Une écriture sobre et dépouillée pour décrire une descente lente mais régulière de la destruction de soi pour des raisons économiques. le récit se déroule sous forme de journal. L'auteur ethonologue, écrivain,ancien directeur de l'EHSS il sait de quoi il parle et malgré le sous-titre "ethnofiction", ce livre est bien un roman. Progressivement, le narrateur ancien khâgneux, retraité de l'inspection des impôts, un type comme vous et moi va devoir vendre ses meubles, son appartement, abandonner son téléphone portable et vivre dans sa voiture. D'un côté, il veut se faire croire qu'il se libère mais en fait il perd, un à un, tous ses repères géographiques et sociaux. le quotidien devient une difficulté : où faire sa toilette, où trouver un peu de confort, de chaleur, de repos... tout est une lutte. Notre héros ordinaire sait écrire et décrire la perte d'estime de soi, les échanges sociaux qui se délitent, la fuite en avant, le mensonge pour masquer sa situation, le mouvement inéluctable de la chute. Un livre sans pathos et qui mérite qu'on le lise.
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Un livre utile. Aujourd'hui les loyers et le prix de l'immobilier continuent d'augmenter de façon inadmissible. de plus en plus ne peuvent avoir droit à un toit. Ce journal montre un retraité condamné à abandonner son logement, son téléphone et à s'installer dans sa voiture. Et on comprend combien est important d'être rattaché à un lieu, un quartier. Cet homme a des revenus, n'est pas un SDF mais un Sans Domicile Stable comme certaines municipalités commencent à les nommer. Nous avons toujours besoin de l'abbé Pierre, hélas !
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Le sociologue fait brillamment part d'un fait de société à travers la forme accessible de la fiction et immersive du journal. Ce récit, réaliste, est touchant sans tomber dans le pathos, l'écriture est simple, juste et très efficace.
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Sous forme d’un journal fictionnel, Marc Augé tente de pénétrer la condition d’un sans-domicile d’aujourd’hui. Sans toutefois réussir à s’abstraire complètement de sa condition d’intellectuel et de chercheur.
Lire la critique sur le site : NonFiction
La difficulté, que je pouvais pressentir, mais qui a surgi d'un coup avec une force renversante, poignante, c'est le sentiment d'une solitude absolue. J'ai beau me raisonner, me rappeler tous les propos que j'ai pu tenir aux uns ou aux autres sur le plaisir réel que j'éprouvais à me sentir seul, je dois bien me rendre à l'évidence du mouvement de panique qui m'a traversé le corps, lundi soir, quand j'ai compris que je n'avais plus de lieu auquel me raccrocher, que j'avais rompu les amarres et ne pouvais en parler à personne, que je dérivais au hasard, ballotté par des courants inconnus, entre livres d'occasion et objets perdus.
Elle m'a révélé qu'elle passait une partie de l'année en camping-car, ce qui lui permettait de se rendre aisément sur les lieux qu'elle aimait observer et représenter : les autoroutes, les parkings, les stations-service, les campings, les bords de mer, tous ces endroits où elle se sentait d'autant plus seule que les autres s'y affichaient en groupes. (p. 98)
Le côté surréaliste de la politique me devient chaque jour plus sensible depuis que je suis SDF. L'actualité nous est conté comme un feuilleton. Notre attention est mobilisée sur des questions qu'on formule à notre place comme si nous les avions posées nous-mêmes et que nous finissons par répéter comme si nous les inventions. La "cellule humanitaire" française va-t-elle quitter la Colombie ? La flamme olympique traversera-t-elle Paris sans incident ? Le contact a-t-il été pris avec les pirates de Somalie ? Elles polarisent l'attention sur certains faits tout en les réduisant aux péripéties dont ils sont l'occasion ou le prétexte.
On parle du quartier où l'on vit, mais il est lui-même divisé en petits secteurs dont le centre est en général la boulangerie. C'est à ce petit secteur-là, balisé aussi par la boucherie, l'épicier tunisien et un café-restaurant, que je m'accroche parce qu'il me confère une sorte d'identité territoriale. Deux ou trois cents mètres plus loin, je suis déjà ailleurs - autre boulanger, autre boucher, autre épicerie -, sauf dans certains commerces, comme la pharmacie, la teinturerie ou le petit supermarché, qui ont un rayon d'action un peu plus étendu.
Difficile de jouer un rôle quand il n'a plus lieu d'être, de rester à sa place quand on l'a perdue, d'exister chez les autres quand on est soi-même sans domicile fixe, sans feu ni lieu, presque sans nom. (p. 125)
2028 : on apprend qu?un homme décédé en 1978 à la suite d?un cancer vient d?être ressuscité par une équipe française qui, soutenue en secret par la présidence de la République, a pris une avance considérable dans le domaine de la cryogénisation, technique qui permet le refroidissement du cadavre jusqu?à ? 196 °C, puis sa « réanimation ».
Le héros de cette histoire, brillant universitaire né en 1940, est confronté au fait d?avoir à reprendre sa vie après une interruption d?un demi-siècle qui perturbe ou anéantit ses relations de parenté et d?amitié?
Ressuscité ! est une farce politico-scientifique, dans le style de la Sacrée semaine, qui aborde frontalement les questions de la vie, de la mort et de l?avenir de l?humanité.
Marc Augé est l?un des plus grands anthropologues français. Ancien élève de l?École normale supérieure, il a présidé l?École des hautes études en sciences sociales, où il a succédé à Fernand Braudel, Jacques le Goff et François Furet. Fondateur du Centre d?anthropologie des mondes contemporains de l?EHESS, il est l?auteur d?une quarantaine de livres qui font autorité, dont Génie du paganisme, Non-lieux ou encore Une ethnologie de soi.
Il a, plus récemment, publié La sacrée semaine qui changea la face du monde, qui a connu un grand succès.
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