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Beau roman, profond, réfléchi, émouvant que Et la fureur ne s'est pas encore tue de l'Israélien Aharon Appelfeld (1932-2018). Cet homme a tout connu de l'Europe à feu et à sang, pogroms, ghettos, camps. Avant-guerre, guerre, après-guerre. Et la fureur ne s'est pas encore tue a été publié en 2008. Beaucoup d'éléménts biographiques évidemment, mais aussi une très belle variation sur les retours au calme, bien difficiles. D'ailleurs la fureur aujourd'hui ne s'est toujours pas tue. Bruno Brumhart, à cinquante ans, il a perdu une main lors d'un accident de petite enfance, revient sur sa vie. La paix venue, comment réintégrer le monde, mais quel monde, celui des vivants, des victimes et des bourreaux, des survivants et des âmes perdues.

Avoir connu le froid et la faim, avoir traversé des pays où l'enfer avait élu domicile, avoir perdu ses parents en un génocide insensé, ne vaccine pas contre le mal de vivre. La survie en forêt a permis à Bruno quelques rencontres qui s'avéreront riches d'amitié. Ces moments, sur le seuil très rude d'une liberté improbable, sont passionnants tant les rapports de ces quelques hommes de bonne volonté sont magnifiquement écrits, au long de courts chapitres, essentiels. L'avenir de Bruno, un mariage puis une séparation, un fils indifférent, et puis, un côté homme d'affaires quand même, mais assez philanthrope pour organiser une sorte de maison fraternelle dans un château napolitain. Y affluent beaucoup d'anciens déportés, certains loin d'être angéliques, mais la musique et la lecture des textes tient lieu de thérapie. Les nuits, cependant, resteront difficiles et hantées.

Je l'ai dit déjà, la littérature israélienne est souvent passionnante, et Appelfeld est un immense auteur, assez ignoré en France. " Parmi nous, écrivains survivants, la voix d'Aharon Appelfeld est unique, inimitable. D'une éloquence toute en retenue." C'est Primo Levi qui s'exprime ainsi. Je ne peux que souscrire. Pour moi ce livre est l'un des meilleurs sur l'après Shoah, sobre et dont les héros restent maigres. Vous me comprendrez.
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L'année 2018 en Israël aura été marquée par la mort de deux écrivains importants : en janvier Aharon Appelfeld et en décembre Amos Oz.

Le présent ouvrage, sorti en 2008, nous trace une partie de la vie de l'auteur et à travers son existence une page douloureuse de son peuple.

À la suite d'un accident la main du môme Bruno Brumhart doit être amputée et c'est donc comme manchot qu'il devra affronter son destin.

Le moignon qui lui reste jouera tout au long de son histoire un rôle déterminant, tant au niveau de ses relations avec les autres qu'au niveau de son propre développement et évolution psychologique.

Ce sera d'abord à la petite école que le gamin devra faire face aux ricanements et à l'hostilité des autres gosses. Comme défense, il entraîne corps et muscles et opte pour la solitude et le silence.
Le seul confort et encouragement que le petit Bruno reçoit sont l'amour et la compréhension d'une mère intelligente au grand coeur.

La situation pour le père et la mère Brumhart, Juifs et communistes, devient extrêmement dangereuse avec l'avènement de la peste brune dans les Carpates.
Ce sera le glissement progressif dans l'horreur : entassement dans un ghetto, arrestations arbitraires, violence gratuite et famine.

À 17 ans, Bruno est arrêté et envoyé dans un camp de travail pour y aider à construire, dans des conditions épouvantables, des fours crématoires, pendant que ses parents disparaissent dans un camp nazi d'extermination.

Je ne vais pas résumer ici le bilan que l'auteur lui-même dressera à l'approche de la cinquantaine de sa propre vie et de celle de ses compagnons d'infortune.

La grande valeur de ce roman-témoignage réside essentiellement dans les considérations philosophiques d'Aharon Appelfeld sur le malheur inhumain et incompréhensible qui a frappé son peuple et comment entreprendre le retour à une vie humaine digne après l'abîme.

