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3,9

sur 859 notes
Mon avis sur ce livre à la fois puissant et bourré d'imperfections (stylistiques notamment, on voit qu'il a été écrit vite), est mitigé. De part en part il est éprouvant, et le monde qu'on aperçoit de sa fenêtre quand on le termine, en est teinté de gris.

Balzac y dépeint des figures humaines à la méchanceté et la veulerie paroxystiques.

Lisbeth, dite "La cousine Bette" pauvre malgré le beau mariage de sa parente devenue baronne Hulot d'Evry, fixe pour unique but de sa vie de parvenir par ses intrigues à la ruine totale de la nouvelle famille, qui pourtant l'accueille, et dont, sans scrupule, elle sait se faire aimer pour mieux la détruire. On ne peut qu'admirer le génie de la vieille fille, qui, s'il n'était pas exercé exclusivement au service du mal, aurait pu être un véritable homme d'état, politicien de grande envergure. Je ne dis pas femme d'état, tant les caractéristiques de la cousine Bette en font davantage un homme qu'une femme - physique sévère, sans charme, elle est même affligée d'une authentique laideur (ses sourcils se rejoignent) ; elle est, tout comme un homme, capable de se mêler au demi-monde et d'y tenir une place d'éminence grise sans déchoir de son statut social et éveiller la méfiance de ses proches ; Balzac suggère à plusieurs reprises le plaisir trouble qu'elle éprouve à la fréquentation des jolies femmes, dangereuses lorettes qui lui servent à remplir son dessein.

Les hommes (le baron Hulot d'Evry et le marchand Crevel) sont les esclaves absolus de leurs vices et de leurs addictions envers les petites femmes. Celles-ci n'ont d'autres possibilités d'établissement quand elles ne sont pas nées riches, que de vivre «des hommes» ou d'exercer un métier peu payé, d'apparence plus honnête, mais dans lequel elles s'useraient vite et seraient de toute façon la proie de l'omniprésente concupiscence masculine.

Car une femme seule à Paris est un gibier cerné de toutes parts dans une sorte de chasse à courre qui ne connaît ni trêve ni repos : dans cette société du 19 ème, les hommes, outre un emploi au ministère, à la chambre, à l'armée et un bon mariage, se mesurent entre eux au train sur lequel ils entretiennent une danseuse, plus richement souvent que leurs épouses ; car le mariage est lien obligatoire et sans plaisir, un fade brouet qui ne peut rivaliser avec des mets exquis et relevés. Cette course folle au paraître, contrairement aux plaisirs de la chair, ne s'épuise jamais puisqu'elle est rivée à l'amour propre, à la place dans la société et à la masculinité proprement dite.

Dès lors, les messieurs, lorsqu'ils se prennent au jeu, deviennent dépendants de leur manie et conduisent toute une famille à la ruine et au déshonneur sans s'amender jamais. Comme les toxicomanes d'aujourd'hui.

Balzac, pourtant marqué par la misogynie unanime de son siècle, a mis en évidence à quel point la société de son temps, telle qu'elle allait, lui semblait malsaine et disons le mot, marcher sur la tête. Ainsi on peut lire : « Les réflexions faites à propos de madame Marneffe (femme de la classe des prostituées aisées) s'appliquent parfaitement aux hommes à bonnes fortunes qui sont des espèces de courtisanes-hommes.»

Les hommes courant le guilledou ne sont rien d'autre pour Balzac que des prostitués-hommes puisqu'après avoir dilapidé tout leur avoir, ils sont réduits à la mendicité, aux humiliations incessantes et à la clandestinité pour fuir police et prêteurs à intérêts. Ils ont naturellement aussi sacrifié leur famille, poussant souvent à deux doigts du ruisseau femmes et filles, puisque, rappelons-le, l'épouse n'a aucune possibilité légale de mettre fin à la dilapidation de la fortune de la famille, ni même à celle de sa propre dot. Pauvres épouses, qui, si leurs père et mère n'ont pas un statut social et un entregent supérieurs à ceux du mari, n'ont plus qu'à tendre le cou pour se faire tondre, et à prier, chèvres résignés ou bêlantes sous la curée.

