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EAN : 9782253053279
749 pages
Le Livre de Poche (04/05/1990)
4.21/5   83 notes
Résumé :
Lorsque la Révolution commence, le marquis de Condorcet occupe une situation privilégiée dans la société. Mathématicien célèbre à vingt-cinq ans, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences à trente-deux ans, il est membre de l'Académie française et inspecteur des Monnaies. Ami de Voltaire et d'Alembert, il apparaît comme le dernier des encyclopédistes. Il est célèbre dans toute l'Europe des Lumières et lié aux plus brillants esprits du temps. Disciple de Turgot... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Quelle manière étincelante de raconter les péripéties de la Révolution que de retracer la vie et l'oeuvre du dernier philosophe de l'Encyclopédie, Nicolas de Condorcet (1743 – 1794) !

Et qui mieux que le couple Badinter pouvait allier les compétences d'une philosophe spécialiste de l'époque des Lumières et de la condition féminine et de son mari, l'éminent avocat devenu ministre qui obtint l'abolition de la peine de mort en France ?

J'avoue ma totale ignorance de la personnalité de Condorcet que je ne connaissais jusqu'ici qu'à travers le nom d'un lycée parisien, et la statue de bronze, érigée en 1894 quai de Conti, entre l'Institut et l'Hôtel des Monnaies.
Cependant, depuis quelques mois et en particulier grâce à la lecture des romans de Jean-Christophe Portes, j'étudie les phases de cette fin du XVIIIème siècle, qui a vu la naissance de la République dans les soubresauts de la crise économique, de la guerre et de la Terreur.

Condorcet est un enfant surdoué, orphelin de père mort quand il n'avait qu'un mois et surprotégé par sa mère, un enfant timide et doux. Pour tuteur, il aura un oncle évêque. Placé en pensionnat chez les Jésuites, il y acquiert une haine absolue et définitive de tout ce qui touche (?) au clergé et aux magistrats qu'il accuse d'opprimer des êtres sans défense. Ce garçon fragile et plein de bonté, peut toutefois se montrer, par ses écrits, d'une violence proche du sectarisme lorsqu'il s'agit de s'attaquer à l'injustice. On le surnommera plus tard « le mouton enragé ».

Très tôt, il s'illustre par sa maîtrise des mathématiques et en particulier le calcul intégral, les équations différentielles, le calcul des probabilités, les débuts de la statistique électorale. Disciple de d'Alembert, célèbre très jeune, intègre l'Académie des Sciences, puis l'Académie française. Peu doué pour l'art oratoire, il influence ses amis.

Ses combats hérissent bien des lobbys de son temps : il milite pour l'interdiction de la traite et l'égalité civique des Noirs, pour le droit de cité reconnu aux Juifs, la citoyenneté entière aux Protestants, l'abolition de la peine de mort, l'égalité des sexes et le divorce, la libre circulation des grains, l'instruction publique laïque et gratuite …

Proche de Turgot auprès duquel il a travaillé en 1774 - 1776, il ne pardonnera jamais à Necker de l'avoir fait tomber. Ce passage aux affaires lui donnera l'occasion de découvrir qu'il n'y a pas de grande politique méditée dans le bureau d'un ministre qui ne soit en butte aux passions, aux préjugés et surtout aux intérêts contraires des hommes : amère découverte de l'expérience du pouvoir, toujours aussi valable aujourd'hui.

C'est un modéré, un temps proche des Girondins dont il s'éloigne pourtant, comme De La Fayette, Mirabeau, Siéyès avec lequel il conçoit la division administrative du territoire en 1790.

Après le retour piteux de Varenne se pose la légitimité d'un roi qui s'est parjuré. Condorcet plaide pour la République alors que la majorité des membres de l'Assemblée législative penche pour une monarchie constitutionnelle. Mais la question cruciale de la guerre aux frontières divise : les uns la jugent nécessaire pour fonder définitivement la Révolution, Robespierre s'y oppose car c'est la Cour qui la souhaite puisqu'une défaite restaurerait l'Ancien Régime. Condorcet déteste la guerre mais la juge inévitable en 1791.

La vie de Condorcet est une suite de sacrifices pour le peuple : philosophe, il s'est fait politique, académicien, il s'est fait journaliste, noble, il s'est fait Jacobin mais surtout il s'est fait de Robespierre un ennemi mortel en le décrivant comme le gourou d'une secte …

Car même s'il s'est désolidarisé des Girondins dont il considère les attaques injustes et dangereuses, il sera bientôt mis hors la loi, obligé de fuir, mettant en danger mortel son épouse adorée Sophie de Grouchy et sa petite Eliza … mais je ne veux rien dévoiler de ce destin qui se lit comme un thriller politique.

A la fin d'une cavale où il trouvera refuge au 15 de la rue Servandoni, près de Saint-Sulpice, sa mort est énigmatique, et prématurée ...

En cette période d'affrontements féroces, jadis comme aujourd'hui, le réflexe politique absurde qui veut que l'on se détermine par rapport à un projet (de loi, de Constitution …) en fonction non pas de ses mérites mais selon l'affiliation politique de ses auteurs, m'est personnellement une souffrance. Condorcet nous a légué un corpus de notions républicaines sur lequel nous nous fondons aujourd'hui. Respect lui soit rendu.

