'une pluie d'orage aurait rendu brillant.
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Après le très bon Les Jardins Statuaires, le Veilleur de Jour s'était révélé un peu plus… éprouvant, mais j'avais bon espoir que le Cycle des Contrées de Jacques Abeille revienne sur la bonne voie. Un format plus court, des intrigues politiques tentaculaires, une couverture complètement surréaliste, qu'est-ce qui pouvait dérailler ?
C'est donc parti pour l'histoire d'un fonctionnaire de seconde zone de l'empire Térrébrin dont on suit la routine, coincé entre un collègue macho et des provinciaux qui le voient ou bien d'un oeil ou bien mauvais, ou bien attendri par son côté simplet. La nuit, pourtant, il fait du somnambulisme, et rejoint un inconnu qui commence à lui demander de triturer les archives dont il a la garde, sans doute pour y trouver des trucs pas très reluisants. Il y a là de quoi écrire une nouvelle de très bonne qualité. Seulement, il s'agit ici de la forme longue, voire très longue comme on va le voir. Pas de nouvelle… pas de bonne nouvelle.
Le Veilleur de Jour était prodigieusement long et lent, on aurait pu espérer qu'avec un roman plus de deux fois plus court Jacques Abeille aurait gagné en concision. Sauf que c'est encore pire si c'est possible : tout le roman est découpé de façon tarabiscotée en une partie d'un seul chapitre découpé en une introduction et des sous-chapitres, en une partie avec des chapitres parfois simples, parfois avec une introduction et un sous-chapitre, et enfin une dernière partie taillée d'un seul bloc. Si vous n'avez rien compris, ce n'est pas grave : dites-vous juste que vous allez avoir des tas de bouts de texte de l'épaisseur d'une feuille d'artichaut, trop courts pour qu'il s'y passe quelque chose, mais qui parviennent pourtant à combler le vide à grands coups de phrases à rallonge. Et à la fin, il y a un boss final qui lui pour le coup est réellement interminable.
Dans l'idée, je comprends que Jacques Abeille ait voulu faire un roman contemplatif, ou rendre hommage à Proust ou au Nouveau Roman (contre lequel j'ai une dent, mais passons) ; seulement le style n'y est pas. Ou plutôt, il est noyé dans un vocabulaire ayant totalement quitté la sphère du précis pour s'enfoncer dans la préciosité : « insane » au lieu de « malsain », « céphalée » au lieu de « migraine », « homozygotes » au lieu de « vrais jumeaux », « a procréé deux filles » plutôt qu' »a eu » (ou, si on n'aime pas le verbe avoir, « a donné naissance à »)… Mais le pire, ça reste les inversions linguistiques façon « D'amour, belle marquise, mourir vos beaux yeux me font ». Tout ça fait moins penser à de la haute littérature qu'à un clip des Inconnus bien précis.
Et que dire de ce qu'on contemple, justement… Dans le Veilleur de Jour, au moins, on contemplait Terrèbre, une cité mystérieuse et décadente ; ici, on s'intéresse juste à des bouts de papier coincés entre des lattes de sommier. Les seuls os à ronger qu'on a sont un immense grenier et une série de caves à peine entraperçues. Les personnages s'appellent quasiment pareil : Brice, Braise, Bise… Il y a une scène de vaudeville autour d'un corset sur laquelle j'ai piqué du nez (soit dit en passant, comme chez Schuitten, Abeille met beaucoup de nudité dans ses oeuvres, mais quasi-exclusivement féminine, et quand ce n'est pas le cas, c'est toujours pour une scène de sexe hétéro. Quand on sait que Les chroniques scandaleuses de Terrèbre, elles, vont être totalement dédiées à l'érotisme — voire au porno — il y a du souci à se faire…). Mais le pire reste dans la dernière partie, encore une fois, où là ce sont carrément des dizaines de pages qui sont consacrées exclusivement à l'art de la drague (par des mecs), afin que M. Abeille puisse montrer qu'il est un vrai séducteur et qu'on ne la lui fait pas, à lui… et qui se terminent par du bon gros sexe brutal de la part du héros, où c'est tout juste si on prend le temps d'affirmer que la partenaire est consentante. Partenaire qui, bien sûr, deviendra désormais folle de lui…
Pour la défense du livre, signalons tout de même que l'univers commence de plus en plus à se rapprocher de celui des Cités Obscures (et on comprend enfin l'engouement de Schuitten pour ce cycle) : il s'apparente désormais au XXe siècle, la période la plus reprise par les explorations rétrofuturistes de cette série de BD, et nous y découvrons un État en voie de fascisation, rappelant en ceci le rationalisme froid d'une Urbicande ou l'expansionnisme d'une Sodrovno-Voldachie. Les deux sagas dressent ainsi un regard critique, mais subtil, de la politique de cette époque, gouvernée par des autocrates se faisant pourtant facilement déstabiliser par ce qu'ils n'avaient pas prévu (des forces surnaturelles chez Schuitten, les Barbares chez Abeille — ou, dans ce roman, le mystérieux dossier L**). Mais le traitement de ces thématiques prend au final peu de pages… D'ailleurs, 90% de la troisième partie, qui décidément n'en loupe pas une, ne servent strictement à RIEN. Vous pouvez vous arrêter à Charnières, il ne se passe quasiment plus rien de significatif ensuite, et surtout pas des explications sur les évènements passés. Que contenait le dossier L** de si crucial ? Qui était l'homme de la nuit ? D'où vient cet étrange somnambulisme ? Autant de questions qui resteront aussi obscures que les narines de Jean Lassalle.