On retrouve dans la Cousine Bette, écrite en 1846, un Balzac toujours fidèle aux thèses qu'il a développées dans «Physiologie du mariage» quinze ans plus tôt : le mariage est un contrat inégalitaire qui réussit pourtant l'exploit de flouer les deux époux. La virginité exigée de la jeune fille au moment de ses noces est la garantie que son mari sera cocu. Quel homme, en effet, voudrait voir sa connaissance de l'autre sexe limitée à un seul exemplaire ? Peu, assurément ! Et pourquoi, sauf dans l'esprit illogique des hommes, en irait-il autrement des femmes ? Celles-ci, mariées vierges pour satisfaire des usages imbéciles et contre-nature, deviendront soit des bigotes aigries, soit des femmes adultères. Or la stabilité du foyer est entre leurs mains. Laissons donc les filles connaître l'amour et contracter des mariages d'inclination sous la surveillance bienveillante des parents. En tous cas ne les forçons jamais à contracter pucelles une union qui leur répugne.

Et Balzac reprend cette idée presque quinze ans plus tard dans la Cousine Bette à travers les propos tenus par l'actrice Josepha à la baronne Hulot « Si vous aviez eu, voyez-vous, un peu de notre chique, vous l'auriez empêché de courailler; car vous auriez été ce que nous savons être : toutes les femmes pour un homme. Le gouvernement devrait créer une école de gymnastique pour les honnêtes femmes ! Mais les gouvernements sont si bégueules !... ils sont menés par les hommes que nous menons ! Moi, je plains les peuples !…»

Une école de gymnastique, pour préparer les femmes à leur rôle d'épouse, voilà ce dont rêvait Balzac, afin que les maris trouvent en la même femme -leur épouse-, la femme honnête selon leur coeur, mais sachant mettre toute pruderie au placard à l'entrée de la chambre conjugale.
Il en va de la stabilité des alliances et de la fortune des familles.


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Un Balzac délicieusement balzacien. Il faut bien dire qu'il y a des Balzac qu'on lit avec plus ou moins de facilité ou de plaisir, parfois avec des pages plus longuettes. En ce qui concerne La cousine Bette, je l'ai avalé d'une traite. Je me suis délecté de ce drame familial tristement réaliste, des manigances, et des éclats d'amour.
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Au moins une ou deux fois par an, parfois plus souvent, je pioche dans la Comédie humaine comme dans une mine de diamants. Je pioche presque au hasard car le gisement est riche et j'en extrais toujours des pépites remarquables. J'ai en plus le loisir de choisir l'édition dans laquelle lire Balzac, je dispose de plusieurs éditions de ses oeuvres complètes, mais j'ai aussi de nombreux volumes dans des éditions diverses cartonnées ou reliées et aussi dans la collection du livre de poche. Au cours de près de 60 ans de fréquentation de cet auteur, j'ai eu l'occasion d'acquérir de nombreux volumes destinés à remplacer mes acquisitions plus anciennes, mais au final je ne me suis séparé d'aucune, ce qui me laisse aujourd'hui un choix royal lorsque je décide de me replonger dans l'univers balzacien (par exemple j'ai au-moins 5 éditions différentes du Père Goriot dont une en russe).

Pour ‘la cousine Bette', je choisis le petit volume relié de la collection France Loisirs acquise en 1986. La magie s'opère dès les premières lignes. Je reconnais immédiatement le style De Balzac avec sa manière très reconnaissable de commencer une histoire ‘Vers le milieu du mois de juillet de l'année 1838, une de ces voitures nouvellement mises en circulation sur la place de Paris et nommées des milords cheminait, rue de l'Université…'.