Ce roman a bénéficié de l'élégante traduction de l'Hébreu en Français par Valérie Zenatti.
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Bruno Brumhart, le narrateur, a vécu une enfance heureuse auprès de parents aimants, Juifs laïques et actifs militants communistes. Bruno est manchot. Il a perdu tout petit sa main droite dans des circonstances dont il a tout oublié et que ses parents ne veulent pas lui raconter. A l'école il est moqué pour son handicap. Son seul ami est frère Peter, instructeur religieux, ami des Juifs. Bruno exerce sa force et apprend à se défendre mais il est aussi un garçon rêveur. La nuit son moignon lui parle et est pour lui un moyen de communication avec les personnes qu'il aime et dont il est séparé. Ca donne un aspect un peu fantastique ou onirique au récit. Quand la guerre éclate Bruno, adolescent, et sa mère sont enfermés au ghetto puis Bruno est envoyé dans un camp dont il s'évade lors d'une révolte des prisonniers. Avec trois autres évadés il survit alors dans la forêt jusqu'à la fin de la guerre.

Après la guerre Bruno se lance dans les affaires. Dans quel secteur ? Ca n'est pas dit clairement. Il y a plusieurs aspects qui restent un peu flous dans ce récit. Il est question de marché noir mais aussi de traque de criminels nazis et d'hébergement de réfugiés. Ses employés sont des survivants comme lui. Il s'installe dans le sud de l'Italie où il ouvre un lieu d'accueil pour rescapés de la shoah. Contrairement à ceux qui pensent que ces personnes doivent maintenant revenir à une vie normale, lui croit au contraire que pour retrouver le goût de vivre ils ont besoin d'un cadre extraordinaire. Il organise des concerts de musique classique et des lectures de la Bible. Il obtient effectivement des succès mais certains l'accusent aussi de ne penser qu'à son propre profit. La question est donc comment vivre après la shoah ? C'est celle qui se pose aussi à Bruno qui veut se montrer digne de ses parents disparus. Il est soutenu en cela par les relations qu'il a nouées avec ses camarades de déportation : "Sachez une chose, vous qui me lisez : nous sommes un seul et même groupe, nous possédons notre propre vocabulaire et nous sommes proches les uns des autres même à des milliers de kilomètres".

L'écriture d'Aharon Appelfeld est sobre et efficace (et traduite par Valérie Zenatti) avec des accents et images poétiques. Il m'a fallu un peu de temps pour entrer dedans mais ensuite c'est bien plaisant. J'ai apprécié de retrouver dans cette lecture des choses pointées dans Dans le faisceau des vivants : l'attention portée au sens et à la force des mots. Pour cela c'était bien de lire ce roman en suivant.

"Il n'est pas facile de quitter un lieu, même si l'on n'y vit que depuis quelques années. J'avais eu le temps de prendre racines, d'apprendre l'inclinaison des rayons du soleil et les teintes de la mer, j'avais trouvé les endroits d'où je pouvais capter les voix de mes amis sur le continent et au-delà des mers. J'avais construit des abris et il faudrait en construire d'autres".
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Mon 2eme Appelfeld et cette fois ci je ne suis pas emballée
Je ne suis pas rentrée dans le livre
Des similitudes dans l'histoire avec le livre lu juste avant ( des jours d'une stupéfiante clarté ) et c'est sans doute le souci
2 histoires de déportés qui retournent à la vie " normale "
Quelques passages poignants quand le narrateur se souvient de ses parents communistes , disparus dans les camps …..
Son enfance de petit manchot moqué par les autres
Mais en dehors de tout ça une histoire pénible d'un homme qui fait fortune en aidant les autres juifs à oublier l'horreur
En réalisant que malgré cette horreur vécue certains sont pourris à l'intérieur , ne valent rien , ressentent jalousie et envie
Je me suis ennuyée …...en fait