Ne pas s'effrayer des 700 pages : un bon tiers est consacré à des notes qu'on n'est pas obligé de lire !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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Ce livre est très bien écrit, et donne de la révolution Française, à travers la pensée et l'action de Condorcet, un éclairage tellement nouveau que cela donne envie de (re)lire ce qui a pu se publier sur cette période ; par exemple, le fait que le retour du Roi de Varennes n'a en réalité pas entraîné immédiatement cette hostilité énorme dont nous sommes persuadé qu'elle aurait été ce qui a conduit à la chute de la monarchie, entraine à revoir les idées qu'on s'étant ancré dans l'esprit.
Condorcet est apparemment, au contraire, l'un des rares hommes publics de cette époque que cet incident ait rendu totalement républicain et hostile au maintien d'une monarchie (et non pas seulement favorable à la révolution et aux libertés qu'elle avait introduites), alors même que le ˝politiquement correct ˝ du moment, y compris ˝ à gauche ˝ (Robespierre, par ex) consistait se déclarer pour la monarchie constitutionnelle. tout cela constitue vraiment une découverte !
En fait, à lire ce livre, on se pose la question du positionnement ˝droite/gauche ˝, car Condorcet, alors qu'il n'a jamais changé d'un pouce dans ses positions, était visiblement très ˝ à gauche ˝, avant la révolution, au sens d'aujourd'hui et l'était encore au moment des états généraux, puis de la constituante, et cela n'a fait que se renforcer dans ses attitudes l'extrême gauche après la fuite du Roi. Et pourtant, il a été traité comme un homme de droite à éliminer par les démagogues qui s'appuyaient sur la violence de la foule sans culotte pour confisquer le pouvoir, voire d'extrême droite si on en croit leurs actes d'accusation. Et, s'il avait vécu pour vivre la réaction thermidorienne, il se serait probablement à nouveau retrouvé à gauche !

Donc ce livre est absolument passionnant, et fait partie des ouvrages qui, non seulement donnent un grand plaisir de lecture, mais vous apportent énormément.
Mais pourquoi, alors que l'apport de cet ouvrage se suffit très largement à lui-même, faire semblant de décrire l'importance de l'activité mathématique du marquis, si c'est pour s'en tenir à des titres à peine commentés, sans que rien ne permette en réalité de se faire une idée de ce que sont les contributions réelles de ces mémoires et livres ? On nous fait venir l'eau à la bouche, et c'est la déception totale, heureusement sur ce point là seulement.
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Cet homme voulait faire de la mathématique, contre l'avis de sa mère et le désir de son oncle évêque, et il y parviendra. Il côtoiera Voltaire, D’Alembert, sera un temps ami avec La Fayette. Il deviendra secrétaire perpétuel de l'académie des sciences. Il deviendra philosophe et sera reconnu dans toute l'Europe pour ses talents.
il sera d'abord en faveur de la monarchie constitutionnelle.
Cependant durant la révolution française il ne sera pas élu aux Etats généraux, il n'est pas bon orateur, et ses idées avant-gardistes déplaisent : il se bat pour le droit des noirs, le droit des femmes, l'abolition de la peine de mort, le refus de la guerre, il est profondément anticlérical.
Puis après la tentative et l'échec de la fuite du roi à Varennes, il deviendra un défenseur convaincu de la République, qui à ce moment précis, fait peur et inquiète.
Il votera contre la peine de mort du roi, il aurait préférer que le jugement du roi se fasse par un tribunal et non par la Convention, échec de sa proposition.
Il sera élu à la Convention et établira un projet de constitution qui sera finalement rejeté par les Montagnards. Ce sera le projet montagnard qui sera adopté.
Ce livre est intéressant pour qui veut se plonger dans la révolution française ou Condorcet a été un acteur majeur, même si il est peut citer dans les chronologies historiques de l'Epoque. Il est entré symboliquement au Panthéon en 1989 et mériterait plus de reconnaissance.
Il y a des passages forts ou l'on sent bien l'inquiétude et l'action menée par Condorcet après la fusillade du Champs de Mars, lors de la déclaration de guerre, avant, pendant et après la journée du 10 août, ce grand moment ou il a manqué son rendez-vous avec l'histoire.
J'ai particulièrement apprécié l'historique de la Convention, période de factions à l'Assemblée, de tensions internes en France et de menaces aux frontières.
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Représentant des lumières, homme actif scientifique, académicien, puis homme politique épris de justice et de liberté, il va se heurter à la fureur révolutionnaire...Visionnaire en matière de réformes et même de liberté, c'est dans la clandestinité qu'il écrit l'esquisse d'un tableau des progrès humain, son oeuvre majeure...Poursuivit persécuté, sa mort est aussi tragique que son oeuvre est reconnue comme maitresse de la pensée des lumières.
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Les auteurs se sont attachés à restituer, par ordre chronologique, tous les faits, gestes et écrits de leur héros. L'exercice, un peu lassant au début de l'ouvrage, d'un inventaire notarial, devient peu à peu d'une lecture plus plaisante. La statue du génie s'humanise et on sent que les auteurs, outre leur admiration raisonnée, ont aussi de la sympathie pour l'homme. Il avait toutes les qualités d'un grand esprit, une grande constance dans ses opinions, des qualités de coeur envers les plus faibles, le souci du bien commun mais, comme l'indique le sous-titre de l'ouvrage, c'était un intellectuel et non un homme d'action. Les auteurs nous décrivent le drame d'une vie et le drame que fut la révolution française. Ils nous incitent à réfléchir sur le rôle de l'intellectuel dans la société : un guide, inventeur, éclaireur, indispensable et sans complaisance
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
D’abord les principes : puisque l’instruction est libératrice des hommes, qu’elle soit aussi "universelle” , “ égale" et “ complète” que possible (1). Qu’elle assure à chacun non pas l’égalité naturelle, qui n’existe pas, mais l’égalité des chances d’accéder à la connaissance : "Nous n’avons pas voulu qu’un seul homme dans l’Empire pût dire désormais : la loi m’assurait une entière égalité de droits, mais on me refuse les moyens de les connaître." Qu’elle reconnaisse à tous le même droit au savoir (2). Qu’elle ouvre au citoyen, tout au long de sa vie, la possibilité d’aprendre et d’accroître ses connaissances (3). Instruction universelle pour les enfants, égale pour les femmes et les hommes, les pauvres et les riches (4), permanente pour les adultes : telle doit être l’éducation qu’une Nation libre proposera à ses citoyens.