Le cycle des Contrées est loin de manquer d'intérêt, ou même de charme : nul doute qu'il intéressera nombre d'universitaires. Mais c'est de la littérature savante, pour ne pas dire parfois nombriliste et phallocentrée (zut, moi aussi j'ai été contaminé par les mots compliqués), dont presque personne ne connaît les tenants et aboutissants : on a l'impression d'être immergé dans un musée d'arts contemporains sans en maîtriser les codes… quand on ne se rend pas compte que certains passages sont tout bonnement et simplement ou bien ratés, ou bien problématiques. Et comme si ça ne suffisait pas, même l'élégante édition du Tripode est pleine de coquilles de ponctuation. Je ne risque plus d'en lire un nouveau tome, en-dehors des quelques textes illustrés par François Shuitten ! Allez, pour ceux-là je veux bien faire un effort, après tout c'est pour ma culture…
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Brice est un fonctionnaire un peu borné, archiviste à la sous-préfecture de Journelaime, dans l'empire de Terrèbre. Engagé pour mettre de l'ordre dans des archives chaotiques, ses supérieurs et ses collègues le méprisent et son travail absurde semble si infaisable qu'il est un sujet de moquerie constante. Un matin, voyant son pantalon mouillé et se réveillant fatigué, Brice prendra conscience qu'il mène en dormant une vie parallèle, dans laquelle un mystérieux homme assis dans l'ombre d'un parc lui confie des missions qui semblent l'engager dans un vaste complot politique dont il ne maîtrise rien.

Le personnage principal de la Clef des ombres est étrangement kafkaïen : exploité par une machinerie administrative absurde, il est un homme sans personnalité ni mémoire, à la manière des héros du Procès ou du Château. Pourtant, contrairement à Joseph K. Brice ne sera pas broyé par la machine, ce qui n'est paradoxalement pas vraiment une bonne chose pour lui. A mesure qu'il s'affirmera dans la société qui l'entoure, gagnant en charisme et en assurance, Brice devra renoncer à son don de prescience et à son exploration des rêves.

Ne le cachons pas, la Clef des ombres est un roman déroutant, à part dans le cycle des contrées. Son récit est celui d'un échec paradoxal, et constitue en quelque sorte un miroir de celui du Veilleur du jour. Deux héros qui n'ont ni passé ni personnalité, dont l'un, Barthélémy, découvrira l'amour fou et acceptera la plongée dans le mystère, tandis que l'autre, Brice, pour devenir conforme à ce qu'attend la société médiocre qui l'emploie, renoncera à la part de magie qui est en lui. Il n'explorera pas les ruines millénaires cachées dans les tréfonds de la ville, il connaîtra des femmes mais ignorera l'amour.