Ce roman de 500 pages rédigé en quelques mois au cours de l'année 1846 est le couronnement de l'oeuvre du grand romancier, l'un de ses derniers ouvrages avec le cousin Pons. Balzac engage dans ces deux livres ses dernières forces vitales [il meurt le 18 août 1850]. Il travaille dans la perspective de son mariage avec Eve Hanska, il veut montrer une fois de plus à l'amour de sa vie l'intensité de son génie et il y parvient. Ce roman est l'un des plus caractéristiques de l'oeuvre De Balzac on y retrouve la puissance de l'intrigue, la profondeur de ses analyses sur la société et la démesure des personnages muent par une ardeur qui trouve son origine soit dans la vertu soit dans le vice. Quatre personnages dominent l'histoire, tout d'abord le baron Hulot, libertin impénitent, qui va sacrifier sa fortune et sa famille pour satisfaire sa passion des jeunes femmes, à l'opposé, sa femme, Adeline Hulot est un modèle de vertu, d'esprit de sacrifice, d'amour et de tolérance elle fera tout pour récupérer son mari et lui offrir son pardon. Il y a aussi Valérie Marneffe, femme mariée qui use de son charme et manipule plusieurs amants pour leur soutirer leur fortune, elle est aidée en cela par Lisbeth Fischer [la cousine Bette] qui nourrit une jalousie démesurée envers Adeline. Ces quatre personnages et quelques autres sont animés par le souffle Promethéens de Balzac. Voici le court portrait que l'auteur fait de la cousine Bette ‘Paysanne des Vosges, dans toute l'extension du mot, maigre, brune, les cheveux d'un noir luisant, les sourcils épais et réunis par un bouquet, les bras longs et forts, les pieds épais, quelques verrues dans sa face longue et simiesque, tel est le portrait concis de cette vierge'. Page 46

Je ne résiste pas au plaisir de citer un autre portrait, celui de Madame de Saint-Estève : ‘Cette vieille sinistre offrait dans ses petits yeux clairs la cupidité sanguinaire des tigres. Son nez épaté, dont les narines agrandies en trous ovales soufflaient le feu de l'enfer, rappelait le bec des plus mauvais oiseaux de proie. le génie de l'intrigue siégeait sur son front bas et cruel. Ses longs poils de barbe poussés au hasard dans tous les Creux de son visage, annonçaient la virilité de ses projets. Quiconque eût vu cette femme, aurait pensé que tous les peintres avaient manqué la figure de Méphistophélès'. Page 442

Balzac ne manque pas de faire intervenir d'autres personnages récurrents de la comédie humaine, Bianchon, du Tillet, Nucingen, Bixiou, Lousteau, Rastignac et bien d'autres, ce qui offre à ses lecteurs le moyen de ressentir encore de façon plus tangible le réalisme et la profondeur de son roman. L'argent joue toujours un grand rôle dans les ouvrages De Balzac, de ce point de vue la cousine Bette ne fait pas exception, le montant des dépenses, des appointements, des rentes, des capitaux, des dettes et des lettres de change qui circulent entre les personnages est précisé maintes fois de manière presque obsessionnelle, jusqu'au prix du cercueil pour l'enfant de Mme Marneffe.

La richesse de l'intrigue et la force de caractère des personnages impriment à l'histoire un dynamisme, une énergie qui emporte le lecteur. C'est un roman sur l'amour, la haine et la jalousie. ‘L'amour et la haine sont des sentiments qui s'alimentent par eux-mêmes, mais des deux la haine a la vie plus longue' nous dit Balzac.

Encore une fois je me suis fait happer par le génie De Balzac.