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J'ai découvert assez récemment Aharon Appelfeld, avec Histoire d'une vie, qui laisse une trace vive dans l'esprit. Il me semble qu'avec celui que je viens de refermer – Et la fureur ne s'est pas encore tue – la trace laissée est une brûlure. Pourtant ce livre est celui d'un homme qui ne se laisse pas abattre, dont l'enfance baignée par l'amour de ses parents a été un ancrage profond et salvateur contre l'adversité et le désespoir. L'auteur ne s'attarde pas non plus sur l'atrocité des camps de concentration nazis. Et malgré tout on reste le souffle coupé.
L'écriture incisive, la phrase brève, les chapitres courts permettent au lecteur de reprendre souffle. L'histoire tragique est atténuée par la vitalité, voire la virulence de Bruno Brumhart, le narrateur. L'amour qu'il porte à l'humanité et l'espoir de voir les déportés relever enfin la tête comme des « princes » ne l'empêche pas d'affronter les mêmes déportés, lorsque ceux-ci, à ses yeux, sont décidément de la « racaille. »
Aharon Appelfeld, me semble-t-il, donne une piste de compréhension de sa force d'écriture dans une interview à l'AFP : « Vous ne pouvez pas être un écrivain de la mort. L'écriture suppose que vous soyez vivant. »
En ce qui me concerne, les récits d'Appelfeld me font approcher au plus près cette réalité très simple et pourtant si difficile à concevoir : cette horreur a touché des êtres « ordinaires » qui ont vécu l'inimaginable, l'impensable, l'indicible. Ce n'étaient pas des figures mythiques, des géants ou des guerriers, mais des êtres humains qui se sont retrouvés dans l'oeil du cyclone, sans la moindre idée de ce qui leur arrivait et qui leur était réservé : l'anéantissement total, conduit par le Troisième Reich avec méthode et ténacité jusqu'à l'extrême fin, en 1945.
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C'est Valérie ZENATTI et "Dans le faisceau des vivants" qui m'a amené à Aharon Appelfeld.
Bruno à la poursuite de son histoire, à la recherche de son identité, revient à son enfance en Europe centrale, aux ballotements de l'histoire. Et puis il décide de choisir sa vie, de lui donner un but, son château symbolique pour accueillir tous les anciens déportés.
Que reste-t-il après le néant, le désastre, la disparition?
j'ai beaucoup aimé l'écriture d'Appelfeld.
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Au travers la vie de son héros :Bruno Brumhart, Aharon Appelfeld nous livre son histoire.
Nous allons suivre ce jeune garçon, entouré de parents aimants , juifs communistes se dévouant pour les pauvres,de son enfance à sa vie d'homme de 50 ans.
Amputé très jeune de la main il devra faire face à des moqueries qui lui donneront un caractère fort et courageux pour affronter la vie.Parqué avec ses parents dans un ghetto ,au début de la guerre,il est embarqué un matin,dans un camion pour être envoyé dans un camp de concentration afin de construire des baraquements et les fours crėmatoires. Sentant leur mort approcher,ils ont été témoins de trop d'horreurs ,lorsqu'ils comprennent que les fours seront utilisés pour les déportés ,Bruno et trois de ses camarades s'évadent.Jusqu'a la fin de la guerre ,ils se terrrerront dans une forêt où là ils subsisteront grâce aux mûres ,pommes de terre et pommes. de cette cohabitation et promiscuité naîtra une profonde amitié.
A la fin de la guerre ,ses trois amis retourneront "chez eux" ,lui s'enrichira en faisant du commerce,et achètera un château en Italie ,à Naples,ayant à coeur de soigner ses frères déportés, il fera de ce château un havre de paix où chacun viendra s'y ressourcer en écoutant un orchestre jouant du classique et en écoutant la lecture de la bible.En fait dans cette histoire Appelfeld aborde la question de l'après : comment reconstruire ces êtres si durement éprouvés lors de leur internement ? C'est un formidable message d'espoir et de renouveau qu'il nous livre.
Il y a beaucoup de zones d'ombre dans ce roman mais j'ai aimé l'atmosphère qui s'en dégage ,entre réalité et symbolisme ,espoir et tristesse( lorsqu'il se bat avec certains déportés qui sont devenus violents et qu'il ne peut " remettre sur la bonne voie ou que certains le traitent de voleurs par jalousie).Mais au fond de lui ,une voix l'appelle "viens en Israël",hésitant, il vendra ,à regret son château et partira rejoindre ses 3 amis de la forêt à Tel-Aviv. De courts chapitres ,un très bon style en font un beau roman ,à recommander chaleureusement .
* traduit de l'hébreu par Valérie Zenatti. ⭐⭐⭐⭐
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C'est un récit poignant sur fonds de ghettos, déportation, camps,... dans le silence, où la faim, le froid, la soif, la proximité de la mort... tenaillent ces hommes dévastés.
À peine sortis de l'enfer, s'évadent quelques survivants qui se réfugient dans la forêt. Commence l'errance en mode de survie au sein de cette forêt-refuge, parenthèse entre deux mondes, où ils construisent les bases fragiles d'une fraternité, en quête d'amitié.
Bruno, qui a subi une destinée tragique dès sa petite enfance, en manchot aguerri, va insuffler une fraternité pour braver ses propres peurs... sa mission s'entre-aider en développant tout un réseau de commerce.
Devenu riche et influant, son obsession sera de réparer ses semblables en perte d'identité, ces déportés, ses "princes" tous reconnaissables entre eux, car marqués à vie...
Il crée le Château à Naples où il accueille les déportés, convaincu que la musique les répare, qu'elle soigne ses "princes", apaise leur âme... et la sienne, face à la mer.
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Dans son écriture toujours sobre, presque "blanche" et sans passion, ce roman d'Aharon Appelfeld s'attarde moins sur les événements de la guerre que sur leurs séquelles dans la vie du héros-narrateur, dont tous les actes semblent consacrés à réparer le mal qui a été fait, ou du moins à le contenir. L'auteur explore une "branche" inexploitée de la littérature concentrationnaire, celle des récits de survivants. Déjà Lanzmann, dans un commentaire de son fameux film, racontait certains destins de rescapés absolument hors du commun (comme celui du coiffeur d'Auschwitz) : Appelfeld étudie maintenant cette matière romanesque unique, à la suite de Singer et de quelques autres.
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Né en Roumanie en 1932, déporté en 1941, Aharon Appelfeld parvint à s'évader en automne 1942 et à survivre dans la forêt, puis en travaillant pour des paysans ukrainiens. Il diffuse dans chacun de ses livres la substance de son histoire, et aussi sa conviction que la mémoire reste inscrite dans le corps. « Et la fureur ne s'est pas encore tue » est paru en 2008, et en 2009 en français.