« Il a enfin gagné le statut d'homme ordinaire auquel il n'a cessé d'aspirer de toutes ses forces. Il y est tout à fait dans cette existence du moment qu'il a appris à oublier certaines réalités dont il a eu de loin en loin la prescience. »
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La sous-préfecture de Journelaime a abrité pendant quelques mois un service secret consacré à des recherches expérimentales dans le domaine de la censure. Les travaux se sont développés selon deux axes privilégiés : l'extension de la censure et son efficacité. Sur le premier point la conclusion s'est assez vite imposée aux termes de laquelle il apparaissait ensemble plus rapide et plus économique de dresser le catalogue des livres autorisés plutôt que celui des livres interdits. En ce qui regarde le second point, les conclusions sont venues confirmer et préciser celles qu'a proposées la première branche de la recherche. Le champ traditionnel de la censure s'étend de manière privilégiée sur les domaines de la politique et de la pornographie. Mais qui se souviendra des livres pornographiques ou des pamphlets politiques ? Ces derniers sont des livres de circonstance dont les outrances se dissolvent dans le développement des faits et dont les arguments se démodent assez vite. Les premiers n'ont pas une vie moins brève. Leur production demeurant à peu près constante à travers l'histoire de l'humanité, il en résulte que les nouveaux venus, pour répéter plus commodément les mêmes intrigues à travers les variations des états de la langue, repoussent les anciens dans l'oubli. Il découle de telles circonstances qu'une censure efficace doit viser les éléments constants susceptibles d'inspirer ces productions condamnables, autrement dit les audaces de la pensée et les innovations stylistiques, ce qui a pour effet d'étendre considérablement le champ des opérations et peut-être d'englober la totalité de la littérature.

pp. 77-78
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- Au fond, le travail vous transforme.»
Brice soupire, avec sérieux.
«Au fond... Le travail fait de l'homme un travailleur, voilà ce que je dirais.
- Rien de plus ?
Je ne sais pas.»
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Alors il pense avec une sorte de répulsion presque nauséeuse que ces mots bien enchaînés, bien ajustés, il a fallu, pour qu'ils sortent de lui avec tant d'aisance, que longtemps, immémorialement, il les remâche et les rumine, les polisse et les rode dans son cœur, dans toute l'ampleur de sa poitrine où lentement ils se sont gonflés et enchâssés pour monter dans sa gorge, s'épanouir entre langue et palais jusqu'à la desceller et franchir les dents et les lèvres et résonner enfin, apocalyptiques, dans les solitudes qu'il anime seul.
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Il a enfin gagné le statut d’homme ordinaire auquel il n’a cessé d’aspirer de toutes ses forces. Il y est tout à fait dans cette existence du moment qu’il a appris à oublier certaines réalités dont il a eu de loin en loin la prescience.
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Videos de Jacques Abeille (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Abeille
Maison de la poésie (10 nov 2017) - Texte et Lecture de Jean-Philippe Domecq, extrait du Dictionnaire des mots en trop (dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, éd. Thierry Marchaisse, parution novembre 2017).
Le Dictionnaire des mots en trop :
Comment ? s?entend-on déjà reprocher, des mots en trop ? Mais les mots, on en manquerait plutôt.
Et pourtant. Ame, artiste, coach, communauté? ils sont légion ceux qui éveillent notre résistance intime à tout ce qu?ils charrient d?affects, d?idéologie, de pseudo-concepts ? notre résistance mais pas celle du voisin ! ? Quarante-quatre écrivains explorent ici les raisons pour lesquelles ils renâclent devant certains mots, et leurs réflexions critiques témoignent autant d?un état de la langue que des poétiques et des enjeux de notre temps.
Une expérience littéraire qui vient compléter, en l?inversant, celle du Dictionnaire des mots manquants.
Auteurs : Malek Abbou, Jacques Abeille, Mohamed Aïssaoui, Jacques Ancet, Marie-Louise Audiberti, Michèle Audin, Olivier Barbarant, Marcel Bénabou, Jean Blot, Jean-Claude Bologne, François Bordes, Lucile Bordes, Mathieu Brosseau, Belinda Cannone, Béatrice Commengé, Thibault Ulysse Comte, Seyhmus Dagtekin, Louis-Philippe Dalembert, Remi David, Erwan Desplanques, Jean-Philippe Domecq, Christian Doumet, Renaud Ego, Eric Faye, Caryl Férey, Michaël Ferrier, Philippe Garnier, Simonetta Greggio, Cécile Guilbert, Hubert Haddad, Isabelle Jarry, Cécile Ladjali, , Marie-Hélène Lafon, Sylvie Lainé, Frank Lanot, Fabrice Lardreau, Mathieu Larnaudie, Linda Lê, Guy le Gaufey, Jérôme Meizoz, Christine Montalbetti, Christophe Pradeau, Marlène Soreda, Abdourahman A. Waberi.
http://www.editions-marchaisse.fr/catalogue-dictionnaire-des-mots-en-trop
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