— ‘La cousine Bette' Honoré de Balzac, éditions France Loisirs ‘La Comédie humaine', tome XV [1986], 526 pages.
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Quand la production littéraire contemporaine se révèle source de déception, ou pour le moins a fini de nous surprendre et de susciter une envie de lectures à l'infini, il est toujours bon de se retourner vers les classiques, ces grands romans du 19ème siècle qui constituent le socle indéboulonnable de notre patrimoine culturel.
Il faut toutefois changer de lunettes quand on aborde ces textes et les replacer dans leur contexte, à savoir une époque où les feuilletonistes régnaient en maîtres sur les esprits et portaient la presse au pinacle, suscitant des tirages quotidiens qui font encore pâlir d'envie les journalistes d'aujourd'hui.
C'est dire qu'il fallait offrir aux lecteurs des intrigues complexes, des retournements de situation, des personnages bien typés que l'on pouvait aimer à la folie...ou haïr ...
La cousine Bette fait incontestablement partie de cette dernière catégorie. Parente pauvre recueillie par la belle Adeline qui a épousé le Baron Hulot et donné naissance à deux beaux enfants, Bette crève littéralement de jalousie et ne rêve que de détruire cette belle famille .
Et pourtant à y regarder de plus près, on se rend compte que la situation est loin d'être idyllique ! le baron Hulot saisi par la débauche, comme on dit en ces temps là, a perdu quasiment toute sa fortune en entretenant des maîtresses plus coûteuses les unes que les autres et se livre avec le beau-père de son fils, Crevel, à une escalade pour obtenir ( et garder) les plus belles femmes de Paris.
La pauvre Adeline souffre en silence et voit sa famille se déliter sous ses yeux, alors que les dettes s'accumulent ...
La cousine Bette va précipiter la déchéance des siens en introduisant la redoutable (mais très belle) Valérie Marneffe au sein de la famille avec le but assigné de séduire les hommes et de désespérer les femmes...
On est vraiment dans le cadre historique du roman feuilleton avec ses personnages parfaitement typés, ces héroines courageuses ou perverses, ces hommes d'une faiblesse coupable qui sont prêts à tout pour obtenir la femme trophée qu'ils convoitent.
On ne s'ennuie absolument pas dans cette lecture où il se passe bien des choses même si l'enchaînement de l'intrigue est sans surprises.
Il faut aussi savoir apprécier les digressions qui parsèment le récit et donnent à voir les réflexions personnelles de l'auteur .
Dans cette Comédie Humaine qui se donnait pour but de représenter toute la société de son époque, Balzac a voulu dans le cycle des parents pauvres, insister sur la noirceur que le désir d'argent inscrit dans la chair même des personnages .Critique impitoyable de ses contemporains, il a dénoncé les excès d'une civilisation du paraitre et de l'esbrouffe qui piétine les beaux sentiments et annonce le règne de la bourgeoisie triomphante avec le culte de l'argent roi .
Bien sûr le côté caricatural de certaines situations peut faire sourire et empêcher le lecteur de s'impliquer dans cette histoire somme toute tragique, mais on ne peut quand même qu'apprécier la beauté de la langue et l'ironie amère qui mène jusqu' à la fin du récit.
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« La cousine Bette » est l'antithèse de Pons, ou lui est la gentillesse personnalisé, elle est la méchanceté dans toutes sa bassesse et sa mesquinerie. Jamais Balzac n'a brossé un portrait de femme aussi négatif. Bien que sa cousine soit malade, elle manigance pour détruire des couples et se marier, mais rien ne se passe comme elle le voudrait. Plus le temps passe et plus elle devient mauvaise. Encore un livre considéré comme un chef d'oeuvre.
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La Cousine Bette de Balzac, que j'ai lue il y a longtemps, est une oeuvre fascinante. Dans le Paris du XIXe siècle, l'histoire de la cousine Bette dévoile une vengeance implacable et les conséquences dévastatrices de la jalousie au sein de la bourgeoisie. Balzac offre une analyse subtile des passions humaines et de la corruption sociale, avec des personnages riches en complexité, notamment Bette, incarnation de la vengeance, de la méchanceté gratuite et Adeline Hulot, symbole de la fragilité face à la trahison. le réalisme De Balzac, détaillé et authentique, peint un tableau vivant de la société de l'époque. Quand on lit la Cousine Bette, l'enchaînement de l'action nous empêche de nous arrêter de lire. J'ai souvenir d'avoir lu ce livre en une journée, sans arrêt (la veille de la rentrée je dois bien l'avouer).

M'étant lancé dans la lecture de la Comédie Humaine, je finirais par relire ce livre que j'avais étudié en classe préparatoire. Je fais cette critique sur ce qui me reste de mes souvenirs. Plus pour moi que pour le lecteur il est vrai, afin que je sache une fois la relecture faite ce que j'aurais de plus à dire dans quelques mois.
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La cousine Bette est une vieille fille comme on en rencontre souvent dans les grandes familles. Pas vraiment jolie, sans fortune et vivant chichement. Beaucoup la plaignent et la regardent avec condescendance. Mais le baron Hulot d'Hervy et sa femme Adeline n'imaginent pas un instant le ressentiment et la colère que peut avoir la vieille dame envers eux, l'invitant certes chaque soir au repas (ce qui lui fait des économies) mais la considérant toujours comme la 5e roue du carrosse. Leur fille Hortense, demoiselle à marier, encore moins.

