Une station balnéaire de la Côte d'Azur. Antoine, Marion, Sarah, Serge et les autres, soit vingt-deux personnages en tout, se succèdent dans une ronde narrative qui commence avec l'agression d'Antoine, jeune espoir du foot local. Il a été retrouvé presque mort devant l'hôpital, le crâne fracassé. Qui a pu faire ça ? Autour de lui, son ex-compagne, son père ou des inconnus s'interrogent. Sur cette agression, sur la tempête qui déchaine la mer, sur eux-mêmes.
Chacun des vingt-trois chapitres est consacré à l'un de ces personnages. le dernier, pour fermer la ronde, revient à Antoine. le narrateur dit "il" ou "elle", observe, raconte. Qui sont-ils ? Quel est le point de rupture qu'ils viennent d'atteindre ? Pourquoi ? L'extraordinaire force du romancier réside dans sa faculté à les faire exister, à pénétrer leurs cerveaux, leurs coeurs et nous donner à lire leurs pensées les plus intimes. Sans jamais porter de jugement. Les souffrances, les drames qu'ils ont connu, l'amour, la mort, la maladie font écho en nous. Comme souvent dans les romans d'
Olivier Adam, les héros sont des êtres à fleur de peau, égarés dans une vie qui les dépasse. Leurs rêves de gosses se sont cognés à la réalité sociale, l'argent manque et quand on en a, est-on plus heureux ? Les enfants sont le seul rempart contre le chaos, la seule innocence véritable. La vie n'est pas plus rose sous le soleil du Sud (que dans sa Bretagne d'adoption), ni les trajectoires moins torturées, moins sinueuses. le chômage, les joints, l'alcool existent. Comme dans la "vraie" vie. Certaines histoires sont plus marquantes que d'autres, comme celle d'Antoine, de Léa ou de Paul et Hélène. Mais toutes ensemble, elles forment un choeur puissant, reflet de notre pays. Parce que cette France qui se débat, qui lutte chaque jour, elle existe. Pas qu'au journal télévisé ou les lendemains d'élections. Elle se débrouille pour survivre, avec des petits boulots, des grosses difficultés et pas beaucoup d'aide providentielle. Et ça fait tellement de bien de voir qu'il y a encore quelques écrivains qui osent l'écrire !
Pourquoi tant d'éloges ? Il faut préciser que je suis une très grande fan d'
Olivier Adam. Depuis ses premiers romans, depuis que j'ai découvert son style si personnel, ses sujets récurrents. Et ce malgré la noirceur des propos et l'atmosphère souvent désespérée qui s'en dégage. Parce que son écriture vous happe, vous emmène au tréfond de l'âme humaine. Pour ma part, je trouve que
Peine Perdue est un de ses romans les plus aboutis. Alors même que certains critiquent ce format choral. le rapprochement avec l'univers du roman policier, l'enquête autour de l'agression d'Antoine, même cela est réussi. le suspense est maintenu jusqu'au bout, rien ne se devine avant la fin. C'est encore une preuve, à mes yeux, de ses immenses qualités, de sa justesse de ton, de son talent. En fait, je me rends compte qu'il représente de plus en plus tout ce qui me fait vibrer, en tant que lectrice, dans la littérature. Cette faculté offerte de lire d'autres vies que la nôtre, de ressentir toute une palette d'émotions. Cet homme sait lever des digues pour les faire ensuite voler en éclats, nous laissant, une fois le livre fermé, étourdis et éblouis à la fois.
J'ai beaucoup attendu avant de faire cette critique. Parce que mes mots sont bien faibles au regard de l'émotion qui m'a tenue en haleine durant toute ma lecture. J'avais (et j'ai encore) beaucoup de mal à écrire sur certains livres, tant ils remuent une part très personnelle. Il en est de certains livres comme de la vie : il faut la vivre, il faut les lire, vite.
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