Bruno Brumhart, à cinquante ans, revient sur son passé, son enfance auprès de ses parents juifs laïques et communistes, entièrement dévoués à l'amélioration des conditions de vie des pauvres, et à leur fils, le narrateur, qui a perdu une main dans des circonstances qui restent floues.
Cette infirmité, les quolibets des autres enfants qui le surnomment Moignonnet, puis leur violence avec la montée d'un antisémitisme de plus en plus virulent, vont lui donner une force immense. Son moignon est pour lui comme un guide secret, qui lui parle, lui indique la direction à suivre et le relie à son passé.

Déporté à dix-sept ans, il s'évade, erre dans la forêt avec trois autres déportés, et tente après la guerre de changer le monde, de redonner une voie vers leur humanité aux survivants, par les biais de la musique et la spiritualité.

Primo Levi a dit de Aharon Appelfeld : "Parmi nous les survivants, les écrivains, Aharon Appelfeld a su trouver un ton unique, irréversible fait de tendresse et de retenue."
Son écriture est simple et limpide. le roman est construit en chapitres courts, de trois ou quatre pages seulement, durée salutaire qui permet de respirer, de reprendre brièvement contact avec ce qui nous entoure avant de replonger dans le récit douloureux, magnifique et, au-delà du récit de la Shoah, porteur d'un message universel, ce retour éternel vers les empreintes de l'enfance.

« J'ai eu cinquante ans hier. Un pur miracle. Mes parents craignaient que mon existence soit brève mais j'étais déterminé à vivre, et me voici devant vous.
Mes parents sont morts jeunes. Les traits de leurs visages ont changé au fil des ans, mais la qualité de leur présence est restée la même. Leur amour pour moi n'a jamais connu de limites, en particulier après ma blessure. C'était un amour puissant, qui continue de m'envelopper. »
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