Ce roman de grande ampleur raconte la vengeance que va fomenter la cousine envers toute sa famille. À la fois la branche aristocratique des Hulot, mais aussi celle plus bourgeoise et commerçante personnifiée par Célestin Crevel, parfumeur en retraite, fortuné après avoir gravi toutes les échelles de la société. Pour cela, Bette va s'associer avec Valérie Marneffe, femme marié à un homme faible, qui va vite comprendre les avantages de la luxure face à la vertu. Celle-ci ne va pas hésiter à cumuler les amants pour s'offrir une vie nouvelle, plus opulente, tout en agissant pour la promotion de son mari fonctionnaire. Ainsi le baron, qui pourtant s'était déjà ruiné avec d'autres maîtresses, Crevel, le comte Wenceslas (mari d'Hortense et préalablement protégé de Bette) vont tous passer à la casserole et y perdre des plumes.

Car ici, Balzac, dans ce qui sera un de ses derniers grands romans, n'y va pas avec le dos de la cuillère : les hommes y sont libidineux, les femmes vertueuses et soumises ou alors luxurieuses et vénales. Quant à l'amour, il s'achète, que ce soit pour le mariage (la dot) ou pour les maîtresses. le cynisme est la règle, pas de pitié pour les braves ! La cousine multiplie les manoeuvres afin de mettre la famille à ses pieds et renverser la situation : que ce soit elle qui prenne en charge sa parentèle.

Ce roman De Balzac qui ne manque pas d'humour peut, par sa puissance critique, faire penser aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, pour la Restauration, tant le milieu décrit semble corrompu et décadent. Un livre d'une rare force avec de nombreuses scènes mémorables.
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Bette est vieille, pauvre, laide. Elle déteste sa famille heureuse et riche et jure de se venger quand sa jolie cousine lui vole l'homme qu'elle aime d'un amour platonique et sans retour. C'est l'occasion pour Balzac d' écrire une roman feuilleton génial, mordant et ironique en multipliant les scènes burlesques et outrancières et de dresser une série de portraits tous plus caricaturaux les uns que les autres. C'est drôle, méchant et incroyablement enjoué.
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Cousine, animal au sang froid !
Paris, XIXe siècle dans la famille du Baron Hulot d'Ervy l'effervescence règne il faut marier Hortense. Madame la baronne Adeline effectue des démarches, à contre coeur , auprès de Crevel, ancien commerçant fortuné. La fille de ce dernier est mariée avec Hulot fils. Les Hulot ont besoin de Crevel, car ils sont ruinés par le libertinage du Baron, qui a en commun avec Crevel les mêmes goûts pour les courtisanes, ils sont même en concurrence.
Adeline est toujours une belle femme, une fois établie elle a fait venir auprès d'elle sa cousine Lisbeth surnommée Bette. Celle-ci est une vieille fille laide qui est arrivée illettrée et qui de surcroît a refusé de se marier avec ceux qui lui ont été proposés. Elle a toujours été jalouse de sa cousine et à Paris plus encore. Tout est sujet à l'envie. Mais elle est rusée et machiavélique.
« En 1837, après vingt-sept ans de vie, à moitié payée par la famille Hulot et l'oncle Fischer, la cousine Bette résignée à ne rien être, se laissait traiter sans façon ; elle se refusait elle-même à venir aux grands dîners en préférant l'intimité qui lui permettait d'avoir sa valeur, et d'éviter des souffrances d'amour-propre. Partout, chez le général Hulot, chez Crevel, chez le jeune Hulot, chez Rivet, successeur des Pons avec qui elle s'était raccommodée et qui la fêtait, chez la baronne, elle semblait être de la maison. »
Bette est transparente pour les uns et utile pour les autres, ce qui ne fait que renforcer ce sentiment d'aigreur qui va crescendo.
Tout le livre repose sur cette comédie, sauver les apparences pour les Hulot qui sont aux abois, et la vengeance fomentée par une laissée pour compte.
Balzac a construit ce roman avec des portraits riches, d'une description méticuleuse qui met en place chacun comme sur un échiquier, avec humour aussi. C'est un suspense sur fonds social et psychologique d'une précision et d'une tension digne des meilleurs thrillers. Bette est un animal a sans froid, qui n'a pas la beauté ni la culture mais elle a pour arme son insatiable jalousie, le bon sens paysan et l'art de s'associer. En effet, la laide va s'associer à Valérie Marneffe, redoutable courtisane, jeune, jolie et sans scrupule qui va finir de ruiner Hulot et faire de Crevel également un être manipulé, lui qui se croyait manipulateur.
La scène où le baron Hulot se croit suffisamment aimé pour abandonner tout apparat qui était censé le rajeunir, pour enfin assumer son âge et son apparence est à mourir de rire, tellement Balzac y met de réalisme.
Toutes les descriptions du monde social et politique nous montrent que deux siècles plus tard peu de choses ont changé. Ce sont les mêmes ressorts qui agissent.
Et il y a l'étude de l'âme humaine, la cousine Bette réussira-t-elle ?
Le génie De Balzac éclate dans le dénouement après avoir mené cette intrigue sur un fil tendu à l'extrême.
Un classique qui se lit et se relit avec un plaisir intense. Si vous croyez en lisant les critiques en découvrir trop sur ce roman c'est ne pas compter sur le talent De Balzac qui a chaque ligne vous incite à tourner les pages de façon compulsive et vous découvrirez qu'en fait les critiques ne vous ont pas révélé l'essentiel, cette quintessence balzacienne.
©Chantal Lafon


