En début d'année, j'ai inscrit mes séries en cours sur Livr'Addict qui propose un outil utile pour suivre l'avancée (ou pas) des sagas qu'on lit. Autant dire que le chiffre commençait à me faire pâlir, au point de doucement penser à ajouter un objectif à mon challenge de cette année : finir ou rattraper la sortie d'un max de série. C'est dans cet état d'esprit que je me suis emparée du dernier tome de Magic Charly. Comme d'habitude, ne lisez pas mon avis sans avoir parcouru les précédents tomes. Étant un livre jeunesse, je vais entrer dans les détails pour expliquer pourquoi on devrait le mettre entre les mains de nos ados et enfants.
Disparu de Thadam, Charly doit retrouver le chemin vers son monde. En parallèle, Sapotille, Césaria et June se préparent à combattre le Juge Dendelion qui profite des pannes de magie pour abuser de son pouvoir. Une course contre la montre commence pour sauver la magie et les magiciens.
Ce tome clôture une série jeunesse intéressante par les thématiques abordées ou incarnées par les personnages. de mon point de vue, je préfère largement le premier opus qui nous fait entrer dans ce monde à la fois merveilleux et impitoyable imaginé par
Audrey Alwett. En effet, le récit du troisième tome se déroule selon un rythme similaire au second livre : lent la majeure partie du bouquin avec une accélération du tempo vers la fin. Je n'ai pas ressenti de suspenses intense ni vécu de rebondissements incroyables. L'histoire suit son cours comme un fleuve sans trop de remous jusqu'à l'embouchure vers la mer.
Pourtant, il est primordial de glisser cette série entre les mains des jeunes en raison des sujets bienveillants, dénonciateurs et tolérants dont elle regorge. Jusqu'à présent, je n'en avais jamais lu qui intégrait autant d'aspects défendus dans notre société de façon entière. Souvent, je rencontre seulement un ou deux thèmes exploités en profondeur. Faisons-en le tour !
La Justice
Indiquée dans le titre de ce troisième tome, la Justice est questionnée sous le personnage du Juge Dendelion devenu l'Allégorie de la Justice et les actions que nos jeunes amis vont devoir poser pour sauver le monde. Je salue l'effort d'
Audrey Alwett de proposer une réponse à ce concept abstrait caractérisé par des cas particuliers. L'exercice est déjà difficile pour les adultes, alors l'expliquer aux enfants relève presque de l'exploit, d'autant plus que notre subjectivité et notre éducation entrent toujours en compte. J'ai apprécié la solution qu'elle a trouvée ainsi que son réalisme qui évite une fin à la Bisounours.
Sapotille et la métaphore du viol
Oui, vous avez bien lu. Dans Bienvenue à Saint-Fouettard, le Juge avait agressé Sapotille en arrachant les pages de son grimoire. Pour rappel, le grimoire n'est pas qu'un simple outil où s'inscrivent les connaissances dela magicien.ne, c'est une part d'iel. Y toucher, c'est pénétrer son intimité. Si le sujet avait été traité en surface dans le précédent tome, l'autrice lui rend justice ici avec la reconstruction de Sapotille. Celle-ci est déstabilisée. Elle ne sait plus ce qu'elle veut, car elle subit la pression de la société patriarcale et des idées reçues que l'acte du Juge a engendrées. J'ai ressenti un grand malaise en lisant les passages où Panus la domine et se permet de la toucher et de l'embrasser sous couvert qu'elle serait une fille facile et qu'elle ne dit pas non avec autorité, alors que son comportement indique clairement qu'elle n'est pas consentante.
Le consentement
Le paragraphe précédent est relié à celui-ci. June va aider Sapotille à dire non et à retrouver le chemin de son coeur et de sa détermination. Elles vont imprimer chez Panus le non= non. Rien absolument rien, aucun signe tacite n'existe derrière le non exprimé par une fille, même si elle le dit à voix basse. La question du consentement est également incarnée par Charly qui n'impose pas sa volonté hormonale à Sapotille. le respect relationnel entre ces deux-là devrait se retrouver dans toutes les histoires destinées aux jeunes.
La tyrannie d'un système
Dans ce tome, nous explorons l'époque du Détournement de la magie après laquelle l'Académie naquit. Dans une métaphore liée à la magie,
Audrey Alwett oppose la magie runique, codifiée par le pouvoir en place, à la magie intuitive, qui relève de la marginalité. On la vu, Charly doit cacher ses capacités pour éviter la condamnation par une société alors que ses règles font courir le peuple à sa perte. Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler, mais le dénouement relatif aux pannes de magie s'intègre parfaitement dans ce questionnement entre des lois figées dans le temps et l'évolution que toute civilisation devrait connaître.
Le poids de la masse
Nous l'avons vécu, il y a peu avec la pandémie, le peuple se révolte peu devant des restrictions de plus en plus lourdes. D'autant plus quand seule une portion de la population la subit alors que les hautes instances semblent y échapper. Les pannes de magie entraînent des prises de décision qui limitent les libertés et le pouvoir des plus pauvres.
Invisibilisation des femmes
Oui, on en parle. Avec des personnages aussi emblématiques que Sapotille, June, Dame Mélisse, Dame Carasse et le retour de Césaria ! La romancière remet en équilibre la balance qui penchait en faveur des hommes. C'est ce que j'apprécie grandement avec cette série. Elle a beau avoir pour protagoniste un adolescent, les femmes y jouent un rôle important. En fait, aucun personnage ne fait office de potiche dans la résolution de l'intrigue. Pour en revenir, à l'invisibilisation des femmes,
Audrey Alwett reprend ce que la majorité des civilisations ont fait en écrivant leur histoire : effacer celles sans qui peu ou rien ne serait arrivé tout en astiquant l'ego des mâles.
Encore bien d'autres
Je viens de faire le tour des thématiques essentielles (selon moi) de cette série riche prônant la tolérance et la construction d'une société meilleure. D'autres sujets ont également leur part du gâteau avec la tombée des préjugés vis-à-vis des Fouetteux, le poids du regard sur les personnes différentes, l'importance des liens familiaux de sang ou non, des liens amicaux, la manipulation de l'opinion par les grands de ce monde, l'importance de vivre ses émotions et la puissance des plus petits, car nous ne devons pas oublier…Pépouze ! Notre super serpillière. Oui,
Audrey Alwett a le super pouvoir de nous rendre adorable une serpillière !
En bref, Magic Charly est une série jeunesse que l'on devrait placer entre les mains de tous les enfants pour les thèmes importants qu'elle exploite en profondeur. Sa lecture permettra sans aucun doute de vivre dans un monde où la tolérance et le respect de tout.es.x seront des comportements naturels.
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