[...]

L’instruction, à tous les niveaux, sera gratuite. La Nation ne doit pas monnayer le savoir. Les enfants pauvres pourront obtenir des bourses qui les mettront à égalité de chances avec les enfatns riches. Le dimanche, instituteurs et professeurs assureront au peuple des campagnes et des villes le complément d’éducation qui maintiendra vivante en chacun la flamme des Lumières. Condorcet entrevoit que le travail industriel, par la division et la répétition de ses tâches, risque de faire naître "une classe d’hommes incapables de s’élever au-dessus des plus frossiers intérêts". Il faut donc, par une instruction continue, offrir à ces travailleurs "une ressource contre l’éffet infaillible de leurs occupations journalières”.

[...]

L’instruction doit être l’instrument privilégié de la libération de l’esprit humain. Or le risque est toujours grand qu’elle devienne au contraire le moyen privilégié, pour un pouvoir, d’asservir la pensée. Dès lors, il ne saurait y avoir d’éducation publique que libre, protégée contre tout dogmatisme, et ouverte à la raison critique. L’Instruction publique ne sera donc asservie à aucune doctrine politique (5) : c’est le principe de neutralité de l’école. Elle ne sera assujettie à aucune autorité religieuse (6) : c’est le principe de la laïcité de l’école. Elle ne sera soumise à aucun dogme intellectuel (7) ni pédagogique : c’est le principe d’objectivité de l’école. "L’indépendance de l’instruction fait en quelque sorte partie de droits de l’espèce humaine ", écrit Condorcet qui ajoute superbement : "Puisque la vérité seule est utile, puisque toute erreur est un mal, de quel droit un pouvoir, quel qu’il fût, oserait-il déterminer où est la vérité, où se troue l’erreur?" Seul le mouvement de la raison, seule la difficile recherche de la vérité ouvrent à la pensée la voie d’avancées infinies.

[...]

"Ni la Consitution française ni même la Déclaration des Droits de l’homme ne seront présentées à aucune classe de citoyens comme des tables descendues du ciel, qu’il faut adorer et croire…Tant qu’il y aura des hommes qui n’obéiront pas à leur raison seule, qui recevront leurs opinions d’une opinion étrangère, en vain toutes les chaînes auraient été brisées, en vain ces opinions de commande seraient d’utiles vérités; le genre humain n’en resterait pas moins esclave
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Si le vote d'une Constitution est toujours un acte politique, tout projet de Constitution exprime une pensée politique, une certaine conception de l'organisation de la société et du gouvernement des hommes. le projet de Condorcet est ainsi révélateur de sa vision de la République : "J'ai toujours pensé, écrit-il, qu'une Constitution républicaine ayant l'égalité pour base était la seule qui fût conforme à la nature, à la raison et à la justice, la seule qui peut conserver la liberté des citoyens et la dignité de l'espèce humaine".
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Condorcet a quitté Suard vers les onze heures. A deux heures de l'après-midi, il entre dans une auberge, à Clamart. Là, il aurait demandé qu'on lui serve une omelette. A la question : "De combien d'œufs ?", Condorcet aurait répondu, après un temps d'hésitation : "Une douzaine."
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A qui bon donner la liberté civile ou politique à des hommes et à des femmes qui demeureraient prisonniers de l'ignorance, du fanatisme, de la superstition ? Seule l'instruction est libératrice. Mais qu'elle instruction donner à des hommes libres ?
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Se donner la mort comme un Romain, c'est, pour Condorcet, dérober à ses ennemis la satisfaction de son supplice, et mourir comme il a toujours voulu vivre, en homme maître de son destin.
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