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« La Cousine Bette » (1846) est la première partie d'un diptyque intitulé « Les Parents pauvres » inclus dans les « Scènes de la vie parisienne », troisième grand cycle de la « Comédie humaine ». La deuxième partie de ce diptyque est « le Cousin Pons » paru l'année suivante (1847).
Ce roman est un des plus longs de la « Comédie humaine » (plus de 540 pages dans l'édition Livre de poche) et sans doute un des plus noirs, un des plus sordides, un des plus déprimants, et pour les mêmes raisons (et le génie de l'auteur) un des plus aboutis et un des plus beaux.
L'histoire est celle d'une famille désintégrée par une vieille fille aigrie et animée d'un désir de vengeance, tel que Electre à côté c'est Bernadette Soubirous.
Dans la famille Hulot, je demande le père : le baron Hulot (le frère de celui des « Chouans ») est un obsédé sexuel, qui se jette sur tous les jupons qui passent (sauf la Cousine Bette, obsédé, mais pas fou). Sans scrupules, horrible avec tout son entourage, il pille les caisses de l'Etat et cause la mort de son frère le maréchal, fiancé, le malheureux, à la cousine Bette (comme quoi il y a un bon Dieu).
Dans la famille Hulot, je demande la mère : Adeline Fischer, baronne Hulot est une femme belle comme le jour et bonne comme le pain. Un peu trop bonne car elle ferme les yeux sur les infidélités de son mari, et, pire que ça, est capable de s'immoler pour sauver son mari du déshonneur (comme quoi, comme on dit, trop bon, trop confiant).
Dans la famille Hulot, je demande la fille : Hortense, sans grande personnalité. Elle est fiancée à Wenceslas Steinbock, un artiste qui dans le temps a été recueilli par la cousine Bette, et donc qui, dans l'esprit de celle-ci, lui doit tout et le reste.
Dans la famille Hulot, je demande Nicolas, mais il n'y a pas de Nicolas dans l'histoire (un moment de grâce, sans doute).
Et finalement dans la famille Hulot, je demande la cousine de la mère : Lisbeth Fischer, dite la cousine Bette, le personnage le plus déplaisant du roman, et peut-être de la Comédie humaine. Recueillie par pure bonté par Adeline, elle est jalouse de la beauté physique et morale de cette dernière. Elle se nourrit de son statut de parent pauvre pour inclure dans sa haine toute la maisonnée. Elle commence à circonvenir Valérie Marneffe, la maîtresse en titre du baron, et la pousse dans les bras de Wenceslas et d'un commerçant pas très clair nommé Crevel. Sur fond de malversations financières, les scandales publics et privés se succèdent, et la famille explose. La cousine Bette, c'est comme un Vautrin en jupons, mais Vautrin, on peut lui trouver de bons côtés, on sait que l'affection qu'il porte à Eugène (de Rastignac) ou à Lucien (de Rubempré) n'est pas totalement feinte. Bette, elle, ne connaît qu'un sentiment : la haine.
L'adaptation de référence est bien entendu celle réalisée en 1964 par Yves-André Hubert, avec Alice Sapritch dans le rôle-titre (avec Folcoche, sa meilleure prestation), entourée d'une excellente distribution : Danièle Lebrun, Jacques Castelot, Elina Labourdette, Claudine Coster… (disponible sur le site de l'Ina)


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